II. LA REDÉFINITION ET LE RECENTRAGE DES PRIORITÉS DE LA DGCCRF, AINSI QUE LA MODERNISATION DE SES MOYENS ET MÉTHODES, APPARAISSENT OPPORTUNS, MAIS DES MARGES D'AMÉLIORATION EXISTENT, EN PARTICULIER S'AGISSANT DE L'ÉQUILIBRE À TROUVER ENTRE ACCOMPAGNEMENT ET RÉPRESSION DES ENTREPRISES

Dans un contexte de réduction des effectifs et de transformation des modèles et des risques économiques, la DGCCRF s'est récemment fixé de nouvelles priorités. Un « plan stratégique 2020-2025 » a ainsi été adopté en 2019. Ce dernier vise à privilégier l'enquête sur le simple contrôle, à se concentrer sur les enjeux les plus forts et à investir les nouvelles formes de l'économie et les nouveaux risques associés, tout en modernisant ses outils et ses relations avec les consommateurs et les entreprises.

Le plan stratégique 2020-2025 de la DGCCRF

En 2019, la DGCCRF a défini quatre orientations stratégiques pour les années 2020 à 2025 au service de la protection du consommateur et de l'ordre public économique.

1. Renforcer son coeur de métier, à savoir l'enquête au service de la lutte contre les fraudes et de l'ordre public économique

La direction souhaite donner la priorité à son rôle d'enquête plutôt qu'aux contrôles standards ou routiniers. Il s'agit en particulier de mieux cibler l'activité sur les pratiques frauduleuses.

2. Se concentrer sur les enjeux les plus significatifs et investir les nouveaux modèles économiques et les risques émergents

La diffusion de nouveaux modèles économiques s'articule essentiellement aujourd'hui autour du développement des usages du numérique (commerce en ligne, plateformes proposant des services à domicile, télémédecine, influenceurs, etc .). Les nouveaux risques identifiés par la DGCCRF concernent notamment l'origine des produits, les allégations environnementales ainsi que les différents modèles de fraude liés à l'économie numérique (sites internet frauduleux, fausses annonces, etc .).

3. Rénover la relation avec les consommateurs et les entreprises

Notamment grâce au développement de nouveaux outils et applications informatiques (plateformes Signal Conso, Réponse Conso et Rappel Conso), la DGCCRF rénove sa relation avec les consommateurs et les entreprises.

4. Maximiser l'impact de ses actions grâce à des outils et une organisation rénovée

Le dernier axe de la stratégie 2020-2025 de la DGCCRF vise à moderniser et à créer de nouveaux outils et méthodes pour renforcer l'efficience des actions de la DGCCRF, qu'il s'agisse par exemple des outils mis en place à destination des agents, comme le système d'informations pour l'enquête au service des agents en mobilité (SESAM) qui doit permettre aux enquêteurs de disposer d'outils matériels et logiciels accessibles lors de leurs déplacements, que de l'impact des sanctions adoptées (nouveaux types de sanctions, pratique du « name and shame », etc .).

Source : réponses au questionnaire d'audition des rapporteurs spéciaux

Si ces priorités, qui répondent aux réalités nouvelles auxquelles fait face la DGCCRF, et la modernisation des outils et méthodes apparaissent opportunes et cohérentes (A), des marges d'amélioration existent, en particulier s'agissant de l'équilibre à trouver entre accompagnement et répression des entreprises (B).

A. LA REDÉFINITION DES PRIORITÉS DE LA DGCCRF, LA MODERNISATION DE SES OUTILS ET MOYENS D'ACTION, ET LE TRANSFERT EN COURS DE SA MISSION DE POLICE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS CONTRIBUENT À RECENTRER CELLE-CI SUR LES MISSIONS À FORT ENJEU ET À CLARIFIER SON RÔLE

La DGCCRF s'appuie sur des outils et méthodes qu'elle a rénovés. Elle voit, en outre, l'exercice de ses missions recentrées du fait de facteurs aussi bien internes à sa décision, via ses nouveaux axes stratégiques, qu'externes à elle (transfert de sa mission de police de sécurité sanitaire des aliments). Ces évolutions ne doivent en aucun cas remettre en cause ni le positionnement administratif, ni les moyens de la DGCCRF.

