F. MAINTENIR UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE À L'INNOVATION

1. Le soutien à la R&D, un atout pour la compétitivité de la France

Enjeu majeur de souveraineté technologique, l'innovation doit aussi bénéficier d'un environnement compétitif favorable.

Le crédit impôt recherche (CIR) représente, à cet égard, un atout majeur de la France , qui s'est imposée comme pays leader pour l'implantation de centres de recherche et de développement irriguant son activité économique. Il est impératif de maintenir et de pérenniser ce dispositif, qui a déjà subi plusieurs rabots au cours des années précédentes.

Au-delà de ses impacts directs sur l'investissement dans la R&D, le CIR contribue à maintenir l'emploi d'ingénieurs, de chercheurs et de professeurs, garants de notre capacité collective à innover et à inventer de nouvelles solutions face aux défis environnementaux, énergétiques, alimentaires, ou encore dans les domaines du numérique et de la santé.

À l'heure où les politiques publiques reflètent une plus grande ambition en matière de réduction des émissions, de recyclage, de lutte contre les pollutions, d'économie de ressources ou encore d'efficacité énergétique, et imposent en conséquence des contraintes réglementaires accrues, les rapporteurs estiment que la préservation de cette capacité propre d'innovation est un facteur direct de compétitivité pour l'ensemble de notre économie : la capacité à décarboner vite, à produire mieux, sera clef au cours des années à venir.

Enfin, alors que la plupart des économistes s'accordent à dire que les principaux gisements de compétitivité pour la France sont aujourd'hui les différents paramètres de la « compétitivité hors coût » , qui incluent notamment la qualité des produits, l'innovation peut jouer un rôle dans la montée en gamme et dans l'image de marque des productions françaises.

Concrètement, les différents organismes entendus par les rapporteurs lors de leurs travaux ont souligné, outre le seul enjeu du CIR, l'importance d'accentuer l'effort en matière de recherche fondamentale, et d'améliorer les partenariats entre recherche publique et privée , afin de générer davantage d'externalités positives et de mieux mobiliser l'ensemble des moyens envers les axes prioritaires d'innovation.

En dépit d'évolutions législatives récentes, les rapporteurs regrettent la difficulté des pouvoirs publics à mobiliser le levier de la commande publique pour encourager l'investissement et l'innovation dans des produits à la maîtrise technologique française ou européenne . Pour nombre de nos concurrents internationaux, il s'agit pourtant d'une arme majeure de compétitivité et de soutien - par le biais de la massification de la demande et de l'orientation de la R&D. Un engagement plus net de l'État et des collectivités territoriales en faveur de technologies porteuses de forts enjeux de souveraineté, tels que certains procédés de production dans les secteurs de la santé, de l'alimentation, ou en faveur de certaines technologies du secteur numérique - comme le cloud - serait une avancée majeure, mais se heurte bien souvent à un cadre juridique qui reste fortement contraignant. Les règles du droit européen en matière de concurrence intra-européenne prennent encore souvent le pas sur les exigences de souveraineté induites par la forte compétition industrielle et technologique à l'échelle internationale.

2. Améliorer le pilotage de l'investissement public dans l'innovation

Les rapporteurs font le voeu d'un meilleur pilotage du soutien public à l'innovation en France, en particulier dans la mise en oeuvre des grands plans d'investissement tels que les Programmes d'investissement d'avenir (PIA) ou le plan « France 2030 ».

La gouvernance en est aujourd'hui complexe et opaque , comme l'ont constaté les rapporteurs lors de leurs auditions. Bien que le Secrétariat général pour l'investissement ait vu son organisation réformée à l'occasion de l'annonce de France 2030, et que les opérateurs et experts se soient vu confier une plus grande autonomie dans l'instruction des dossiers de « petit » montant 347 ( * ) , l'existence de nombreux étages d'orientation, de décision et d'instruction - opérateurs, administrations centrales, comité interministériel, comités de suivi ou de surveillance, Conseil de l'innovation et Conseil scientifique auprès du Président de la République - reste source de complexité.

Cette situation tranche avec la capacité d'impulsion et d'animation forte de la politique d'innovation qui existe dans d'autres pays , à l'instar de la « Darpa » aux États-Unis. Interrogés par les rapporteurs, les services de l'administration centrale 348 ( * ) ont en effet estimé que le système français pâtit aujourd'hui à la fois d'un défaut d'approche plus concrète et plus « problem-oriented » telle que celle de la Darpa, et d'un volume de financement disponible bien moindre . Les échanges entre les rapporteurs et le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) ont toutefois révélé que, sans aller jusqu'à la constitution d'une agence autonome sur le modèle de la Darpa, des améliorations ont été apportées au fonctionnement des grands plans d'investissement, par exemple pour apporter une souplesse accrue dans le financement de projets exceptionnels, via un fonds de rupture de 5 milliards d'euros ; ou encore afin d'établir des feuilles de route des besoins précis d'innovation en faveur des grands défis de demain. Le SGPI a toutefois, tout comme les rapporteurs, appelé à une simplification accrue de la gouvernance du système français de financement de l'innovation.

Plus généralement enfin, les rapporteurs estiment qu'une clarification de la doctrine d'investissement public dans l'innovation, ainsi qu'un effort de transparence supplémentaire dans la constitution des appels à manifestation d'intérêt et leur évaluation s'imposent, afin de donner aux projets la visibilité et l'efficacité qu'ils méritent. En dépit des alertes du rapport du comité de surveillance des investissements d'avenir publié en novembre 2019, la Cour des comptes a estimé dans un référé de 2021 que « plus de dix ans après le lancement du programme [d'investissement d'avenir], l'évaluation reste partielle et inégale selon les actions et les opérateurs » et que « la notion d'investissement stratégique, considéré comme vertueux par principe, risque de se diluer si la poursuite du PIA et la juxtaposition continue de nouveaux plans ne sont pas précédées de la définition d'une doctrine globale d'investissement » 349 ( * ) . Les commissions des affaires économiques et des finances du Sénat se sont fait l'écho de ce constat dans leurs récents avis budgétaires. 350 ( * )


* 347 Budgets inférieurs à 10 millions d'euros et 5 millions d'euros respectivement.

* 348 La Direction générale des entreprises en l'occurrence.

* 349 https://www.ccomptes.fr/fr/documents/57280.

* 350 http://www.senat.fr/rap/r21-202/r21-2021.pdf.

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