E. UNE VIGILANCE RÉAFFIRMÉE À L'ÉGARD DES CATÉGORIES ET POPULATIONS LES PLUS VULNÉRABLES

1. La volonté d'évaluer les dispositifs de lutte contre l'exposition des enfants aux contenus pornographiques

Sur le rapport de M. Dimitri Houbron (Nord - Agir Ensemble) , au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de l'environnement, l'Assemblée parlementaire a adopté à l'unanimité, le 25 avril, une résolution et une recommandation actant de sa volonté d'évaluer les dispositifs de lutte contre l'exposition des enfants aux contenus pornographiques.

Au cours de la discussion générale, le rapporteur a indiqué que tous les appareils numériques devraient intégrer par défaut des outils faciles à utiliser de contrôle parental et de filtrage et blocage des annonces pornographiques pour combattre l'exposition des enfants aux contenus réservés aux adultes, a affirmé l'Assemblée. Ces outils de contrôle devraient être « toujours activés dans les espaces publics, tels que les établissements scolaires, bibliothèques et maisons des jeunes ».

Les parlementaires ont exprimé leur vive préoccupation par « l'exposition sans précédent des enfants aux images pornographiques, qui nuit à leur développement psychique et physique » . Cette exposition, ont-ils dit, « augmente les risques de construction de stéréotypes sexistes nuisibles, d'addiction à la pornographie et de relations sexuelles précoces et malsaines ».

Le texte adopté invite les États membres à examiner les moyens et dispositions existants pour combattre l'exposition des enfants à ces contenus « en vue de remédier aux lacunes dans la législation et les pratiques » . Il demande l'élaboration d'une législation « imposant l'utilisation d'outils de vérification de l'âge à la fois aux sites internet spécialisés dans l'hébergement de contenus pour adultes et aux médias et réseaux sociaux généralistes qui comportent des contenus pour adultes ».

Le texte prône également la mise en place d'un bouton d'alerte, ou autre solution similaire, permettant aux enfants de signaler leur accès accidentel à des contenus pornographiques et envisager des actions de suivi, comme des avertissements ou des sanctions pour les sites internet concernés.

Les parlementaires ont demandé un débat public sur l'exposition des enfants à la pornographie et sur les moyens et les dispositions de lutte contre cette exposition.

Dans son propos liminaire M. Dimitri Houbron (Nord - Agir Ensemble) a indiqué que son rapport avait été proposé dans le but de renforcer la voie tracée par celle de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, dite Convention de Lanzarote, l'APCE devant produire une documentation et des ressources plus étoffées relatives aux moyens et dispositifs visant à renforcer la protection des mineurs à l'exposition à la pornographie.

Dans ce contexte de la pandémie, le temps d'écran a augmenté, l'encadrement a diminué et beaucoup d'enfants ont fini par accéder à des contenus sexuellement explicites et à les partager. L'âge moyen de la première exposition à des contenus de ce type étant de 11 ans, les parents sont de plus en plus inquiets et ont besoin de recommandations claires et concrètes.

Dans ce contexte, certains États membres du Conseil de l'Europe ont voulu réformer les textes légaux qui régissent leurs interactions avec les plateformes numériques et les réseaux sociaux.

Ainsi, ils ont adopté des législations imposant aux réseaux sociaux d'avoir un représentant sur le sol national et d'obéir aux tribunaux demandant le retrait des contenus sous 48 heures, sous peine d'amendes. Ils ont également prévu l'interdiction d'avoir des revenus publicitaires ou encore de subir une forte réduction de sa bande passante. Cependant, la quasi-totalité des géants des réseaux sociaux ont refusé de se plier à ces mesures, considérant qu'elles pouvaient ouvrir la voie à des demandes de censure.

En définitive, il était apparu que toute disposition légale sur ce sujet pourrait être balayée au motif d'une atteinte à la liberté d'expression à terme. Sur ce dernier point, la France a d'ailleurs vu l'une de ses lois visant à lutter contre la haine sur Internet censurée par son Conseil constitutionnel.

