B. ...MAIS QUI NE PERMETTENT PAR DE RÉPONDRE AUX BESOINS ET QUI SONT LIMITÉS PAR LA SITUATION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

1. Un niveau insuffisant d'investissement pour faire face aux besoins...

Malgré un niveau de dépenses d'équipement global plus élevé en outre-mer qu'en métropole, les investissements réalisés ne suffisent pas pour faire face aux besoins importants susmentionnés. Plusieurs raisons expliquent cette situation :

- les équipements publics outre-mer affichent un retard important qui nécessite un surcroit d'investissement par rapport à la métropole ;

- la construction et l'entretien d'équipements publics présentent un coût supérieur en outre-mer par rapport à la métropole.

L'analyse des immobilisations des collectivités outre-mer est, à cet égard, assez parlante. En effet , en 2020, pour toutes les régions métropolitaines, les immobilisations des comptes 20 à 24 19 ( * ) sont comprises entre 1 760 et 2 435 euros par habitants alors que, pour la Guadeloupe et la Réunion, elles sont comprises entre 11 166 et 11 654 euros par habitant.

Cet écart ne s'explique pas par des immobilisations plus nombreuses en outre-mer (cf. partie supra sur les taux d'équipement) mais par des coûts d'acquisition 20 ( * ) plus élevés.

À titre d'exemple, selon l'union des syndicats de l'industrie routière française, le coût de construction d'une autoroute s'élève, en moyenne, à 6 millions d'euros pour un kilomètre. En montagne, ce chiffre s'élève à 42 millions d'euros. Le coût moyen de construction pour une route à 2x2 voies est de l'ordre de 5,4 millions d'euros hors taxes par kilomètre (valeur 2006) et un kilomètre de route départementale est estimée entre 2 et 5 millions d'euros.

Si l'on rapporte le nombre de kilomètres de routes gérées par la région de la Réunion (420 kilomètres dont 132 de voies rapides urbaines et 288 kilomètres de routes nationales) au montant brut 21 ( * ) des immobilisations du compte 2151 22 ( * ) (6,5 milliards d'euros 23 ( * ) ) en 2019, le coût d'acquisition des réseaux de voirie s'établit à 15,5 millions d'euros par kilomètre. Cet écart s'explique principalement par le surcoût des matériaux lié à l'importation et par les contraintes géographiques du territoire qui nécessitent la construction de nombreux ouvrages d'art.

Concernant les départements, alors que les dépenses d'entretien (fonctionnement et investissement), en 2015, par kilomètre de voirie étaient de 11 545 euros, en moyenne, pour les départements de métropole, ces dépenses atteignent 36 590 euros par kilomètre en outre-mer avec un pic de 143 750 euros pour Mayotte.

Dépenses d'entretien des voiries des départements en 2015

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGL)

De manière plus générale, au-delà du seul domaine de la voirie , les coûts de construction en outre-mer sont supérieurs de 20 à 30 % 24 ( * ) en moyenne par rapport à la métropole.

Dans un avis publié en octobre 2018, l'Autorité de la concurrence a relevé, pour sa part, une différence des prix des matériaux de construction allant de 35 à 39 % entre Mayotte, l'île de la Réunion et la métropole soit un écart bien plus important que celui constaté pour le niveau général des prix, estimé à + 7 %. Plusieurs facteurs expliquent ces écarts :

- l'importation des matériaux ;

- des coûts de stockage des matériaux plus importants en raison de la rareté du foncier ;

- des normes métropolitaines inadaptées qui viennent s'ajouter à des normes spécifiques à l'outre-mer (ex : normes anti sismiques) ;

- un marché intérieur de petite taille dans un environnement concentré peu concurrentiel et donc favorable à la hausse des prix.

2. ...et contraint par des situations financières tendues ne permettant pas d'augmenter les capacités d'investissement

Les collectivités d'outre-mer dans leur ensemble (communes, départements, régions), malgré un niveau global de dépenses d'équipement supérieur à celui constaté en métropole présentent encore des taux d'équipement inférieurs et insuffisants pour répondre aux besoins de la population en équipements publics.

En effet, au niveau communal, la dette par habitant 25 ( * ) est passée de 837 euros à 982 euros entre 2017 et 2020 soit une augmentation de 17,3 %, quand, durant la même période, celle des communes de métropole a enregistré une baisse de 1,64 % passant de 969 à 953 euros par habitant.

