Rapport d'information n° 660 (2021-2022) de M. Alain MILON , fait au nom de la délégation à l'Assemblée du Conseil de l'Europe, déposé le 10 juin 2022

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N° 660

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juin 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat (1) sur les travaux de la délégation française à l' Assemblée parlementaire du Conseil de l' Europe au cours de la deuxième partie de la session ordinaire 2022 ,
adressé à M. le Président du Sénat,
en application de l'article 9
bis du Règlement,

Par M. Alain MILON,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : M. François Calvet, Mme Nicole Duranton, MM. Bernard Fournier, Claude Kern, Alain Milon, André Vallini, délégués titulaires ; Mme Nadine Bellurot, M. André Gattolin, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Christian Klinger, Jacques Le Nay, Didier Marie, délégués suppléants.

INTRODUCTION

Le présent rapport d'information retrace les travaux de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), en application de l'article 29 du Règlement de l'Assemblée nationale et de l'article 9 bis de celui du Sénat, entre février 2022 et la deuxième partie de session ordinaire de l'APCE, qui s'est déroulé selon un format « hybride » du 25 au 29 avril, tant à Strasbourg qu'en ligne.

En raison de l'attaque armée de l'Ukraine par la Fédération de Russie, le 24 février, cette période a été marquée par la tenue d'une session extraordinaire dévolue à cette crise et à la question du maintien ou non de la Russie parmi les États membres, les 14 et 15 mars, à Strasbourg et en ligne. Signe de la gravité de la situation, cette session extraordinaire était seulement la deuxième de l'histoire de l'APCE. Plusieurs membres de la délégation française ont fait le déplacement au Palais de l'Europe pour l'occasion.

Au cours de la session ordinaire dite de printemps, légèrement raccourcie du fait de la tenue d'une session extraordinaire en mars, l'APCE a, conformément à ses prérogatives, élu un juge à la Cour européenne des droits de l'Homme au titre de l'Ukraine. Elle a aussi entendu une personnalité de premier plan, à savoir le Président de la République italienne, M. Sergio Mattarella.

L'Assemblée parlementaire a également procédé au suivi de l'action de l'Organisation, à travers une séance de questions à la Secrétaire générale, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ, et une autre séance consacrée au bilan du semestre de la présidence italienne du Comité des Ministres. Enfin, la Commissaire aux droits de l'Homme, Mme Dunja Mijatoviæ, a présenté son quatrième rapport d'activité.

De même, comme à chaque session de printemps, les prix de l'Europe et du Musée de l'Europe ont été solennellement décernés à leurs récipiendaires.

Traduction de la forte mobilisation de la délégation française en dépit du calendrier électoral national, plusieurs rapports de parlementaires français ont été débattus en séance plénière. Ainsi, l'APCE a adopté les conclusions de M. Dimitri Houbron (Nord - Agir Ensemble) en vue d'une évaluation des moyens et des dispositifs luttant contre l'exposition des enfants aux contenus pornographiques, celles de Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) pour favoriser des démocraties saines en Europe, celles de M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain) , pour faire un bon usage des avoirs confisqués d'origine criminelle ainsi que celles de M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) sur le respect des obligations et engagements de la Géorgie.

Outre un débat d'actualité sur les conséquences de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et sur le rôle et la réponse du Conseil de l'Europe, et un débat selon la procédure d'urgence concernant l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et la nécessité de faire en sorte que les responsables de violations graves du droit international humanitaire rendent des comptes, les autres thèmes des échanges, une fois de plus très divers, ont concerné le renforcement du partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, la désinstitutionnalisation des personnes handicapées, ce sujet donnant lieu à la présentation d'un avis de Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) , la lutte contre la discrimination fondée sur l'origine sociale ou encore la prévention et la lutte contre l'usage excessif et injustifié de la force par les forces de l'ordre.

Les membres de la délégation française ont pris une part active à tous ces travaux. Cette participation est retracée dans le présent rapport, qui recense également les réunions et événements auxquels ils ont participé dans l'intervalle des parties de session de janvier et d'avril.

I. LA COMPOSITION ET LA RÉPARTITION DANS LES COMMISSIONS DES MEMBRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

1. La composition de la délégation française

La délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants). Sa composition, retracée dans le tableau qui suit, n'a pas évolué depuis le début de l'année 2022.

Chambre

Parlement national

Groupe

Parlement national

Groupe

APCE

Membres titulaires

M. Olivier BECHT

Assemblée nationale

Agir Ensemble

ADLE

M. Bertrand BOUYX

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. François CALVET

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

Mme Marie-Christine DALLOZ

Assemblée nationale

Les Républicains

PPE/DC

Mme Jennifer DE TEMMERMAN

Assemblée nationale

Libertés et Territoires

ADLE

Mme Nicole DURANTON

Sénat

Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

ADLE

M. Bernard FOURNIER

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

M. Fabien GOUTTEFARDE

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. Claude KERN

Sénat

Union Centriste

ADLE

M. Jérôme LAMBERT

Assemblée nationale

Socialistes et apparentés

SOC

Mme Alexandra LOUIS

Assemblée nationale

Agir Ensemble

ADLE

M. Jacques MAIRE

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. Alain MILON

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

M. Frédéric PETIT

Assemblée nationale

Mouvement Démocrate, Démocrates et apparentés

ADLE

Mme Isabelle RAUCH

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. Frédéric REISS

Assemblée nationale

Les Républicains

PPE/DC

Mme Nicole TRISSE

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. André VALLINI

Sénat

Socialiste, Écologiste et Républicain

SOC

Chambre
Parlement national

Groupe
Parlement national

Groupe
APCE

Mme Nadine BELLUROT

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

Mme Yolaine de COURSON

Assemblée nationale

Mouvement Démocrate, Démocrates et apparentés

ADLE

M. Bruno FUCHS

Assemblée nationale

Mouvement Démocrate, Démocrates et apparentés

ADLE

M. André GATTOLIN

Sénat

Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

ADLE

Mme Sophie GOY-CHAVENT

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

M. Yves HEMEDINGER

Assemblée nationale

Les Républicains

PPE/DC

M. Dimitri HOUBRON

Assemblée nationale

Agir Ensemble

ADLE

Mme Catherine KAMOWSKI

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

Mme Marietta KARAMANLI

Assemblée nationale

Socialistes et apparentés

SOC

M. Christian KLINGER

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

Mme Martine LEGUILLE-BALLOY

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. Jacques LE NAY

Sénat

Union Centriste

ADLE

M. Didier MARIE

Sénat

Socialiste, Écologiste et Républicain

SOC

M. Pierre MOREL-À -L'HUISSIER

Assemblée nationale

UDI et Indépendants

ADLE

Mme Liliana TANGUY

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

Mme Laurence TRASTOUR-ISNART

Assemblée nationale

Les Républicains

PPE/DC

Mme Marie-Christine VERDIER-JOUCLAS

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

Mme Martine WONNER

Assemblée nationale

Non inscrite

ADLE

2. La répartition des parlementaires dans les commissions

Le tableau ci-après présente la répartition des membres de la délégation française dans les six commissions de l'APCE où les affectations relèvent des délégations nationales.

COMMISSIONS

TITULAIRES

SUPPLÉANTS

1. Questions politiques et démocratie

(4 + 4)

Mme Marie-Christine DALLOZ

Mme Marietta KARAMANLI

M. Alain MILON

M. Didier MARIE

M. Claude KERN

M. Bernard FOURNIER

Mme Nicole TRISSE

Mme Martine LEGUILLE-BALLOY

M. Jacques MAIRE ( ex officio )

2. Questions juridiques et des droits de l'Homme

(4 + 4)

M. François CALVET

Mme Nadine BELLUROT

Mme Alexandra LOUIS

M. Fabien GOUTTEFARDE

M. André VALLINI

M. André GATTOLIN

M. Frédéric PETIT

M. Olivier BECHT

M. Jacques MAIRE ( ex officio )

3. Questions sociales, santé et développement durable

(4 + 4)

M. Alain MILON

M. Christian KLINGER

Mme Jennifer DE TEMMERMAN

M. Dimitri HOUBRON

M. Bruno FUCHS

Mme Martine WONNER

Mme Laurence TRASTOUR-ISNART

M. Pierre MOREL-À-L'HUISSIER

4. Migrations, réfugiés et personnes déplacées

(4 + 4)

Mme Yolaine de COURSON

Mme Marie-Christine VERDIER-JOUCLAS

Mme Nicole DURANTON

M. Jacques LE NAY

M. Fabien GOUTTEFARDE

Mme Sylvie GOY-CHAVENT

M. Jérôme LAMBERT

M. Yves HEMEDINGER

5. Culture, science, éducation et médias

(4 + 4)

M. Olivier BECHT

Mme Nicole DURANTON

M. Bernard FOURNIER

M. Claude KERN

M. Frédéric REISS

Mme Martine LEGUILLE-BALLOY

M. Bertrand BOUYX

Mme Catherine KAMOWSKI

6. Égalité et non-discrimination

(4 + 4)

M. Didier MARIE

M. François CALVET

M. Bruno FUCHS

Mme Laurence TRASTOUR-ISNART

Mme Liliana TANGUY

M. Jérôme LAMBERT

Mme Isabelle RAUCH

M. Dimitri HOUBRON

Pour les trois autres commissions, aux termes de l'article 44 du Règlement de l'APCE, les nominations procèdent essentiellement des groupes politiques, à chaque ouverture de partie de session, en janvier.

Le tableau ci-dessous présente la participation des parlementaires français à ces commissions.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a été désignée présidente de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles à compter du 22 mars 2022.

COMMISSIONS

TITULAIRES

SUPPLÉANTS

Élection des juges à la CEDH

(désignation par les groupes politiques)

M. Dimitri HOUBRON

M. Fabien GOUTTEFARDE

Mme Marietta KARAMANLI

Règlement, immunités et affaires institutionnelles

(désignation par les groupes politiques)

Mme Nicole TRISSE

Mme Marie-Christine DALLOZ

M. Jacques MAIRE ( ex officio )

Respect des obligations et engagements (suivi)

(désignation par les groupes politiques)

M. Bernard FOURNIER

M. Claude KERN

Mme Alexandra LOUIS

M. Jacques MAIRE ( ex officio )

II. L'ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE À L'APCE ENTRE LES SESSIONS D'HIVER ET DE PRINTEMPS

A. LA TENUE, EN MARS, D'UNE SESSION EXTRAORDINAIRE CONSACRÉE À L'AGRESSION MILITAIRE CONTRE L'UKRAINE ET À LA RÉACTION DU CONSEIL DE L'EUROPE

1. La convocation d'un Comité mixte et d'un Bureau extraordinaires dès le 25 février

Le 24 février 2022, malgré les tentatives de médiation diplomatique du Président de la République française et du Chancelier de la République fédérale d'Allemagne auprès du Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine ordonnait aux troupes russes massées à la frontière avec l'Ukraine et déployées au Belarus de mener une « opération militaire spéciale » contre cet autre État membre du Conseil de l'Europe. Cette décision, qui a immédiatement donné lieu à la condamnation du Président de l'APCE, du Président du Comité des Ministres et de la Secrétaire générale de l'Organisation, a conduit M. Tiny Kox à réclamer la tenue d'un Comité mixte, réunissant le Comité des Ministres et les représentants de l'APCE, ainsi qu'un Bureau exceptionnel dans la foulée, pour évoquer les suites à donner à cette situation.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, en tant que vice-présidente de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, et M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), président du groupe ADLE , ont assisté à ces travaux, en leur qualité de membres de droit de ces deux instances.

À la suite d'un échange de vues entre les participants à la réunion du Comité Mixte, le Comité des Ministres a décidé formellement, en application de l'article 8 du Statut du Conseil de l'Europe (traité de Londres de 1949), de suspendre avec effet immédiat la Fédération de Russie de ses droits de représentation au sein de l'Organisation.

De fait, la Russie a immédiatement perdu la possibilité de déléguer un ambassadeur au Comité des Ministres, des parlementaires à l'APCE et des élus locaux au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, ou encore un représentant au sein des différents comités du Conseil de l'Europe, tel le Comité pour la prévention de la torture. Le Bureau de l'APCE, réuni dans la foulée, a quant à lui décidé la tenue d'une session plénière extraordinaire, à Strasbourg et en ligne, pour débattre d'une demande d'avis du Comité des Ministres sur une exclusion de la Russie du Conseil de l'Europe. Par voie de conséquence, la réunion de la Commission permanente de l'Assemblée parlementaire, qui devait se tenir à Berlin le 11 mars, a été reportée à une date ultérieure.

2. Une session extraordinaire, la deuxième de l'histoire de l'APCE, dévolue au seul sujet de l'attaque injustifiée de la Russie contre l'Ukraine et de ses conséquences au sein du Conseil de l'Europe
a) Une allocution, en visioconférence, de M. Denys Shmyhal, Premier ministre de l'Ukraine

Le premier après-midi de cette séance extraordinaire dictée par la situation dramatique causée en Ukraine par la Fédération de Russie, le lundi 14 mars, a été marqué par l'allocution solennelle, en visioconférence depuis Kiev, du Premier ministre de l'Ukraine, M. Denys Shmyhal. Cette courte intervention, en direct, n'a pas donné lieu à des échanges avec les membres de l'Assemblée parlementaire.

Rendant hommage à la population civile et aux combattants résistant courageusement à l'agression des forces russes, le Premier ministre de l'Ukraine a notamment estimé que le retour à l'APCE de la délégation russe, en 2019, avait montré que le monde comprenait mal la menace réelle que représente le régime de Vladimir Poutine. Il a regretté que l'Europe, à cette occasion, ait choisi la voie de l'apaisement au lieu de la défense des valeurs de la démocratie, de l'État de droit et des droits de l'Homme.

Pour Denys Shmyhal, le monde a enfin ouvert les yeux. Dix-huit jours de guerre ouverte ont conduit à des milliers de morts, à la perte de près de 90 enfants, à des milliers d'Ukrainiens privés de nourriture, d'eau et de chauffage, à la destruction de centaines d'écoles, à des bombardements d'hôpitaux, ou encore à des centrales nucléaires au bord de la catastrophe. Tout cela alors que, en signant la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la Russie s'était engagée à promouvoir le droit à la vie, la liberté et la paix.

Les autorités russes affirment qu'il n'y a pas de guerre et qu'elles ne font que mener une « opération militaire spéciale ». Or, plus de 12 000 soldats russes ont été tués et 389 chars, 1 249 véhicules de transport de troupe, 77 avions de chasse et 90 hélicoptères ont été détruits. Pareilles conséquences contredisent manifestement le discours officiel du Kremlin.

Le Premier ministre de l'Ukraine a affirmé que la Russie et son Président Vladimir Poutine ont commencé une guerre à grande échelle au centre de l'Europe, laquelle peut dégénérer en troisième guerre mondiale ou en catastrophe nucléaire. Accusant les dirigeants russes de mener des violations flagrantes des lois de la guerre et estimant que la punition, pour ce qu'il a qualifié d'actes de « terrorisme et génocide », ne peut être évitée, il a exigé l'exclusion immédiate de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe et demandé la mise en place de zones d'exclusion aérienne en Ukraine, pour protéger les civils.

Enfin, M. Denys Shmyhal a souhaité que soit mis fin aux mensonges et à la haine diffusée par la propagande russe. Après avoir appelé à l'unité des efforts pour protéger et défendre non seulement son pays mais également toute l'Europe, il a remercié tous les États qui apportent leur soutien à l'Ukraine, ainsi qu'à ses populations déplacées.

b) La communication du Président du Comité des Ministres

Lundi 14 mars après-midi, l'APCE a entendu une communication du Président en exercice du Comité des Ministres, M. Benedetto Della Vedova, Sous-secrétaire d'État au ministère italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.

Le Président du Comité des Ministres a déploré que la guerre d'agression « répugnante, non provoquée, injustifiable, contraire à toutes les normes les plus fondamentales du droit international et aux considérations d'humanité », menée par la Fédération de Russie ait engendré l'une des plus graves catastrophes humanitaires en Europe depuis la seconde guerre mondiale, si ce n'est la plus grave. Il a considéré que la Russie et le Belarus en portent l'entière responsabilité et que les instigateurs devront répondre de leurs crimes. Dans cet esprit, il a salué la décision du Procureur général de la Cour pénale internationale d'ouvrir, motu proprio , une enquête sur les crimes de guerre commis en Ukraine, pour lesquels des preuves sont déjà en train d'être rassemblées, ainsi que l'activation de la Cour européenne des droits de l'Homme par le gouvernement ukrainien pour identifier des mesures provisoires contre la Fédération de Russie.

Il s'est ensuite félicité de l'activation du Mécanisme de Moscou de l'OSCE, par lequel une mission d'experts indépendants sera mandatée pour recueillir des informations et des preuves sur les violations et les abus commis dans le cadre de la guerre contre le peuple ukrainien, de même que de l'appel lancé par les dirigeants de l'Union européenne au Conseil européen de Versailles pour que la Russie respecte pleinement les obligations qui lui incombent en vertu du droit humanitaire international en garantissant un accès humanitaire sûr et sans entrave aux victimes et aux personnes déplacées et en autorisant le passage en toute sécurité des civils qui souhaitent quitter les zones de conflit.

La communauté internationale ne pouvait rester indifférente à une telle barbarie. Le Conseil de l'Europe, dépositaire et gardien des principes fondamentaux de coexistence, de respect des droits de l'Homme, n'est pas resté indifférent : le 25 février, son Comité des Ministres a voté la suspension avec effet immédiat de la Fédération de Russie de ses droits de représentation ; le 2 mars, il a détaillé les nombreuses conséquences juridiques et financières de cette suspension inédite ; le 10 mars, il a lancé une consultation de l'Assemblée parlementaire en vue d'un retrait de la Russie de l'Organisation.

Se félicitant de la coordination étroite, depuis le début de la crise, entre le Comité des Ministres, l'APCE et la Secrétaire générale, M. Benedetto Della Vedova a insisté sur l'attention qui sera accordée à l'avis que l'Assemblée parlementaire doit émettre sur l'appartenance de la Russie au Conseil de l'Europe. Il s'est déclaré triste pour les terribles souffrances du peuple ukrainien et a espéré que demeure intacte l'ambition de créer une maison européenne commune et une communauté de démocraties toujours plus forte, comme l'avaient souligné les chefs d'État et de gouvernement dans leur communiqué à l'issue de leur premier Sommet à Vienne, en 1993.

Face aux 3 millions de réfugiés fuyant l'Ukraine, selon le HCR, et au 1,8 million de personnes déplacées, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la République de Moldavie et la Roumanie ont fourni un effort remarquable. L'Italie est prête à prendre toute sa part, le pays ayant accueilli d'ores et déjà 30 000 personnes. Pour faire face à l'urgence, des solutions innovantes ont été imaginées, comme l'utilisation de biens immobiliers confisqués à la criminalité organisée. De même, un soutien budgétaire direct de 110 millions d'euros a été accordé à l'Ukraine.

Le Président du Comité des Ministres a conclu en se déclarant réconforté de voir comment les organisations de la société civile et une multitude de citoyens ordinaires accueillent les réfugiés. Il a plaidé pour que, à l'instar du Conseil européen lors de sa réunion informelle à Versailles, le Conseil de l'Europe félicite le peuple ukrainien pour le courage dont il fait preuve dans la défense de son pays et des valeurs de liberté, de démocratie et d'État de droit.

Au cours des échanges qui ont suivi la communication de M. Benedetto Della Vedova, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a observé qu'en déclenchant une guerre totalement injustifiée contre l'Ukraine, la Fédération de Russie avait replongé le continent dans les affres d'un conflit armé à l'issue imprévisible. Soulignant que, le 1 er mars, la Cour européenne des droits de l'Homme avait pris des mesures provisoires urgentes sur les attaques militaires contre les civils, les écoles et les hôpitaux, elle a demandé quelles initiatives la présidence du Comité des Ministres entendait prendre pour veiller à la mise en oeuvre de cette décision juridictionnelle et, de manière plus générale, quelles actions concrètes les services du Conseil de l'Europe allaient engager pour soutenir l'Ukraine et sa population sur le long terme.

Le Président du Comité des Ministres a répondu qu'il est difficile de penser à des initiatives concrètes du Conseil de l'Europe visant à mettre un terme à la guerre. Toutefois, cela ne signifie pas que rien ne soit possible, notamment à travers des échanges avec les autorités russes, afin de mettre en oeuvre les mesures provisoires décidées par la Cour européenne des droits de l'Homme. En tout état de cause, quelles que soient les décisions des autorités russes, elles ne resteront pas sans conséquence.

c) L'intervention de la Secrétaire générale de l'Organisation

Les séances plénières du 14 mars se sont achevées par une intervention de la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ, elle-aussi suivie d'échanges avec les membres de l'APCE.

Après avoir rendu hommage au Premier ministre et au peuple de l'Ukraine et qualifiée de « choquante et consternante » l'agression permanente de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, la Secrétaire générale a considéré que le Conseil de l'Europe, comme d'autres organisations internationales mais aussi comme les gouvernements et Parlements, devait soutenir l'Ukraine de manière concrète. Les actions de la Russie constituant une violation flagrante du statut de 1949, elle s'est déclarée heureuse que le Comité des Ministres ait pu convenir de la suspension de la représentation du pays de manière aussi claire et rapide.

Rappelant que la Russie reste actuellement toujours soumise à la juridiction de la Cour européenne des droits de l'Homme, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ a insisté sur le fait qu'il ne doit pas y avoir d'attaques militaires contre des civils ou des biens civils et que les établissements médicaux doivent être épargnés.

Depuis cette suspension de la représentation de la Russie, ses autorités ne se sont pas retirées du Conseil de l'Europe, ni n'ont fait marche arrière dans leur campagne brutale en Ukraine. La grave violation de l'article 3 du Statut demeure donc et il appartient au Comité des Ministres de déterminer ce qu'il convient de faire maintenant, le cas échéant.

La raison d'être du Conseil de l'Europe est de protéger et de promouvoir les normes européennes en matière de droits de l'Homme, de démocratie et de primauté du droit, dans l'intérêt de chaque citoyen. La Russie est un pays dont les souffrances ne sont pas comparables à celles de l'Ukraine, mais c'est néanmoins un État dont les droits fondamentaux sont retirés aux citoyens. Et si la conclusion inévitable des événements actuels était que la Fédération de Russie doive quitter le Conseil de l'Europe, ce serait aussi une sorte de tragédie pour le peuple russe, qui ne sera plus protégé par la convention européenne des droits de l'Homme et ne pourra plus faire appel à la Cour européenne des droits de l'Homme.

La leçon à en tirer est que là où les normes communes se fracturent, les gens souffrent. Il faut donc redoubler d'efforts pour garantir que le Conseil de l'Europe reste au coeur de la vie du continent, ce qui passe notamment par des ressources adéquates.

