C. UNE PRÉOCCUPATION, MALHEUREUSEMENT TOUJOURS D'ACTUALITÉ, CONCERNANT LA DÉMOCRATIE ET L'ÉTAT DE DROIT

1. Au-delà du traité de Lisbonne : renforcer le partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne

Lors de sa première séance du 26 avril, l'APCE a approuvé, sur le rapport de M. Titus Corlãtean (Roumanie - SOC), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution et une recommandation sur la nécessité de renforcer, par-delà le traité de Lisbonne, le partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne « sur la base de leurs valeurs communes et de leur engagement à promouvoir la paix et la stabilité sur le continent européen et à soutenir le multilatéralisme dans le monde entier ».

Le rapporteur a rappelé que l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, plaçant au premier plan des politiques de l'Union européenne le respect des droits humains et de l'État de droit - au coeur du mandat du Conseil de l'Europe - avait accru les possibilités de coopération entre les deux organisations.

L'Assemblée propose que l'Union européenne renforce le dialogue politique, les synergies et la consultation technique avec le Conseil de l'Europe sur les questions de sécurité démocratique et d'État de droit, tout en évitant les doublons d'activités et l'émergence de normes juridiques divergentes en Europe.

Elle encourage l'Union européenne à poursuivre les négociations en vue de son adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme, ce qui permettra de « garantir la cohérence entre le droit de l'Union européenne et le système de la Convention, et conduira à un espace juridique unique ».

L'Assemblée a également appelé le Parlement européen à intensifier la coordination avec l'APCE dans des domaines tels que la promotion de la paix et de la sécurité en Europe, la diplomatie parlementaire en soutien au multilatéralisme, la lutte contre le recul de la démocratie, et la prévention des menaces sur l'État de droit.

Enfin, l'APCE a recommandé que le Comité des Ministres « envisage l'organisation d'un quatrième Sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe, en y associant des représentants de l'UE » , afin de réaffirmer la pertinence du Conseil de l'Europe comme organisation de référence pour la promotion de la démocratie, des droits humains et de l'État de droit.

Constatant que douze ans après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l'Union européenne n'a toujours pas adhéré à la Convention européenne des droits de l'homme, M. François Calvet (Pyrénées-Orientales - Les Républicains) a formé le voeu que les négociations aboutissent enfin, car les droits fondamentaux forment une partie de l'identité européenne. Même si les Cours de Strasbourg et de Luxembourg entretiennent de bonnes relations et que l'article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoit un mécanisme de coordination entre les deux ordres juridiques, il faut aller au bout de la démarche et appliquer pleinement le Traité de Lisbonne. M. François Calvet a apporté son soutien à l'analyse du rapporteur concernant la possibilité pour l'Union européenne d'adhérer à certaines conventions du Conseil de l'Europe, citant la Convention d'Istanbul, signée mais toujours pas ratifiée par l'Union européenne. Il s'est aussi prononcé en faveur d'un approfondissement de la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne au regard des démarches d'élargissement et des relations avec les pays du partenariat oriental, afin de défendre au mieux les valeurs européennes communes aux deux instances.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, s'est félicitée de l'intensification du dialogue politique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne au cours des deux dernières années mais elle a regretté que ce dialogue se déroule presque exclusivement au niveau de la Commission européenne et du Secrétariat Général du Conseil de l'Europe, et non à l'échelon parlementaire car l'APCE et le Parlement européen ont beaucoup à se dire et leurs expériences respectives peuvent mutuellement leur servir dans l'exercice de leurs missions. Elle s'est également félicitée de la relance des négociations pour l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme. Elle a aussi fait part de son souhait que l'Union européenne puisse également adhérer également à la Charte sociale européenne ou à la Convention d'Istanbul. Elle a souligné l'importance des programmes de coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, cette dernière étant le plus grand contributeur aux ressources extrabudgétaires de l'APCE. Elle a aussi appelé à éviter les duplications de moyens et les gaspillages d'énergie entre les deux instances, encourageant une coopération intelligente et un travail de concert.

M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), a alerté les parlementaires sur la menace que constitue les tentatives de plus en plus répandues de remise en cause de la Convention européenne des droits de l'Homme qui mettent en danger la démocratie, en Hongrie, en Pologne mais également dans d'autres pays européens. Il a appelé à l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme afin d'envoyer un signal fort aux États membres et aux pays candidats. Les pays européens sont aujourd'hui sur une situation défensive, notamment dans les élections, et doivent passer à l'offensive.

