EXAMEN EN COMMISSION

MARDI 29 MARS 2022

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M. Laurent Lafon , président . - Je vous propose à présent d'écouter nos collègues Else Joseph et Olivier Paccaud qui nous présentent leurs conclusions concernant les modalités d'utilisation des crédits du plan de relance en faveur des patrimoines. Nous pourrons ainsi savoir si ces crédits sont arrivés sur le terrain, s'ils ont été correctement répartis et qui en a bénéficié.

Mme Else Joseph , rapporteure . - L'objectif de cette mission était d'évaluer la pertinence du montant des crédits, de leur répartition géographique ainsi que des modalités de mise en oeuvre du plan de relance consacré au patrimoine.

Pour préparer notre bilan, nous avons entendu les services du ministère de la culture - au niveau de l'administration centrale et dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) -, des représentants des différents échelons de collectivités, plusieurs opérateurs bénéficiaires de ces crédits, dont le Centre des monuments nationaux (CMN), le château de Versailles et le musée du Louvre, ainsi que le groupement des entreprises de restauration des monuments historiques et plusieurs associations de sauvegarde du patrimoine. Nous avons eu la chance de nous rendre sur le chantier de restauration du château de Villers-Cotterêts pour constater les avancées de la future Cité internationale de la langue française, avant même la venue de la ministre.

Il faut d'abord saluer la décision du Gouvernement de soutenir le secteur des patrimoines dans le cadre du plan de relance. Ce secteur avait déjà été mobilisé comme un levier de relance après la crise économique de 2008. Toutefois, le niveau des crédits alloués est cette fois-ci bien supérieur, à 614 millions d'euros contre 100 millions d'euros en 2009. C'est un signal très positif adressé à ce secteur : l'intégration du patrimoine au plan de relance traduit clairement l'importance de cette filière, à la fois pour le développement économique des territoires et pour l'attractivité de la destination France. Le patrimoine représente non seulement un vivier d'emplois non délocalisables, mais aussi de fortes retombées économiques et touristiques au niveau local.

La somme allouée dans le cadre du plan de relance est tout à fait significative. Ces 614 millions d'euros représentent 30 % de crédits en plus pour le patrimoine en 2021 et 2022, et même 50 % de crédits en plus pour la restauration des monuments historiques au titre de ces deux années. Compte tenu de l'impact profond et durable de la crise sanitaire sur ce secteur, ces crédits apparaissent salutaires.

Cette somme est divisée en deux enveloppes, dont la première, qui représente une grosse moitié des crédits, soit 334 millions d'euros, est destinée aux opérateurs de l'État les plus en difficulté, en l'occurrence huit établissements, au premier rang desquels le CMN, le musée du Louvre et le château de Versailles. Elle les soutient en fonctionnement et aussi en investissement pour trois d'entre eux - Versailles, Chambord et le Centre Pompidou.

La seconde enveloppe, qui regroupe une petite moitié des crédits, soit 280 millions d'euros, est quant à elle destinée au patrimoine en régions. Elle se décompose en cinq dotations : une première, de 100 millions d'euros, pour permettre l'achèvement du chantier de restauration et de mise en valeur du château de Villers-Cotterêts ; une deuxième, de 80 millions d'euros, en faveur des cathédrales de l'État ; une troisième, de 40 millions d'euros, en faveur des monuments du réseau du CMN ; une quatrième, de 40 millions d'euros également, en faveur des monuments appartenant aux communes et aux propriétaires privés ; et une dernière, de 20 millions d'euros, pour accompagner les collectivités dans la rénovation de certains de leurs équipements patrimoniaux en région, par exemple des musées, des services d'archives ou des sites archéologiques.

Cette répartition fait la part belle aux opérateurs de l'État dans le domaine du patrimoine. Nos collègues Sonia de la Provôté et Sylvie Robert avaient dressé le même constat en ce qui concerne les crédits du plan de relance destinés à la création.

Faut-il pour autant critiquer le fait qu'une part substantielle des crédits soit allouée aux opérateurs ? Nous considérons que cette dotation était nécessaire compte tenu de la situation dans laquelle ces établissements se retrouvent plongés. Quand on constate que certains musées à l'étranger sont contraints de licencier, de vendre une partie de leur collection, voire de fermer définitivement, on ne peut que se réjouir que l'État, en France, n'ait pas abandonné ses établissements. N'oublions pas qu'ils sont devenus très fragiles face aux chocs extérieurs parce que l'État n'a cessé de leur demander, au cours de la dernière décennie, de développer leurs ressources propres pour pouvoir abaisser le niveau de sa subvention. La présidente du musée du Louvre nous en avait fait part lors de son audition en octobre dernier.

Le deuxième élément qui frappe dans cette répartition, c'est que plus des deux tiers des crédits se portent sur des mesures qui auraient, de toute façon, dû être financées, avec ou sans plan de relance. Les opérateurs devaient être sauvés ; le chantier du château de Villers-Cotterêts devait être achevé pour permettre l'ouverture du projet présidentiel de Cité internationale de la langue française.

Reconnaissons toutefois que ces mesures ont aussi leur place dans le plan de relance, tant elles y contribuent.

Deuxième chantier de France par sa taille, le chantier de Villers-Cotterêts contribue à redynamiser la filière de la restauration du patrimoine et profite à l'emploi local dans une zone où les offres d'emploi manquent. Plus de 500 personnes sont mobilisées au quotidien sur le chantier.