La Fédération de Russie, tenue de respecter ses engagements financiers conformément aux programme et budget 2022-2025, n'a pas effectué son premier versement annuel, qui aurait dû intervenir il y a deux semaines. Heureusement, certains États membres ont déjà déclaré que le Conseil de l'Europe ne devra pas être pénalisé financièrement à la suite de sa décision de suspendre la représentation de la Fédération de Russie.

Outre un soutien de l'Organisation aux États membres prenant en charge les réfugiés arrivés d'Ukraine, le Conseil de l'Europe a mobilisé la Commissaire aux droits de l'Homme et la représentante spéciale sur les migrations et les réfugiés, ainsi que la Banque de développement qui a consenti une importante contribution financière à l'Ukraine.

La Secrétaire générale a rappelé qu'à la fin de 2021, elle avait effectué une visite officielle en Ukraine, à sa frontière administrative avec la Crimée et au contact des ONG locales. Elle a indiqué que le Conseil de l'Europe y retournera, quand la violence aura cessé, pour accompagner les gens au mieux.

En conclusion, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ a souligné que le Conseil de l'Europe n'est pas une organisation de sécurité et qu'il ne fera pas, à lui seul, cesser l'agression qui se déroule actuellement. Chacun doit, néanmoins, réaliser un examen de conscience pour faire ce qui est juste. Pour les années à venir, il importe de défendre des valeurs dans l'intérêt de chaque Européen ; dans l'immédiat, il faut apporter soutien et solidarité au peuple ukrainien.

Lors des échanges qui ont suivi ce propos liminaire, Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a exprimé sa solidarité avec le peuple ukrainien et estimé que, après son agression, la Russie de Vladimir Poutine ne pouvait pas rester membre du Conseil de l'Europe. Elle a demandé à la Secrétaire générale quelle étaient ses marges de manoeuvre, tant que la Russie reste partie à la convention européenne des droits de l'Homme, et quelles actions elle entendait mener face à la crise des réfugiés et déplacés. Elle a aussi souhaité savoir quelles conséquences seraient tirées de cette crise majeure sur le fonctionnement du Conseil de l'Europe, afin qu'il soit demain en pleine capacité de promouvoir la sécurité démocratique sur le continent.

En réponse, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ a estimé que c'est à travers l'application de standards, l'application des droits de l'Homme, de la démocratie et de l'État de droit que le Conseil de l'Europe forge la sécurité démocratique, qui s'applique aussi aux réfugiés et déplacés. Elle a considéré qu'il était difficile d'envisager que la Russie demeure membre à part entière de l'Organisation, alors que son agression contre l'Ukraine se poursuit. Il est vrai que personne n'a vu cette crise advenir et le Conseil de l'Europe ne peut que renouveler la demande d'arrêt de la guerre et d'un retour au dialogue.

d) L'adoption d'un avis, débattu pendant une journée entière, en faveur de l'exclusion de la Russie au Conseil de l'Europe

Toute la journée du mardi 15 mars, l'Assemblée parlementaire a débattu en séance plénière et approuvé à l'unanimité, par 216 voix, un avis de la commission des questions politiques et de la démocratie, sur le rapport de Mme Ingjerd Schou (Norvège - PPE/DC), concernant l'application de l'article 8 du Statut du Conseil de l'Europe demandant au Comité des Ministres de prononcer le retrait de la Fédération de Russie de l'Organisation et la cessation de sa qualité d'État membre. Quelque 167 membres de l'APCE étaient inscrits à ce débat, dont 13 membres de la délégation française. Le lendemain du débat, le Comité des Ministres, suivant en cela la position de l'Assemblée parlementaire, a décidé de l'exclusion de la Russie du Conseil de l'Europe avec effet immédiat, sur le fondement de l'article 8 du traité de Londres portant statut de l'Organisation ; dans la foulée, le drapeau russe et la plaque commémorant la date d'adhésion du pays ont été retirés du parvis du Palais de l'Europe.

En ouverture de la discussion générale, la rapporteure s'est adressée aux parlementaires ukrainiens, en déplorant qu'eux-mêmes et leurs concitoyens soient les victimes d'une guerre d'agression dont les dirigeants de la Fédération de Russie portent l'entière responsabilité. Elle a considéré que la liste d'orateurs témoignait du fait que le sujet à l'ordre du jour était une situation historique appelant des mesures extraordinaires.

En travaillant avec le Comité des Ministres et le Secrétaire Général, l'APCE avait jusqu'à présent rendu le Conseil de l'Europe plus uni. Il est, hélas, dévastateur d'envisager de priver plus de 140 millions d'Européens de leur accès à la Cour européenne des droits de l'Homme.

Cette agression russe est en cours depuis 2014 mais, depuis le 24 février, elle est devenue une guerre totale. Une guerre qui a fait des milliers de victimes civiles, dont des centaines de morts. Elle a déplacé des millions de personnes à l'intérieur et à l'extérieur de l'Ukraine. Elle a causé une dévastation totale.

L'APCE se doit d'être aux côtés du peuple ukrainien pour défendre son droit à vivre dans un État indépendant et souverain dont l'intégrité territoriale est respectée. Il faut faire tout ce qui est possible pour que les hostilités cessent immédiatement et pour contribuer à la résolution de la crise humanitaire. Indépendamment de leur proximité géographique avec l'Ukraine, tous les États membres devraient jouer un rôle dans l'accueil des Ukrainiens et la fourniture d'une assistance.

En 1989, Mikhaïl Gorbatchev évoquait, devant l'Assemblée parlementaire, l'idée qu'il se faisait de la maison commune européenne. Trois décennies plus tard, le pessimisme et l'animosité sont de mise face à cette guerre d'agression, qui a réinstallé la peur en Europe.

À travers son débat, l'APCE s'unit pour condamner cette guerre d'agression, qui constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies, du Statut du Conseil de l'Europe, ainsi que des obligations et engagements de la Fédération de Russie en tant que membre de l'Organisation. Un avis clair est requis, si possible unanime. Une APCE et un Conseil de l'Europe unis, c'est une Organisation plus forte.

Cette guerre est un point de non-retour. Dans la maison commune européenne, il n'y a pas de place pour un agresseur : il est donc proposé de demander à la Fédération de Russie de se retirer du Conseil de l'Europe. Il s'agit là d'un message fort au Comité des Ministres. Mais indépendamment de la décision que cet organe décisionnel prendra, le Conseil de l'Europe doit continuer à tendre la main au peuple russe, dont une grande partie ne soutient pas cette guerre et n'a pas accès à des informations indépendantes et objectives à son sujet. De ce fait, il serait opportun de trouver les moyens d'offrir une plate-forme à tous les Russes qui partagent les valeurs du Conseil de l'Europe.

S'exprimant au nom du groupe ADLE, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) a regretté la tragédie en cours, qui frappe d'abord les Ukrainiens, depuis 2014, à cause d'une guerre menée par la Russie selon des formes qu'ont connue les Géorgiens, les Moldaves, les Tchétchènes, les Syriens avant eux. Une tragédie pour les Russes, ensuite, sur lesquels Poutine referme le couvercle du cercueil de la guerre froide. Une tragédie aussi pour l'Europe, dont le travail de trente ans de réconciliation vient de voler en éclats. Enfin, une tragédie pour la démocratie.

Le groupe ADLE demande solennellement l'exclusion de la Russie du Conseil de l'Europe le plus vite possible. Il le fait le coeur lourd car, de fait, les citoyens russes perdront la protection de la Cour européenne des droits de l'Homme. Mais il le fait convaincu qu'une Russie démocratique rejoindra, le moment venu, le Conseil de l'Europe, car le peuple russe n'est pas condamné à la dictature.

Ce combat contre la dictature, les Ukrainiens le mènent avec une incroyable mobilisation. Quand un peuple tout entier lutte pour son existence, l'Histoire montre qu'il finit par gagner. Les gouvernements européens aident l'Ukraine avec des fonds, des armes, des sanctions contre la nomenklatura, tout en maintenant ouverte la ligne de la négociation. Toutes les familles en Europe se mobilisent aussi pour donner et pour accueillir des ressortissants ukrainiens. Ce combat, le Conseil de l'Europe y prend lui aussi toute sa part et il doit mobiliser tous ses moyens : il faudrait qu'un recours soit déposé contre la Russie devant la Cour européenne des droits de l'Homme, que les dirigeants du Conseil de l'Europe se rendent en Ukraine, que les travaux en cours à l'APCE sur la Russie s'accélèrent et soient achevés. Les six mois qui viennent doivent être utiles aux Ukrainiens.

Le groupe ADLE votera l'avis en faveur d'un retrait de la Russie, conscient qu'il s'agit d'un message pour les Ukrainiens et aussi pour tous les Européens qui ont créé pendant quarante ans un espace de droit et de démocratie en partage.

Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a exprimé son total soutien au peuple ukrainien, aux victimes de la guerre et aux parlementaires ukrainiens, qui avaient alerté en vain. Elle a regretté qu'ils n'aient pas été écoutés, jugeant nécessaire d'être maintenant plus qu'à la hauteur de cette situation qui déstabilise toute l'Europe.

Les autorités russes semblent essayer de prendre l'Assemblée parlementaire de vitesse, puisque le porte-parole du Kremlin a lui-même évoqué un retrait du Conseil de l'Europe, tandis que le ministère russe des Affaires étrangères a publié un communiqué de presse infâmant pour le Conseil de l'Europe. Face à l'intolérable, la Fédération de Russie doit assumer elle-même les conséquences de ses actes mais elle n'a pas pour autant procédé à une notification officielle de son retrait pour le moment.

Les conséquences d'un retrait de la Russie, notamment pour la société civile russe qui ne pourra plus faire appel à la Cour européenne des droits de l'Homme ou pour les personnes vivant sur les territoires occupés par la Fédération de Russie, ne doivent pas être sous-estimées. Mais le chemin difficile sur lequel le Conseil de l'Europe se trouve désormais engagé, il ne l'a pas choisi. C'est le Président de la Fédération de Russie qui l'a choisi, en déconnectant progressivement son pays des valeurs du Conseil de l'Europe, en massant les troupes russes en vue d'une invasion planifiée de l'Ukraine, en ordonnant à ses armées d'attaquer les civils, de bombarder les hôpitaux, de violer les droits humains.

La Fédération de Russie ne peut plus, en l'état, rester membre du Conseil de l'Europe. Vladimir Poutine a bafoué les valeurs de cette Organisation, qu'il ne faut pas laisser piétiner.

Il convient malgré tout de former le voeu que les Ukrainiens puissent retrouver rapidement leur pays, que les négociations en cours débouchent sur un cessez-le-feu et que les réfugiés puissent retourner dans leur pays en sécurité.

M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a observé que l'APCE se trouvait face à une décision désormais incontournable. Ne pas voter l'exclusion de la Fédération de Russie reviendrait à donner un blanc-seing aux dirigeants du Kremlin à l'abolition de toutes les règles qui caractérisent le Conseil de l'Europe. Ce serait donner un blanc-seing à une guerre injuste, sale, « dégueulasse », systématiquement non conventionnelle où sont ciblés des maternités, des hôpitaux, des populations civiles, notamment avec des bombes à sous-munitions. Ce serait aussi donner un blanc-seing à d'éventuelles futures attaques contre d'autres États membres.

Ne pas voter l'exclusion de la Russie ne serait pas seulement un aveu de faiblesse, ce serait également une perte de sens total, un signe de démission, un permis de tuer donné aux dirigeants de la Fédération de Russie. Il y a trois ans, en réintégrant la Fédération de Russie en son sein, l'Assemblée parlementaire a offert une chance aux dirigeants de ce pays de se réinscrire dans le droit et les règles internationales. Ils n'en ont pas tenu compte.

Malgré les divergences qui ont existé avec d'autres délégations de l'APCE, les parlementaires de la délégation de la Turquie devraient prendre conscience que leur pays est de plus en plus enserré par les alliés de la Fédération de Russie. Il faut donc agir ensemble, unanimement, pour protéger les peuples ukrainiens et tous les Européens, en excluant la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe.

M. Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste) a observé que les travaux de l'APCE sont marqués, depuis 2014, par les actions de la Fédération de Russie. L'Assemblée parlementaire a régulièrement constaté des manquements de ce pays aux obligations contractées lors de son adhésion au Conseil de l'Europe en 1996.

L'annexion de la Crimée par la force a marqué un véritable tournant, qui a abouti à une suspension des droits des parlementaires russes. Malgré les efforts déployés pour renouer le dialogue, force est de constater que la Russie n'a pas su saisir la main qui lui a été tendue en 2019. L'intransigeance des autorités russes dans le cas d'Alexeï Navalny illustre l'échec de ce dialogue. De même, le raidissement des positions concernant des arrêts importants de la Cour européenne des droits de l'homme est manifeste. Le refus d'appliquer certains arrêts ne se limite pas au seul gouvernement. En 2016, c'est la Cour constitutionnelle russe qui a refusé l'application d'un arrêt de la Cour de Strasbourg, remettant ainsi en cause la hiérarchie des normes.

À la suite de l'agression contre l'Ukraine, le maintien de la Russie au sein du Conseil de l'Europe ne peut plus être toléré. Cela est regrettable mais il faut tirer toutes les conséquences de cette agression. C'est une question de crédibilité. Pourquoi être partie à une convention si, dans les faits, on refuse de l'appliquer et si on en conteste fondamentalement les valeurs ?

Dupes une première fois, les membres de l'APCE ne doivent pas se laisser avoir une seconde fois. La Russie pose aujourd'hui un défi sans précédent depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Il ne s'agit pas de déclencher une troisième guerre mondiale mais il n'est pas pour autant question de laisser cette guerre se dérouler sans réagir, d'autant que les sanctions internationales finiront par porter leurs fruits.

Plus de 2 100 personnes seraient mortes à Marioupol, illustrant le retour de la barbarie en Europe. Le Conseil de l'Europe ne peut accepter cela de l'un de ses membres. La Russie de Poutine n'a plus sa place à l'APCE.

Mme Alexandra Louis (Bouches du Rhône - Agir Ensemble) a souligné que le ciel d'Europe s'est obscurci, rappelant que personne n'est à l'abri du retour des tyrannies et des velléités de puissance qui ont si funestement marqué l'histoire du continent.

L'agression du peuple ukrainien par la Russie de Vladimir Poutine est une ignominie, et cela a commencé en 2014 avec l'annexion de la Crimée. L'Assemblée parlementaire avait déjà suspendu les droits de la délégation russe, avant de la réintégrer. Tout cela pour ce résultat. Le 2 mars, les droits de représentation de la Fédération de Russie ont été à nouveau suspendus à l'échelle de tous les organes du Conseil de l'Europe.

En ces jours sombres où des femmes, des hommes et des enfants n'ont d'autre choix cruel que de fuir ou de se battre pour vivre, quel rôle doit avoir le Conseil de l'Europe lorsque l'un de ses États membres viole les valeurs qui le lient aux 46 autres ?

La décision de l'APCE doit être claire : la Fédération de Russie doit être exclue du Conseil de l'Europe car elle s'est placée volontairement en contradiction avec les droits humains. Il en va de la crédibilité de l'Organisation, et donc de sa légitimité demain pour agir face à ceux qui bafouent ses valeurs et sèment la terreur. Évidemment, cette décision indispensable est un déchirement car la Cour européenne des droits de l'Homme représente, pour le peuple russe, et particulièrement pour ceux qui se battent pour la démocratie et la justice, un phare éclairé dans la nuit. Pour cette raison, il ne faut pas couper le lien avec la société civile russe car c'est avec elle qu'il faudra construire l'avenir.

Au-delà de la question de l'exclusion de la Russie, il faut activer tous les leviers dont dispose le Conseil de l'Europe et, au besoin, en créer de nouveaux pour tenter de ramener la paix et la justice, pour protéger les civils et les réfugiés et lutter contre la désinformation car la guerre se joue aussi sur ce plan. Plus que jamais, le Conseil de l'Europe doit agir stratégiquement pour assurer à tous la plus exhaustive protection de leurs droits. Il est en outre indispensable que les exactions et les crimes commis cessent mais également qu'ils soient punis. C'est pourquoi la mise en oeuvre d'une commission d'enquête et l'institution d'un tribunal spécial est indispensable.

Aujourd'hui, fort heureusement, une union se dessine au sein de l'APCE, offrant une note d'espoir aux peuples ukrainien et européens. Cependant, la paix et la démocratie sont un engagement de chaque instant, dans un équilibre très fragile. Ainsi que le disait Albert Camus : « Celui qui dit ou qui écrit que la fin justifie les moyens et celui qui dit et qui écrit que la grandeur se juge à la force, celui-là est responsable absolument des hideux amoncellements de crimes qui défigurent l'Europe contemporaine. » Cette citation est d'une cruelle actualité aujourd'hui. Face à cette tragédie, les membres de l'APCE ne sauraient être ceux qui acceptent que force soit loi.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a tout d'abord exprimé sa solidarité avec l'Ukraine et salué les membres de la délégation ukrainienne, qui avaient tiré la sonnette d'alarme sans que l'urgence de leur propos soit totalement perçue. Il a ensuite appelé la Russie à cesser ses actions militaires et à retirer ses forces de la totalité du territoire ukrainien, immédiatement et sans condition, ainsi qu'à respecter pleinement l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières reconnues au niveau international.

La raison d'être du Conseil de l'Europe est la défense de la démocratie, de l'État de droit et des droits de l'Homme. Depuis plusieurs années, en dépit des mains tendues, la Fédération de Russie dirigée par Vladimir Poutine s'écarte de ces valeurs. L'illustrent tout particulièrement l'annexion de la Crimée, l'occupation de certains territoires, l'affaire Navalny, la dissolution de l'ONG Memorial, la contestation croissante d'arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme. Mais l'invasion de l'Ukraine, cette guerre à grande échelle lancée le 24 février, marque une rupture majeure. Selon le ministère russe des Affaires étrangères, le cours des événements est devenu irréversible mais uniquement par la volonté de la Russie, qui a déclenché cette guerre de manière préméditée en faisant semblant de vouloir négocier. Aujourd'hui, elle viole les droits humains élémentaires en attaquant des civils, en utilisant de manière cynique les couloirs humanitaires, en bombardant l'hôpital pédiatrique de Marioupol. Ce sont ses troupes qui n'hésitent pas à arrêter des maires ukrainiens, attaquant ainsi les bases de la société démocratique ukrainienne.

Il faut réagir avec calme et fermeté, en demandant le retrait de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe. La crédibilité de l'Organisation est en jeu, même si les conséquences de ce retrait pour le peuple russe sont importantes. Ce calme et cette fermeté doivent aussi conduire à user de tous les éléments disponibles pour étayer les violations des droits fondamentaux en Ukraine, et enfin à tirer des conséquences de long terme sur le fonctionnement du Conseil de l'Europe, pour lui permettre d'être pleinement en capacité de promouvoir la sécurité démocratique du continent.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a relevé que, depuis l'agression armée totalement injustifiée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, le 24 février, l'Europe se trouve confrontée à une situation extrêmement grave qui fait resurgir les souvenirs les plus sombres et craindre un embrasement du continent. Le conflit qui oppose désormais deux États membres du Conseil de l'Europe est dramatique, les victimes civiles se comptant par centaines, les migrants par centaines de milliers et des villes se trouvant détruites, des populations assiégées, sans oublier la menace nucléaire.

La paix et la démocratie sont des valeurs essentielles mais fragiles. Elles semblent acquises lorsque tout va bien mais les faits de ces jours-ci montrent qu'elles sont menacées. Il faut donc les défendre.

Le Conseil de l'Europe a été fondé en 1949 dans une optique de réconciliation des peuples européens. Afin d'atteindre son objectif de promotion les droits de l'Homme, il s'est doté de la convention européenne des droits de l'Homme. Dix ans plus tard, en 1959, la Cour européenne des droits de l'Homme a été créée afin de faire respecter cette convention. En tant qu'organe parlementaire de l'Organisation, l'APCE se doit d'oeuvrer à la préservation de ces valeurs.

Dès le 25 février, le Comité des Ministres a suspendu les droits de représentation de la Fédération de Russie. Cette décision a été prise en concertation avec l'Assemblée parlementaire. Elle était nécessaire. Parallèlement, le 1 er mars, la Cour européenne des droits de l'Homme a demandé à la Fédération de Russie de ne pas entreprendre d'attaques militaires contre des civils et de préserver les écoles et les hôpitaux. Il est évident que ces réactions sont insuffisantes et qu'il faut d'ores et déjà réfléchir aux actions que l'APCE devra entreprendre pour contribuer à la résolution de ce conflit. Lorsqu'il s'agira, ensuite, de trouver une voie de réconciliation, il faudra faire preuve de la plus grande fermeté à l'égard de l'intégralité et de la souveraineté de l'Ukraine car ces principes ne sont pas négociables.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a souligné que la tenue d'une session extraordinaire de l'APCE témoignait de la gravité de la situation dans laquelle le continent européen se trouve plongé depuis le lancement par le pouvoir russe d'une attaque armée totalement injustifiée contre l'Ukraine et sa population. Elle-même élue d'un territoire français fortement marqué par les deux guerres mondiales du XX e siècle, elle a déclaré qu'elle n'aurait jamais imaginé vivre en direct des événements et voir des images lui remémorant aussi intensément les leçons les plus sombres de l'histoire.

La Fédération de Russie, en adhérant au Conseil de l'Europe, s'était engagée à poursuivre un ensemble de buts partagés, un idéal humaniste et de progrès. Son Président actuel, en choisissant délibérément de lancer une guerre d'agression contre l'Ukraine, bafoue les valeurs qui sont chères aux membres de l'Assemblée parlementaire. M. Poutine a renié la parole donnée et plongé l'Europe toute entière dans une crise que la création du Conseil de l'Europe, en 1949, visait justement à éviter.

L'Organisation a su réagir dès le 25 février, au lendemain de cette offensive massive, en suspendant les droits de représentation de la Fédération de Russie. De même, le 1 er mars, la Cour européenne des droits de l'Homme a demandé au gouvernement russe de s'abstenir d'attaquer les civils, les écoles et les hôpitaux. Malheureusement, cela ne suffit pas, ne suffit plus. Après 20 jours de combats meurtriers, de bombardements, de tueries de civils, de rapts et de tortures, chaque jour amène son lot d'atrocités perpétrées par le Président russe, qu'il convient de distinguer de son peuple, victime lui-aussi, mais à moindre échelle que le peuple ukrainien.

Cette guerre, voulue par une seule personne qui a le fantasme de la « Grande Russie », dont le régime avait droit de vie ou de mort sur chacun de ses habitants, est non seulement complètement folle mais de surcroît elle met en danger toute l'Europe. Aujourd'hui, c'est l'Ukraine qui est un pays martyr et demain ? Où s'arrêtera cet homme qui visiblement n'a aucune envie de désescalade ?

