CONCLUSION
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LA SOUVERAINETÉ PAR LA POURSUITE DE L'EFFORT DE COMPÉTITIVITÉ ET D'ATTRACTIVITÉ

Pour tirer pleinement parti des échanges internationaux et dépasser l'opposition entre mondialisation et souveraineté, la France doit accentuer ses efforts pour renouer avec la compétitivité .

Les politiques publiques et efforts budgétaires visant à réindustrialiser le pays, à réduire les dépendances technologiques et à assurer la sécurité alimentaire ne seront efficaces sur le long terme que si la compétitivité de la France permet d'évoluer vers des modèles économiques viables de production et d'innovation , comme l'une des personnes entendues par les rapporteurs l'a ainsi exprimé : « Une souveraineté bâtie sur des protections artificielles ne tiendra pas dans la durée. La seule souveraineté qui tienne est celle qui est construite sur la performance, et cette dernière est basée sur la compétitivité, technologique, financière et industrielle. »

En conclusion de leurs travaux, les rapporteurs souhaitent donc souligner l'importance de poursuivre les efforts amorcés en matière d'environnement fiscal et réglementaire, d'investissement, d'innovation et d'attractivité . Les auditions menées ont confirmé qu'il existe en France encore d'importants gisements de compétitivité qui peuvent être mobilisés pour renforcer, à terme, notre souveraineté économique.

E. RÉCONCILIER FISCALITÉ ET PRODUCTION, PRÉSERVER LA CAPACITÉ D'INVESTISSEMENT

Faire à nouveau de la France une terre de production implique de repenser globalement le fonctionnement des chaînes de valeur, qu'elles soient industrielles ou alimentaires.

Le poids de la fiscalité de production , tout comme son rôle dans la désindustrialisation historique de la France sont désormais bien établis, ayant notamment été relevés par le groupe de travail « Dubief-Le Pape » en avril 2018. 344 ( * ) Dans la période récente, le montant total d'impôts sur la production acquitté par les entreprises françaises a cru davantage que le produit intérieur brut , passant de 60,1 milliards d'euros en 2007 à 72,1 milliards d'euros en 2016, c'est-à-dire une hausse de près de 20 %, contre 14 % environ pour le PIB. Ce modèle d'imposition conséquente des activités productives , fondé sur la masse salariale, la valeur ajoutée, le chiffre d'affaires et le foncier est une spécificité française : en 2016, la France prélevait l'équivalent de 3 % du PIB au titre des impôts de production, contre 1,6 % en moyenne dans la zone euro, et 0,4 % en Allemagne.

L'allégement décidé en 2020, à hauteur de 10 milliards d'euros de contribution économique territoriale, n'a qu'en partie allégé la contrainte fiscale et réduit l'écart de taux de prélèvement obligatoire qui distingue la France de ses voisins européens. Comme la commission des affaires économiques l'avait déjà défendu dans son rapport intitulé Remettre notre économie sur les rails : une relance verte, décentralisée et européenne, publié en juin 2020, toute relance productive structurante de l'économie française passera nécessairement par une poursuite de l'effort de refonte des impôts de production.

Alors que la quasi-totalité de l'allégement décidé en 2020 a porté sur les impôts perçus par les collectivités territoriales , sans aborder les impôts de l'État, les rapporteurs réaffirment qu'il convient désormais de cibler la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) . Assise sur le chiffre d'affaires, cet impôt, qui ne compte aucun équivalent en Europe, représente près de 3,8 milliards d'euros de prélèvements obligatoires pesant de manière disproportionnée sur les entreprises de l'industrie manufacturière. Dans une note de juin 2019, le Conseil d'analyse économique la décrivait comme un impôt « dont la nocivité n'a pas d'égal dans notre système fiscal », réduisant les exportations de l'ordre de 1 % et aggravant la fragilité financière des entreprises françaises 345 ( * ) . En dépit d'engagements des gouvernements successifs, la suppression de la C3S ne s'est encore jamais matérialisée .

En dehors des seuls impôts de production, l'accroissement de la charge fiscale des entreprises françaises interroge leur capacité à faire face efficacement aux grandes transitions à venir .

À titre d'exemple, la fiscalité énergétique constitue une pression supplémentaire sur les activités productives : entre 2018 et 2022, ce sont 4,6 milliards d'euros supplémentaires qui auraient été prélevés sur les entreprises françaises à ce titre, alors même que le besoin d'investissement dans la décarbonation de l'outil productif, dans l'innovation et dans les compétences est au plus fort. 346 ( * )

Les rapporteurs estiment donc que la préservation de la capacité d'investissement des entreprises, et la pérennisation de dispositifs d'aide publique à l'investissement doivent à ce titre faire figure de priorités de l'action publique. En témoigne le succès des aides à la décarbonation et à la modernisation des entreprises industrielles mises en oeuvre dans le cadre du plan de relance : comme l'a souligné l'avis budgétaire de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2022 portant sur les crédits dédiés à l'industrie de la mission « Économie », certains de ces financements ont été épuisés en à peine quelques mois, comme ceux relatifs à la chaleur bas carbone, à l'Industrie du futur ou à la numérisation. Les rapporteurs réaffirment donc le caractère prioritaire de ce soutien à l'investissement, a fortiori dans un contexte économique marqué par l'incertitude, la hausse des coûts et la contraction des marges . La crise économique consécutive à la pandémie de Covid-19 avait fragilisé les entreprises françaises, déjà caractérisées par des fonds propres limités et un endettement élevé : les tensions actuelles sur la production pourraient entraîner une contraction notable des dépenses d'investissement.

Plus généralement, les auditions menées par les rapporteurs suggèrent qu'en dépit d'efforts récents, les dispositifs publics de soutien à l'investissement - qu'il s'agisse des offres de Bpifrance, de l'évanescent « Fonds pour l'innovation et l'Industrie », ou encore du capital-risque - restent insuffisants. C'est pourtant là un enjeu de compétitivité, concourant au développement des start-up, des petites et moyennes entreprises, parant aux failles de marché, et assurant la modernisation de l'outil productif, mais également un enjeu de souveraineté : faute de moyens et de financements en France, les entreprises en croissance et les plus innovantes ne manqueront pas de se tourner vers des investisseurs étrangers, quitte à réorienter leur activité vers d'autres marchés ou à y transférer des savoir-faire.


* 344 https://www.adcf.org/files/Finances-et-fiscalite/2018-M-025-02.pdf

* 345 https://www.cae-eco.fr/Les-impots-sur-ou-contre-la-production.

* 346 https://www.adcf.org/files/Finances-et-fiscalite/2018-M-025-02.pdf.

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