1. La DGCCRF, qui s'appuie sur des outils et moyens d'action modernisés, s'est fixée de nouveaux axes stratégiques qui conduisent opportunément à son recentrage sur les missions à fort enjeu, notamment en priorisant les enquêtes sur les contrôles de routine et en investissant les nouveaux modèles économiques et les risques émergents
a) La DGCCRF vise à privilégier les enquêtes sur les contrôles routiniers, quitte à réduire quelque peu la « peur du gendarme » au quotidien

Dans le cadre de son plan stratégique 2020-2025, la DGCCRF opère un recentrage de l'exercice de ses missions en privilégiant les enquêtes sur les contrôles standards ou routiniers 76 ( * ) , que la DGCCRF considère comme ayant parfois une faible valeur ajoutée et comme n'étant pas toujours bien compris des entreprises, dans un contexte où les effectifs sont par ailleurs aujourd'hui très contraints.

L'objectif recherché est de cibler efficacement les enquêtes en amont et de s'attaquer aux risques forts , en particulier les pratiques frauduleuses ou déloyales organisées, qui nuisent le plus aux consommateurs et à leur pouvoir d'achat, aux entreprises et à l'économie en général. Par la mise en oeuvre d'enquêtes complexes, la DGCCRF pourra également articuler efficacement ses missions de protection économique du consommateur et de sa sécurité et la régulation concurrentielle des marchés .

Concrètement, ce recentrage sur l'enquête dans les domaines à forts enjeux, identifiés comme prioritaires, s'opère de plusieurs manières. Tout d'abord, la programmation des enquêtes privilégie désormais les enquêtes de lutte contre les fraudes les plus graves , si besoin en réduisant le nombre total d'enquêtes.

Le programme national d'enquêtes pour 2022

Le programme national d'enquêtes pour 2022 a été élaboré autour des trois orientations stratégiques suivantes :

- protéger les consommateurs et accompagner les entreprises pour réussir la transition écologique . Les enquêtes concernées couvrent notamment la lutte contre les risques liés à l'usage des pesticides, la politique de rénovation énergétique, la loyauté des allégations environnementales ou reposant sur la thématique de l'achat responsable, les droits des consommateurs en matière d'économie circulaire ou de durabilité des produits (étiquetage énergétique, indice de réparabilité, etc .), la sécurité des équipements de nouvelles mobilités électriques (vélos, trottinettes) et les dysfonctionnements concurrentiels de marchés liés à l'environnement ;

- investiguer et réguler les pratiques des acteurs de l'économie numérique . Les enquêtes concernées touchent notamment aux relations commerciales entre les plateformes et les entreprises qui y commercialisent des biens ou services, et aux influenceurs sur les réseaux sociaux dont certaines pratiques commerciales peuvent abuser les consommateurs ;

- participer à la relance en garantissant le fonctionnement loyal de l'économie et la préservation du pouvoir d'achat . Les enquêtes concernées sont notamment relatives aux pratiques commerciales de la grande distribution et au respect des dispositions des lois EGAlim 1 et 2 77 ( * ) , aux délais de paiements interprofessionnels, à l'origine des produits alimentaires et à la véracité des labels valorisants, aux allégations concernant le « Made in France », au bio et à l'impact environnemental des produits et touchent enfin aux secteurs de l'économie les plus concernés par les fraudes et arnaques dont pâtissent souvent les personnes les plus vulnérables (offres bancaires ou de placements financiers frauduleux, monétisation de démarches administratives ou d'arnaques, comme dans le dépannage à domicile ou le démarchage dans le domaine de la formation).

Ces grandes orientations cadrent pour l'année 2022, un panel de 155 enquêtes variées portant sur tous types d'entreprises et de pratiques dans différents secteurs d'activité.

Ensuite, la DGCCRF s'est dotée en 2021 d'une cellule de renseignement anti-fraudes économiques (CRAFE) , devenue opérationnelle au 1 er janvier 2022, pour mieux détecter et investiguer les fraudes les plus complexes et les plus préjudiciables.

La cellule de renseignement anti-fraudes économiques
de la DGCCRF

La cellule de renseignement anti-fraudes économiques de la DGCCRF (CRAFE) a été mise en place à compter de janvier 2021 et est devenue opérationnelle le 1 er janvier 2022. Elle compte aujourd'hui huit agents et devrait atteindre 11 agents à la fin de l'année 2022. L'ensemble des agents qui la composent sont habilités à échanger des informations sensibles avec la communauté du renseignement. Des « correspondants CRAFE », qui ne font pas partie de la cellule, sont présents au sein des pôles C des DREETS.