La Fédération de Russie a franchi la ligne rouge. Par attachement aux valeurs du Conseil de l'Europe, il faut le dire clairement : il n'est pas possible de maintenir la Fédération de Russie au sein de l'Organisation. L'accepter serait une forme de complicité passive. Alors oui, le peuple russe sera, une fois de plus, lésé. Mais l'argument de la convention et de la Cour européenne des droits de l'Homme est contreproductif. Conserver la Russie comme État membre risquerait de laisser penser que, peut-être, existent des circonstances atténuantes, ce qui ne manquerait pas d'alimenter les réseaux sociaux truffés de fake news . Il ne faut pas transiger et, au contraire, faire preuve de fermeté.

Bien sûr, lorsque l'Ukraine sera à nouveau en paix, en État souverain et indépendant, et dès lors que la Fédération de Russie aura changé et souhaitera sincèrement se conformer aux valeurs du Conseil de l'Europe, il sera de nouveau possible d'accueillir le peuple russe et de dialoguer avec ses dirigeants. C'est ce qui a pu être accompli à la fin de la Seconde guerre mondiale, entre la France et l'Allemagne, et c'est ainsi qu'a été créé le Conseil de l'Europe. Dans l'immédiat, un vote massif de l'avis proposé, sans avoir la main qui tremble, s'impose.

Après avoir rendu hommage à la population ukrainienne, M. Christian Klinger (Haut-Rhin - Les Républicains) a jugé qu'il était nécessaire de montrer la solidarité des Européens avec l'Ukraine, compte tenu des multiples violations des droits de l'homme observées aujourd'hui.

La situation en Ukraine est plus qu'alarmante, comme le montrent les bombardements sur Marioupol. Les habitants sont privés d'eau, de gaz et d'électricité. La nourriture commence à manquer cruellement. Les immeubles sont bombardés sans relâche par les forces russes qui n'hésitent pas à viser la population civile. Face à ces violations des droits humains, il faut venir en aide aux réfugiés qui souhaitent demander l'asile et ne pas réitérer les erreurs de 2015 et 2016 : l'Italie et la Grèce s'étaient alors retrouvées seules en première ligne pour accueillir des millions de réfugiés syriens fuyant la guerre.

Cette fois, c'est notamment la Pologne et la Roumanie qui sont en première ligne ; les autres États membres de l'Union européenne doivent leur prêter assistance, grâce à une répartition des réfugiés, en tenant évidemment compte de leurs préférences et de leurs attaches.

Il ne faut pas s'y tromper, cette guerre est appelée à durer et le nombre de réfugiés à augmenter. Le cap des 3 millions de réfugiés est franchi et les experts tablent sur 5 millions prochainement. Dans ce contexte, le Conseil de l'Europe doit rester actif pour permettre un accueil respectueux des droits et garantir que toutes ces personnes qui souhaitent quitter l'Ukraine puissent le faire. La Commissaire aux droits de l'Homme pourrait notamment assister la Commission européenne et les États membres à cet effet. Par ailleurs, il conviendra de permettre aux ressortissants des États tiers vivant en Ukraine de pouvoir se rendre dans d'autres pays européens, afin de regagner leur pays d'origine s'ils le souhaitent. Dans cette situation d'urgence, l'accueil sans condition doit être organisé, sachant que la volonté de la plupart des réfugiés est de regagner leur Ukraine natale dès la fin du conflit.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) a souligné que l'attaque armée totalement injustifiée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, le 24 février, avait plongé l'Europe dans une situation d'une gravité extrême. Élu lui aussi d'un territoire particulièrement traumatisé par les horreurs des deux guerres mondiales du XX e siècle, il s'est déclaré stupéfait de voir resurgir une telle menace et déterminé à faire tout son possible pour éviter l'embrasement du continent.

Les Alsaciens ont connu l'évacuation en 1939, beaucoup d'aïeux ont été enrôlés de force dans la Wehrmacht en 1942 et l'annexion de fait de l'Alsace par Hitler a été un traumatisme terrible. Aujourd'hui, la guerre qui déchire deux pays frères, la Russie et l'Ukraine, est épouvantable. Le bilan est déjà extrêmement lourd : des milliers de victimes civiles, des millions de réfugiés, des villes détruites, des populations assiégées sans eau ni nourriture et un risque nucléaire avéré.

L'année de naissance du Conseil de l'Europe coïncide avec la date de naissance de certains parlementaires. La convention européenne des droits de l'Homme et la Cour européenne des droits de l'Homme ont aussi vu le jour après la seconde guerre mondiale afin de favoriser la réconciliation durable des peuples européens. Cet objectif, considéré comme acquis, est brutalement remis en cause.

Les membres de l'APCE ont pourtant pour mission d'oeuvrer pour la préservation de la paix et de la démocratie. Les droits de représentation de la Fédération de Russie au Conseil de l'Europe ont été, à juste titre, suspendus par le Comité des Ministres dès le lendemain de l'attaque. Il n'aurait pas été acceptable qu'un État membre bafouant les droits à la vie et à la vie familiale, ainsi que l'interdiction de la torture et des traitements inhumains prévus par les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'Homme puisse continuer à exercer toutes ses prérogatives.

Les demandes faites à la Russie de ne plus perpétrer d'attaques militaires contre des civils et de préserver les écoles et les hôpitaux ont été vaines. Le non-respect des couloirs humanitaires est un scandale absolu. Chaque matin, les dégâts humains et matériels causés s'aggravent et ces informations tragiques deviennent presque habituelles.

Si le dialogue est utile et nécessaire, le maintien de la Russie au sein du Conseil de l'Europe est aujourd'hui indéfendable. À plus long terme, lorsque sera négocié le règlement du conflit, il faudra exiger la souveraineté de l'Ukraine et l'intégralité de son territoire. Céder sur ce point s'avèrerait extrêmement dangereux pour d'autres pays européens, comme la Moldavie et la Géorgie. Pour l'heure, il faut marquer la solidarité avec le peuple ukrainien et allier la diplomatie à la fermeté des sanctions.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a déploré que, deux ans seulement après la guerre au Haut-Karabakh, un nouveau conflit éclate entre deux États membres du Conseil de l'Europe. Un conflit d'une ampleur qui secoue tout le continent et qui interroge très directement les valeurs de l'Organisation. Il a regretté que tous les efforts diplomatiques déployés pour l'éviter n'aient pas porté leurs fruits.

L'agression russe contre l'Ukraine, déclenchée le 24 février dernier, est inacceptable. La suspension par le Comité des Ministres de la Fédération de Russie de ses droits de représentation au Conseil de l'Europe, dès le 25 février, était une première étape absolument nécessaire. Elle est néanmoins clairement insuffisante, même si le chemin qui suit va conduire à priver, à terme, les citoyens russes de recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Vladimir Poutine ne laisse pas le choix aux membres de l'APCE. La suspension des pouvoirs des parlementaires russes en 2014 n'a pas permis d'obtenir des avancées notables sur la situation en Ukraine. Leur retour en 2019 non plus, et il n'a en rien permis d'éviter la guerre.

Certes, les questions de défense et de sécurité ne relèvent pas de la compétence du Conseil de l'Europe. Toutefois, le préambule de la convention européenne des droits de l'Homme rappelle que l'Organisation doit renforcer les liens entre ses États membres, profondément attachés au respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde. Ces valeurs ne sont pas partagées aujourd'hui par la Fédération de Russie. Les bombardements qui s'intensifient et visent directement les populations civiles pour les effrayer, ou la création de couloirs humanitaires menant vers la Russie ou le Belarus montrent le cynisme des dirigeants russes, qui ne prennent nullement en considération les droits des populations ukrainiennes. Bien au contraire, Poutine et son entourage sont à l'origine de massacres et de véritables crimes de guerre.

Les ONG et les journalistes relayent une situation particulièrement préoccupante sur le terrain. Ce conflit est la négation de toutes les valeurs défendues par le Conseil de l'Europe depuis sa création. C'est la raison pour laquelle l'APCE doit réagir, tant pour affirmer sa solidarité avec les Ukrainiens que pour rappeler son attachement aux valeurs du Conseil de l'Europe.

La Russie de Vladimir Poutine ne peut plus faire partie de cette Organisation, c'est une question de crédibilité. Enfin, il a félicité le peuple ukrainien pour son courage et lui a apporté tout son soutien.

Mme Jennifer De Temmerman (Nord - Libertés et Territoires) a tout d'abord exprimé son soutien au peuple ukrainien et aussi aux peuples voisins, qui les ont soutenus depuis le début, depuis des années, et qui sont également en première ligne. Elle a estimé que, en 2019, l'APCE avait été naïve, en n'entendant pas les avertissements des parlementaires ukrainiens. Dans l'Histoire, il y avait eu des précédents, dont les leçons n'ont pas été tirées.

À l'époque, beaucoup ont cru que c'était le mieux à faire pour le peuple russe, victime d'un pouvoir décadent et despotique. Il pouvait ainsi continuer à saisir la Cour européenne des droits de l'Homme. Mais finalement, pour quels résultats ?

Même si c'est un peu tard et si cela ne changera pas la situation actuelle, le peuple ukrainien et tous ceux qui ont eu la lucidité de le soutenir depuis des années ont droit à des excuses pour cette naïveté. Le Conseil de l'Europe a été créé aux lendemains d'une guerre terrible, dans l'espoir d'éviter un nouvel embrasement. Est-ce la fin d'une illusion ? La paix en Europe ne tient désormais qu'à un fil. Il ne faut pas regarder ailleurs : se montrer faible face à un monstre n'épargnera personne.

Aujourd'hui, l'APCE a l'opportunité de se racheter, en adoptant d'une seule voix et sans faiblir l'exclusion de la Fédération de Russie. Chacun a le devoir d'être à la hauteur du courage du peuple ukrainien. Il faut pour cela entendre les requêtes de ceux qui avaient averti et qui n'ont pas été écoutés auparavant, y compris au sujet d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus du territoire ukrainien.

Les représentants du peuple doivent tenir compte de leurs concitoyens. En Flandre, telle entreprise affrète des camions pour convoyer des dons, tel maire accueille sous son toit une famille ukrainienne. Ils attendent tous de la cohérence dans le vote de leur parlementaire à Strasbourg. Un grand écrivain russe, correspondant de Gandhi, a écrit « le gouvernement est une réunion d'hommes qui fait violence au reste des hommes » . Les pommes tombent parfois loin des arbres. C'est ce qui se passe actuellement en Russie. Il convient, en outre, de ne pas oublier les opposants à Poutine, car c'est peut-être par eux que pourra revenir la lumière.

L'avis voté aujourd'hui n'est qu'une pierre. Mais une pierre est un rempart contre une barbarie ; une pierre peut vaincre un géant ; et une pierre fait une maison. Demain, l'Ukraine se reconstruira. Aujourd'hui, il faut lui apporter un soutien sans faille et tenter d'endiguer un déferlement de violence.

M. Olivier Becht (Haut-Rhin - Agir Ensemble) a considéré que l'invasion brutale de l'Ukraine par la Russie signait le retour de la guerre en Europe. Avec la chute du mur de Berlin, beaucoup pensaient pouvoir jouir des dividendes de la paix ; l'Histoire rappelle avec brutalité que les Européens sont tous Ukrainiens. Face à cette agression armée d'un État membre du Conseil de l'Europe par un autre, une seule solution s'impose : l'exclusion de l'agresseur.

Une majorité a défendu, il y a quelques années, le maintien de la Russie dans l'Organisation car il apparaissait utile que les Russes puissent continuer à bénéficier de la protection de la Cour européenne des droits de l'Homme. Hélas, le chemin inverse a été pris. Si l'exclusion de la Russie de la famille de la grande Europe est aujourd'hui inévitable, il est indispensable de spécifier qu'il s'agit bien de la Russie de Vladimir Poutine. Nul n'est éternel au pouvoir et on peut fonder l'espoir que le peuple russe trouvera la force de mettre un jour à sa tête un dirigeant qui renouera avec les valeurs communes du Conseil de l'Europe.

Il faut que la Russie sache que, ce jour-là, elle pourra retrouver la place et le rang qui sont les siens dans cette grande famille européenne. Il faudra aussi, le temps venu, que l'Organisation réfléchisse à sa propre évolution. En effet, les valeurs sont fondamentales mais elles ne sont que des piliers du temple. Pour tenir debout, ces valeurs ont besoin du ciment des coopérations concrètes qui permettent une prospérité partagée. C'est le chemin qu'ont dessiné les Pères fondateurs, en 1950, en invitant les États à se réunir pour bâtir autour de l'énergie les conditions d'une prospérité commune.

Le Conseil de l'Europe ne pourra survivre sans évoluer sur ce même chemin. À l'heure où les Accords de Paris sur le climat conduisent, d'ici 2050, vers une société sans énergie fossile, personne ne peut espérer vivre en paix sur le continent sans associer chaque État de la grande Europe à cet immense défi qui conditionnera le développement économique futur et le bien-être des populations. Il est donc indispensable de travailler sans tarder aux conditions qui permettront, avec la Russie de l'après-Poutine, de bâtir une Paix durable, comme celle installée après 1945 entre États de l'actuelle Union européenne. Au niveau de la Grande Europe, le Conseil de l'Europe a toute sa légitimité pour oeuvrer à la réalisation de cet objectif.

B. DES RÉUNIONS D'INSTANCES EN PRÉSENTIEL MAIS AUSSI ENCORE PAR VISIOCONFÉRENCE, COMPTE-TENU DU CONTEXTE SANITAIRE

1. La réunion, à Strasbourg et en ligne, du Bureau préparatoire à la session de printemps

Initialement invité à se réunir à Berlin la veille de la tenue de la Commission permanente, le 10 mars, le Bureau de l'APCE appelé à préparer la tenue de la session de printemps et à arrêter les dernières modalités de la session extraordinaire de mars a finalement siégé de manière hybride, à Strasbourg et en ligne.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, en tant que vice-présidente de l'APCE, et M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), président du groupe ADLE, ont assisté à ces travaux, en leur qualité de membres de droit de ces deux instances. Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) n'avait pas encore été investie présidente de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles à cette date

Lors de cette réunion, le Bureau a notamment pris acte d'une communication de la Secrétaire générale et du Secrétaire général-adjoint du Conseil de l'Europe sur leurs activités récentes. Il a ensuite arrêté l'ordre du jour de la partie de session d'avril de l'Assemblée parlementaire.

Les membres du Bureau ont enfin acté certaines modifications dans la composition des commissions et débattu de questions diverses.

2. Les réunions de commissions

Du 1 er février au 21 avril, les commissions de l'APCE ont poursuivi leurs travaux en mode hybride, à la fois dans les locaux du Conseil de l'Europe situés avenue Kléber à Paris et à distance, conformément à l'autorisation donnée à cet effet par le Bureau. Plusieurs membres de la délégation française ont assisté à leurs débats.

Ainsi, le 1 er février, la commission des questions politiques et de la démocratie s'est-elle réunie, sous la présidence de Mme María Valentina Martínez Ferro (Espagne - PPE/DC), vice-présidente, puis de M. George Katrougalos (Grèce - GUE), président de la sous-commission sur le Proche-Orient et le monde arabe. Mmes Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, et Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) , ainsi que M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) ont participé à cette réunion, au cours de laquelle la commission a notamment tenu plusieurs échanges de vues portant respectivement sur les activités de coopération du Conseil de l'Europe avec les Balkans occidentaux, les moyens de favoriser les démocraties saines en Europe, dans le prolongement d'un avant-projet de rapport de Mme Marie-Christine Dalloz sur le sujet, et le renforcement du partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, dix ans après le traité de Lisbonne. De même, une sous-commission ad hoc a été désignée pour participer à la prochaine réunion du Réseau parlementaire mondial de l'Organisation pour la coopération et le développement en Europe (OCDE), à Paris les 17 et 18 mars 2022.

Le même jour, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission dite « de suivi »), s'est réunie à huis clos sous la présidence de M. Piero Fassino (Italie - SOC), en présence de MM. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) et Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), ainsi que de Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - Agir Ensemble).

À cette occasion, elle a notamment examiné un avant-projet de rapport sur le respect par la Géorgie de ses obligations et engagements, co-présenté par M. Claude Kern , et demandé à la Commission de Venise de se prononcer sur les amendements de décembre 2021 à la loi organique géorgienne sur les tribunaux de droit commun du pays, une communication étant parallèlement faite sur l'état de santé de M. Mikheil Saakashvili.

Elle a aussi examiné deux notes d'information sur les développements récents en Macédoine du Nord et sur la visite d'information de deux co-rapporteurs en Moldavie, puis tenu un échange de vues sur le respect par l'Azerbaïdjan de ses obligations et engagements, au terme duquel elle a décidé de demander un avis de la Commission de Venise sur la loi azérie relative aux médias.

Le 4 mars, la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, sous la présidence de Lord Alexander Dundee (Royaume-Uni - CE/AD), a notamment tenu une audition et examiné un avant-projet de rapport de M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) sur le contrôle de la communication en ligne, envisagé comme menace pour le pluralisme des médias, la liberté d'information et la dignité humaine. Elle a ensuite procédé à une seconde audition sur les défis éthiques, culturels et éducatifs des applications de traçage, avant d'entendre une communication de M. Frédéric Reiss sur sa participation au panel du Forum de Lisbonne intitulé « Sortons de notre bulle pour les droits humains », organisé en ligne le 9 décembre 2021, puis de tenir un échange de vues sur la construction des réseaux universitaires ouverts du Conseil de l'Europe (OCEAN). La commission a conclu ses travaux par une discussion sur les actions possibles suite à l'agression de l'Ukraine de la part de la Fédération de Russie et de la Biélorussie, mandat étant donné à son président de préparer une déclaration sollicitant des mesures d'exclusion des ressortissants de la Russie et la Biélorussie des compétitions sportives mais aussi des spectacles et événements culturels.

Le 11 mars, la commission sur l'égalité et la non-discrimination s'est réunie sous la présidence de Mme Annicka Engblom (Suède - PPE/DC). Elle a procédé à un échange de vues sur la désinstitutionnalisation des personnes handicapées, thématique sur laquelle Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) a présenté un rapport pour avis. Elle a aussi entendu deux communications, l'une sur la justice et la sécurité pour les femmes dans le processus de paix et de réconciliation et l'autre sur la recherche de solutions contre la captivité conjugale. Elle a enfin examiné une note d'information sur le rôle des partis politiques dans la promotion de la diversité et de l'inclusion puis décidé de soumettre un projet de Charte révisée à la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) pour une consultation formelle.

Le même jour, la commission des questions politiques et de la démocratie s'est réunie sous la présidence d'abord, à titre exceptionnel, de M. Tiny Kox, Président de l'APCE, puis de M. Zsolt Németh (Hongrie - CE/AD), en présence de M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) . Au cours de cette réunion, la commission a d'abord observé une minute de silence en hommage aux victimes de la guerre en Ukraine, puis elle a entendu une communication de M. Tiny Kox et été informée de la décision du Comité des Ministres de consulter l'Assemblée parlementaire sur une potentielle exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe. Elle a alors eu un échange de vues à ce sujet.

Cette même commission s'est réunie deux fois durant la session extraordinaire de l'APCE des 14 et 15 mars, sous la présidence de M. Zsolt Németh (Hongrie - CE/AD) puis de Mme Laima Liucija Andrikienë (Lituanie - PPE/DC) et M. Kimmo Kiljunen (Finlande - SOC). Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, , M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) Mme Martine Leguille-Balloy (Vendée - La République en Marche) et M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) ont assisté à ces travaux, au cours desquels la commission a notamment examiné le projet d'avis sur l'exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe.

Le 16 mars, la commission des questions politiques et de la démocratie s'est de nouveau réunie sous la présidence de M. Zsolt Németh (Hongrie - CE/AD), puis de M. Kimmo Kiljunen (Finlande - SOC). Elle a, à cette occasion, examiné le rapport de Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) sur la sauvegarde et la promotion de la démocratie véritable en Europe, et a adopté à l'unanimité des projets de résolution et de recommandation y afférents. Elle a ensuite entendu une communication de Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) sur la protection des piliers de la démocratie en période de crises sanitaires, approuvé un rapport sur le renforcement du partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne et examiné une note introductive révisée sur les conséquences du Brexit pour les droits de l'Homme sur l'île d'Irlande. Elle a enfin procédé à des échanges de vues sur l'appel à la restitution de Famagouste à ses habitants légitimes puis entendu trois communications relatives, pour la première, à la nécessité d'un multilatéralisme renouvelé, efficace et inclusif, pour la deuxième, à l'idéologie d'extrême droite, considérée comme un défi pour la démocratie et les droits de l'homme en Europe, et, pour la troisième, à un appel à un processus politique national inclusif au Belarus. Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , a elle aussi assisté à ces travaux.

La commission des questions sociales, de la santé, et du développement durable, pour sa part, s'est réunie le 17 mars sous la présidence de Mme Selin Sayek Böke (Turquie - SOC). À cette occasion, elle a débattu de trois projets de rapports et adopté, à chaque fois à l'unanimité, les projets de résolutions et de recommandations y afférents : en l'occurrence, le projet de rapport de M. Dimitri Houbron (Nord - Agir Ensemble) sur l'évaluation des moyens et des dispositifs de lutte contre l'exposition des enfants aux contenus pornographiques, ainsi qu'un autre sur l'élimination de la pauvreté extrême des enfants en Europe et un dernier sur la désinstitutionnalisation des personnes handicapées. La commission a aussi examiné deux notes introductives, l'une sur l'impact des conflits armés sur l'environnement transfrontalier et l'autre sur la sauvegarde des valeurs démocratiques dans le commerce international.

Le 21 mars, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, sous la présidence de M. Theodoros Rousopoulos (Grèce - PPE/DC) et en présence de Mme Yolaine de Courson (Côte d'or - Mouvement démocrate, démocrates et apparentés) , a successivement tenu un échange de vues sur les conséquences humanitaires et les migrations en lien avec l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, examiné un avant-projet de rapport sur la prise en charge des enfants migrants non accompagnés ou séparés, entendu des communications sur les mesures illégales de gestion des migrations en mer et sur terre, d'une part, ainsi que sur les pays tiers sûrs pour les demandeurs d'asile, d'autre part. Elle a aussi, notamment, auditionné des experts sur le thème de la migration et de l'asile en campagne électorale et ses conséquences sur l'accueil des migrants et leurs droits puis examiné deux schémas de rapports, respectivement, sur l'inclusion sociale des migrants, réfugiés et personnes déplacées par le biais du sport et sur les avantages de l'intégration des migrants et des réfugiés pour toutes les parties prenantes.

La commission des questions politiques et de la démocratie, réunie à Paris, de manière hybride le 29 mars 2022, sous la présidence de M. Kimmo Kiljunen (Finlande, SOC), puis de M. Rik Daems (Belgique, ADLE) a entendu une communication de M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , rapporteur sur examen du partenariat pour la démocratie concernant le parlement de la république Kirghize, sur sa visite d'information à Bichkek (22-24 mars 2022). Elle a également examiné un projet de rapport sur le renforcement du partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, et a adopté à l'unanimité les projets de résolution et de recommandation y afférents. Elle a entendu une communication de M. Vladimir Vardanyan (Arménie, PPE/DC) sur la récente montée des tensions dans le Haut-Karabakh, et a tenu un échange de vues. Outre M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , était également présente Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) .

La commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission dite « de suivi »), s'est réunie à Paris de manière hybride le 29 mars 2022 à huis clos, sous la présidence de M. Piero Fassino (Italie, SOC). Elle a examiné un projet de rapport sur le respect des obligations et engagements de la Géorgie, pour lequel M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) avait été désigné co-rapporteur et a adopté un projet de résolution y afférent. Elle a aussi examiné un avant-projet de rapport sur le respect des obligations découlant de l'adhésion au Conseil de l'Europe de Malte, pour lequel M . Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) avait été désigné co-rapporteur, et a décidé de l'envoyer aux autorités maltaises pour commentaires. Elle a ensuite procédé à un échange de vues sur l'impact de l'agression russe en Ukraine sur la procédure de suivi parlementaire en cours concernant la Fédération de Russie. Elle a demandé aux anciens co-rapporteurs sur le respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie de préparer une note d'information sur “L'état de la procédure de suivi parlementaire concernant la Fédération de Russie au 16 mars 2022”.

Elle a entendu une communication de M. Christos Giakoumopoulos, directeur général de la Direction Générale des Droits de l'homme et de l'État de Droit et a tenu un échange de vues sur les procédures de suivi au Conseil de l'Europe. Elle a entendu un compte rendu oral de la visite d'information (21-24 mars 2022) des co-rapporteurs chargées du rapport sur les respects des obligations et des engagements de la Turquie, a procédé à un échange de vues, a décidé de demander un avis de la Commission de Venise sur les amendements à la loi électorale en Turquie et a autorisé les co-rapporteurs à effectuer une visite d'information dans le pays. Elle a enfin entendu des communications et tenu un échange de vues sur le conflit du Haut Karabakh ainsi qu'une communication sur les développements récents en Espagne. Ont participé à cette réunion MM. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) et Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) ainsi que Mme Alexandra Louis (Bouches du Rhône - Agir Ensemble) .

La commission des questions juridiques et des droits de l'homme s'est réunie de manière hybride à Paris le 4 avril 2022, sous la présidence de M. Boriss Cileviès (Lettonie, SOC), puis sous la présidence de M. Davor Ivo Stier (Croatie, PPE/DC), en présence de M. François Calvet (Pyrénées-Orientales - Les Républicains), Mme Marie-Christine Dalloz, (Jura - Les Républicains), MM. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) et André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain) . Elle a examiné le projet de rapport de M. André Vallini sur le bon usage des avoirs confisqués d'origine criminelle et adopté un projet de résolution et un projet de recommandation y afférents ainsi qu'un projet de rapport sur la lutte et la prévention de l'usage excessif et injustifié de la force par les forces de l'ordre et adopté un projet de résolution et un projet de recommandation y afférents. Elle a examiné et approuvé l'avis sur le rapport de Mme Marie-Christine Dalloz sur la sauvegarde et la promotion de la démocratie véritable en Europe. Elle a tenu deux auditions : l'une sur les aspects juridiques de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine à laquelle ont participé M. Sergei Guriev, professeur en économie au Département d'économie de Sciences Po, Paris, le professeur Bill Bowring du Collège Birkbeck de l'université de Londres, et Mme Simona Granata-Menghini, Directrice, Secrétaire de la Commission européenne de la démocratie par le droit (Commission de Venise) et l'autre sur les prisonniers politiques en Fédération de Russie avec la participation de M. Vladimir Kara-Murza, Président fondateur de la Fondation Boris Nemtsov pour la liberté, M. Vladimir Milov, Conseiller de M. Alexei Navalny et Mme Vera Chelisheva, reporter et cheffe du département judiciaire de Novaya Gazeta. Elle a enfin examiné deux notes introductives : l'une sur le logiciel espion Pegasus et autres types de logiciels similaires et la surveillance secrète opérée par l'État et l'autre sur la Convention européenne des droits de l'homme et les constitutions nationales.

Le 14 avril 2022, la commission sur l'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'homme, s'est réunie de manière hybride à Paris sous la présidence de M. Titus Corlâtean. Elle a eu des entretiens avec les candidats au titre de l'Ukraine et a adopté sa recommandation à l'attention de l'Assemblée.

La commission des questions politiques et de la démocratie s'est réunie à Strasbourg de manière hybride le 21 avril 2022, sous la présidence de Mme María Valentina Martinez Ferro pour entendre une communication du rapporteur au sujet des conséquences de l'agression persistante de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et du rôle et de la réponse du Conseil de l'Europe. Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) , MM. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) et Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) ont participé à cette réunion.

C. L'OBSERVATION DU BON DÉROULEMENT DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE ET DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES ANTICIPÉES EN SERBIE

Depuis l'an 2000, l'Assemblée parlementaire a observé toutes les élections en Serbie, hormis les élections législatives de 2020. Tous les scrutins législatifs ont été, à une exception près, anticipés.

Le 28 janvier 2022, le Bureau de l'APCE a constitué une commission ad hoc de 22 membres pour observer l'élection présidentielle et les élections législatives anticipées qui se sont déroulées le même jour, à savoir le 3 avril. M. Christian Klinger (Haut-Rhin - Les Républicains), Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) et M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain) en ont été désignés membres.

Du 1 er au 4 mars, une délégation de 5 parlementaires de la commission ad hoc s'est rendue à Belgrade pour évaluer le climat préélectoral et l'état de préparation des élections présidentielle et législatives du 3 avril. Mme Liliana Tanguy en faisait partie. À cette occasion, la délégation a notamment rencontré le Président du Parlement et la délégation serbe de l'APCE, des dirigeants et représentants de partis politiques, le Président et plusieurs membres de la commission électorale centrale, ainsi que des représentants de la société civile et des médias.

Dans ses conclusions, la délégation avait souligné que les campagnes électorales entamées pourraient être influencées par la guerre contre l'Ukraine tout en constatant que l'atmosphère générale était calme et que tous les candidats politiques pouvaient faire campagne librement et sans restriction.

Quelques jours seulement avant les deux scrutins, la commission ad hoc a de nouveau rencontré des dirigeants et représentants de partis politiques, le Président et plusieurs membres de la commission électorale centrale, ainsi que des représentants de la société civile et des médias. Le jour du vote, plusieurs équipes ont procédé à l'observation des opérations électorales dans différents bureaux de vote.

Éligible à un second mandat, le président sortant Aleksandar Vuèiæ, du Parti progressiste serbe SNS a été réélu dès le premier tour avec 60 % des voix.

Concernant les élections législatives, les résultats sont les suivants :

- Parti progressiste serbe - SNS : 44,2 % ;

- Unis pour la victoire de la Serbie - US : 14 % ;

- Parti socialiste serbe - SPS : 11,9 % ;

- Alternative démocratique nationale - NADA : 5,6 % ;

- Nous devons - Moramo : 4,8 % ;

- Mouvement pour la restauration du Royaume de Serbie - POKS : 4 % ;

- Parti serbe des gardiens du serment - SSZ : 4 %.

La commission ad hoc a considéré, dans ses conclusions, que les libertés fondamentales ont été largement respectées et que les électeurs se sont vus proposer diverses options politiques. Néanmoins, des lacunes ont entraîné des inégalités de traitement, favorisant les candidats sortants. Les changements législatifs de février 2022 ont répondu à certaines recommandations du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE et de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) du Conseil de l'Europe mais certaines d'entre elles n'ont toujours pas été prises en considération, notamment en ce qui concerne l'accès aux médias, le financement des campagnes, les mesures visant à lutter contre la pression exercée sur les électeurs, ainsi que l'examen public et l'audit des listes électorales. Concernant le rôle des médias, M. Aleksander Pociej, chef de la délégation de l'APCE, a déclaré : « Il est regrettable que le radiodiffuseur public et la majorité des médias n'aient pas été équilibrés dans leur couverture pendant la campagne ».

III. L'ACTUALITÉ DU CONSEIL DE L'EUROPE ET DE L'APCE AU COURS DE LA DEUXIÈME PARTIE DE SESSION ORDINAIRE

A. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE CETTE SESSION DE PRINTEMPS

1. L'ordre du jour, les interventions et les nominations des parlementaires français

La semaine de la deuxième partie de session s'est déroulée selon l'ordre du jour arrêté le jeudi 21 avril par le Bureau de l'APCE, à la réunion duquel participaient Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, en sa qualité de vice-présidente de l'APCE, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), en sa qualité de président du groupe ADLE , et Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) , en sa qualité de présidente de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles .

Plusieurs membres de la délégation française se sont inscrits aux différents débats et y ont participé comme indiqué ci-dessous :

Lundi 25 avril

- Rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente : ;

- Pour une évaluation des moyens et des dispositifs luttant contre l'exposition des enfants aux contenus pornographiques : MM. Dimitri Houbron (Nord - Agir Ensemble) , rapporteur, Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française , Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) et Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) ;

Mardi 26 avril

- Au-delà du traité de Lisbonne : renforcer le partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne : M. François Calvet (Pyrénées-Orientales - Les Républicains), Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , Mme Martine Wonner, (Bas-Rhin - NI) et M. Christian Klinger (Haut-Rhin - Les Républicains) ;

- Rapport annuel d'activité 2021 de la Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe : M. François Calvet (Pyrénées-Orientales - Les Républicains) ;

- Questions à Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ, Secrétaire générale du Conseil de l'Europe : Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) ;

- La désinstitutionnalisation des personnes handicapées : Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche), rapporteure pour avis , et M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française ;

- Lutte contre la discrimination fondée sur l'origine sociale : M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française ;

- Débat libre ;

Mercredi 27 avril

- Débat d'actualité : Conséquences de l'agression persistante de la Fédération de Russie contre l'Ukraine : rôle et réponse du Conseil de l'Europe : MM. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), Bernard Fournier (Loire - Les Républicains), Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, MM . Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste), André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), Mmes Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) et Martine Wonner (Bas-Rhin - NI) ;

- Discours de M. Sergio Mattarella, Président de la République italienne : M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) et Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) ;

- Comment faire bon usage des avoirs confisqués d'origine criminelle ? : M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain), rapporteur , et Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) ;

- Combattre et prévenir l'usage excessif et injustifié de la force par les forces de l'ordre : Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - NI) et M. Jacques Le Nay (Morbihan - Union centriste) ;

Jeudi 28 avril

- Communication du Comité des Ministres : M. Luigi Di Maio, ministre italien des Affaires étrangères et de la coopération internationale : MM. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) et Bernard Fournier (Loire -Les Républicains) ;

- Débat selon la procédure d'urgence : L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine : veiller à ce que les responsables de violations graves du droit international humanitaire rendent des comptes : M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) et Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains), ;

- Sauvegarder et promouvoir la démocratie véritable en Europe : Mmes Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains), rapporteure, et Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, MM. Olivier Becht (Haut-Rhin - Agir Ensemble) , Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains), Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) et Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) ;

- Le respect des obligations et engagements de la Géorgie : M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), co-rapporteur .

Au cours de cette session de printemps, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , a présidé la séance plénière le 27 avril, en sa qualité de vice-présidente de l'APCE

2. Les textes adoptés

Le Règlement de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions.

Les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l'APCE par le Comité des Ministres concernant l'adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l'Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en oeuvre de la Charte sociale.

Aux termes de l'article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l'APCE adressée au Comité des Ministres, dont la mise en oeuvre échappe à la compétence de l'Assemblée parlementaire, mais relève des gouvernements.

Définie à l'article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l'APCE sur une question de fond, dont la mise en oeuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n'engage que sa responsabilité.

Chaque semaine de session plénière donne lieu à l'adoption de plusieurs recommandations et résolutions sur des sujets souvent variés, mais liés tout à la fois aux droits de l'Homme et à la démocratie, d'une part, et à l'actualité, d'autre part. Le tableau ci-après énumère les textes votés du 25 au 29 avril 2022.

Texte et rapporteur(e)

Document(s)

Commission pour le respect des obligations et engagements
des États membres du Conseil de l'Europe

Le respect des obligations et engagements de la Géorgie

Rapporteurs : MM. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) et Titus Corlãtean (Roumanie - SOC)

Résolution 2438 (2022)

Commission des questions politiques et de la démocratie

Au-delà du Traité de Lisbonne: renforcer le partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne

Rapporteur : M. Titus Corlãtean (Roumanie - SOC)

Recommandation 2226 (2022)

Résolution 2430 (2022)

Conséquences de l'agression persistante de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l'Europe

Rapporteur : M. Frank Schwabe (Allemagne - SOC)

Recommandation 2228 (2022)

Résolution 2433 (2022)

Sauvegarder et promouvoir la démocratie véritable en Europe

Rapporteure : Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains)

Recommandation 2232 (2022)

Résolution 2437 (2022)

Commission des questions juridiques et des droits de l'Homme

Comment faire bon usage des avoirs confisqués d'origine criminelle ?

Rapporteur : M. André Vallini (Isère - Socialistes, Écologistes et Républicains)

Recommandation 2229 (2022)

Résolution 2434 (2022)

Combattre et prévenir l'usage excessif et injustifié de la force par les forces de l'ordre

Rapporteur : M. Oleksandr Merezhko (Ukraine - CE/AD)

Recommandation 2230 (2022)

Résolution 2435 (2022)

L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: faire en sorte que les auteurs de graves violations du droit international humanitaire et d'autres crimes internationaux rendent des comptes

Rapporteur : M. Aleksander Pociej (Pologne - PPE/DC)

Recommandation 2231 (2022)

Résolution 2436 (2022)

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Pour une évaluation des moyens et des dispositifs de lutte contre l'exposition des enfants aux contenus pornographiques

Rapporteur : M. Dimitri Houbron (Nord - Agir Ensemble)

Recommandation 2225 (2022)

Résolution 2429 (2022)

La désinstitutionnalisation des personnes handicapées

Rapporteure : Mme Reina de Bruijn Wezeman (Pays-Bas - ADLE)

Recommandation 2227 (2022)

Résolution 2431 (2022)

B. L'ACTUALITÉ DU CONSEIL DE L'EUROPE ET DE SON ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

1. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente

À l'occasion de la première séance de cette session de printemps, le lundi 25 avril, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a examiné le rapport de M. Ian Liddell-Grainger (Royaume-Uni - CE/AD), faisant office de rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente.

M. Ian Liddell-Grainger estime qu'il ne faut pas minimiser la situation actuelle en parlant d'agression russe contre l'Ukraine. L'Europe dans son ensemble est d'ores et déjà au coeur d'un conflit armé et elle se doit d'agir, y compris en examinant les options militaires. M. Ian Liddell-Grainger exhorte l'APCE à être du bon côté de l'Histoire en défendant la démocratie.

2. L'attribution du Prix du Musée du Conseil de l'Europe et du Prix de l'Europe

Comme chaque année, deux récompenses symboliques ont été formellement octroyées lors de la session de printemps de l'APCE.

a) Le Prix du Musée du Conseil de l'Europe

Le Prix du Musée de l'Europe est attribué chaque année depuis 1977 par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Il a pour but d'encourager la contribution des musées à une meilleure compréhension de la riche diversité de la culture européenne. Il est décerné par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias sur la base de recommandations formulées par le Comité du Prix européen du musée de l'Année.

L'établissement lauréat reçoit, lors de la session de printemps de l'APCE, un diplôme. Les précédents récipiendaires de cette distinction étaient le musée d'histoire du Goulag à Moscou (2021), le musée national de la surveillance secrète « Maison des Feuilles » de Tirana (2020), le musée de la communication de Berne (2019), le musée sur l'enfance en temps de guerre de Sarajevo (2018) et le Centre caribéen d'expressions et de mémoire de la traite et de l'esclavage de Guadeloupe (2017).

Le Prix du Musée 2022 a été décerné au musée Nano Nagle Place de Cork (Irlande).

Il a été officiellement remis lors d'une cérémonie à l'Hôtel de Ville de Strasbourg.

b) Le Prix de l'Europe

Au cours de la partie de session de printemps, l'Assemblée parlementaire a aussi attribué le prix de l'Europe 2022. Créé par l'APCE en 1955, il s'agit de la plus haute distinction qui puisse être décernée à une ville européenne pour ses actions dans le domaine européen (jumelages, manifestations, échanges, etc.). Ce prix est constitué d'un trophée itinérant, d'une médaille, d'un diplôme et d'une bourse pour un voyage d'études auprès des institutions européennes de jeunes de la commune lauréate.

La sous-commission du Prix de l'Europe est chargée d'examiner les candidatures pour les quatre distinctions (Prix de l'Europe, Plaquette d'honneur, Drapeau d'honneur et Diplôme européen) et elle soumet ses choix à la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable pour approbation.

La plus haute distinction du Prix, octroyée chaque année par l'Assemblée parlementaire pour récompenser la municipalité qui assure de manière particulièrement active la promotion de l'idéal européen, a été attribuée cette année à la ville d'zmir en Turquie. Quatre plaquettes d'honneur, cinq drapeaux d'honneur et quatre diplômes européens ont également été décernés : une ville française a été distinguée à cette occasion puisqu'une plaquette d'honneur a été attribuée à Granville (Normandie).

3. L'élection d'un juge à la Cour européenne des droits de l'Homme

Lors de sa séance du matin du 26 avril, les membres de l'Assemblée parlementaire ont élu un juge à la Cour européenne des droits de l'Homme au titre de l'Ukraine. Les suffrages ont été exprimés comme suit :

- Mme Tetyana Antsupova : 20 voix ;

- M. Mykola Gnatovskyy : 167 voix ;

- M. Oleksandr Vodiannikov : 0 voix.

M. Mykola Gnatovskyy, ayant obtenu une majorité absolue des suffrages exprimés, est élu juge à la Cour européenne des droits de l'homme. Son mandat de neuf ans commencera au plus tard trois mois après son élection.

C. LES AUDITIONS ET ÉCHANGES DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE AVEC PLUSIEURS PERSONNALITÉS

1. L'intervention en séance plénière de trois hauts responsables du Conseil de l'Europe
a) La séance de questions à Mme Marija Pejèinoviæ-Buriæ, Secrétaire générale du Conseil de l'Europe

La Secrétaire générale du Conseil de l'Europe, Mme Marija Pejèinoviæ-Buriæ, a répondu à plusieurs questions orales de membres de l'APCE lors d'une séance spécifique sur le sujet, mardi 26 avril.

Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ, a confirmé que l'organisation proposerait bientôt un plan d'action pour aider l'Ukraine et a exprimé sa solidarité avec le peuple ukrainien et salué son courage.

Elle a indiqué qu'elle se rendrait à Kiev pour discuter des besoins à court et à long terme du pays dès qu'elle recevrait une invitation officielle.

Elle a également souligné les mesures déjà prises par l'organisation, notamment le déplacement du personnel du bureau du Conseil de l'Europe à Kiev pour le mettre en sécurité dans les pays voisins, la collaboration avec la procureure générale de l'Ukraine pour mettre en place un groupe d'experts chargé d'enquêter sur les violations flagrantes des droits de l'homme et l'octroi à l'Ukraine de cinq millions d'euros provenant de la banque du Conseil de l'Europe pour l'aider à faire face à la crise des réfugiés.

En réponse à une question sur la Moldavie, la Secrétaire Générale s'est dite préoccupée par la situation sécuritaire dans la région de Transnistrie et a appelé tous les pays à respecter le statut de neutralité et l'intégrité territoriale de la Moldavie. Elle a ajouté que le Conseil de l'Europe aiderait le pays à faire face à l'afflux massif de réfugiés en provenance d'Ukraine.

Répondant à une question sur la condamnation à la prison à vie d'Osman Kavala par un tribunal turc, la Secrétaire Générale s'est dite très déçue et a fait remarquer que c'était la deuxième fois que les tribunaux turcs manquaient l'occasion de se conformer à un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme qui exigeait la libération immédiate de M. Kavala.

Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), s'exprimant au nom du groupe ADLE, a indiqué qu'il lui paraissait indispensable que le Bureau du Conseil de l'Europe en Ukraine rouvre le plus rapidement possible. Elle a également demandé à Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ quelles actions pouvaient être envisagées pour mettre fin aux menaces à l'encontre de M. Dick Marty, ancien membre de la délégation suisse de l'APCE, qui avait rendu un rapport sur le trafic d'organes au Kosovo.

S'agissant du bureau de Kiev, elle a précisé les mesures d'accompagnement mises en oeuvre pour aider les personnels et indiqué réfléchir aux modalités d'un retour à partir du moment où les autorités ukrainiennes l'autoriseront.

La Secrétaire Générale de l'APCE a fermement condamné les menaces de mort proférées à l'encontre de l'ancien rapporteur de l'APCE, Dick Marty, en relation avec son rapport sur le trafic d'organes présumé au Kosovo.

b) La présentation du rapport annuel d'activité de la Commissaire aux droits de l'Homme, par Mme Dunja Mijatoviæ

Lors de la séance du mardi 26 avril, l'APCE a examiné le quatrième rapport annuel d'activité de la Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Mme Dunja Mijatoviæ, cinquième titulaire de ce poste élue en janvier 2018.

Lors de son propos liminaire, la Commissaire aux droits de l'Homme a notamment a souligné que les tendances portant atteinte à la protection des droits humains se sont poursuivies en 2021.

Les sujets abordés dans le rapport vont de la liberté des médias et de la sécurité des journalistes à la protection des migrants, de la liberté de réunion pacifique aux droits des femmes et des filles, des personnes LGBTI, des personnes handicapées, des défenseurs des droits humains et des enfants, ainsi que de la justice transitionnelle au droit à la santé et au racisme.

Dans son discours, la Commissaire a également abordé les conséquences de la guerre en Ukraine, indiquant que tous les efforts devaient être consacrés à la prévention d'autres atrocités et à l'établissement des responsabilités pour les crimes commis contre les populations civiles.

Elle a signifié son souhait de voir les États membres du Conseil de l'Europe continuer à soutenir le système judiciaire ukrainien, ainsi que la Cour pénale internationale, afin que justice soit rendue et que des réparations puissent être accordées aux victimes.

Elle a également appelé les gouvernements et les parlements des États membres à renforcer les efforts visant à coordonner et à intensifier le soutien à la réponse aux besoins humanitaires et en matière de droits humains des personnes fuyant la guerre en Ukraine dans une perspective à moyen et long terme.

M. François Calvet (Pyrénées-Orientales - Les Républicains) a interrogé la commissaire aux droits de l'Homme sur ses actions relatives au sort des ressortissants européens détenus dans des camps du nord-est de la Syrie, sujet éminemment sensible touchant à la fois le droit des enfants et la sécurité nationale, qui fait l'objet de recours pendants contre la France devant la Cour européenne des droits de l'homme. Rappelant la doctrine française qui consiste à traiter les dossiers de rapatriement au cas par cas et uniquement pour « les mineurs isolés, les orphelins », et « ceux dont la mère accepte le départ », il a demandé quelle analyse était faite de la position des autorités françaises, notamment au regard des positions des autres États membres de l'Organisation concernés par cette problématique.