Le rapport a permis de conforter deux éléments fondamentaux. D'une part, l'accès aisé et anonyme aux contenus pornographiques constitue les causes profondes de notre problématique. D'autre part, il n'est pas exagéré de dire qu'un enfant peut être détruit par l'exposition à ces contenus pornographiques de plus en plus violents. Ce fléau met en péril son bien-être, son rapport à la société, ses interactions avec les femmes et les hommes, voire sa sexualité. C'est une lente mutilation psychique.

Le rapport a aussi permis de détailler les différents moyens et dispositifs existants pour lutter contre l'exposition de ces enfants aux contenus pornographiques.

Les logiciels de contrôle parental et de blocage sur les ordinateurs sont les premiers dispositifs à mettre en place. Il est essentiel de faciliter la tâche des parents eux-mêmes et des personnes en charge des enfants pour contrôler les activités en ligne de leurs enfants.

Dans cette logique, la France a promulgué une loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à Internet. Elle prévoit l'obligation pour les fabricants d'appareils connectés d'installer un logiciel de contrôle parental par défaut dès la première mise à jour. La loi introduit des sanctions en cas de non-respect de cette obligation, prévoit des listes « noires ?» et «? blanches ?» de sites web ou d'applications, et vise à garantir une norme minimale commune à tous les fabricants.

L'État doit aussi assumer sa responsabilité et prendre des mesures plus fermes, telles que la mise en place d'un système effectif de vérification de l'âge.

Il existe plusieurs lois et outils technologiques pour contraindre un utilisateur à justifier son âge pour accéder à certains contenus : la méthode de l'identification visuelle par une pièce d'identité scannée et authentifiée ; le service de l'estimation de l'âge grâce à l'intelligence artificielle ; ou encore la création d'un « portefeuille d'identité numérique » réutilisable. En 2020, le Parlement français a adopté une loi instaurant l'introduction d'un système national de vérification de l'âge pour les sites pornographiques. La loi en question laisse aux sites la liberté de décider de la manière de procéder à cette vérification. L'une des mesures les plus prisées semble être de demander aux utilisateurs de saisir un numéro de carte de crédit.

Certes, les personnes concernées ont coutume de garder l'anonymat et estiment que leur navigation sur des sites pour adultes est un sujet extrêmement sensible. Il est donc essentiel de veiller à ce que les outils de vérification de l'âge soient créés de manière à garantir un niveau maximal de protection de la vie privée, tout en permettant une action efficace contre les activités criminelles.

Enfin, le rapport rappelle le rôle fondamental de l'éducation et de la sensibilisation au sein des écoles. Les professionnels de l'éducation devraient recevoir une formation appropriée pour qu'une communication ouverte puisse s'instaurer avec les enfants, sur la base des principes de respect de la dignité humaine et de l'égalité entre les femmes et les hommes, et en faisant appel à l'esprit critique. Il faut être confiants dans le fait que les jeunes, même à un âge précoce, peuvent réfléchir aux messages véhiculés par les contenus à caractère sexuel et comprendre les différences entre les relations dans la vie réelle et la «?fiction?» de la pornographie.

Par ailleurs, l'industrie pornographique elle-même est consciente de la problématique et est prête à travailler sur ce sujet - elle a d'ailleurs contribué dans ce rapport.

S'agissant des préconisations, M. Dimitri Houbron a proposé également la création d'un partenariat avec les organes pertinents de l'ONU, comme l'Unicef et le Représentant spécial du Secrétaire Général chargé de la question de la violence contre les enfants. Un tel partenariat pourrait rassembler des plateformes et pouvoirs publics, ainsi que des entreprises numériques et des prestataires de contenus pour adultes. Le but est d'élaborer une réaction globale coordonnée, pérenne et à un coût abordable.