Les missions de la CRAFE s'inscrivent prioritairement selon deux axes :

- le soutien opérationnel en renseignement à l'ensemble des services de la DGCCRF sur les sujets à forts enjeux et les enquêtes complexes ;

- le partage et la diffusion de renseignements au sein de la DGCCRF et avec d'autres services de l'État.

Depuis le 1 er juillet 2021, la CRAFE a traité 100 dossiers, avec une nette montée en charge depuis le 1 er janvier 2022.

La cellule reçoit, dans des proportions à peu près égales, d'une part, des informations en provenance des services d'enquête de la DGCCRF, qu'elle enrichit et rediffuse par la suite, et, d'autre part, des demandes de soutien pour des enquêtes lourdes, complexes ou sensibles. Dans ce dernier cas, elle fournit aux enquêteurs des analyses visant notamment à cartographier des liens entre protagonistes, procéder à l'étude du profil des personnes physiques et proposer de nouvelles orientations à des enquêtes en cours.

Le travail d'analyse proposé par la CRAFE permet ainsi de gagner en célérité sur les dossiers les plus denses, à approfondir des enquêtes, à crédibiliser celles-ci auprès des autres autorités administratives et des autorités judiciaires et à améliorer au niveau national les analyses de risque pour affiner la programmation des enquêtes.

Enfin, l'action de la CRAFE s'opère au sein d'une collaboration avec les différents services de renseignement et de sécurité français compétents pour lutter contre la prédation économique.

En outre, elle a renforcé les suites données aux fraudes les plus graves , en termes d'injonctions, de sanctions et de communication 78 ( * ) .

Enfin, le recentrage sur l'enquête s'accompagne d'une politique de ressources humaines consistant à recruter essentiellement des enquêteurs , traditionnellement affectés aux enquêtes plutôt qu'aux contrôles.

Le recentrage de l'exercice des missions de la DGCCRF sur l'enquête se fait néanmoins, dans le contexte d'effectifs de plus en plus contraints, nécessairement au prix d'une réduction des contrôles dits « standards » et routiniers . Une telle évolution est susceptible de réduire quelque peu la « peur du gendarme » pour les pratiques abusives du quotidien . Néanmoins, cette mission, qui ne peut en aucun cas être supprimée, est toujours mise en oeuvre. Outre le maintien de la peur du gendarme et la détection fortuite de manquements et fraudes, la capacité de procéder à des contrôles est d'ailleurs également une nécessité pour assurer le respect de réglementations économiques nouvelles ou directement liées à l'évolution du contexte économique et à la protection économique du consommateur. Le contrôle de vérification de la remise de 15 centimes par l'État sur le prix du carburant et du respect du prix bloqué des gels hydro-alcooliques pendant la crise sanitaire en sont deux exemples récents.

Les rapporteurs spéciaux considèrent que ce recentrage sur les enquêtes, en particulier à fort enjeux, est un choix opportun , qui doit s'accompagner du maintien de contrôles standards , pour entretenir une « peur du gendarme » chez les entreprises potentiellement indélicates. L'établissement d'un effectif socle dans chaque département, proposé par les rapporteurs spéciaux 79 ( * ) , permettra de contribuer à atteindre ce double objectif .

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux estiment que si le recentrage des recrutements sur les seuls personnels de catégorie A 80 ( * ) , essentiellement les inspecteurs, peut apparaître cohérent avec la priorité donnée à l'enquête plutôt qu'au contrôle, ils sont néanmoins circonspects sur l'opportunité de créer de facto une administration qui tendrait à être composée quasi-exclusivement de personnels de catégorie A. En effet, les contrôles subsisteront et il n'y a pas de raisons apparentes pour lesquelles ces missions ne pourraient plus être prises en charge par des personnels de catégorie B, compétents pour les mener et moins coûteux pour les finances publiques. Par ailleurs, la question de l'évolution de carrière des personnels de catégories C et B en poste devra être clarifiée dans ce contexte.

b) La DGCCRF adapte son action aux nouveaux modèles économiques et aux risques émergents

La DGCCRF en tant que gardienne de la protection du consommateur et de l'ordre public économique doit, pour être efficace, adapter rapidement son action d'information, de contrôle et d'enquête aux évolutions de l'économie et des modes de consommation . Dans le cadre de son plan stratégique 2020-2025 , la DGCCRF a ainsi décidé d'investir les nouveaux modèles économiques et les risques émergents.