En réponse la Commissaire aux droits de l'Homme a fait valoir que « ces enfants sont nos enfants. Les enfants ne sont pas coupables à cause de certaines actions de leurs parents ». Tout en voyant la réalité et en reconnaissant l'importance de penser à la sécurité et à la sûreté des citoyens, elle a fait valoir que les gouvernements devraient trouver un moyen de travailler avec l'ONU, avec d'autres organisations qui essaient d'aider, afin de rapatrier ces enfants et ces femmes. Elle a indiqué connaître la position de la France consister à traiter cela au cas par cas mais a fait valoir que d'autres pays agissent différemment. Elle a considéré que « nous ne pouvons pas les laisser sur place sans avoir la possibilité de les juger devant les tribunaux, les tribunaux nationaux, afin de rendre justice, ou du moins d'essayer de rendre justice aux victimes du terrorisme. Mais les laisser là et ne pas les rapatrier peut être un énorme problème ». En conclusion, la Commissaire aux droits de l'Homme a indiqué attendre la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, mais qu'elle continuerait à soulever cette question, en observant « si nous parlons des droits de l'homme pour tous, que dans les cas controversés et sensibles, nous devons faire preuve d'humanité ».

c) La communication du Président du Comité des Ministres

Deuxième session du semestre de présidence italienne du Comité des Ministres, cette session plénière de printemps de l'APCE a été l'occasion, pour M. Luigi Di Maio, ministre des Affaires étrangères de l'Italie, de dresser un bilan de l'action de son pays en faveur du Conseil de l'Europe au cours des six mois écoulés. Il est intervenu à cet effet devant l'ensemble des membres de l'Assemblée parlementaire, le jeudi 28 avril, et a répondu à leurs questions.

Au cours de son allocution liminaire, M. Luigi di Maio a déclaré que « L'exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe était inévitable compte tenu de l'atrocité des crimes commis en Ukraine ». Il a ajouté que non seulement la Russie avait envahi illégalement et de manière injustifiée un autre État membre, mais « que son agression se déroulait en violation flagrante des droits humains et des normes en matière de droit humanitaire international ».

M. Di Maio a souligné que la décision d'exclure la Fédération de Russie - prise conjointement avec l'Assemblée - et la décision de suspendre toutes les relations avec le Bélarus, avaient de nombreuses conséquences pratiques, juridiques et financières pour les pays concernés, ainsi que pour l'Organisation, mentionnant en particulier que la Fédération de Russie cessera d'être partie à la Convention européenne des droits de l'homme à partir du 16 septembre 2022.

Il estime que l'agression russe contre l'Ukraine et l'aide à ce pays restera un sujet prioritaire pour le Conseil de l'Europe au cours des prochains mois, notamment dans le cadre de la Session du Comité des Ministres à Turin le 20 mai. Il a souligné que le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire, ainsi que la Secrétaire Générale, devront par conséquent continuer à travailler de concert avec la même mobilisation pour guider l'Organisation dans ses choix, et unir leurs efforts pour construire un Conseil de l'Europe fort et efficace. « Investir dans la paix et la démocratie n'a jamais été aussi important qu'aujourd'hui » , a-t-il déclaré.

M. Di Maio a également évoqué les développements récents intervenus au Comité des Ministres, et a mentionné un certain nombre d'événements clés organisés dans le cadre de la présidence italienne au regard de ses priorités, à savoir la lutte contre les discriminations, le patrimoine culturel comme ressource pour une Europe démocratique, la promotion des droits de l'enfant et l'autonomisation des femmes.

M. Claude Kern (Bas-Rhin, Union Centriste) , s'exprimant au nom du groupe ADLE, a interpellé le président du Comité des Ministres sur la situation de l'une des figures de la société civile indépendante russe, Vladimir Kara-Mourza, déjà condamné pour insoumission aux forces de l'ordre, placé en détention provisoire sur le fondement d'une nouvelle disposition, qui rend passible de 10 ans de prison la diffusion de « fausses informations sur l'emploi des forces armées russes ». Il a souhaité connaître les actions envisagées par le Comité des Ministres, pour éviter à Vladimir Kara-Mourza une condamnation manifestement contraire aux valeurs de la Convention européenne des droits de l'homme. Faisant référence au débat sur le partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, il a souhaité savoir si M. Di Maio accepterait, au nom du Comité des Ministres, de demander le placement sous sanctions européennes des juges qui contribuent à cette persécution démocratique, citant notamment les noms de Diana Mishchenko, Ilya Kozlov ou encore Elena Lenskaya, en assurant qu'il interviendrait alors auprès de la présidence française du Conseil de l'Union européenne pour appuyer une telle demande.

En réponse, M. Luigi Di Maio a relevé la dégradation de la situation de la liberté d'expression en Russie après l'attaque injustifiée contre l'Ukraine, des milliers de personnes ayant été arrêtées pour la seule raison d'avoir participé à des manifestations de protestation contre la guerre de Vladimir Poutine en Ukraine. Sur le plan juridique, il a rappelé que la résolution adoptée par la Cour européenne des droits de l'homme, le 22 mars 2022, affirme que la Cour de Strasbourg reste compétente pour connaître des requêtes contre la Fédération de Russie en relation avec des actes ou des omissions susceptibles de constituer une violation de la Convention, à condition qu'ils aient eu lieu avant le 16 septembre 2022. La question pourrait donc faire l'objet d'une demande à la Cour. Sur le plan institutionnel, il a rappelé que le Conseil de l'Europe n'est pas précisément compétent pour décider des mesures de sanction, mais je profite de l'occasion pour souligner que l'Italie n'oppose pas son veto aux propositions de sanctions de la Commission européenne. Il a relevé que la coordination avec l'actuelle présidence française est à son plus haut niveau et qu'il continuerait en ce sens dans le but d'augmenter autant que possible la pression sur la Russie en ce qui concerne cette attaque. Sur le plan politique, il a observé que le départ de la Russie du Conseil de l'Europe invite à examiner ce qui peut être fait pour soutenir les défenseurs des droits de l'homme dans ce nouveau contexte. Cette question devra rester à l'avenir dans notre agenda commun, mais dans l'immédiat, la réunion de Turin doit commencer à aborder cette question soulevée par Claude Kern, en liaison étroite avec toutes les autres institutions européennes, à commencer par l'Union européenne.

M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a souhaité interroger M. Di Maio sur l'évènement relatif à la Convention de Lanzarote, co-organisé par le Comité des Ministres et la présidence française du Conseil de l'Union européenne, ainsi que sur sa vision du partenariat à renforcer entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne et sur la correcte articulation des actions des deux organisations, qui devra être repensée dans le nouveau contexte géostratégique.

En réponse, M. Luigi Di Maio a relevé que la collaboration entre la présidence italienne du Comité des ministres du Conseil de l'Europe et la présidence française du Conseil de l'Union européenne pour organiser conjointement un événement relatif à la Convention de Lanzarote est un témoignage fort et sincère de l'intérêt des deux organisations à coopérer toujours plus étroitement : le Conseil de l'Europe et l'Union européenne ont développé un partenariat stratégique fondé sur les idéaux communs de paix et de démocratie. Il a fait part de sa conviction que le Conseil de l'Europe est l'espace naturel de dialogue et de confrontation dans lequel promouvoir une culture de la démocratie et de l'État de droit en Europe ; l'Union européenne est le principal partenaire du Conseil de l'Europe dans les domaines politique, financier et de la mise en oeuvre de l'État de droit. Le Comité des Ministres reste fortement engagé dans le processus d'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme. Cette adhésion donnera un nouvel élan aux relations entre les deux organisations, offrant une perspective solide pour définir le rôle du Conseil de l'Europe dans le cadre de l'approfondissement du partenariat stratégique avec l'Union européenne.

L'adhésion de l'Union européenne à la CEDH est un objectif politique de longue date de l'Union européenne que l'Italie a toujours partagé. Il a indiqué qu'en tant qu'État membre et fondateur, l'Italie s'efforcerait de faire en sorte que l'adhésion ait lieu de manière préparée, après un examen exhaustif de toutes les conséquences internes possibles, afin que la participation de l'Union à la CEDH permette d'affiner pleinement le cadre de protection et de droits fondamentaux déjà garanti par l'Union, sans qu'il reste de zones grises.

2. Le discours de M. Sergio Mattarella, Président de la République italienne

Lors de son intervention devant l'APCE, le Président de la République italienne, M. Sergio Mattarella, a affirmé que « Garantir la sécurité et la paix est une responsabilité de la communauté internationale tout entière, qui ne saurait être abandonnée aux relations bilatérales », soulignant le rôle important du Conseil de l'Europe et l'intérêt du multilatéralisme.

« La guerre est un monstre vorace, jamais rassasié. La tentation de multiplier les conflits est la toile de fond de l'action belligérante lancée par Moscou. La dévastation des règles de la communauté internationale pourrait faire tache d'huile si nous échouons à stopper cette dérive maintenant. Nous devons arriver à écarter le risque d'une escalade des aventures guerrières qui pourraient être, l'expérience nous le montre, difficiles à contenir. Nous devons être capables d'opposer à tout cela une volonté résolue de paix. En définitive, c'est le choix d'Helsinki contre Yalta : nous voulons le dialogue, pas des démonstrations de force entre des grandes puissances qui doivent comprendre qu'elles sont de moins en moins grandes » a insisté le président Mattarella.

Son allocution a été suivie d'une session de questions et réponses animée.

Faisant référence au dialogue inter-religieux devant se tenir le 2 mai à Strasbourg, M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a souhaité connaître la vision de M. Sergio Mattarella sur les bénéfices possibles de ce dialogue interreligieux, dans une Europe et un monde qui ont besoin de raviver les valeurs humanistes.

En réponse, le Président de la République italienne a estimé que le renforcement du dialogue interreligieux est précieux pour la paix et la coexistence, citant en exemple la lettre sur la fraternité humaine avec laquelle le Pontife de l'Église catholique, François, et le grand Imam Al-Azhar Ahmed El Tayeb, ont invité les peuples et les différentes religions à travailler ensemble pour la paix et le respect de tous, ou encore la réunion d'octobre 2021 à Rome pour discuter du climat et de la manière d'encourager tous les adeptes et fidèles à contribuer à l'amélioration de la situation de l'humanité. Le Président Mattarella a considéré que la dialogue interreligieux est une contribution véritablement fondamentale, car elle permet d'éviter l'extrémisme et le radicalisme, le fondamentalisme, et amène chacun à se reconnaître dans la condition humaine commune.

La République italienne reconnaît la séparation claire entre la sphère religieuse et la sphère étatique. Toutefois, elle reconnaît aussi l'importance de la dimension religieuse. L'activité des différentes confessions religieuses, des différentes dénominations religieuses apportent une contribution au tissu civil, même au-delà des limites de leurs croyances. Et cela contribue au respect mutuel au niveau mondial, permet de trouver des raisons de vivre ensemble communes, en se respectant mutuellement.

Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) , après avoir rappelé la condamnation de l'Italie par la Cour européenne des droits de l'Homme le 7avril 2022 pour « sa grande passivité dans une grave affaire de violence conjugale ayant abouti à la mort d'un enfant d'un an » a salué l'accent mis par la présidence italienne du Comité des Ministres sur la prévention des violences à l'égard des femmes et sur l'élimination de toutes les formes de violence et d'abus à l'encontre des enfants et des adolescents. Elle a interrogé M. Sergio Mattarella sur ses attentes vis-à-vis de la nouvelle stratégie du Conseil de l'Europe sur les droit des enfants et des adolescents lancée à Rome les 7 et 8 avril dernier.

En réponse, le Président de la République italienne a souligné l'importance de cette question et rappelé qu'il s'était souvent exprimé publiquement sur ce sujet. Il a relevé que la Cour européenne des droits de l'Homme examine des cas individuels, qui parfois ne coïncident pas avec la normalité de ce qui se passe dans un pays, mais a souligné que ce cas individuel avait très fortement ému l'Italie. Le pays dispose d'instruments très forts, voire efficaces, pour lutter contre la violence envers les femmes. La CEDH elle-même a souligné, dans cette décision, que le cadre juridique italien offrait des mesures réglementaires exécutoires adéquates pour assurer la sécurité des femmes contre les menaces de violence. Elle a également souligné l'adhésion de l'Italie à la Convention d'Istanbul depuis 2008.

Un plan stratégique national sur la violence des hommes à l'égard des femmes existe et a été renouvelé pour une période de trois ans. La très récente réforme de la justice pénale a prévu des outils supplémentaires de lutte et de répression, avec des peines plus lourdes pour les crimes et les comportements violents à l'encontre des femmes. Il en a été de même pour la procédure civile, en augmentant les possibilités d'indemnisation et de protection et en raccourcissant les délais de demande et d'intervention. Cette question est au centre de notre attention, ainsi qu'au centre de l'attention de l'Italie en tant que membre du Conseil de l'Europe, qui est particulièrement engagé sur cette question. Le Président Mattarella a fait part de sa détermination personnelle et de la détermination de l'Italie à faire en sorte que la Convention d'Istanbul soit étendue dans la mesure du possible et qu'elle soit appliquée et mise en oeuvre de manière concrète et cohérente.

D. LES ENTRETIENS MENÉS PAR LA DÉLÉGATION FRANÇAISE À STRASBOURG

1. Un déjeuner de travail avec Mme Marie Fontanel, ambassadrice, représentante permanente de la France auprès du Conseil de l'Europe, en amont de la session

Mme Marie Fontanel, représentante permanente de la France auprès du Conseil de l'Europe, a organisé le 25 avril 2022 un déjeuner de travail auquel ont participé Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, MM. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains), Dimitri Houbron (Nord - Agir Ensemble) , Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains), et , Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche).

Les échanges ont notamment porté sur les sujets à l'ordre du jour de la session et particulièrement sur les cinq rapports présentés par des membres de la délégation : « Pour une évaluation des moyens et des dispositifs de lutte contre l'exposition des enfants aux contenus pornographiques » de M. Dimitri Houbron (Nord - Agir Ensemble) , « La désinstitutionnalisation des personnes handicapées », rapport pour avis de Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche), « Comment faire bon usage des avoirs confisqués d'origine criminelle ? », de M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain), « Sauvegarder et promouvoir la démocratie véritable en Europe » de Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) et « Le respect des obligations et engagements de la Géorgie », de M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste).

2. Un dîner de travail avec les nouveaux membres de la délégation allemande

Mardi 26 avril, la délégation française à l'APCE a reçu à dîner son homologue allemande, reconstituée le 13 janvier 2022 après les dernières élections législatives allemandes, pour consolider la concertation nouée de longue date entre elles au sein de l'Assemblée parlementaire.

Ce dîner de travail, rassemblait, pour la délégation française : Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française , Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains), MM. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains), Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), Christian Klinger (Haut-Rhin - Les Républicains), Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste), Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) et M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain).

Du côté allemand, participaient, outre M. Frank Schwabe, son président, Mme Heike Engelhardt (SOC), MM. Fabian Funke (SOC), Norbert Kleinwächter (CE/AD), Armin Laschet (PPE), Max Lucks (SOC), Mme Derya Türk-Nachbaur (SOC), MM. Volker Ullrich (PPE) et Harald Weyel (CE/AD).

Étaient également présentes les ambassadrices, représentantes permanentes de la France et de l'Allemagne auprès du Conseil de l'Europe, Mmes Marie Fontanel, et Jutta Gisela Frasch.

Convaincue que l'Allemagne et la France pouvaient ensemble oeuvrer à améliorer l'Europe, telle qu'elle existe aujourd'hui à travers l'Union européenne, d'une part, et le Conseil de l'Europe, d'autre part, Mme Trisse s'est réjouie que ce dîner, symbole de l'attachement commun des deux délégations à faire vivre la relation franco-allemande au sein de l'Europe, puisse enfin avoir lieu après plus de deux ans de pandémie.

M. Schwabe s'est à son tour félicité de pouvoir renouer avec ces échanges amicaux et fructueux, soulignant que lorsque l'Allemagne et la France unissaient leurs efforts, l'Europe avançait.

I. IV. DES DÉBATS PORTANT SUR DES SUJETS D'INQUIÉTUDE DIVERS MAIS ESSENTIELS

A. UN DÉBAT D'ACTUALITÉ SUR LES CONSÉQUENCES DE L'AGRESSION DE LA RUSSIE CONTRE L'UKRAINE

La matinée et une partie de l'après-midi du mercredi 27 avril ont été consacrées à un débat d'actualité, sur le rapport de M. Frank Schwabe (Allemagne - SOC), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, sur les conséquences de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine ainsi que sur le rôle et la réponse du Conseil de l'Europe.

Décrivant l'agression de la Russie contre l'Ukraine comme « un acte d'une gravité sans précédent » , avec des conséquences profondes dans le monde entier, l'APCE a lancé un appel pressant à l'unité pour soutenir l'Ukraine et à exercer une pression maximale sur la Fédération de Russie pour qu'elle cesse son agression immédiatement et sans condition, ainsi qu'à des « mesures décisives » de la communauté internationale pour défendre l'ordre mondial démocratique.

Approuvant une résolution et une recommandation sur la base du rapport de Frank Schwabe (Allemagne, SOC), l'Assemblée a déclaré : « Une nouvelle ligne de démarcation est de retour sur la carte de l'Europe, tracée par les discours et les actes des autorités russes ».

L'agression de la Russie a également provoqué, entre autres, la crise humanitaire la plus grave en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, posé un défi à la gouvernance mondiale et entraîné une forte hausse des coûts énergétiques et de l'insécurité alimentaire, ont souligné les parlementaires.

« Ce n'est pas seulement l'ampleur du défi actuel, mais aussi la réponse du Conseil de l'Europe et de ses États membres à ce défi qui façonneront l'avenir de l'histoire européenne » , ont-ils déclaré.

L'Assemblée a confirmé sa condamnation, dans les termes les plus fermes, de l'agression de la Russie contre l'Ukraine et sa solidarité avec l'Ukraine et son peuple, réaffirmant son soutien indéfectible à la souveraineté, à l'indépendance et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues.

L'APCE s'est dite « alarmée par les preuves de plus en plus nombreuses d'atrocités commises par les forces armées russes » et a exprimé son plein appui à tous les efforts déployés pour enquêter sur les violations par la Russie du droit international des droits humains et du droit international humanitaire et sur d'autres crimes internationaux, y compris les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide, et à contraindre l'agresseur à répondre de ses actes.

Dans le même temps, l'APCE a également proposé d'intensifier l'engagement du Conseil de l'Europe auprès de la société civile biélorusse et russe, des défenseurs des droits humains, des journalistes indépendants, du monde universitaire et des forces démocratiques qui respectent les valeurs et les principes de l'Organisation.

Après avoir constaté que l'APCE n'avait pas été inactive puisqu'elle avait suspendu et exclu la Russie, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) a exhorté l'Assemblée parlementaire à dépasser sa posture « encore beaucoup trop bureaucratique ». Il a regretté que « soixante-deux jours après le début du conflit, la présence du Conseil de l'Europe en Ukraine n'est pas à la hauteur, ni du point de vue du Bureau, ni du point de vue des responsables politiques » et demandé à l'APCE de se réinventer. Il a insisté sur l'importance du soutien aux oppositions, au Bélarus et en Russie, indiquant que le soutien aux populations et aux sociétés civiles était au moins aussi important que d'avoir un rapport avec des gouvernements agresseurs. M. Jacques Maire aurait souhaité que le rapport incite l'APCE, le Comité des Ministres et la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe à travailler ensemble pour modifier rapidement le mode de fonctionnement du Conseil de l'Europe.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a partagé les craintes de la Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe concernant la déstabilisation potentielle de la République de Moldova, du fait des troupes russes stationnées en Transnistrie, et fait part de son inquiétude sur l'évolution de la situation dans les Balkans, ou encore en Géorgie. Il a appelé les États membres à maintenir leur unité dans la durée, face à des tentatives de déstabilisation qui ne manqueront pas d'arriver. Le Conseil de l'Europe doit pleinement et rapidement aider l'Ukraine, dans le cadre de son mandat, sans s'impliquer dans une quelconque question de défense, mais en apportant tout l'appui nécessaire aux autorités ukrainiennes mais aussi aux autorités d'autres États membres déstabilisés sur les questions relatives à la protection des droits humains, à la démocratie et à l'État de droit, y compris en sortant des sentiers battus lorsque c'est nécessaire. Il a également salué l'action rapide menée par la Banque de développement du Conseil de l'Europe et a estimé essentiel que l'APCE se coordonne avec d'autres organisations multilatérales, au premier rang desquelles l'OSCE. Il a également estimé important de collectivement repenser l'architecture multilatérale européenne pour préserver la paix et la stabilité en Europe, la perspective d'un Sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe apparaissant à cet égard une nécessité.

M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) s'est félicité de la réaction claire et rapide de l'APCE face à l'agression russe de l'Ukraine tout en soulignant qu'il restait beaucoup à faire au regard de la gravité de la situation, pour l'Ukraine mais aussi pour l'Europe dans son ensemble. Il a estimé qu'il sera d'autant plus aisé aux États membres de faire pression sur le Russie qu'ils ne seront pas dépendants de ce pays, notamment sur le plan énergétique, mais également sur le plan alimentaire ou technologique. Il a aussi insisté sur les efforts nécessaires pour assurer un accueil digne aux migrants et pour documenter les violations du droit international humanitaire, se félicitant de l'appui apporté par le Conseil de l'Europe à la procureure générale d'Ukraine. Repenser le rôle du Conseil de l'Europe dans un tel contexte s'avère nécessaire. Il a enfin appuyé la demande du rapporteur pour que puisse se tenir prochainement un quatrième Sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a estimé qu'après une première réaction forte et unanime tout à fait appropriée, le Conseil de l'Europe devait faire davantage. Elle a appelé le Conseil à rester ferme sur ses valeurs, à se réinventer et à être plus réactif. Elle a estimé que la priorité absolue était bien évidemment de mettre un terme à la guerre, le plus rapidement possible, en respectant le principe de la souveraineté des États reconnu par l'ONU et tout en souhaitant qu'une discussion puisse avoir lieu avec Moscou. Elle a enfin appelé à une politique de sanction, les sanctions les plus dures possible, et une aide massive à l'Ukraine sur tous les plans.