S'exprimant au nom du groupe PPE/DC, M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a remercié le rapporteur pour son travail. Il a estimé que du fait de l'essor des technologies de l'information et de la communication, les enfants étaient exposés aux contenus pornographiques beaucoup plus tôt en âge et beaucoup plus facilement que par le passé et que cette exposition n'était pas sans incidence sur leur développement psychique et physique. De nombreuses études et témoignages attestent de la nocivité, pour nos enfants, de l'exposition à ces contenus. Elles s'accordent pour dire que cette exposition précoce a des conséquences neuropsychiatriques et qu'elle peut en particulier entraîner une addiction. Elle peut également conduire à des troubles du comportement sexuel caractérisés par des fantasmes sexuels obsessionnels excessifs pouvant générer une souffrance et, en conséquence, par la suite, une dépression. Des dysfonctions érectiles ont également été associées à l'exposition précoce aux contenus pornographiques. Enfin, on ne mesure pas encore totalement l'impact psychique de ces images sur les enfants et les troubles du comportement qu'elles induisent. À ce sujet, les personnes exposées évoquent des cauchemars et des répercussions négatives sur leurs relations sentimentales futures. M. Alain Milon a estimé qu'il était du devoir des parlementaires de veiller au bien-être des enfants et qu'il fallait contraindre les sites proposant des contenus pornographiques à vérifier l'âge de leurs utilisateurs. Il s'est prononcé en faveur de la mise en place d'un processus de certification adapté et s'est dit favorable à l'idée de rendre obligatoire la conformité aux exigences de vérification d'âge, de traiter le problème des moteurs de recherche qui mettent en avant des sites non conformes, ainsi que d'envisager la mise en place d'une liste noire d'URL pour les domaines qui enfreignent la loi.

Il a également soutenu le recours au logiciel de contrôle parental et de blocage de contenus, précisant qu'il appartenait aux parents de veiller à ce que les équipements utilisés par leurs enfants soient équipés de ce type de logiciel qui devront être paramétrés et activés. En France, à l'initiative des parlementaires, une loi a été votée pour renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à Internet. Elle prévoit l'obligation pour les fabricants d'appareils connectés d'installer un logiciel de contrôle parental qui pourra être activé gratuitement. C'est une solution intéressante.

Constatant que les conventions internationales en vigueur aujourd'hui sur la protection de l'enfance ne ciblaient pas particulièrement l'exposition aux contenus pornographiques, M. Alain Milon a engagé le Conseil de l'Europe à se saisir de cette question et élaborer des lignes directrices.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) a constaté que le développement des technologies de l'information au cours de ces dernières décennies avait rendu l'accès à des contenus pornographiques facile et que les enfants, grands utilisateurs d'Internet, étaient nombreux à être exposés, parfois de manière fortuite, à ces contenus nocifs pour leur développement psychologique, ce phénomène aboutissant à la banalisation de stéréotypes sexistes et de comportements socialement inacceptables. Il s'est inquiété de l'augmentation fulgurante de cas de comportements sexuels préjudiciables de la part d'enfants, précisant que les enfants s'inscrivaient sur leur premier réseau social à 8 ans et demi en moyenne et, qu'à 12 ans, un tiers d'entre eux avaient déjà été confrontés à des images pornographiques. Il a estimé que des campagnes de sensibilisation étaient indispensables pour que chacun puisse prendre conscience de l'ampleur du phénomène et des méfaits qu'il engendre - addiction, trouble du comportement, phobie sociale, ou encore dépression.

Mentionnant, une proposition de loi française votée - à l'unanimité - pour encourager à faciliter l'usage du contrôle parental sur certains équipements, M. Frédéric Reiss s'est interrogé sur l'instauration d'une norme internationale pour les dispositifs de contrôle qui s'avèrerait peut-être la solution la plus simple. Il a ensuite estimé que le législateur devait s'assurer que les sites réservés aux adultes, ainsi que les réseaux sociaux généralistes comportant des contenus pour adultes, utilisent des outils de vérification d'âge efficaces et ne pouvant pas être aisément contournés. Un simple clic anonyme ne pouvant constituer une véritable vérification, la responsabilité des fournisseurs de contenus pornographiques doit pouvoir être engagée en cas de transmission à un mineur, même si celui-ci a fait une déclaration de majorité mensongère. Il a enfin indiqué que, même si les enseignants n'ont pas vocation à se substituer aux parents, l'école avait évidemment un rôle à jouer en proposant des programmes éducatifs qui promeuvent le respect de la dignité humaine, de l'intégrité physique et de l'égalité entre les filles et les garçons, les cours d'éducation à la sexualité devant être dispensés par des professionnels dûment formés et adaptés à l'âge des enfants. Il a conclu en déclarant que protéger les enfants était nécessaire mais pas suffisant et qu'il fallait armer ces derniers pour qu'ils puissent se défendre par eux-mêmes, développer leur esprit critique et leur permettre de se construire dans un environnement équilibré et que cela passait par l'éducation. Il a indiqué qu'il voterait en faveur de la résolution et de la recommandation proposée.