La diffusion de nouveaux modèles économiques s'articule essentiellement aujourd'hui autour du développement des usages du numérique (commerce en ligne, plateformes proposant des services à domicile, télémédecine, influenceurs, etc .). Si ces évolutions peuvent être bénéfiques aux consommateurs et aux acteurs économiques, elles sont aussi à l'origine des pratiques abusives . En 2022, font notamment partie des priorités l'identification et la répression des pratiques abusives dans le « dropshipping » 81 ( * ) qu'elles soient déloyales, abusives, dangereuses ou illicites, et la surveillance des sites monétisant les démarches administratives. Comme les années précédentes, le contrôle de la sécurité des produits vendus en ligne via des « marketplace » et de la loyauté des relations commerciales entre les plateformes en lignes et les entreprises qui y commercialisent leurs produits, ainsi que la vérification de la loyauté des campagnes de publicité des influenceurs restent d'actualité.

La DGCCRF cherche également à identifier et maîtriser les risques émergents , le plus rapidement et efficacement possible. Ces risques peuvent être très concrets, lorsqu'un produit innovant ou nouveau met en danger la sécurité des consommateurs (récemment, des produits d'hygiène féminine, des détergents, des équipements radioélectriques, des ingrédients issus du chanvre, des dispositifs médicaux divers etc .), ou plus diffus comme s'agissant des prétentions sur l'origine des produits ou des allégations environnementales , qui font l'objet d'une attention particulière en 2022, pouvant relevant de l'éco-blanchiment (ou « greenwashing »).

c) La DGCCRF s'appuie sur une modernisation de ses outils et moyens d'action pour maximiser l'impact de ses actions

Afin de renforcer l'efficacité de son action, la DGCCRF a engagé, dans le cadre de l'une des orientations du plan stratégique 2020-2025, une modernisation de ses outils et moyens d'actions .

Tout d'abord, la DGCCRF a ainsi développé des outils numériques d'aide à l'enquête pour faciliter le travail des agents sur le terrain. L'application « SESAM » (Système d'information pour l'enquête au service des agents en mobilité), en particulier, équipe les enquêteurs de logiciels utilisables en mobilité, afin d'améliorer leurs conditions de travail, et adaptés à leurs contrôles ou enquêtes, permettant ainsi de renforcer l'efficacité des missions. De même, les outils d'intelligence artificielle mis en place visent à améliorer l'exploitation des données disponibles par les agents.

Ensuite, la DGCCRF s'appuie sur de nouveaux moyens juridiques et de communication pour affiner les modalités et l'impact de ses sanctions .

La DGCCRF met par exemple en application les nouvelles modalités de sanction prévues par la loi DADDUE du 3 décembre 2020 82 ( * ) pour lutter contre les contenus illicites en ligne. Par exemple, à l'issue d'une injonction de mise en conformité, la DGGCRF peut désormais ordonner l'affichage sur le site concerné d'un message d'avertissement des consommateurs, ou, pour les infractions les plus graves, son déréférencement ou le blocage de son nom de domaine. Ainsi, en 2021, sur décision de la DGCCRF, le site « wish.com » et son application ont été retirés des moteurs de recherches et des magasins d'application , à la suite d'une enquête pour tromperie sur les caractéristiques essentielles des produits distribués 83 ( * ) , ce qui constitue une première en Europe. La DGCCRF met également en oeuvre une politique de « name and shame » 84 ( * ) pour maximiser la publicité donnée à certaines sanctions et donc leur effet dissuasif et préventif.

Enfin, les outils mis en place dans le cadre de la relation avec les consommateurs et les entreprises , présentés infra , à savoir « Rappel Conso » pour les rappels de produits, « Réponse Conso » pour l'accueil à distance des consommateurs et « Signal Conso » pour le signalement par les consommateurs de fraudes ou manquements d'entreprises à ces mêmes entreprises et à l'administration, participent pleinement à l'amélioration de l'efficacité de l'action de la DGCCRF.