Après avoir fait part de son horreur face aux images de destruction et d'atrocités en provenance d'Ukraine, M. Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste) s'est inquiété des répercussions migratoires et alimentaires que ce conflit entrainera au niveau européen et mondial. Constatant que cette crise majeure avait conduit les États membres à sortir de leur naïveté, à diminuer leurs dépendances et à se réarmer, il appelé à une réflexion sur la signification de l'appartenance au Conseil de l'Europe aujourd'hui, sur le sens des valeurs démocratiques et sur la manière de les protéger, de les faire vivre, de les faire prospérer. Il a jugé nécessaire que les différents États membres de l'Organisation fassent pression sur la Fédération de Russie pour qu'elle cesse cette guerre et qu'elle rétablisse l'Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues et a formé le voeu que l'APCE use de tous les moyens qui sont les siens au cours des prochains mois, à la fois pour contribuer à l'indispensable réflexion sur la promotion de la démocratie en Europe et l'architecture multilatérale du continent européen, mais aussi pour pousser le Conseil de l'Europe à intervenir de la manière la plus réactive et la plus efficace possible dans le cadre du mandat qui est le sien.

M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a fait part de son émotion et de sa rage face à l'agression de l'Ukraine par la Fédération de Russie, soulignant que pendant sept ans l'APCE avait ignoré les cris d'alarme des membres de la délégation ukrainienne. Il a réaffirmé sa solidarité à leur égard. Comme il paraissait difficile au sein de l'APCE, qui est une assemblée démocratique mais très policée, de parler de sanctions renforcées et surtout d'aide militaire à l'Ukraine, une initiative rassemblant de nombreux parlementaires de la Rada suprême d'Ukraine et des parlementaires européens a été mise en place il y a quelques semaines. S'intitulant « United for Ukraine », Unis pour l'Ukraine, elle compte aujourd'hui plus de 200 parlementaires, issus de 30 pays principalement européens et s'est fixé les objectifs suivants : assurer des sanctions renforcées contre la Fédération de Russie ; développer et améliorer l'aide humanitaire à l'égard des populations à l'intérieur de l'Ukraine ou hors de l'Ukraine ; faire en sorte que des armes, et des armes réelles, utiles, puissent être fournies aux troupes ukrainienne pour résister à cette agression insoutenable. M. André Gattolin a aussi encouragé la collecte d'éléments qui permettront de traduire en justice le responsable de cette agression. Il a enfin appelé les membres de l'APCE à se mobiliser en faveur de M. Vladimir Kara-Mourza qui avait été auditionné à Paris par la Commission des questions juridiques et des droits de l'Homme au sujet de la situation des prisonniers politiques en Russie et qui a été arrêté à son retour en Russie.

Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) s'est félicitée de la réponse claire apportée à l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie et s'est dite satisfaite de l'action de la Banque de développement du Conseil de l'Europe, qui est intervenue très rapidement, tout comme de l'action mise en place pour soutenir les services de la procureure générale d'Ukraine afin de documenter et rassembler les preuves de violation du droit international humanitaire. Elle a néanmoins regretté que le Conseil n'ait pas toujours été à la hauteur. Certes, une délégation des présidents de groupes de l'APCE s'est rendue en Ukraine sous l'égide du Président de l'Assemblée, mais la Secrétaire Générale et la Commissaire aux droits de l'homme ne s'y sont pas encore rendues. Les explications qui ont été données apparaissent peu convaincantes. De même, la réponse de la Secrétaire Générale sur la réouverture du Bureau à Kiev s'est avérée décevante et trop administrative. Mme Nicole Duranton a encouragé l'APCE à jourer un rôle d'aiguillon dans la durée, afin que l'ensemble du Conseil de l'Europe assume pleinement son devoir.

N'ayant pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'elle ait été connectée lors du débat, Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - NI) a pu faire publier son intervention au compte-rendu dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE. Elle a appelé à une condamnation de la Russie pleine, sans aucune compromission, sans aucun fait atténuant ainsi qu'au soutien à la population ukrainienne, à la recherche de la paix et au respect des droits de l'Homme.

B. UN DÉBAT SELON LA PROCÉDURE D'URGENCE SUR L'AGRESSION DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE CONTRE L'UKRAINE AFIN DE VEILLER À CE QUE LES RESPONSABLES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE RENDENT DES COMPTES

Un débat organisé selon la procédure d'urgence a eu lieu le jeudi 28 avril dans la matinée. Tout comme le débat d'actualité qui s'était tenu la veille, il était consacré à l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine mais avec comme particularité de traiter des moyens à mettre en oeuvre pour veiller à ce que les responsables des violations du droit international humanitaire rendent des comptes.

« Horrifiée par la guerre d'agression » que la Fédération de Russie livre en ce moment contre l'Ukraine, et effarée par les informations faisant état d'atrocités qui auraient été commises sur des civils, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a appelé tous les États membres et observateurs de l'Organisation à mettre en place de toute urgence un tribunal pénal international ad hoc , qui devrait recevoir « mandat d'enquêter et d'engager des poursuites » pour le crime d'agression qui aurait été commis par les dirigeants politiques et militaires de la Fédération de Russie.

Ce tribunal devrait « appliquer la définition du crime d'agression » établie par le droit international coutumier. Basé à Strasbourg, compte tenu des synergies qui pourraient exister avec la Cour européenne des droits de l'homme, il devrait avoir le pouvoir d'émettre des « mandats d'arrêt internationaux sans être restreint par l'immunité » de l'État ou des chefs d'État et de gouvernement et autres représentants de l'État, a affirmé l'Assemblée.

Dans une résolution adoptée à l'unanimité, basée sur le rapport préparé par Aleksander Pociej (Pologne, PPE/DC), l'APCE a exprimé sa consternation concernant les nombreuses informations faisant état de l'utilisation du viol et de la torture comme armes de guerre, « deux pratiques reconnues comme des crimes de guerre par le droit pénal international ».

L'octroi par le Président de la Fédération de Russie, le 18 avril 2022, d'un titre honorifique à la 64 e brigade d'infanterie motorisée, qui était déployée à Boutcha au moment des atrocités signalées, « adresse un message désastreux aux familles des victimes et encourage cyniquement les troupes russes à continuer de commettre en toute impunité des actes similaires » qui peuvent être assimilés à des crimes de guerre et à des crimes contre l'humanité, souligne la résolution.

L'Assemblée a donc invité instamment la communauté internationale à adresser clairement le message contraire, à savoir que les auteurs de ces crimes, et « éventuellement de génocide, devront rendre compte de leurs actes » . Il doit en être de même pour les auteurs du crime d'agression, à savoir les dirigeants politiques et militaires de la Fédération de Russie qui sont responsables du déclenchement de la guerre actuelle.

Les États membres et observateurs devraient soutenir et coopérer avec le procureur de la Cour pénale internationale et faire usage de leur compétence universelle pour enquêter sur ces crimes et les poursuivre.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a déclaré que les actes terribles commis contre les populations ukrainiennes ne devaient pas rester impunis. Il s'est félicité que le procureur général de la Cour pénale internationale ait pu procéder à l'ouverture d'une enquête. Il a indiqué qu'il lui paraissait essentiel que le Conseil de l'Europe contribue à la manifestation de la vérité et au recensement des violations du droit international humanitaire afin que les dirigeants et militaires russes concernés puissent rendre des comptes le moment venu. Il a appelé le Comité des Ministres et la Secrétaire Générale à mobiliser pleinement les services compétents du Conseil de l'Europe pour prêter assistance aux autorités ukrainiennes et a appuyé le souhait déjà exprimé au sein de l'APCE de voir la Commissaire aux droits de l'Homme se rendre rapidement en Ukraine.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains), favorable à une réaction d'une fermeté égale à l'ampleur de la menace, s'est félicité des différentes enquêtes déjà ouvertes par la Cour pénale internationale, par la procureure générale ukrainienne et par d'autres pays grâce à la notion de compétence universelle. Elle a appelé les États membres de l'APCE à rassembler leurs efforts afin de ne pas laisser impunies les exactions commises sur le sol ukrainien. Cela reviendrait à accepter tacitement la fin du droit international et la supériorité de la violence sur les valeurs démocratiques.

C. UNE PRÉOCCUPATION, MALHEUREUSEMENT TOUJOURS D'ACTUALITÉ, CONCERNANT LA DÉMOCRATIE ET L'ÉTAT DE DROIT

1. Au-delà du traité de Lisbonne : renforcer le partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne

Lors de sa première séance du 26 avril, l'APCE a approuvé, sur le rapport de M. Titus Corlãtean (Roumanie - SOC), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution et une recommandation sur la nécessité de renforcer, par-delà le traité de Lisbonne, le partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne « sur la base de leurs valeurs communes et de leur engagement à promouvoir la paix et la stabilité sur le continent européen et à soutenir le multilatéralisme dans le monde entier ».

Le rapporteur a rappelé que l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, plaçant au premier plan des politiques de l'Union européenne le respect des droits humains et de l'État de droit - au coeur du mandat du Conseil de l'Europe - avait accru les possibilités de coopération entre les deux organisations.

L'Assemblée propose que l'Union européenne renforce le dialogue politique, les synergies et la consultation technique avec le Conseil de l'Europe sur les questions de sécurité démocratique et d'État de droit, tout en évitant les doublons d'activités et l'émergence de normes juridiques divergentes en Europe.

Elle encourage l'Union européenne à poursuivre les négociations en vue de son adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme, ce qui permettra de « garantir la cohérence entre le droit de l'Union européenne et le système de la Convention, et conduira à un espace juridique unique ».

L'Assemblée a également appelé le Parlement européen à intensifier la coordination avec l'APCE dans des domaines tels que la promotion de la paix et de la sécurité en Europe, la diplomatie parlementaire en soutien au multilatéralisme, la lutte contre le recul de la démocratie, et la prévention des menaces sur l'État de droit.

Enfin, l'APCE a recommandé que le Comité des Ministres « envisage l'organisation d'un quatrième Sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe, en y associant des représentants de l'UE » , afin de réaffirmer la pertinence du Conseil de l'Europe comme organisation de référence pour la promotion de la démocratie, des droits humains et de l'État de droit.

Constatant que douze ans après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l'Union européenne n'a toujours pas adhéré à la Convention européenne des droits de l'homme, M. François Calvet (Pyrénées-Orientales - Les Républicains) a formé le voeu que les négociations aboutissent enfin, car les droits fondamentaux forment une partie de l'identité européenne. Même si les Cours de Strasbourg et de Luxembourg entretiennent de bonnes relations et que l'article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoit un mécanisme de coordination entre les deux ordres juridiques, il faut aller au bout de la démarche et appliquer pleinement le Traité de Lisbonne. M. François Calvet a apporté son soutien à l'analyse du rapporteur concernant la possibilité pour l'Union européenne d'adhérer à certaines conventions du Conseil de l'Europe, citant la Convention d'Istanbul, signée mais toujours pas ratifiée par l'Union européenne. Il s'est aussi prononcé en faveur d'un approfondissement de la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne au regard des démarches d'élargissement et des relations avec les pays du partenariat oriental, afin de défendre au mieux les valeurs européennes communes aux deux instances.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, s'est félicitée de l'intensification du dialogue politique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne au cours des deux dernières années mais elle a regretté que ce dialogue se déroule presque exclusivement au niveau de la Commission européenne et du Secrétariat Général du Conseil de l'Europe, et non à l'échelon parlementaire car l'APCE et le Parlement européen ont beaucoup à se dire et leurs expériences respectives peuvent mutuellement leur servir dans l'exercice de leurs missions. Elle s'est également félicitée de la relance des négociations pour l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme. Elle a aussi fait part de son souhait que l'Union européenne puisse également adhérer également à la Charte sociale européenne ou à la Convention d'Istanbul. Elle a souligné l'importance des programmes de coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, cette dernière étant le plus grand contributeur aux ressources extrabudgétaires de l'APCE. Elle a aussi appelé à éviter les duplications de moyens et les gaspillages d'énergie entre les deux instances, encourageant une coopération intelligente et un travail de concert.

M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), a alerté les parlementaires sur la menace que constitue les tentatives de plus en plus répandues de remise en cause de la Convention européenne des droits de l'Homme qui mettent en danger la démocratie, en Hongrie, en Pologne mais également dans d'autres pays européens. Il a appelé à l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme afin d'envoyer un signal fort aux États membres et aux pays candidats. Les pays européens sont aujourd'hui sur une situation défensive, notamment dans les élections, et doivent passer à l'offensive.

Après avoir rappelé les enjeux démocratiques apparus récemment (intégrité des processus électoraux, lutte contre la désinformation, menace sur l'État de droit, distanciation entre citoyens et élus), Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - NI) a incité le Conseil de l'Europe à renforcer son rôle de référant du fonctionnement démocratique des États membres, du respect de l'État de droit de chacun de ces pays, afin de garantir à tous les citoyens les droits fondamentaux qui leur reviennent. Ce renforcement doit être fait par une coopération plus étroite avec l'Union européenne, sans aucun compromis, en se basant sur les objectifs de la démocratisation du processus législatif, une amélioration de la transparence dans les prises de décision de l'union européenne, et un renforcement de la démocratie participative directe, plus inclusive pour le citoyen.

M. Christian Klinger (Haut-Rhin - Les Républicains) a évoqué le rôle des parlements nationaux, la coopération interparlementaire et la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Il a cité notamment l'organisation au Sénat, après chaque partie de session, d'une présentation devant la commission des affaires européennes de l'activité de la délégation française à l'APCE. Cela permet aux parlementaires d'être pleinement informés, de réagir, mais aussi d'interagir avec les parlementaires siégeant au sein d'autres assemblées interparlementaires, notamment l'Assemblée parlementaire de l'OSCE. Il a aussi indiqué que la question des valeurs de l'Union, du respect de l'État de droit et des droits de l'Homme a occupé une place centrale dans les travaux de la Conférence sur l'avenir de l'Europe et qu'il apparaissait nécessaire de suivre les idées qui seront finalement retenues. Il a enfin conclu que, dans le nouveau contexte géostratégique issu de la guerre en Ukraine, un partenariat stratégique efficace entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne était indispensable.

M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a indiqué qu'il partageait pleinement l'analyse du rapporteur sur les clés d'un partenariat réussi entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne : synergie, complémentarité et absence de doublons. Il s'est félicité des démarches entreprises en ce sens à la suite de l'adoption du Traité de Lisbonne, tout en regrettant que l'Union européenne n'ait pas encore adhéré à la Convention européenne des droits de l'Homme. Il s'est également félicité de l'ampleur des programmes de coopération entre les deux organisations, l'Union européenne étant le plus important contributeur aux ressources extrabudgétaires du Conseil de l'Europe, notamment en direction des Balkans occidentaux, des pays du Partenariat oriental ou du voisinage méridional. Il s'est déclaré très favorable au développement d'un dialogue structurel et d'une concertation avec le Conseil de l'Europe dans le cadre du processus d'élargissement de l'Union européenne, en vue d'accompagner plus efficacement les États membres du Conseil de l'Europe qui aspirent à adhérer à l'Union européenne dans la mise en oeuvre durable des réformes nécessaires.

Il a estimé opportun d'associer l'APCE aux activités interparlementaires mises en place dans le cadre du dialogue de l'Union européenne avec les pays du Partenariat oriental et des Balkans occidentaux. Il a aussi estimé que le dialogue entre l'APCE et le Parlement européen gagnerait assurément à être renforcé.

2. Sauvegarder et promouvoir la démocratie véritable en Europe

En ouverture de ses séances publiques du 28 avril après-midi, l'Assemblée parlementaire a adopté, sur le rapport de Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) , au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution et une recommandation visant à favoriser les démocraties saines en Europe.

L'APCE a exprimé sa préoccupation face au net recul de la démocratie à travers le monde - y compris en Europe - qui se traduit notamment par un affaiblissement de l'équilibre des pouvoirs et du rôle de l'opposition, des entraves à la liberté d'expression, de réunion et d'association, ainsi que par une érosion de l'État de droit.

Devant ce constat alarmant, l'APCE a appelé les États membres à « renouer avec leur engagement de sauvegarder et promouvoir la démocratie véritable », fondée sur les principes de liberté individuelle et politique, et de prééminence du droit. « Seules des démocraties véritables peuvent garantir la sécurité démocratique et réaliser la consolidation de la paix, fondée sur la justice et la coopération internationale », ont souligné les parlementaires.

En adoptant une résolution, basée sur le rapport de Marie-Christine Dalloz, l'APCE a donc appelé les États membres à garantir : le droit à la liberté de pensée et la liberté d'expression ; la liberté de réunion et d'association ; et la sécurité des défenseurs des droits humains, notamment les journalistes, les avocats et les membres d'ONG.

En outre, l'APCE préconise de garantir l'indépendance et le pluralisme des médias ; le droit à des élections libres et équitables ; un système judiciaire efficace, impartial et indépendant ; un processus législatif inclusif ; et la bonne gouvernance démocratique.

L'Assemblée a également recommandé que le Comité des Ministres mette en place « une plateforme permanente sur la démocratie, qui s'appuierait sur l'expertise de différents organes et structures du Conseil de l'Europe » et qui agirait comme une plateforme d'échange d'informations et de bonnes pratiques au profit des autorités publiques des États membres mais aussi des partis politiques, des ONG et des représentants de la société civile.

Dans son propos liminaire, Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a indiqué que son rapport était né d'un constat difficile, à savoir que la démocratie était en net recul dans le monde et en Europe, faisant face à une double crise, d'une part, une menace de « l'intérieur » avec des gouvernements ou des dirigeants démocratiquement élus qui la vident progressivement de sa substance, et d'autre part, un déclin de la confiance des citoyens en ses institutions ainsi qu'en sa capacité à faire face aux défis majeurs que connaissent nos sociétés depuis quelques décennies, comme les défis de la mondialisation, les inégalités croissantes et le changement climatique.

Elle a précisé que le choix de l'expression « démocratie véritable » n'était ni anodin, ni le fruit du hasard, puisqu'il s'agit de l'expression utilisée dans le Statut du Conseil de l'Europe, qui la définit comme étant « fondée sur les principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit ».

Elle a décrit le recul de la démocratie comme étant un processus lent et sournois qui se manifeste par des signes avant-coureurs, comme l'affaiblissement du rôle de l'opposition parlementaire, les attaques à l'indépendance du système judiciaire, des médias, les attaques aux droits fondamentaux et aux libertés, dont notamment la liberté d'expression, de réunion et d'association, en ciblant particulièrement la société civile, les défenseurs des droits humains et les médias. Au fur et à mesure que ces attaques perdurent et s'intensifient, il devient de plus en plus difficile d'inverser la tendance.

Constatant que la pandémie de Covid-19 avait aggravé le recul de la démocratie, Mme Marie-Christine Dalloz a formé le voeu que les leçons de cette dure expérience soient tirées afin de ne plus répéter les mêmes erreurs dans l'hypothèse où d'autres crises surgiraient.

Même les démocraties considérées comme matures sont touchées par le recul de la démocratie et c'est ce phénomène général qui doit être combattu car seules des démocraties véritables peuvent garantir la sécurité démocratique. La « démocratie véritable » est la clé de voûte pour réaliser notre objectif commun qu'est « la consolidation de la paix, fondée sur la justice et la coopération internationale ».

Mme Marie-Christine Dalloz s'est déclarée favorable à un quatrième Sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe qui devrait aborder des défis tels que « la lutte contre le recul de la démocratie », « la revitalisation de la démocratie par l'innovation et une plus grande participation des citoyens » et « la mise en place de mécanismes d'alerte rapides efficaces, afin de prendre des mesures décisives et collectives face aux menaces qui pèsent sur l'État de droit, les normes démocratiques et la protection des droits humains ».

Elle a enfin insisté sur six actions essentielles pour garantir la sauvegarde et la promotion de la démocratie véritable : lutter contre la désinformation ; garantir la sécurité des journalistes ; veiller à éviter une forte concentration de la propriété des médias ; s'assurer que les élections soient libres et équitables. ; veiller à ce que l'opposition parlementaire dispose des moyens suffisants pour exercer le contrôle sur le gouvernement ; promouvoir l'égalité pour tous et offrir une protection effective contre la discrimination et la haine.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , intervenant en tant qu'oratrice du groupe ADLE, a félicité la rapporteure pour la qualité de son travail. Elle s'est inquiétée du recul de la démocratie dans les pays où elle s'était pourtant épanouie jusqu'alors, évoquant la baisse de la participation aux élections, la défiance à l'égard des responsables politiques et des élus, la résonance accrue des discours populistes ou de haine, et la contestation des faits ou vérités établis. Elle a regretté que la pandémie de coronavirus n'ait fait qu'accentuer ce phénomène depuis 2020. Elle a exhorté le Conseil de l'Europe à être plus que jamais être le garant de la démocratie, l'État de droit et la préservation des droits humains et a fait part du soutien de la résolution et la recommandation de ce rapport par le groupe ADLE, et notamment la mise en place de la plateforme permanente de la démocratie et du mécanisme d'alerte précoce afin d'éviter toute dérive autoritaire.

M. Olivier Becht (Haut-Rhin - Agir Ensemble) a partagé le constat de la rapporteure sur le fait que la démocratie représentative était aujourd'hui dans une crise profonde, mentionnant les taux d'abstention, la montée des populismes ainsi que les contre-modèles, des pays autoritaires non démocratiques, comme la Chine. Il a appelé à faire preuve de vigilance à propos des ruptures technologiques, qui s'imposent à la société, notamment à travers les smartphones qui permettent une diffusion très vaste des idées et qui donnent aux citoyens la capacité de donner leur avis et de participer directement au débat d'idées à travers les réseaux sociaux. Cette révolution technologique aura les mêmes répercussions politiques que l'imprimerie qui, en son temps, avait entrainé la chute des monarchies absolues. Il faut donc que la démocratie représentative comprenne ce qui est en train de se passer, comprenne ce besoin, ce désir des citoyens de participer davantage au débat public. Les citoyens ne disent pas qu'ils n'aiment plus la politique, ils disent qu'ils n'aiment plus la manière dont elle est en train de se faire à travers les démocraties représentatives. En conclusion, M. Olivier Becht a invité le Conseil de l'Europe, à travailler sur la démocratie participative pour la refonder afin qu'elle survive.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - PPE/DC) a félicité la rapporteure pour son excellent travail. Il a partagé le constat que la remise en cause des principes démocratiques était un phénomène d'ampleur dans le monde entier, que les démocraties illibérales ne se limitaient pas à un ou deux cas isolés et que même dans les pays européens où les principes démocratiques restaient fortement ancrés, la situation n'étaient pas pour autant idéale, avec une abstention croissante, une défiance à l'égard des élus, des discours populistes ou de haine, des contre-vérités et des « fake news » , ces phénomènes ayant particulièrement progressé pendant la pandémie de Covid-19. Il a rappelé que le Statut du Conseil de l'Europe indiquait que les États membres devaient avoir pour objectif commun « la consolidation de la paix, fondée sur la justice et la coopération internationale ». Le délitement des standards démocratiques remet en cause cet objectif. Lorsque la démocratie recule, la paix est menacée.