N'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'elle ait été présente lors du débat, Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a pu faire publier son intervention au compte rendu dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE. Elle s'est inquiétée de l'ampleur du phénomène, 82 % des adolescents ayant déjà été exposés à des contenus pornographiques. Elle a dénoncé le risque de construction de stéréotypes sexistes : les jeunes filles étant davantage susceptibles d'être la cible d'agressions sexuelles et les jeunes hommes étant davantage susceptibles d'avoir des comportements sexuels agressifs. Elle a estimé que la lutte contre les violences faites aux femmes est étroitement liée à la lutte contre l'exposition aux contenus pornographiques des enfants et des adolescents.

Elle a aussi alerté sur le fait que les contenus pornographiques tendaient à promouvoir des pratiques sexuelles à risque alors que les maladies sexuellement transmissibles, comme le sida, continuaient de se propager et que la pornographie en ligne pouvait également avoir un impact négatif sur l'image de soi, lorsque les adolescents se comparaient aux acteurs des films pornographiques. Elle a estimé nécessaire de promouvoir l'utilisation des outils technologiques de contrôle auprès des parents tout en précisant que ces outils n'avaient d'intérêt que s'ils s'accompagnaient d'une éducation à la sexualité complète et adaptée à l'âge, menée aussi bien par les parents que par les établissements scolaires. Elle a conclu en indiquant que la sexualité ne devait pas être un sujet tabou, que ce soit dans les familles ou dans les écoles car, si l'éducation à la sexualité ne se faisait pas dans ce cadre, elle se ferait sur Internet avec tous les risques que cela comportait.

2. L'appréhension du problème de la désinstitutionnalisation des personnes handicapées

Mardi 26 avril, l'Assemblée parlementaire a approuvé, sur le rapport de Mme Reina de Brujin-Wezeman (Pays-Bas - ADLE), au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de l'environnement, et sur le rapport pour avis de Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) , au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, une résolution et une recommandation sur la désinstitutionnalisation des personnes handicapées.

L'Assemblée a souligné que les Nations Unies avaient clairement évolué vers une approche du handicap fondée sur les droits humains, qui met l'accent sur l'égalité et l'inclusion.

L'APCE, estimant qu'il était temps d'aider les personnes handicapées à avoir une vie indépendante soutenue, a proposé que les lois autorisant l'institutionnalisation des personnes handicapées soient progressivement abrogées, ainsi que la législation sur la santé mentale autorisant le traitement sans consentement et la détention fondée sur l'altération des facultés. Les gouvernements devraient élaborer des stratégies adéquatement financées, assorties de calendriers et de critères de référence clairs, en vue d'une véritable transition vers une vie indépendante pour les personnes handicapées.

Elle a également demandé instamment au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe de ne pas soutenir ou approuver des projets de textes normatifs qui « rendraient plus difficile une désinstitutionnalisation réussie et significative, ainsi que l'abolition des pratiques coercitives dans les établissements de santé mentale », en pointant du doigt le projet de protocole additionnel à la Convention d'Oviedo qui est actuellement à l'étude au sein du Conseil de l'Europe.

Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) , rapporteure pour avis au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination a d'abord félicité la rapporteure au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de l'environnement, Mme Reina de Brujin-Wezeman (Pays-Bas - ADLE) pour son rapport allant au-delà des simples positions de principe et attirant l'attention sur les mesures concrètes que les États peuvent et doivent prendre afin d'assurer un processus de désinstitutionnalisation pertinent, efficace et durable, pleinement respectueux des droits des personnes handicapées, ainsi que les sources de financement permettant de parvenir à cette fin.