Après avoir rappelé les enjeux démocratiques apparus récemment (intégrité des processus électoraux, lutte contre la désinformation, menace sur l'État de droit, distanciation entre citoyens et élus), Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - NI) a incité le Conseil de l'Europe à renforcer son rôle de référant du fonctionnement démocratique des États membres, du respect de l'État de droit de chacun de ces pays, afin de garantir à tous les citoyens les droits fondamentaux qui leur reviennent. Ce renforcement doit être fait par une coopération plus étroite avec l'Union européenne, sans aucun compromis, en se basant sur les objectifs de la démocratisation du processus législatif, une amélioration de la transparence dans les prises de décision de l'union européenne, et un renforcement de la démocratie participative directe, plus inclusive pour le citoyen.

M. Christian Klinger (Haut-Rhin - Les Républicains) a évoqué le rôle des parlements nationaux, la coopération interparlementaire et la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Il a cité notamment l'organisation au Sénat, après chaque partie de session, d'une présentation devant la commission des affaires européennes de l'activité de la délégation française à l'APCE. Cela permet aux parlementaires d'être pleinement informés, de réagir, mais aussi d'interagir avec les parlementaires siégeant au sein d'autres assemblées interparlementaires, notamment l'Assemblée parlementaire de l'OSCE. Il a aussi indiqué que la question des valeurs de l'Union, du respect de l'État de droit et des droits de l'Homme a occupé une place centrale dans les travaux de la Conférence sur l'avenir de l'Europe et qu'il apparaissait nécessaire de suivre les idées qui seront finalement retenues. Il a enfin conclu que, dans le nouveau contexte géostratégique issu de la guerre en Ukraine, un partenariat stratégique efficace entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne était indispensable.

M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a indiqué qu'il partageait pleinement l'analyse du rapporteur sur les clés d'un partenariat réussi entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne : synergie, complémentarité et absence de doublons. Il s'est félicité des démarches entreprises en ce sens à la suite de l'adoption du Traité de Lisbonne, tout en regrettant que l'Union européenne n'ait pas encore adhéré à la Convention européenne des droits de l'Homme. Il s'est également félicité de l'ampleur des programmes de coopération entre les deux organisations, l'Union européenne étant le plus important contributeur aux ressources extrabudgétaires du Conseil de l'Europe, notamment en direction des Balkans occidentaux, des pays du Partenariat oriental ou du voisinage méridional. Il s'est déclaré très favorable au développement d'un dialogue structurel et d'une concertation avec le Conseil de l'Europe dans le cadre du processus d'élargissement de l'Union européenne, en vue d'accompagner plus efficacement les États membres du Conseil de l'Europe qui aspirent à adhérer à l'Union européenne dans la mise en oeuvre durable des réformes nécessaires.

Il a estimé opportun d'associer l'APCE aux activités interparlementaires mises en place dans le cadre du dialogue de l'Union européenne avec les pays du Partenariat oriental et des Balkans occidentaux. Il a aussi estimé que le dialogue entre l'APCE et le Parlement européen gagnerait assurément à être renforcé.

2. Sauvegarder et promouvoir la démocratie véritable en Europe

En ouverture de ses séances publiques du 28 avril après-midi, l'Assemblée parlementaire a adopté, sur le rapport de Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) , au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution et une recommandation visant à favoriser les démocraties saines en Europe.

L'APCE a exprimé sa préoccupation face au net recul de la démocratie à travers le monde - y compris en Europe - qui se traduit notamment par un affaiblissement de l'équilibre des pouvoirs et du rôle de l'opposition, des entraves à la liberté d'expression, de réunion et d'association, ainsi que par une érosion de l'État de droit.

Devant ce constat alarmant, l'APCE a appelé les États membres à « renouer avec leur engagement de sauvegarder et promouvoir la démocratie véritable », fondée sur les principes de liberté individuelle et politique, et de prééminence du droit. « Seules des démocraties véritables peuvent garantir la sécurité démocratique et réaliser la consolidation de la paix, fondée sur la justice et la coopération internationale », ont souligné les parlementaires.