2. Le transfert récemment acté de la mission de police de sécurité sanitaire des aliments vers le ministère de l'agriculture doit être transformé en opportunité, mais ne doit remettre en cause ni le positionnement administratif et les moyens de la DGCCRF ni les missions du Service commun des laboratoires (SCL)

Si le transfert récemment acté de la mission de police de sécurité sanitaire des aliments de la DGCCRF vers la direction générale de l'alimentation (DGAL), rattachée au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, a surpris et déplu à de nombreux agents de la DGCCRF, il doit être transformé en opportunité pour favoriser le recentrage des missions de cette dernière. Néanmoins, cette évolution ne doit remettre en cause ni le positionnement administratif et les moyens de la DGCCRF ni les missions du Service commun des laboratoires (SCL).

a) Le transfert de la mission de police de sécurité sanitaire des aliments vers le ministère de l'agriculture constitue une mesure de simplification, qui doit être mise à profit par la DGCCRF
(1) Le contrôle de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires fait aujourd'hui l'objet d'un partage de compétences particulièrement complexe entre administrations, en particulier entre la DGCCRF et la DGAL

La qualité et la sécurité des denrées alimentaires fait l'objet d'une réglementation issue essentiellement de textes européens, complétés par des dispositions nationales. Chaque pays de l'Union européenne est ainsi responsable de l'organisation de ses missions et du contrôle des règles sur l'ensemble de la chaîne de production et de distribution alimentaire, « de la fourche à la fourchette » , qu'il s'agisse des aliments destinés à l'Homme ou aux animaux ou des animaux vivants et des végétaux au stade de la production primaire. La réglementation a deux volets principaux : d'une part, la sécurité sanitaire des aliments, des animaux et des végétaux ; d'autre part, la qualité des produits et la loyauté des transactions .

En France, dix services sont responsables de l'application de cette réglementation portant sur la qualité et la sécurité des denrées alimentaires : la direction générale de l'alimentation (DGAL) au ministère chargé de l'agriculture, la DGCCRF et la DGDDI au ministère chargé de l'économie, le service de santé des armées (SSA) au ministère des armées, la direction générale de la santé (DGS) au ministère chargé de la santé, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), auxquels s'ajoutent la direction de la qualité et du contrôle officiel de l'interprofession des semences et plants (SEMAE), FranceAgriMer, le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) 85 ( * ) .

Dans ce paysage institutionnel nourri, la DGCCRF dispose, d'une part, de ses compétences habituelles en matière de qualité des produits et de la loyauté de l'information fournie (notamment via l'étiquetage), et ce pour l'ensemble des produits alimentaires. En lien avec d'autres administrations, en particulier la DGAL, la DGCCRF dispose , d'autre part, de compétences dans le domaine de la sécurité sanitaire , à savoir 86 ( * ) :

- en lien avec la DGAL, la DGS et le SSA, la sécurité sanitaire des denrées alimentaires à destination de l'Homme, après leur commercialisation, y compris par le biais du secteur de la restauration ;

- en lien avec la DGAL, la sécurité sanitaire de l'alimentation animale ;

- le contrôle de la dissémination dans l'environnement d'organismes génétiquement modifiés destinés à la production de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux pour le contrôle des semences de production européenne ou nationale ;

- en lien avec l'Anses et la DGAL, le contrôle de fabrication et la commercialisation des produits phytopharmaceutiques ;

- le contrôle de l'ensemble des produits sous signe de qualité et d'origine européens (Agriculture biologique, AOP, IGP, STG) après leur commercialisation ;

- en lien avec la DGAL et la DGDDI, certains contrôles à l'importation en matière alimentaire.

(2) Face à cette complexité, le transfert récemment acté des compétences de sécurité sanitaire des aliments de la DGCCRF vers la DGAL apparaît opportun sur le principe, sous plusieurs réserves

Comme le soulignait un rapport inter-inspections de 2020 87 ( * ) , la répartition des compétences en matière de sécurité sanitaire des denrées alimentaires, en particulier celles de la DGCCRF d'un côté et de la DGAL de l'autre, est très imbriquée et complexe. Elle est susceptible de générer des risques de défauts de contrôles et de compliquer la gestion des alertes, alors que la coordination entre les deux administrations est insuffisante. Le rapport proposait trois scénarii de réformes, dont l'un consistait à transférer les missions et les effectifs compétents en matière de sécurité sanitaire alimentaire de la DGCCRF vers la DGAL.