Elle a ensuite rappelé que la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, l'instrument international de référence dans ce domaine, reposait sur une approche du handicap fondée sur le plein respect des droits humains et que les États membres du Conseil de l'Europe avaient indiqué leur soutien à cette approche en ratifiant cette Convention. De plus, au fil du temps et dans le cadre des nombreux débats relatifs à la promotion des droits des personnes en situation de handicap tenus dans cette enceinte au cours des dernières années, l'APCE a également confirmé à maintes reprises son soutien au plein respect des droits des personnes handicapées.

Indiquant que le rapport de Mme Mme Reina de Brujin-Wezeman (Pays-Bas - ADLE) mettait clairement en exergue les raisons pour lesquelles la désinstitutionnalisation des personnes handicapées devait faire partie intégrante de cette approche, elle a rappelé qu'il s'agissait d'une obligation découlant de l'article 19 de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées relative à l'autonomie de vie et à l'inclusion dans la société des personnes handicapées.

Elle a ensuite indiqué que l'avis de la commission sur l'égalité et la non-discrimination soutenait le rapport de Mme Reina de Brujin-Wezeman (Pays-Bas - ADLE) et proposait un seul amendement visant à renforcer la résolution en invitant les États à mener des campagnes de sensibilisation afin de renverser les stéréotypes et les préjugés qui persistent à l'encontre des personnes handicapées. Mener de telles campagnes est en effet indispensable, dès lors qu'il s'agit de promouvoir l'inclusion dans la société des personnes handicapées.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a plaidé pour une approche du handicap fondée sur les droits humains. Il a précisé que bien que considérant que les personnes handicapées doivent être incluses au sein de la société et bénéficier des mêmes droits que leurs concitoyens, il ne condamnait pas pour autant, par principe, le placement en institution qui peut correspondre aux besoins de certaines personnes ou de certaines familles. Il a estimé que le placement en institution ne devait en aucun cas être systématique mais qu'il pouvait s'avérer nécessaire, par exemple lorsque la personne présente un danger pour elle-même ou pour autrui. Il a indiqué qu'il ne voyait pas d'antinomie entre placement en institution et respect des droits humains.

Il a salué le travail des équipes rencontrées en France dans de nombreuses structures et a indiqué avoir observé une progression de l'approche fondée sur les droits humains, y compris dans les institutions qui se modernisaient dans de nombreux États membres. Il a appelé à maintenir ce point de vigilance, en reconnaissant la diversité des modèles et des structures en Europe.

Il a indiqué soutenir l'inclusion maximale des personnes handicapées dans la société civile et s'est réjoui que l'ensemble des États membres de notre Organisation ait désormais ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées qui pose clairement le principe que les personnes handicapées doivent vivre au sein de la société et qu'elles doivent y être pleinement intégrées. Il a regretté que la mise en application de ce beau principe se heurte encore à de nombreux obstacles institutionnels, sociaux et comportementaux qui conduisent à priver les personnes handicapées de la jouissance de leurs droits fondamentaux. Pour permettre aux personnes handicapées de véritablement contrôler leur vie, il est nécessaire de développer des solutions alternatives au placement en institution. Cela suppose une aide personnalisée qui favorise l'inclusion, et donc des moyens humains et financiers. La possibilité de disposer de soins et/ou d'une aide à domicile est essentielle pour permettre aux personnes handicapées de disposer de leur propre logement. Cela implique également, bien souvent, des travaux d'aménagement des logements et des locaux de certaines entreprises et administrations. L'accessibilité des bâtiments publics aux personnes handicapées reste un combat.

Il a ensuite insisté sur le cas des enfants nécessitant une vigilance particulière. Leur intérêt supérieur doit toujours être évalué et identifié. Il a conclu en précisant que l'évolution vers une conception inclusive du handicap nécessitait une stratégie de long terme de la part de chacun des États et nécessitait aussi des moyens importants - sans discriminer, une fois de plus, le mode institutionnel.