Les marges d'autofinancement 26 ( * ) des communes outre-mer se sont également détériorées comparativement à celles des communes de métropole.

Enfin, le taux d'endettement 27 ( * ) des communes outre-mer, bien qu'inférieur à celui des communes de métropole a augmenté de près de 14 % en 4 ans.

Dette par habitant au niveau communal

(en euros)

2017

2018

2019

2020

évolution en %

France métropolitaine

969,00

961,12

954,69

953,06

- 1,64

Outre-mer

837,00

829,06

857,49

981,86

17,31

France

965,00

956,88

951,58

953,98

- 1,14

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL (direction générale des collectivités locales)

Marge d'autofinancement des communes

(en pourcentage)

2017

2018

2019

2020

évolution en %

France métropolitaine

92,80

91,82

91,51

92,42

- 0,41

Outre-mer

100,00

97,56

97,55

101,15

1,15

France

93,10

92,02

91,72

92,73

- 0,39

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL (direction générale des collectivités locales)

Taux d'endettement des communes

(en pourcentage)

2017

2018

2019

2020

évolution en %

France métropolitaine

82,90

81,92

78,38

79,75

- 3,80

Outre-mer

64,60

64,06

64,14

73,63

13,97

France

82,30

81,29

77,88

79,53

- 3,36

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL (direction générale des collectivités locales)

La situation financière des régions et CTU outre-mer est similaire avec des ratios qui se détériorent. En 2020, le taux d'endettement atteint en moyenne 122 % en outre-mer en raison de la situation très dégradée de la Guadeloupe et de la Réunion qui présentent des taux d'endettement respectivement de 142 et 232 %.

Enfin, l'encours de dette des DROM a augmenté de 21 % entre 2016 et 2020 alors que parallèlement leur capacité d'autofinancement (CAF) enregistrait une diminution de 29 %.

Évolution de la capacité d'autofinancement (CAF) et de l'encours de dette
dans les DROM entre 2017 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL (direction générale des collectivités locales)

Aussi, en raison de cette situation financière dégradée des collectivités d'outre-mer, il est indispensable d'accroitre les moyens permettant aux collectivités locales de poursuivre et même d'amplifier leurs investissements (par exemple en développant un subventionnement par le FEI à hauteur de 100 % pour les communes ayant signé un COROM).


* 19 Comptes 20 : immobilisations incorporelles, comptes 21 : immobilisations corporelles, comptes 22 : immobilisations reçues en affectation, comptes 23 : immobilisations en cours, comptes 24 : immobilisations affectées, concédées, affermées.

* 20 Les immobilisations sont comptabilisées à leur coût d'acquisition, ce coût étant déterminé par l'addition du prix d'achat, figurant dans l'acte, et des frais accessoires. Les frais accessoires sont des charges directement ou indirectement liées à l'acquisition. Il s'agit des droits de douane à l'importation, de la T.V.A. non récupérable par la collectivité, de l'éventuelle taxe d'aménagement à payer par la collectivité, ainsi que des frais de transport, d'installation et de montage nécessaire à la mise en état d'utilisation de l'immobilisation.

* 21 Avant amortissements.

* 22 Réseaux de voirie.

* 23 Chiffre issu de la balance comptable 2019 de la région de la Réunion.

* 24 Estimation issue du rapport de la Cour des comptes sur le logement dans les départements et les régions d'outre-mer - septembre 2020.

* 25 Dette / population : capital restant dû au 31 décembre de l'exercice. Endettement d'une collectivité à compléter avec un ratio de capacité de désendettement (dette / épargne brute) et le taux d'endettement.

* 26 Marge d'autofinancement courant = (DRF + remboursement de dette) / RRF : capacité de la collectivité à financer l'investissement une fois les charges obligatoires payées. Les remboursements de dette sont calculés hors gestion active de la dette. Plus le ratio est faible, plus la capacité à autofinancer l'investissement est élevée ; a contrario, un ratio supérieur à 100 % indique un recours nécessaire aux recettes d'investissement pour financer la charge de la dette.

* 27 Dette / RRF = taux d'endettement : mesure la charge de la dette d'une collectivité relativement à ses ressources.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page