En adoptant une résolution, basée sur le rapport de Marie-Christine Dalloz, l'APCE a donc appelé les États membres à garantir : le droit à la liberté de pensée et la liberté d'expression ; la liberté de réunion et d'association ; et la sécurité des défenseurs des droits humains, notamment les journalistes, les avocats et les membres d'ONG.

En outre, l'APCE préconise de garantir l'indépendance et le pluralisme des médias ; le droit à des élections libres et équitables ; un système judiciaire efficace, impartial et indépendant ; un processus législatif inclusif ; et la bonne gouvernance démocratique.

L'Assemblée a également recommandé que le Comité des Ministres mette en place « une plateforme permanente sur la démocratie, qui s'appuierait sur l'expertise de différents organes et structures du Conseil de l'Europe » et qui agirait comme une plateforme d'échange d'informations et de bonnes pratiques au profit des autorités publiques des États membres mais aussi des partis politiques, des ONG et des représentants de la société civile.

Dans son propos liminaire, Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a indiqué que son rapport était né d'un constat difficile, à savoir que la démocratie était en net recul dans le monde et en Europe, faisant face à une double crise, d'une part, une menace de « l'intérieur » avec des gouvernements ou des dirigeants démocratiquement élus qui la vident progressivement de sa substance, et d'autre part, un déclin de la confiance des citoyens en ses institutions ainsi qu'en sa capacité à faire face aux défis majeurs que connaissent nos sociétés depuis quelques décennies, comme les défis de la mondialisation, les inégalités croissantes et le changement climatique.

Elle a précisé que le choix de l'expression « démocratie véritable » n'était ni anodin, ni le fruit du hasard, puisqu'il s'agit de l'expression utilisée dans le Statut du Conseil de l'Europe, qui la définit comme étant « fondée sur les principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit ».

Elle a décrit le recul de la démocratie comme étant un processus lent et sournois qui se manifeste par des signes avant-coureurs, comme l'affaiblissement du rôle de l'opposition parlementaire, les attaques à l'indépendance du système judiciaire, des médias, les attaques aux droits fondamentaux et aux libertés, dont notamment la liberté d'expression, de réunion et d'association, en ciblant particulièrement la société civile, les défenseurs des droits humains et les médias. Au fur et à mesure que ces attaques perdurent et s'intensifient, il devient de plus en plus difficile d'inverser la tendance.

Constatant que la pandémie de Covid-19 avait aggravé le recul de la démocratie, Mme Marie-Christine Dalloz a formé le voeu que les leçons de cette dure expérience soient tirées afin de ne plus répéter les mêmes erreurs dans l'hypothèse où d'autres crises surgiraient.

Même les démocraties considérées comme matures sont touchées par le recul de la démocratie et c'est ce phénomène général qui doit être combattu car seules des démocraties véritables peuvent garantir la sécurité démocratique. La « démocratie véritable » est la clé de voûte pour réaliser notre objectif commun qu'est « la consolidation de la paix, fondée sur la justice et la coopération internationale ».

Mme Marie-Christine Dalloz s'est déclarée favorable à un quatrième Sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe qui devrait aborder des défis tels que « la lutte contre le recul de la démocratie », « la revitalisation de la démocratie par l'innovation et une plus grande participation des citoyens » et « la mise en place de mécanismes d'alerte rapides efficaces, afin de prendre des mesures décisives et collectives face aux menaces qui pèsent sur l'État de droit, les normes démocratiques et la protection des droits humains ».

Elle a enfin insisté sur six actions essentielles pour garantir la sauvegarde et la promotion de la démocratie véritable : lutter contre la désinformation ; garantir la sécurité des journalistes ; veiller à éviter une forte concentration de la propriété des médias ; s'assurer que les élections soient libres et équitables. ; veiller à ce que l'opposition parlementaire dispose des moyens suffisants pour exercer le contrôle sur le gouvernement ; promouvoir l'égalité pour tous et offrir une protection effective contre la discrimination et la haine.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , intervenant en tant qu'oratrice du groupe ADLE, a félicité la rapporteure pour la qualité de son travail. Elle s'est inquiétée du recul de la démocratie dans les pays où elle s'était pourtant épanouie jusqu'alors, évoquant la baisse de la participation aux élections, la défiance à l'égard des responsables politiques et des élus, la résonance accrue des discours populistes ou de haine, et la contestation des faits ou vérités établis. Elle a regretté que la pandémie de coronavirus n'ait fait qu'accentuer ce phénomène depuis 2020. Elle a exhorté le Conseil de l'Europe à être plus que jamais être le garant de la démocratie, l'État de droit et la préservation des droits humains et a fait part du soutien de la résolution et la recommandation de ce rapport par le groupe ADLE, et notamment la mise en place de la plateforme permanente de la démocratie et du mécanisme d'alerte précoce afin d'éviter toute dérive autoritaire.