Dans le contexte des scandales sanitaires concernant les groupes Nestlé (pizzas surgelées Fraîch'Up de la marque Buitoni suspectées d'être contaminées par la bactérie E. coli dans une usine située à Caudry) et Ferrero (chocolats de la marque Kinder suspectés d'être contaminés par des bactéries Salmonella dans une usine belge), qui ne constituent pas l'objet du présent rapport, la réunion interministérielle du vendredi 6 mai 2022, dont les rapporteurs spéciaux se sont procurés le compte-rendu , a décidé du transfert, dès 2023 88 ( * ) , des compétences du ministère de l'économie en matière de sécurité sanitaire des aliments (DGCCRF) vers le ministère de l'agriculture (DGAL) .

La DGCCRF conserve en revanche ses compétences traditionnelles en matière de loyauté des produits alimentaires et de lutte contre les fraudes.

Le décret n° 2022-826 du 1 er juin 2022 puis le décret n° 2022-1016 du 20 juillet 2022 relatifs aux attributions du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sont ensuite venus confirmer ce transfert en précisant, en leur article 1 er , que ledit ministre est compétent pour « la concurrence, la consommation et la répression des fraudes, sous réserve des compétences du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en matière de direction des contrôles de sécurité alimentaire ». Le décret n° 2022-840 du 1 er juin 2022 relatif aux attributions du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire prévoit quant à lui qu' « en lien avec le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre de la santé et de la prévention, [le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire] prépare et met en oeuvre la politique du Gouvernement en matière d'alimentation. À ce titre, il est chargé de la sécurité sanitaire des aliments et dirige la police unique chargée des contrôles de sécurité alimentaire. »

Les rapporteurs spéciaux considèrent que cette réforme, qui apporte de la simplification dans le domaine stratégique de la sécurité sanitaire, est opportune. Ils soulignent néanmoins que ses modalités doivent être consciencieusement déterminées et mises en oeuvre , à rebours d'ailleurs de l'empressement qui a présidé à son annonce en mai 2022, quelques jours avant la nomination d'un nouveau Gouvernement. Les rapporteurs spéciaux identifient en particulier les points d'attention suivants :

- déterminer avec précision le champ exact des compétences de la DGCCRF transférées vers la DGAL ;

- la volonté annoncée dans le compte-rendu susmentionné de la réunion interministérielle du 6 mai 2022 de renforcer les contrôles en matière de sécurité sanitaire doit effectivement et rapidement s'accompagner d'une hausse des effectifs de la DGAL, annoncée à 150 ETP, dont 60 en provenance de la DGCCRF et 90 nouvellement créés ;

- la rapidité de la mise en oeuvre de la réforme ne devra pas se faire au détriment, même temporairement, du nombre ou de l'effectivité des contrôles sur le terrain. Les rapporteurs spéciaux considèrent, au regard des informations recueillies lors des auditions, que l'aboutissement du transfert des compétences ne pourra vraisemblablement pas intervenir dès le 1 er janvier 2023 comme cela est aujourd'hui prévu, en raison du temps nécessaire notamment au transfert et au recrutement des agents, selon le cas, à leur formation aux nouvelles missions et à la mise en place des conditions d'accès aux systèmes d'information ;

- concrètement, il faudra instaurer, afin d'assurer l'efficacité des contrôles et enquêtes, un partage efficace des informations et développer une bonne coordination des contrôles à venir sur les produits alimentaires , lesquels seront en effet menés au titre de la loyauté ou de la fraude par la DGCCRF et au titre de la sécurité sanitaire par la DGAL ;

- la pertinence de la délégation des contrôles de sécurité sanitaire à des prestataires externes, annoncée dans ledit compte-rendu, devra être examinée extrêmement attentivement et, s'il est décidé d'y recourir, dans des modalités garantissant l'effectivité et l'efficacité des contrôles tant d'un point de vue de leur coût budgétaire que, surtout et avant tout, de niveau de garantie de la sécurité sanitaire des aliments.

b) Le transfert de compétences peut constituer une opportunité de recentrage pour la DGCCRF mais ne doit pas se transformer un prélude à son affaiblissement progressif