Pour stopper cette spirale infernale, M. Frédéric Reiss a prôné la réaffirmation des valeurs qui sont les piliers de la démocratie : la liberté de pensée, la liberté d'expression, la liberté de réunion et d'association, l'indépendance des médias, l'indépendance du système judiciaire et, bien évidemment, la tenue d'élections libres. À cela s'ajoutent deux actions particulièrement importantes : d'une part, la lutte contre la désinformation, phénomène dont la nocivité ne cesse d'augmenter et, d'autre part, la reconquête de la jeunesse qui agit parfois en dehors des sentiers démocratiques classiques avec tous les risques que cela comporte.

MM. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a félicité la rapporteure pour son rapport très complet. Il a partagé sa préoccupation sur le recul de la démocratie à travers le monde et singulièrement en Europe, ajoutant que les principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, tels qu'ils sont consacrés par le Statut du Conseil de l'Europe, étaient plus que jamais actuels, à un moment de profonde attaque contre les valeurs démocratiques. Ces principes supposent une véritable mise en valeur face à l'indifférence démocratique croissante des citoyens européens et la montée des populismes. Face à cette situation, le Conseil de l'Europe et l'APCE ont une responsabilité particulière.

M. Bernard Fournier a insisté sur deux points, le rôle de l'opposition parlementaire et le contrôle de l'action du gouvernement par le Parlement. Il a ensuite apporté son soutien à la proposition de plateforme permanente sur la démocratie, conformément à la discussion adoptée par le Comité des Ministres lors de sa 121 e session en 2019, ainsi qu'à la proposition de mise en place d'un mécanisme d'alerte précoce pour prévenir ou répondre à des développements inquiétants.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a félicité la rapporteure pour son rapport. Il s'est inquiété du recul de la démocratie en Europe, du travail de sape de l'indépendance des médias et de la justice dans certains États membres, du recul de la liberté d'expression au nom de la sécurité ou de la lutte contre le terrorisme, de la modification des règles électorales au dernier moment pour donner un avantage au parti au pouvoir, de la prolifération des discours de haine contre les groupes minoritaires, regrettant que la pandémie ait accentué tous ces phénomènes. Il a réaffirmé qu'il n'existait qu'un seul type de démocratie, à savoir un système politique fondé sur l'État de droit, qui permet de garantir les droits et libertés fondamentaux, le pluralisme politique ainsi que l'indépendance de la justice et des médias. Il a constaté que de plus en plus de citoyens se déclaraient peu satisfaits du fonctionnement des institutions démocratiques, engendrant une abstention croissante ou d'excellents scores réalisés par les partis populistes ou extrémistes aux élections. Il a encouragé les parlementaires à agir, au sein de leurs États respectifs, pour contrer certaines dérives, notamment en s'opposant vigoureusement à tout texte de loi qui remettrait en cause l'indépendance de la justice ou la pluralité des médias. Il a rappelé que la démocratie n'était pas la dictature de la majorité et qu'elle impliquait une gouvernance respectueuse de l'opposition ainsi que des droits et libertés de chaque citoyen.

Insistant sur le rôle essentiel du Conseil de l'Europe et des travaux menés par la Commission de Venise et la commission de suivi qui doivent permettre d'identifier les fragilités des démocraties et de proposer des solutions pour y remédier, il a soutenu la mise en place d'un mécanisme d'alerte précoce proposé par le projet de recommandation pour prévenir ou répondre à des développements inquiétants, relatif au respect des normes et des pratiques démocratiques.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a remercié les intervenants pour leurs remarques positives. Elle a insisté sur le fait que la volonté politique était essentielle pour garantir une véritable démocratie et que le danger venait lorsque cette volonté n'est pas là ou lorsqu'elle était insuffisamment présente. Elle a précisé que la plateforme avait pour but de recenser, de manière informatique et inclusive, les bonnes pratiques afin de pouvoir ensuite les mettre en avant. Elle a indiqué souhaiter initier une réflexion sur les outils et les mécanismes dont dispose le Conseil de l'Europe afin de proposer des orientations au Comité des Ministres et d'alimenter le travail de la sous-commission de la démocratie. En conclusion, Mme Marie-Christine Dalloz a rappelé que tout élu était soumis à une remise en question lors des élections et que la légitimité démocratique ne tenait pas seulement au fait de gagner une élection mais qu'elle s'étendait à un principe, à une pratique de gouvernance démocratique dans l'exercice du pouvoir et dans le fonctionnement des institutions.

3. Le respect des obligations et engagements de la Géorgie

En clôture de la session, le 28 avril après-midi, l'APCE a débattu et approuvé, sur le rapport de M. Titus Corlãtean (Roumanie - SOC) et de M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) , au nom de la commission dite « de suivi », une résolution sur le respect par la Géorgie de ses engagements et obligations d'État membre du Conseil de l'Europe.

L'APCE a salué les « progrès continus et significatifs » accomplis par la Géorgie pour honorer ses obligations et engagements en matière d'adhésion au Conseil de l'Europe depuis 2014, mais a ajouté qu'un certain nombre de préoccupations et d'insuffisances restaient à traiter.

Approuvant aujourd'hui une résolution, préparée sur la base d'un rapport de Titus Corlã?ean (Roumanie, SOC) et Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), l'Assemblée a déclaré que « le climat politique extrêmement tendu et polarisé » en Géorgie était un problème très préoccupant. Il s'agit d'un « obstacle de taille » à la consolidation démocratique de la Géorgie, a-t-elle déclaré, demandant instamment à toutes les forces politiques de « placer le bien commun de la nation au-dessus de toute stratégie politique partisane étroite » .

Les parlementaires ont énuméré un certain nombre de mesures que les autorités pourraient prendre pour faire avancer la réforme électorale, renforcer le contrôle parlementaire, promouvoir l'indépendance du pouvoir judiciaire, renforcer la lutte contre la corruption, étendre la liberté des médias et protéger la communauté LGBTI+.

L'Assemblée a décidé de poursuivre sa procédure de suivi, mais a déclaré que ses recommandations offraient une « idée claire » des progrès que la Géorgie doit réaliser avant l'ouverture d'un dialogue post-suivi - mais seulement avec « l'engagement total et la volonté politique » de toutes les forces politiques, tant du parti au pouvoir que de l'opposition, et s'il n'y a pas de « retour en arrière ou de régression » dans les progrès accomplis à ce jour.

Dans ses propos liminaires, M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a indiqué que la Géorgie était considérée comme un exemple pour la région pour la liberté d'expression et la liberté des médias, cette situation s'étant améliorée grâce à l'abaissement des obstacles à l'entrée sur le marché des médias, ce qui a favorisé son pluralisme, même si - malheureusement - l'environnement médiatique reflète le climat politique extrêmement polarisé du pays. Il a également noté que certaines actions des autorités ont eu un impact négatif sur ce pluralisme et a encouragé les autorités à considérer et à pondérer les effets possibles sur le pluralisme et la liberté des médias de toutes les actions et politiques qui affectent l'environnement médiatique.

À cet égard, il a appelé au renforcement de l'indépendance et de l'impartialité de la commission nationale géorgienne des communications et des radiodiffuseurs publics, ainsi qu'à l'élaboration d'un cadre juridique et réglementaire complet et adéquat pour lutter contre les discours de haine.

Il a également souligné sa préoccupation face à l'intolérance croissante et aux actes violents à l'encontre des membres de la communauté LGBTI en Géorgie. En dépit de quelques progrès récents, les autorités n'ont pas encore réagi de manière satisfaisante à ces actions et des signaux clairs doivent être envoyés pour indiquer qu'il ne peut y avoir d'impunité pour des actes aussi méprisables, y compris pour ceux qui incitent et encouragent ces actions odieuses.

Il a précisé qu'il restait encore deux engagements formels liés à l'adhésion à traiter, à savoir le rapatriement de la population meskhète déportée ainsi que la signature et la ratification de la charte des langues régionales et minoritaires.

En ce qui concerne la question meskhète, de nombreux progrès ont été réalisés, même si, pour plusieurs raisons, dont beaucoup échappent à la compétence des autorités géorgiennes, le nombre réel de familles rapatriées est encore faible. M. Claude Kern a suggéré que si les autorités s'engageaient formellement à procéder à une évaluation complète du cadre et de la stratégie de rapatriement, l'Assemblée pouvait considérer cet engagement comme clos.

En ce qui concerne la charte des langues, il a exhorté les autorités et toutes les forces politiques du pays à signer et à ratifier cette charte dès que possible, d'autant plus que la plupart des politiques et du cadre juridique de la Géorgie sont déjà conformes à la charte. Des signaux positifs ont été envoyés de la part des autorités et de l'opposition et peut espérer que cela débouchera sur des résultats concrets.

Enfin, la Géorgie dispose d'un certain nombre d'organismes indépendants qui remplissent une importante fonction de surveillance et constituent un élément indispensable du système de contrôle et d'équilibre du pays. Malheureusement, les rapports établis par ses institutions dans le cadre de la mission constitutionnelle sont souvent mal compris ou interprétés comme des activités d'opposition, ce qui entraîne des relations de plus en plus acrimonieuses avec les membres de la majorité au pouvoir, voire des attaques de leur part, et a même conduit à la décision inattendue et controversée de supprimer le service d'inspection de l'État le 24 décembre de l'année dernière.

À cet égard, M. Claude Kern a tenu à souligner le rôle important joué par l'actuel défenseur public géorgien et la manière dont il s'acquitte de ses tâches. Il a déclaré avoir demandé à toutes les forces politiques de veiller à ce que son successeur -son mandat expirant bientôt - soit nommé de manière non partisane, sur la base du consensus et du soutien les plus larges possible au sein de la société géorgienne, comme cela a été le cas lors de la nomination de l'actuelle médiatrice.

M. Claude Kern a conclu son intervention en répétant ce que malgré un certain nombre de préoccupations et d'insuffisances, dont certaines sont graves, la Géorgie a continué à faire des progrès marqués et constants dans le respect de ses engagements d'adhésion et de ses obligations de membre. Tout en recommandant la poursuite de la procédure de suivi à l'heure actuelle, il a estimé que le pays devrait bénéficier d'une perspective claire pour entamer un dialogue post-suivi, ajoutant que le projet de résolution et le rapport contenait une liste de recommandations concrètes qui devraient être mises en oeuvre pour que cela se produise.

D. LA VOLONTÉ D'ENCADRER, DE MANIÈRE APPROPRIÉE, L'ACTION DES SERVICES RÉPRESSIFS DES ÉTATS

1. Combattre et prévenir l'usage excessif et injustifié de la force par les forces de l'ordre

Mercredi 27 avril, l'APCE a débattu et approuvé, sur le rapport de M. Oleksandr Merezhko (Ukraine - CE/AD), au nom de la commission des questions juridiques et de l'État de droit, une résolution et une recommandation sur la nécessité de combattre et prévenir l'usage excessif et injustifié de la force par les forces de l'ordre.

L'APCE a dénoncé l'usage excessif de la force en de nombreuses occasions, par les forces de l'ordre des États membres, « en violation des principes de nécessité, de proportionnalité, de précaution et de non-discrimination » , que ce soit pour maintenir l'ordre lors de manifestations pacifiques, gérer les flux de migrants irréguliers ou rétablir l'ordre public dans des situations d'après-conflit. « Ce recours excessif à la force par les forces de police ne représente pas des cas isolés, mais s'inscrit dans une tendance systémique », se sont inquiété les parlementaires.

En adoptant une résolution, basée sur le rapport d'Oleksandr Merezhko (Ukraine, CE/AD), l'APCE a souligné que, conformément aux instruments juridiques internationaux, les forces de l'ordre ne pouvaient recourir à la force « qu'en cas de stricte nécessité », ajoutant que les normes internationales applicables dans ce domaine, devaient être regroupées sous forme récapitulative pour plus de clarté.

Dans ce contexte, l'APCE propose que les législations nationales s'appuient sur les principes juridiques internationaux, préviennent et sanctionnent l'usage excessif de la force par les forces de l'ordre, quel que soit le contexte, et réglementent l'utilisation d'armes et autres outils létaux ou non létaux. Elle préconise également de mettre en place des mécanismes indépendants, au sein ou en dehors des institutions de police, pour mener des enquêtes rapides, afin que les personnes impliquées aient à répondre de leurs actes.

Enfin, l'Assemblée parlementaire a recommandé au Comité des Ministres « de lancer le processus de rédaction d'une nouvelle Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention des excès de violence policière », qui codifierait les normes les plus strictes et les bonnes pratiques dans ce domaine.

Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - NI) a qualifié d'inquiétant le renforcement manifeste de l'usage de la force par les pays membres du Conseil de l'Europe au cours des dernières années, en ce qu'il est appliqué de manière croissante lors de manifestations et contre-manifestations pacifiques. L'usage de la force se systématise, sous couvert de l'objectif légitime de rétablissement de l'ordre public, entraînant à chaque fois une escalade de la violence. Plusieurs exemples peuvent être ainsi cités, notamment en France avec des dérives régulières lors de manifestations pacifiques, qui ont été constatées et dénoncées au sein même de l'APCE. Mme Martine Wonner a cité l'exemple du recours à des moyens donnés par l'état d'urgence suite aux attentats terroristes de 2015 à Paris, pendant des manifestations lors de la COP21 ou la coercition policière forte pendant le mouvement des « Gilets jaunes ». Elle a précisé que ces dérives manifestes ont également été dénoncées pour d'autres pays. Elle a souligné que plusieurs éléments accentuaient ces dérives : la militarisation des forces de police, le manque de formation et d'effectifs ainsi que la politisation croissante des interventions dans le cadre des manifestations. Le rôle de l'APCE est de s'assurer que le déploiement de la force contre la population n'ait lieu qu'en cas de stricte nécessité, et seulement avec l'objectif légitime de préserver l'ordre public. Tout usage de la force disproportionné ou n'intervenant pas dans le but de préserver l'ordre public est excessif et va à l'encontre des droits fondamentaux des citoyens. De plus, l'usage de la force doit répondre au principe de proportionnalité et ne doit comprendre aucun traitement inhumain ou dégradant. Mme Martine Wonner a estimé qu'il était urgent de revoir les schémas de maintien de l'ordre et de lutter contre le recours excessif à la force, pour la santé des citoyens et de la démocratie.

N'ayant pu intervenir dans le temps imparti alors qu'il était présent dans l'hémicycle, M. Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste) a pu faire publier son intervention, conformément aux dispositions prévues par le Règlement de l'APCE . Il a déclaré qu'aucun État démocratique ne pouvait se dispenser d'une réflexion régulière sur les pratiques de ses services répressifs et sur les mécanismes d'alerte ou de sanction applicables en cas de dérive et que le Conseil de l'Europe devait défendre les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de précaution et de non-discrimination dans le recours à la force par les agents des forces de l'ordre, tels qu'ils ressortent de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. Il a partagé également la proposition du rapporteur consistant à soutenir les États membres en recensant et en diffusant les bonnes pratiques de maintien de l'ordre, et même en leur fournissant un soutien technique lorsque c'est nécessaire. Il a également accueilli positivement l'invitation faite aux États membres par le rapporteur à mettre en place des mécanismes indépendants pour diligenter des enquêtes rapides, efficaces et approfondies sur les causes de l'usage excessif de la force et soutenu son appel à intensifier la lutte contre l'impunité et à prévoir des recours en indemnisation ainsi que des mesures de réadaptation adaptées pour les victimes d'un recours excessif à la force.

Ces différentes mesures peuvent contribuer à maintenir, ou parfois à rétablir, une relation de confiance entre les forces de l'ordre et la population et à prévenir d'éventuels abus. Les forces de police elles-mêmes sont très conscientes de cet enjeu, essentiel car l'État détient le monopole de la violence légitime : c'est un principe fondamental des démocraties. M. Jacques Le Nay a réaffirmé le rôle indispensable des forces de l'ordre dans la mise en oeuvre de l'État de droit, s'inquiétant de la montée de la radicalité dans la société et de la contestation de l'action des forces de sécurité. Il a estimé que la radicalité croissante était dangereuse pour la démocratie et que ce phénomène pourrait faire l'objet d'une réflexion complémentaire à l'APCE. Il a ajouté ne pas souhaiter qu'on jette l'opprobre sur les forces de police qui interviennent parfois dans des contextes très difficiles, pour préserver la démocratie et l'État de droit. Il a souhaité souligner ce point afin de conserver une approche équilibrée.

2. Comment faire bon usage des avoirs confisqués d'origine criminelle ?

Le même jour, l'Assemblée parlementaire a adopté, sur le rapport de M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain) , au nom de la commission des questions juridiques et de l'État de droit, une résolution et une recommandation concernant le bon usage des avoirs d'origine criminelle confisqués par les services judiciaires ou de police.

Dans son propos liminaire M. André Vallini (Isère - Socialistes, Écologistes et Républicains) a indiqué que son rapport était le troisième d'une série de trois rapports visant à affaiblir le crime organisé et la grande corruption. Les deux premiers rapports avaient proposé de faciliter la confiscation d'avoirs illicites, premièrement en renversant la charge de la preuve quant au caractère illicite des biens suspects, et deuxièmement en renforçant les cellules de renseignement financier chargées de tracer ces fonds dans chaque pays. Ce troisième rapport vise à établir les actions à entreprendre pour que l'argent du crime et de la corruption puisse être utilisé pour réparer les dégâts du crime et de la corruption.

M. André Vallini a indiqué que le message général contenu dans son rapport était qu'il fallait frapper les criminels et les corrompus à leur portefeuille et faire triompher la légalité de manière visible pour la société, et notamment pour les communautés sinistrées par le crime et la corruption, qu'il s'agisse d'un quartier de grande ville ou d'un village de campagne. Il a expliqué avoir été convaincu par le « modèle italien » de réutilisation sociale des avoirs confisqués.

Il a insisté sur la nécessité d'avoir une institution centrale chargée d'administrer au niveau national les biens saisis dans un pays, de les administrer depuis le début jusqu'à leur affectation, en attendant leur confiscation et leur allocation - ou vente définitive. Une telle institution doit en effet disposer de l'expertise technique nécessaire pour optimiser l'utilisation des biens en question et doit faire rapport régulièrement au gouvernement et au parlement, comme c'est le cas en Italie.

L'Assemblée parlementaire a déclaré que les États membres du Conseil de l'Europe devraient « identifier et geler » un maximum d'avoirs des citoyens et des entreprises publiques russes frappés de sanctions ciblées pour cause de leurs responsabilités dans la guerre d'agression lancée contre l'Ukraine par la Fédération de Russie. De l'avis des parlementaires, les gouvernements devraient prévoir l'usage des biens qui s'y prêtent, notamment des maisons et appartements, pour l'accueil de réfugiés ukrainiens. De plus, ils devraient réfléchir à l'usage final qui pourra être fait de ces avoirs une fois qu'ils seront confisqués définitivement, sachant que « ces avoirs ont été volés au peuple russe et devraient lui être rendus ». Tant que le pouvoir russe actuel est en place, « le risque d'un nouveau détournement de ces avoirs est élevé ». L'Assemblée a estimé que la Fédération de Russie sera tenue de dédommager l'Ukraine pour les dégâts causés par la guerre d'agression, ce qui ouvre la voie à « l'utilisation de ces avoirs pour compenser une partie de cette dette financière » de la Fédération de Russie envers l'Ukraine.

La résolution adoptée à l'unanimité préconise de manière plus générale la réutilisation sociale des avoirs confisqués d'origine criminelle, en prenant en compte dans la préparation des textes y relatifs, les bonnes pratiques constatées dans différents pays membres du Conseil de l'Europe, notamment en Italie, au Royaume Uni et en Espagne.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) , s'exprimant au nom du groupe PPE/DC, a félicité le rapporteur pour son rapport attestant d'un travail sérieux et documenté. Elle a indiqué que la criminalité organisée et la corruption détournaient des circuits légaux des sommes d'argent faramineuses, précisant que le magazine Forbes avait évalué à 290 milliards de dollars les fortunes accumulées de manière douteuse par les oligarques russes.

Ce phénomène a des répercussions multiples, d'ordre financier, économique, social, sécuritaire, judiciaire, voire même politique. Dans certaines régions, les groupes mafieux sont les premiers pourvoyeurs d'emplois et de logements. La police, la justice, les responsables politiques ne peuvent plus préserver leur indépendance. L'argent sale s'infiltre dans toutes les strates de la société, détruit le lien social existant, et finit par constituer une véritable menace pour la démocratie.

Lutter contre cette hydre nécessite, dans un premier temps, de tarir la source du système. Mais la seule saisie des avoirs non seulement ne suffit pas mais peut même s'avérer dangereuse. En effet, confisquer l'argent sale a souvent pour conséquence de déstabiliser l'organisation sociale d'un quartier, voire d'une région. La mafia donnait du travail, des revenus, un logement. Tout cela est remis en cause. Le risque d'un rejet de la part de la population est réel. Si l'on veut surpasser ce choc de légalité, susciter l'adhésion des citoyens, il faut redonner aux avoirs confisqués une utilité sociale et réparer le contrat social démocratique détruit par les pratiques criminelles.

Pour mettre fin au pouvoir d'attraction du crime organisé, l'État doit entreprendre des actions pédagogiques qui marquent les esprits. Reverser l'argent saisi sur le budget général n'est pas la solution. Il vaut mieux privilégier l'indemnisation directe des victimes car cette démarche met davantage en évidence la volonté réparatrice de la société. Toutes les initiatives prouvant que l'honnêteté paie doivent être encouragées. Inverser la logique est aussi une excellente façon de saper durablement les bases de l'économie criminelle, qui n'approuverait pas que l'argent généré par le trafic des stupéfiants soit utilisé pour des programmes de désintoxication, de même qu'elle pourrait s'opposer à l'utilisation de l'argent du proxénétisme pour aider à la réinsertion des prostituées. C'est ce type d'actions ciblées qui seront les plus efficaces.

Mme Marie-Christine Dalloz a conclu son intervention en indiquant que le groupe PPE/DE voterait en faveur de la résolution et la recommandation proposées.

E. UNE VIGILANCE RÉAFFIRMÉE À L'ÉGARD DES CATÉGORIES ET POPULATIONS LES PLUS VULNÉRABLES

1. La volonté d'évaluer les dispositifs de lutte contre l'exposition des enfants aux contenus pornographiques

Sur le rapport de M. Dimitri Houbron (Nord - Agir Ensemble) , au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de l'environnement, l'Assemblée parlementaire a adopté à l'unanimité, le 25 avril, une résolution et une recommandation actant de sa volonté d'évaluer les dispositifs de lutte contre l'exposition des enfants aux contenus pornographiques.

Au cours de la discussion générale, le rapporteur a indiqué que tous les appareils numériques devraient intégrer par défaut des outils faciles à utiliser de contrôle parental et de filtrage et blocage des annonces pornographiques pour combattre l'exposition des enfants aux contenus réservés aux adultes, a affirmé l'Assemblée. Ces outils de contrôle devraient être « toujours activés dans les espaces publics, tels que les établissements scolaires, bibliothèques et maisons des jeunes ».