M. Olivier Becht (Haut-Rhin - Agir Ensemble) a partagé le constat de la rapporteure sur le fait que la démocratie représentative était aujourd'hui dans une crise profonde, mentionnant les taux d'abstention, la montée des populismes ainsi que les contre-modèles, des pays autoritaires non démocratiques, comme la Chine. Il a appelé à faire preuve de vigilance à propos des ruptures technologiques, qui s'imposent à la société, notamment à travers les smartphones qui permettent une diffusion très vaste des idées et qui donnent aux citoyens la capacité de donner leur avis et de participer directement au débat d'idées à travers les réseaux sociaux. Cette révolution technologique aura les mêmes répercussions politiques que l'imprimerie qui, en son temps, avait entrainé la chute des monarchies absolues. Il faut donc que la démocratie représentative comprenne ce qui est en train de se passer, comprenne ce besoin, ce désir des citoyens de participer davantage au débat public. Les citoyens ne disent pas qu'ils n'aiment plus la politique, ils disent qu'ils n'aiment plus la manière dont elle est en train de se faire à travers les démocraties représentatives. En conclusion, M. Olivier Becht a invité le Conseil de l'Europe, à travailler sur la démocratie participative pour la refonder afin qu'elle survive.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - PPE/DC) a félicité la rapporteure pour son excellent travail. Il a partagé le constat que la remise en cause des principes démocratiques était un phénomène d'ampleur dans le monde entier, que les démocraties illibérales ne se limitaient pas à un ou deux cas isolés et que même dans les pays européens où les principes démocratiques restaient fortement ancrés, la situation n'étaient pas pour autant idéale, avec une abstention croissante, une défiance à l'égard des élus, des discours populistes ou de haine, des contre-vérités et des « fake news » , ces phénomènes ayant particulièrement progressé pendant la pandémie de Covid-19. Il a rappelé que le Statut du Conseil de l'Europe indiquait que les États membres devaient avoir pour objectif commun « la consolidation de la paix, fondée sur la justice et la coopération internationale ». Le délitement des standards démocratiques remet en cause cet objectif. Lorsque la démocratie recule, la paix est menacée.

Pour stopper cette spirale infernale, M. Frédéric Reiss a prôné la réaffirmation des valeurs qui sont les piliers de la démocratie : la liberté de pensée, la liberté d'expression, la liberté de réunion et d'association, l'indépendance des médias, l'indépendance du système judiciaire et, bien évidemment, la tenue d'élections libres. À cela s'ajoutent deux actions particulièrement importantes : d'une part, la lutte contre la désinformation, phénomène dont la nocivité ne cesse d'augmenter et, d'autre part, la reconquête de la jeunesse qui agit parfois en dehors des sentiers démocratiques classiques avec tous les risques que cela comporte.

MM. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a félicité la rapporteure pour son rapport très complet. Il a partagé sa préoccupation sur le recul de la démocratie à travers le monde et singulièrement en Europe, ajoutant que les principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, tels qu'ils sont consacrés par le Statut du Conseil de l'Europe, étaient plus que jamais actuels, à un moment de profonde attaque contre les valeurs démocratiques. Ces principes supposent une véritable mise en valeur face à l'indifférence démocratique croissante des citoyens européens et la montée des populismes. Face à cette situation, le Conseil de l'Europe et l'APCE ont une responsabilité particulière.