3. La lutte contre la discrimination fondée sur l'origine sociale

Le 26 avril, l'Assemblée parlementaire a souligné que, dans toute l'Europe, l'origine sociale des personnes, les conditions de leur naissance, avaient une forte influence sur leur avenir, leur accès à l'éducation et à l'apprentissage tout au long de la vie, leurs perspectives d'emploi et leurs possibilités de mobilité sociale.

La résolution adoptée par l'APCE, basée sur le rapport de Selin Sayek Böke (Turquie, SOC), précise que la discrimination fondée sur l'origine sociale - interdite dans un grand nombre d'instruments internationaux, mais rarement prise en compte dans les systèmes juridiques nationaux - accentue la pauvreté et l'exclusion sociale, et entraîne des écarts de salaire liés à la classe sociale, qui persistent tout au long de la vie, même à niveau d'études égal.

L'Assemblée appelle donc les États membres à clairement interdire cette forme de discrimination dans la législation, et de prévoir des recours individuels accessibles pour les victimes. « Pour éviter que ce phénomène ne se reproduise continuellement, il faut accompagner la législation de mesures destinées à mieux reconnaître le mérite et à promouvoir la mobilité sociale et la justice sociale », ont indiqué les parlementaires.

Soulignant que cette forme de discrimination se produisait dès la petite enfance et persistait tout au long de l'éducation et de l'accès à l'emploi, l'APCE a en outre appelé les États à garantir l'accès gratuit à des services publics d'éducation et d'accueil de la petite enfance ; à fournir à toutes et tous une éducation gratuite, équitable et de qualité, quelle que soit l'origine sociale et durant tout le cycle de vie ; à élaborer des politiques de redistribution fiscale permettant de briser le cycle de privation matérielle qui freine la mobilité sociale ; et à formaliser les procédures de recrutement et de promotion et à les rendre transparentes.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a estimé que le sujet des discriminations fondées sur l'origine sociale est un point essentiel du contrat social de la société et du maintien d'une démocratie harmonieuse. Il a rappelé, à la lumière de l'élection présidentielle française, que la tentation de se tourner vers les extrêmes était en partie corrélée au sentiment d'abandon ressenti par une partie de la population, qui ne se sent plus prise en compte, qui se sent marginalisée et qui a le sentiment que ses enfants ne pourront pas s'élever dans la société.

Il s'agit donc d'un sujet éminemment politique, mais il correspond à une vision de l'Homme, à une vision de l'égalité, égalité des droits et égalité des chances au même niveau de compétences. Nul ne doit être discriminé en fonction de son origine sociale : c'est l'un des principes essentiels de la République française tiré de la Révolution de 1789. Pourtant, il est parfois difficile de combattre ces discriminations, non pas tant pour des motifs juridiques que pour des questions d'éducation, de projection de désirs ou d'ambition, et de moyens. M. Alain Milon a indiqué être très favorable à l'éducation gratuite, équitable et de qualité, mentionnée dans la résolution qui est assurément indispensable. C'est la première brique sans laquelle rien n'est possible. Mais il faut aussi que les enfants perçoivent que s'extraire de la condition sociale de leurs parents est possible, que la promotion sociale est réellement accessible, d'où qu'ils viennent.

M. Alain Milon s'est prononcé en faveur de la proposition de la rapporteure visant à lutter contre les préjugés inconscients et à promouvoir les réseaux de soutien professionnels pour éviter les blessures cachées dont de nombreuses personnes font l'expérience lors de leur ascension sociale. Il a également insisté sur l'importance de la formation tout au long de la vie. Une société ne doit pas tout miser sur l'éducation initiale, même si c'est un élément fondamental : elle doit aussi permettre à chacun de progresser ou de se réorienter au cours de sa vie professionnelle. Cela implique une correcte adaptation du marché du travail et un engagement fort des employeurs, tant publics que privés, qui doivent pleinement mesurer l'importance de leur contribution à une construction harmonieuse de la société.

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