S'agissant de la DGCCRF, les rapporteurs spéciaux considèrent que ce transfert, qui a été mal vécu par les syndicats et les agents, peut constituer une opportunité pour cette administration . En effet, cette réforme recentre la compétence de la DGCCRF, s'agissant des produits alimentaires, sur ses missions classiques de contrôle de la loyauté des produits et des transactions et de lutte contre les fraudes, alors qu'à l'inverse le contrôle de l'hygiène alimentaire ne peut pas être considéré comme faisant naturellement partie de ses compétences. En ce sens, elle participe à clarifier le positionnement des missions de la DGCCRF .

En outre, elle libère du temps à la part des personnels qui s'occupaient de la police sanitaire des aliments et qui ne sont pas transférés à la DGAL 89 ( * ) , permettant à la DGCCRF de les affecter à ses autres missions ; dans cette mesure, cette réforme pourrait participer à réduire la tension sur les effectifs au profit de l'ensemble du territoire.

En revanche, le transfert des compétences de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires ne doit en aucun cas conduire à disperser progressivement les compétences de la DGCCRF vers d'autres administrations, ou à réduire ses moyens humains et matériels . Les éléments recueillis par les rapporteurs spéciaux au cours des auditions et des déplacements ne laissent heureusement pas présager une telle évolution.

La réforme ne doit pas non plus conduire à obscurcir le rattachement hiérarchique de la DGCCRF au ministère de l'économie , sous le prétexte de la nécessité de mieux faire coopérer les administrations, objectif par ailleurs partagé par les rapporteurs spéciaux. De ce point de vue, ces derniers s'interrogent sur le sens concret des décrets d'attribution pris sous le Gouvernement récemment nommé. En effet, si ces décrets prévoient que c'est le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui « a autorité » sur la DGCCRF, ils énoncent également que d'autres ministres peuvent s'appuyer sur elle, parmi lesquels le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui en « dispose » « pour l'exercice de ses attributions dans le domaine de la police unique chargée des contrôles de sécurité alimentaire » 90 ( * ) , le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires qui en « dispose » également, sans que les limites de cette disposition ne soient d'ailleurs fixées dans le décret en question 91 ( * ) , et le ministre de la transition énergétique, qui « peut y faire appel » 92 ( * ) . Si les rapporteurs spéciaux ne connaissent pas les motivations de ce changement pour la DGCCRF, traditionnellement rattachée exclusivement à Bercy, ils tiennent à souligner la nécessité de répartir clairement les missions des directions générales, sans créer un système de type « usine à gaz ».

La DGCCRF doit rester une administration soumise à une autorité clairement définie, celle du ministre de l'économie, pour mettre en oeuvre efficacement, sur l'ensemble du territoire, ses missions essentielles de protection du consommateur, de lutte contre la fraude et de garantie du respect du droit de la concurrence.

c) Le transfert de la mission de police de sécurité sanitaire des aliments à la DGAL ne doit pas fragiliser le service commun des laboratoires

Le service commun des laboratoires

Le service commun des laboratoires (SCL) est un service à compétence nationale rattaché à la DGCCRF et à la DGDDI .

Créé le 1 er janvier 2007, il résulte de la fusion des réseaux de laboratoires ces deux administrations. Il comprend une unité de direction parisienne et 11 laboratoires implantés à Pointe-à-Pitre, Saint-Denis-de-la-Réunion, Marseille, Bordeaux, Montpellier, Rennes, Lille, Strasbourg, Lyon, Paris et Le Havre.

Le SCL assure trois missions principales : l'analyse des produits , l'appui scientifique et technique aux enquêtes , et les études et la recherche appliquée . La DGGCRF et la DGDDI peuvent saisir le SCL dans le cadre de leurs compétences, tandis que les laboratoires peuvent également répondre aux demandes de prestations émanant d'autres administrations, beaucoup moins nombreuses.

Le SCL reçoit environ 60 000 échantillons par an et procède à 200 000 analyses annuellement 93 ( * ) . Il est composé de 378 scientifiques et personnels techniques en 2021, principalement spécialisés en physique, chimie et biologie. Ses domaines d'activité, très variés , sont le reflet de ceux de la DGCCRF et de la DGDDI : contaminants chimiques, résidus de pesticides, sécurité sanitaire des aliments, produits alimentaires, substances illicites, bijoux, produits pétroliers, classement tarifaire et régime économique, vins et alcools, textiles, drogues, etc .