M. Bernard Fournier a insisté sur deux points, le rôle de l'opposition parlementaire et le contrôle de l'action du gouvernement par le Parlement. Il a ensuite apporté son soutien à la proposition de plateforme permanente sur la démocratie, conformément à la discussion adoptée par le Comité des Ministres lors de sa 121 e session en 2019, ainsi qu'à la proposition de mise en place d'un mécanisme d'alerte précoce pour prévenir ou répondre à des développements inquiétants.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a félicité la rapporteure pour son rapport. Il s'est inquiété du recul de la démocratie en Europe, du travail de sape de l'indépendance des médias et de la justice dans certains États membres, du recul de la liberté d'expression au nom de la sécurité ou de la lutte contre le terrorisme, de la modification des règles électorales au dernier moment pour donner un avantage au parti au pouvoir, de la prolifération des discours de haine contre les groupes minoritaires, regrettant que la pandémie ait accentué tous ces phénomènes. Il a réaffirmé qu'il n'existait qu'un seul type de démocratie, à savoir un système politique fondé sur l'État de droit, qui permet de garantir les droits et libertés fondamentaux, le pluralisme politique ainsi que l'indépendance de la justice et des médias. Il a constaté que de plus en plus de citoyens se déclaraient peu satisfaits du fonctionnement des institutions démocratiques, engendrant une abstention croissante ou d'excellents scores réalisés par les partis populistes ou extrémistes aux élections. Il a encouragé les parlementaires à agir, au sein de leurs États respectifs, pour contrer certaines dérives, notamment en s'opposant vigoureusement à tout texte de loi qui remettrait en cause l'indépendance de la justice ou la pluralité des médias. Il a rappelé que la démocratie n'était pas la dictature de la majorité et qu'elle impliquait une gouvernance respectueuse de l'opposition ainsi que des droits et libertés de chaque citoyen.

Insistant sur le rôle essentiel du Conseil de l'Europe et des travaux menés par la Commission de Venise et la commission de suivi qui doivent permettre d'identifier les fragilités des démocraties et de proposer des solutions pour y remédier, il a soutenu la mise en place d'un mécanisme d'alerte précoce proposé par le projet de recommandation pour prévenir ou répondre à des développements inquiétants, relatif au respect des normes et des pratiques démocratiques.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a remercié les intervenants pour leurs remarques positives. Elle a insisté sur le fait que la volonté politique était essentielle pour garantir une véritable démocratie et que le danger venait lorsque cette volonté n'est pas là ou lorsqu'elle était insuffisamment présente. Elle a précisé que la plateforme avait pour but de recenser, de manière informatique et inclusive, les bonnes pratiques afin de pouvoir ensuite les mettre en avant. Elle a indiqué souhaiter initier une réflexion sur les outils et les mécanismes dont dispose le Conseil de l'Europe afin de proposer des orientations au Comité des Ministres et d'alimenter le travail de la sous-commission de la démocratie. En conclusion, Mme Marie-Christine Dalloz a rappelé que tout élu était soumis à une remise en question lors des élections et que la légitimité démocratique ne tenait pas seulement au fait de gagner une élection mais qu'elle s'étendait à un principe, à une pratique de gouvernance démocratique dans l'exercice du pouvoir et dans le fonctionnement des institutions.

3. Le respect des obligations et engagements de la Géorgie

En clôture de la session, le 28 avril après-midi, l'APCE a débattu et approuvé, sur le rapport de M. Titus Corlãtean (Roumanie - SOC) et de M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) , au nom de la commission dite « de suivi », une résolution sur le respect par la Géorgie de ses engagements et obligations d'État membre du Conseil de l'Europe.

L'APCE a salué les « progrès continus et significatifs » accomplis par la Géorgie pour honorer ses obligations et engagements en matière d'adhésion au Conseil de l'Europe depuis 2014, mais a ajouté qu'un certain nombre de préoccupations et d'insuffisances restaient à traiter.

Approuvant aujourd'hui une résolution, préparée sur la base d'un rapport de Titus Corlã?ean (Roumanie, SOC) et Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), l'Assemblée a déclaré que « le climat politique extrêmement tendu et polarisé » en Géorgie était un problème très préoccupant. Il s'agit d'un « obstacle de taille » à la consolidation démocratique de la Géorgie, a-t-elle déclaré, demandant instamment à toutes les forces politiques de « placer le bien commun de la nation au-dessus de toute stratégie politique partisane étroite » .

Les parlementaires ont énuméré un certain nombre de mesures que les autorités pourraient prendre pour faire avancer la réforme électorale, renforcer le contrôle parlementaire, promouvoir l'indépendance du pouvoir judiciaire, renforcer la lutte contre la corruption, étendre la liberté des médias et protéger la communauté LGBTI+.