Les parlementaires ont exprimé leur vive préoccupation par « l'exposition sans précédent des enfants aux images pornographiques, qui nuit à leur développement psychique et physique » . Cette exposition, ont-ils dit, « augmente les risques de construction de stéréotypes sexistes nuisibles, d'addiction à la pornographie et de relations sexuelles précoces et malsaines ».

Le texte adopté invite les États membres à examiner les moyens et dispositions existants pour combattre l'exposition des enfants à ces contenus « en vue de remédier aux lacunes dans la législation et les pratiques » . Il demande l'élaboration d'une législation « imposant l'utilisation d'outils de vérification de l'âge à la fois aux sites internet spécialisés dans l'hébergement de contenus pour adultes et aux médias et réseaux sociaux généralistes qui comportent des contenus pour adultes ».

Le texte prône également la mise en place d'un bouton d'alerte, ou autre solution similaire, permettant aux enfants de signaler leur accès accidentel à des contenus pornographiques et envisager des actions de suivi, comme des avertissements ou des sanctions pour les sites internet concernés.

Les parlementaires ont demandé un débat public sur l'exposition des enfants à la pornographie et sur les moyens et les dispositions de lutte contre cette exposition.

Dans son propos liminaire M. Dimitri Houbron (Nord - Agir Ensemble) a indiqué que son rapport avait été proposé dans le but de renforcer la voie tracée par celle de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, dite Convention de Lanzarote, l'APCE devant produire une documentation et des ressources plus étoffées relatives aux moyens et dispositifs visant à renforcer la protection des mineurs à l'exposition à la pornographie.

Dans ce contexte de la pandémie, le temps d'écran a augmenté, l'encadrement a diminué et beaucoup d'enfants ont fini par accéder à des contenus sexuellement explicites et à les partager. L'âge moyen de la première exposition à des contenus de ce type étant de 11 ans, les parents sont de plus en plus inquiets et ont besoin de recommandations claires et concrètes.

Dans ce contexte, certains États membres du Conseil de l'Europe ont voulu réformer les textes légaux qui régissent leurs interactions avec les plateformes numériques et les réseaux sociaux.

Ainsi, ils ont adopté des législations imposant aux réseaux sociaux d'avoir un représentant sur le sol national et d'obéir aux tribunaux demandant le retrait des contenus sous 48 heures, sous peine d'amendes. Ils ont également prévu l'interdiction d'avoir des revenus publicitaires ou encore de subir une forte réduction de sa bande passante. Cependant, la quasi-totalité des géants des réseaux sociaux ont refusé de se plier à ces mesures, considérant qu'elles pouvaient ouvrir la voie à des demandes de censure.

En définitive, il était apparu que toute disposition légale sur ce sujet pourrait être balayée au motif d'une atteinte à la liberté d'expression à terme. Sur ce dernier point, la France a d'ailleurs vu l'une de ses lois visant à lutter contre la haine sur Internet censurée par son Conseil constitutionnel.

Le rapport a permis de conforter deux éléments fondamentaux. D'une part, l'accès aisé et anonyme aux contenus pornographiques constitue les causes profondes de notre problématique. D'autre part, il n'est pas exagéré de dire qu'un enfant peut être détruit par l'exposition à ces contenus pornographiques de plus en plus violents. Ce fléau met en péril son bien-être, son rapport à la société, ses interactions avec les femmes et les hommes, voire sa sexualité. C'est une lente mutilation psychique.

Le rapport a aussi permis de détailler les différents moyens et dispositifs existants pour lutter contre l'exposition de ces enfants aux contenus pornographiques.

Les logiciels de contrôle parental et de blocage sur les ordinateurs sont les premiers dispositifs à mettre en place. Il est essentiel de faciliter la tâche des parents eux-mêmes et des personnes en charge des enfants pour contrôler les activités en ligne de leurs enfants.

Dans cette logique, la France a promulgué une loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à Internet. Elle prévoit l'obligation pour les fabricants d'appareils connectés d'installer un logiciel de contrôle parental par défaut dès la première mise à jour. La loi introduit des sanctions en cas de non-respect de cette obligation, prévoit des listes « noires ?» et «? blanches ?» de sites web ou d'applications, et vise à garantir une norme minimale commune à tous les fabricants.

L'État doit aussi assumer sa responsabilité et prendre des mesures plus fermes, telles que la mise en place d'un système effectif de vérification de l'âge.

Il existe plusieurs lois et outils technologiques pour contraindre un utilisateur à justifier son âge pour accéder à certains contenus : la méthode de l'identification visuelle par une pièce d'identité scannée et authentifiée ; le service de l'estimation de l'âge grâce à l'intelligence artificielle ; ou encore la création d'un « portefeuille d'identité numérique » réutilisable. En 2020, le Parlement français a adopté une loi instaurant l'introduction d'un système national de vérification de l'âge pour les sites pornographiques. La loi en question laisse aux sites la liberté de décider de la manière de procéder à cette vérification. L'une des mesures les plus prisées semble être de demander aux utilisateurs de saisir un numéro de carte de crédit.

Certes, les personnes concernées ont coutume de garder l'anonymat et estiment que leur navigation sur des sites pour adultes est un sujet extrêmement sensible. Il est donc essentiel de veiller à ce que les outils de vérification de l'âge soient créés de manière à garantir un niveau maximal de protection de la vie privée, tout en permettant une action efficace contre les activités criminelles.

Enfin, le rapport rappelle le rôle fondamental de l'éducation et de la sensibilisation au sein des écoles. Les professionnels de l'éducation devraient recevoir une formation appropriée pour qu'une communication ouverte puisse s'instaurer avec les enfants, sur la base des principes de respect de la dignité humaine et de l'égalité entre les femmes et les hommes, et en faisant appel à l'esprit critique. Il faut être confiants dans le fait que les jeunes, même à un âge précoce, peuvent réfléchir aux messages véhiculés par les contenus à caractère sexuel et comprendre les différences entre les relations dans la vie réelle et la «?fiction?» de la pornographie.

Par ailleurs, l'industrie pornographique elle-même est consciente de la problématique et est prête à travailler sur ce sujet - elle a d'ailleurs contribué dans ce rapport.

S'agissant des préconisations, M. Dimitri Houbron a proposé également la création d'un partenariat avec les organes pertinents de l'ONU, comme l'Unicef et le Représentant spécial du Secrétaire Général chargé de la question de la violence contre les enfants. Un tel partenariat pourrait rassembler des plateformes et pouvoirs publics, ainsi que des entreprises numériques et des prestataires de contenus pour adultes. Le but est d'élaborer une réaction globale coordonnée, pérenne et à un coût abordable.

S'exprimant au nom du groupe PPE/DC, M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a remercié le rapporteur pour son travail. Il a estimé que du fait de l'essor des technologies de l'information et de la communication, les enfants étaient exposés aux contenus pornographiques beaucoup plus tôt en âge et beaucoup plus facilement que par le passé et que cette exposition n'était pas sans incidence sur leur développement psychique et physique. De nombreuses études et témoignages attestent de la nocivité, pour nos enfants, de l'exposition à ces contenus. Elles s'accordent pour dire que cette exposition précoce a des conséquences neuropsychiatriques et qu'elle peut en particulier entraîner une addiction. Elle peut également conduire à des troubles du comportement sexuel caractérisés par des fantasmes sexuels obsessionnels excessifs pouvant générer une souffrance et, en conséquence, par la suite, une dépression. Des dysfonctions érectiles ont également été associées à l'exposition précoce aux contenus pornographiques. Enfin, on ne mesure pas encore totalement l'impact psychique de ces images sur les enfants et les troubles du comportement qu'elles induisent. À ce sujet, les personnes exposées évoquent des cauchemars et des répercussions négatives sur leurs relations sentimentales futures. M. Alain Milon a estimé qu'il était du devoir des parlementaires de veiller au bien-être des enfants et qu'il fallait contraindre les sites proposant des contenus pornographiques à vérifier l'âge de leurs utilisateurs. Il s'est prononcé en faveur de la mise en place d'un processus de certification adapté et s'est dit favorable à l'idée de rendre obligatoire la conformité aux exigences de vérification d'âge, de traiter le problème des moteurs de recherche qui mettent en avant des sites non conformes, ainsi que d'envisager la mise en place d'une liste noire d'URL pour les domaines qui enfreignent la loi.

Il a également soutenu le recours au logiciel de contrôle parental et de blocage de contenus, précisant qu'il appartenait aux parents de veiller à ce que les équipements utilisés par leurs enfants soient équipés de ce type de logiciel qui devront être paramétrés et activés. En France, à l'initiative des parlementaires, une loi a été votée pour renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à Internet. Elle prévoit l'obligation pour les fabricants d'appareils connectés d'installer un logiciel de contrôle parental qui pourra être activé gratuitement. C'est une solution intéressante.

Constatant que les conventions internationales en vigueur aujourd'hui sur la protection de l'enfance ne ciblaient pas particulièrement l'exposition aux contenus pornographiques, M. Alain Milon a engagé le Conseil de l'Europe à se saisir de cette question et élaborer des lignes directrices.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) a constaté que le développement des technologies de l'information au cours de ces dernières décennies avait rendu l'accès à des contenus pornographiques facile et que les enfants, grands utilisateurs d'Internet, étaient nombreux à être exposés, parfois de manière fortuite, à ces contenus nocifs pour leur développement psychologique, ce phénomène aboutissant à la banalisation de stéréotypes sexistes et de comportements socialement inacceptables. Il s'est inquiété de l'augmentation fulgurante de cas de comportements sexuels préjudiciables de la part d'enfants, précisant que les enfants s'inscrivaient sur leur premier réseau social à 8 ans et demi en moyenne et, qu'à 12 ans, un tiers d'entre eux avaient déjà été confrontés à des images pornographiques. Il a estimé que des campagnes de sensibilisation étaient indispensables pour que chacun puisse prendre conscience de l'ampleur du phénomène et des méfaits qu'il engendre - addiction, trouble du comportement, phobie sociale, ou encore dépression.

Mentionnant, une proposition de loi française votée - à l'unanimité - pour encourager à faciliter l'usage du contrôle parental sur certains équipements, M. Frédéric Reiss s'est interrogé sur l'instauration d'une norme internationale pour les dispositifs de contrôle qui s'avèrerait peut-être la solution la plus simple. Il a ensuite estimé que le législateur devait s'assurer que les sites réservés aux adultes, ainsi que les réseaux sociaux généralistes comportant des contenus pour adultes, utilisent des outils de vérification d'âge efficaces et ne pouvant pas être aisément contournés. Un simple clic anonyme ne pouvant constituer une véritable vérification, la responsabilité des fournisseurs de contenus pornographiques doit pouvoir être engagée en cas de transmission à un mineur, même si celui-ci a fait une déclaration de majorité mensongère. Il a enfin indiqué que, même si les enseignants n'ont pas vocation à se substituer aux parents, l'école avait évidemment un rôle à jouer en proposant des programmes éducatifs qui promeuvent le respect de la dignité humaine, de l'intégrité physique et de l'égalité entre les filles et les garçons, les cours d'éducation à la sexualité devant être dispensés par des professionnels dûment formés et adaptés à l'âge des enfants. Il a conclu en déclarant que protéger les enfants était nécessaire mais pas suffisant et qu'il fallait armer ces derniers pour qu'ils puissent se défendre par eux-mêmes, développer leur esprit critique et leur permettre de se construire dans un environnement équilibré et que cela passait par l'éducation. Il a indiqué qu'il voterait en faveur de la résolution et de la recommandation proposée.

N'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'elle ait été présente lors du débat, Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a pu faire publier son intervention au compte rendu dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE. Elle s'est inquiétée de l'ampleur du phénomène, 82 % des adolescents ayant déjà été exposés à des contenus pornographiques. Elle a dénoncé le risque de construction de stéréotypes sexistes : les jeunes filles étant davantage susceptibles d'être la cible d'agressions sexuelles et les jeunes hommes étant davantage susceptibles d'avoir des comportements sexuels agressifs. Elle a estimé que la lutte contre les violences faites aux femmes est étroitement liée à la lutte contre l'exposition aux contenus pornographiques des enfants et des adolescents.

Elle a aussi alerté sur le fait que les contenus pornographiques tendaient à promouvoir des pratiques sexuelles à risque alors que les maladies sexuellement transmissibles, comme le sida, continuaient de se propager et que la pornographie en ligne pouvait également avoir un impact négatif sur l'image de soi, lorsque les adolescents se comparaient aux acteurs des films pornographiques. Elle a estimé nécessaire de promouvoir l'utilisation des outils technologiques de contrôle auprès des parents tout en précisant que ces outils n'avaient d'intérêt que s'ils s'accompagnaient d'une éducation à la sexualité complète et adaptée à l'âge, menée aussi bien par les parents que par les établissements scolaires. Elle a conclu en indiquant que la sexualité ne devait pas être un sujet tabou, que ce soit dans les familles ou dans les écoles car, si l'éducation à la sexualité ne se faisait pas dans ce cadre, elle se ferait sur Internet avec tous les risques que cela comportait.

2. L'appréhension du problème de la désinstitutionnalisation des personnes handicapées

Mardi 26 avril, l'Assemblée parlementaire a approuvé, sur le rapport de Mme Reina de Brujin-Wezeman (Pays-Bas - ADLE), au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de l'environnement, et sur le rapport pour avis de Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) , au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, une résolution et une recommandation sur la désinstitutionnalisation des personnes handicapées.

L'Assemblée a souligné que les Nations Unies avaient clairement évolué vers une approche du handicap fondée sur les droits humains, qui met l'accent sur l'égalité et l'inclusion.

L'APCE, estimant qu'il était temps d'aider les personnes handicapées à avoir une vie indépendante soutenue, a proposé que les lois autorisant l'institutionnalisation des personnes handicapées soient progressivement abrogées, ainsi que la législation sur la santé mentale autorisant le traitement sans consentement et la détention fondée sur l'altération des facultés. Les gouvernements devraient élaborer des stratégies adéquatement financées, assorties de calendriers et de critères de référence clairs, en vue d'une véritable transition vers une vie indépendante pour les personnes handicapées.

Elle a également demandé instamment au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe de ne pas soutenir ou approuver des projets de textes normatifs qui « rendraient plus difficile une désinstitutionnalisation réussie et significative, ainsi que l'abolition des pratiques coercitives dans les établissements de santé mentale », en pointant du doigt le projet de protocole additionnel à la Convention d'Oviedo qui est actuellement à l'étude au sein du Conseil de l'Europe.

Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) , rapporteure pour avis au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination a d'abord félicité la rapporteure au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de l'environnement, Mme Reina de Brujin-Wezeman (Pays-Bas - ADLE) pour son rapport allant au-delà des simples positions de principe et attirant l'attention sur les mesures concrètes que les États peuvent et doivent prendre afin d'assurer un processus de désinstitutionnalisation pertinent, efficace et durable, pleinement respectueux des droits des personnes handicapées, ainsi que les sources de financement permettant de parvenir à cette fin.

Elle a ensuite rappelé que la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, l'instrument international de référence dans ce domaine, reposait sur une approche du handicap fondée sur le plein respect des droits humains et que les États membres du Conseil de l'Europe avaient indiqué leur soutien à cette approche en ratifiant cette Convention. De plus, au fil du temps et dans le cadre des nombreux débats relatifs à la promotion des droits des personnes en situation de handicap tenus dans cette enceinte au cours des dernières années, l'APCE a également confirmé à maintes reprises son soutien au plein respect des droits des personnes handicapées.

Indiquant que le rapport de Mme Mme Reina de Brujin-Wezeman (Pays-Bas - ADLE) mettait clairement en exergue les raisons pour lesquelles la désinstitutionnalisation des personnes handicapées devait faire partie intégrante de cette approche, elle a rappelé qu'il s'agissait d'une obligation découlant de l'article 19 de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées relative à l'autonomie de vie et à l'inclusion dans la société des personnes handicapées.

Elle a ensuite indiqué que l'avis de la commission sur l'égalité et la non-discrimination soutenait le rapport de Mme Reina de Brujin-Wezeman (Pays-Bas - ADLE) et proposait un seul amendement visant à renforcer la résolution en invitant les États à mener des campagnes de sensibilisation afin de renverser les stéréotypes et les préjugés qui persistent à l'encontre des personnes handicapées. Mener de telles campagnes est en effet indispensable, dès lors qu'il s'agit de promouvoir l'inclusion dans la société des personnes handicapées.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a plaidé pour une approche du handicap fondée sur les droits humains. Il a précisé que bien que considérant que les personnes handicapées doivent être incluses au sein de la société et bénéficier des mêmes droits que leurs concitoyens, il ne condamnait pas pour autant, par principe, le placement en institution qui peut correspondre aux besoins de certaines personnes ou de certaines familles. Il a estimé que le placement en institution ne devait en aucun cas être systématique mais qu'il pouvait s'avérer nécessaire, par exemple lorsque la personne présente un danger pour elle-même ou pour autrui. Il a indiqué qu'il ne voyait pas d'antinomie entre placement en institution et respect des droits humains.

Il a salué le travail des équipes rencontrées en France dans de nombreuses structures et a indiqué avoir observé une progression de l'approche fondée sur les droits humains, y compris dans les institutions qui se modernisaient dans de nombreux États membres. Il a appelé à maintenir ce point de vigilance, en reconnaissant la diversité des modèles et des structures en Europe.

Il a indiqué soutenir l'inclusion maximale des personnes handicapées dans la société civile et s'est réjoui que l'ensemble des États membres de notre Organisation ait désormais ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées qui pose clairement le principe que les personnes handicapées doivent vivre au sein de la société et qu'elles doivent y être pleinement intégrées. Il a regretté que la mise en application de ce beau principe se heurte encore à de nombreux obstacles institutionnels, sociaux et comportementaux qui conduisent à priver les personnes handicapées de la jouissance de leurs droits fondamentaux. Pour permettre aux personnes handicapées de véritablement contrôler leur vie, il est nécessaire de développer des solutions alternatives au placement en institution. Cela suppose une aide personnalisée qui favorise l'inclusion, et donc des moyens humains et financiers. La possibilité de disposer de soins et/ou d'une aide à domicile est essentielle pour permettre aux personnes handicapées de disposer de leur propre logement. Cela implique également, bien souvent, des travaux d'aménagement des logements et des locaux de certaines entreprises et administrations. L'accessibilité des bâtiments publics aux personnes handicapées reste un combat.

Il a ensuite insisté sur le cas des enfants nécessitant une vigilance particulière. Leur intérêt supérieur doit toujours être évalué et identifié. Il a conclu en précisant que l'évolution vers une conception inclusive du handicap nécessitait une stratégie de long terme de la part de chacun des États et nécessitait aussi des moyens importants - sans discriminer, une fois de plus, le mode institutionnel.

3. La lutte contre la discrimination fondée sur l'origine sociale

Le 26 avril, l'Assemblée parlementaire a souligné que, dans toute l'Europe, l'origine sociale des personnes, les conditions de leur naissance, avaient une forte influence sur leur avenir, leur accès à l'éducation et à l'apprentissage tout au long de la vie, leurs perspectives d'emploi et leurs possibilités de mobilité sociale.

La résolution adoptée par l'APCE, basée sur le rapport de Selin Sayek Böke (Turquie, SOC), précise que la discrimination fondée sur l'origine sociale - interdite dans un grand nombre d'instruments internationaux, mais rarement prise en compte dans les systèmes juridiques nationaux - accentue la pauvreté et l'exclusion sociale, et entraîne des écarts de salaire liés à la classe sociale, qui persistent tout au long de la vie, même à niveau d'études égal.

L'Assemblée appelle donc les États membres à clairement interdire cette forme de discrimination dans la législation, et de prévoir des recours individuels accessibles pour les victimes. « Pour éviter que ce phénomène ne se reproduise continuellement, il faut accompagner la législation de mesures destinées à mieux reconnaître le mérite et à promouvoir la mobilité sociale et la justice sociale », ont indiqué les parlementaires.

Soulignant que cette forme de discrimination se produisait dès la petite enfance et persistait tout au long de l'éducation et de l'accès à l'emploi, l'APCE a en outre appelé les États à garantir l'accès gratuit à des services publics d'éducation et d'accueil de la petite enfance ; à fournir à toutes et tous une éducation gratuite, équitable et de qualité, quelle que soit l'origine sociale et durant tout le cycle de vie ; à élaborer des politiques de redistribution fiscale permettant de briser le cycle de privation matérielle qui freine la mobilité sociale ; et à formaliser les procédures de recrutement et de promotion et à les rendre transparentes.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a estimé que le sujet des discriminations fondées sur l'origine sociale est un point essentiel du contrat social de la société et du maintien d'une démocratie harmonieuse. Il a rappelé, à la lumière de l'élection présidentielle française, que la tentation de se tourner vers les extrêmes était en partie corrélée au sentiment d'abandon ressenti par une partie de la population, qui ne se sent plus prise en compte, qui se sent marginalisée et qui a le sentiment que ses enfants ne pourront pas s'élever dans la société.

Il s'agit donc d'un sujet éminemment politique, mais il correspond à une vision de l'Homme, à une vision de l'égalité, égalité des droits et égalité des chances au même niveau de compétences. Nul ne doit être discriminé en fonction de son origine sociale : c'est l'un des principes essentiels de la République française tiré de la Révolution de 1789. Pourtant, il est parfois difficile de combattre ces discriminations, non pas tant pour des motifs juridiques que pour des questions d'éducation, de projection de désirs ou d'ambition, et de moyens. M. Alain Milon a indiqué être très favorable à l'éducation gratuite, équitable et de qualité, mentionnée dans la résolution qui est assurément indispensable. C'est la première brique sans laquelle rien n'est possible. Mais il faut aussi que les enfants perçoivent que s'extraire de la condition sociale de leurs parents est possible, que la promotion sociale est réellement accessible, d'où qu'ils viennent.

M. Alain Milon s'est prononcé en faveur de la proposition de la rapporteure visant à lutter contre les préjugés inconscients et à promouvoir les réseaux de soutien professionnels pour éviter les blessures cachées dont de nombreuses personnes font l'expérience lors de leur ascension sociale. Il a également insisté sur l'importance de la formation tout au long de la vie. Une société ne doit pas tout miser sur l'éducation initiale, même si c'est un élément fondamental : elle doit aussi permettre à chacun de progresser ou de se réorienter au cours de sa vie professionnelle. Cela implique une correcte adaptation du marché du travail et un engagement fort des employeurs, tant publics que privés, qui doivent pleinement mesurer l'importance de leur contribution à une construction harmonieuse de la société.

F. DÉBAT LIBRE

L'Assemblée parlementaire a tenu le 26 avril 2022 un débat libre portant sur des sujets d'actualité ne figurant pas à l'ordre du jour de la session. Treize membres de l'Assemblée ont pris la parole.

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