Les auditions et déplacements organisés par les rapporteurs spéciaux, notamment au laboratoire de Montpellier, ont été l'occasion de constater non seulement la très grande qualité des équipes qui y travaillent mais surtout l'importance stratégique du SCL dans le fonctionnement de la DGCCRF. Les analyses et expertises du SCL, fiables et pouvant être au besoin très rapides, jouent en particulier un rôle central dans le bon déroulé des enquêtes. Elles sont également une garantie d'indépendance des contrôles. À titre d'exemple, lors de l'alerte sanitaire européenne de très grande ampleur sur le sésame en 2020 94 ( * ) , alors que recensement des laboratoires français et européens a montré un déficit dans la capacité à rechercher cette molécule, le SCL a su, grâce à son expérience sur des dosages de molécules similaires, définir une méthode analytique en moins d'un mois.

Alors qu'une restructuration du réseau est envisagée, notamment dans le cadre d'un audit du SCL mené par le Conseil général de l'économie depuis 2021 95 ( * ) , les rapporteurs spéciaux, sans se positionner sur la nécessité ou non de recourir à une plus grande spécialisation des établissements, considèrent que les moyens humains et matériels et le niveau d'activité -garant de la qualité des analyses produites - du SCL ne doivent pas être réduits.

Dans cette optique, le transfert de la compétence en matière de sécurité sanitaire des aliments de la DGCCRF vers la DGAL ne doit pas conduire à ne plus mobiliser le SCL dans ce domaine. Or, de manière générale, il est annoncé un probable recours accru, en matière de sécurité sanitaire des aliments, à des délégations des contrôles 96 ( * ) - et donc vraisemblablement des analyses - à des prestataires externes. En outre, les éléments recueillis par les rapporteurs spéciaux indiquent que l'activité du SCL serait maintenue, pour cette activité, pendant 2 ans, ce qui est de nature à inquiéter pour la suite.

Recommandation n° 5 - DGAL et DGCCRF - : continuer de mobiliser le Service commun des laboratoires au titre des compétences qui étaient celles de la DGCCRF dans le domaine stratégique de la police sanitaire des aliments, désormais transférées à la DGAL.


* 76 Par exemple, la vérification que les produits alimentaires préemballés contiennent bien le poids et le volume indiqués sur l'étiquette ou la vérification de l'affichage des prix des produits en magasin.

* 77 Voir supra .

* 78 Voir infra .

* 79 Voir supra .

* 80 Idem .

* 81 Le principe de cette pratique légale consiste pour le « dropshipper » à effectuer une vente avant de passer commande à son fournisseur et à faire livrer les produits directement au client.

* 82 Voir supra .

* 83 https://www.economie.gouv.fr/files/2022-07/ra-dgccrf-21-digital.pdf?v=1660739391

* 84 Voir infra .

* 85 Plan national de contrôles officiels pluriannuel 2021-2025 : organisation des contrôles tout au long de la chaîne alimentaire en France.

* 86 Idem .

* 87 Ce rapport n'a pu être consulté en détail par les rapporteurs spéciaux.

* 88 Le compte-rendu évoque 2023 sans mentionner la date exacte. Toutefois, les éléments recueillis par les rapporteurs spéciaux au cours des auditions identifient comme objectif la date du 1 er janvier 2023.

* 89 Voir supra .

* 90 Article 3 du décret n° 2022-840 du 1 er juin 2022 relatif aux attributions du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

* 91 Article 3 du décret n° 2022-1024 du 20 juillet 2022 relatif aux attributions du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

* 92 Article 3 du décret n° 2022-845 du 1 er juin 2022 relatif aux attributions du ministre de la transition énergétique.

* 93 Un échantillon peut faire l'objet de plusieurs analyses.

* 94 Présence d'oxyde d'éthylène dans des graines de sésame en provenance d'Inde, détectée et signalée par les autorités belges via le système européen d'alerte « RASFF » (Rapid Alert System for Food and Feed).

* 95 Ses conclusions ne sont pas encore connues des rapporteurs spéciaux.

* 96 Voir supra .

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