L'Assemblée a décidé de poursuivre sa procédure de suivi, mais a déclaré que ses recommandations offraient une « idée claire » des progrès que la Géorgie doit réaliser avant l'ouverture d'un dialogue post-suivi - mais seulement avec « l'engagement total et la volonté politique » de toutes les forces politiques, tant du parti au pouvoir que de l'opposition, et s'il n'y a pas de « retour en arrière ou de régression » dans les progrès accomplis à ce jour.

Dans ses propos liminaires, M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a indiqué que la Géorgie était considérée comme un exemple pour la région pour la liberté d'expression et la liberté des médias, cette situation s'étant améliorée grâce à l'abaissement des obstacles à l'entrée sur le marché des médias, ce qui a favorisé son pluralisme, même si - malheureusement - l'environnement médiatique reflète le climat politique extrêmement polarisé du pays. Il a également noté que certaines actions des autorités ont eu un impact négatif sur ce pluralisme et a encouragé les autorités à considérer et à pondérer les effets possibles sur le pluralisme et la liberté des médias de toutes les actions et politiques qui affectent l'environnement médiatique.

À cet égard, il a appelé au renforcement de l'indépendance et de l'impartialité de la commission nationale géorgienne des communications et des radiodiffuseurs publics, ainsi qu'à l'élaboration d'un cadre juridique et réglementaire complet et adéquat pour lutter contre les discours de haine.

Il a également souligné sa préoccupation face à l'intolérance croissante et aux actes violents à l'encontre des membres de la communauté LGBTI en Géorgie. En dépit de quelques progrès récents, les autorités n'ont pas encore réagi de manière satisfaisante à ces actions et des signaux clairs doivent être envoyés pour indiquer qu'il ne peut y avoir d'impunité pour des actes aussi méprisables, y compris pour ceux qui incitent et encouragent ces actions odieuses.

Il a précisé qu'il restait encore deux engagements formels liés à l'adhésion à traiter, à savoir le rapatriement de la population meskhète déportée ainsi que la signature et la ratification de la charte des langues régionales et minoritaires.

En ce qui concerne la question meskhète, de nombreux progrès ont été réalisés, même si, pour plusieurs raisons, dont beaucoup échappent à la compétence des autorités géorgiennes, le nombre réel de familles rapatriées est encore faible. M. Claude Kern a suggéré que si les autorités s'engageaient formellement à procéder à une évaluation complète du cadre et de la stratégie de rapatriement, l'Assemblée pouvait considérer cet engagement comme clos.

En ce qui concerne la charte des langues, il a exhorté les autorités et toutes les forces politiques du pays à signer et à ratifier cette charte dès que possible, d'autant plus que la plupart des politiques et du cadre juridique de la Géorgie sont déjà conformes à la charte. Des signaux positifs ont été envoyés de la part des autorités et de l'opposition et peut espérer que cela débouchera sur des résultats concrets.

Enfin, la Géorgie dispose d'un certain nombre d'organismes indépendants qui remplissent une importante fonction de surveillance et constituent un élément indispensable du système de contrôle et d'équilibre du pays. Malheureusement, les rapports établis par ses institutions dans le cadre de la mission constitutionnelle sont souvent mal compris ou interprétés comme des activités d'opposition, ce qui entraîne des relations de plus en plus acrimonieuses avec les membres de la majorité au pouvoir, voire des attaques de leur part, et a même conduit à la décision inattendue et controversée de supprimer le service d'inspection de l'État le 24 décembre de l'année dernière.

À cet égard, M. Claude Kern a tenu à souligner le rôle important joué par l'actuel défenseur public géorgien et la manière dont il s'acquitte de ses tâches. Il a déclaré avoir demandé à toutes les forces politiques de veiller à ce que son successeur -son mandat expirant bientôt - soit nommé de manière non partisane, sur la base du consensus et du soutien les plus larges possible au sein de la société géorgienne, comme cela a été le cas lors de la nomination de l'actuelle médiatrice.

M. Claude Kern a conclu son intervention en répétant ce que malgré un certain nombre de préoccupations et d'insuffisances, dont certaines sont graves, la Géorgie a continué à faire des progrès marqués et constants dans le respect de ses engagements d'adhésion et de ses obligations de membre. Tout en recommandant la poursuite de la procédure de suivi à l'heure actuelle, il a estimé que le pays devrait bénéficier d'une perspective claire pour entamer un dialogue post-suivi, ajoutant que le projet de résolution et le rapport contenait une liste de recommandations concrètes qui devraient être mises en oeuvre pour que cela se produise.

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