Quant aux crédits en faveur des opérateurs nationaux, ils sont essentiels pour permettre à ces établissements d'adapter leur offre aux nouvelles attentes des publics et de poursuivre leur programme de travaux. N'oublions pas qu'il s'agit d'acteurs importants de la commande publique qui contribuent chaque année à faire vivre la filière de la restauration du patrimoine.

Dernier élément saillant, une part prépondérante des crédits de l'enveloppe destinée au patrimoine en région est consacrée à des monuments appartenant à l'État, alors même qu'il ne possède que 3 % des monuments historiques et que ceux-ci sont globalement en meilleur état que ceux des autres catégories de propriétaires. Ce choix s'explique facilement par la contrainte temporelle du plan de relance, car les travaux doivent être réalisés d'ici la fin de l'année 2023. Il est plus facile pour l'État de maîtriser la durée de réalisation des chantiers sur les monuments dont il assure la maîtrise d'ouvrage.

Il n'empêche qu'il est difficile au Sénat, compte tenu de notre mission de représentation des collectivités territoriales, de ne pas regretter le faible montant de crédits affectés à la restauration du patrimoine n'appartenant pas à l'État. Étant donné l'état des finances des collectivités après cette crise, l'aide de l'État n'aurait pas été superflue pour accompagner et stimuler les projets des collectivités territoriales dans le domaine du patrimoine.

Mme Monique de Marco . - À combien s'élève ce faible montant ?

Mme Else Joseph , rapporteure . - À 40 millions d'euros.

En venant abonder les opérations des collectivités, les crédits de l'État auraient eu un véritable effet de levier, générant davantage d'activités pour les entreprises de restauration du patrimoine, dont les besoins sont très importants.

Après la crise économique de 2008, le choix du Gouvernement avait d'ailleurs été différent : les deux tiers des projets financés par le plan de relance concernaient des monuments appartenant à des collectivités.

Au demeurant, il faut admettre que le « plan cathédrales » est une nécessité : beaucoup d'opérations de restauration étaient dans l'attente depuis longtemps, faute de moyens. Leur mise en sécurité constitue également un enjeu, qu'a parfaitement illustré l'incendie de Notre-Dame.

Il faut aussi reconnaître que les visiteurs n'opèrent pas de distinction entre les patrimoines selon la nature de leur propriétaire. Une cathédrale ou un monument du CMN restauré dans une région participe autant de son attractivité qu'un monument appartenant à une collectivité.

De ce point de vue, il faut d'ailleurs louer l'effort du ministère de la culture pour assurer un certain équilibre dans la répartition des crédits entre les territoires. Le CMN n'a pas été autorisé à utiliser les crédits du plan de relance pour financer la restauration de ses monuments en Île-de-France, afin de ne pas avantager excessivement cette région, déjà largement bénéficiaire des crédits destinés aux opérateurs. Toutefois, nous avons été surpris du faible nombre d'opérations programmées dans les outre-mer : il nous semble que c'est un sujet sur lequel le ministère de la culture devra travailler.

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - Le plan de relance a obéi à des contraintes très particulières quant aux délais de réalisation des chantiers, qui ont lourdement pesé dans sa mise en oeuvre. Toutes les opérations qu'il finance doivent être engagées avant la fin de l'année 2022 et achevées avant la fin de l'année 2023, soit dans un délai particulièrement serré.

Cette contrainte de rapidité s'est couplée avec celle de ne pas surcharger excessivement le travail des services déconcentrés afin de garantir l'exécution du plan de relance sans porter atteinte à l'exécution des crédits ordinaires. Les services déconcentrés n'ont en effet bénéficié d'aucun moyen humain pérenne supplémentaire, alors que nous savons tous qu'ils rencontrent déjà des problèmes d'effectifs. Au mieux, certaines régions ont-elles pu bénéficier du concours d'un vacataire, mais la complexité des dossiers nécessitait, de toute façon, des compétences techniques que seuls les personnels en place possédaient.

Ces deux contraintes ont conduit le ministère de la culture à opérer la sélection des opérations dans des délais très brefs - certaines DRAC nous ont même parlé d'un week-end ! - et à retenir essentiellement des chantiers de grande taille, suffisamment matures pour être lancés rapidement.

Dans ces conditions, aucune concertation préalable n'a évidemment été organisée au niveau local et les communes rurales se sont retrouvées, de facto , les grandes oubliées de ce plan. Pour satisfaire l'objectif de renforcer l'attractivité des territoires, c'est surtout le patrimoine des villes moyennes qui a profité des crédits du plan de relance.

Ces constats ne sont pas nouveaux, mais il semble que le plan de relance, par sa cadence et ses différentes contraintes, a clairement fait ressortir certains biais et certains dysfonctionnements de la politique de l'État en matière de patrimoine.

Une fois encore, l'État n'a pas cherché à co-construire avec les collectivités territoriales, alors qu'elles devraient pourtant être ses partenaires dans ce domaine.

Une fois encore, le déficit d'ingénierie des collectivités territoriales et des propriétaires privés, et les carences en matière d'assistance à la maîtrise d'ouvrage ont conduit l'État à privilégier les opérations portant sur les monuments qui lui appartiennent.

Nous avons pu mesurer les difficultés rencontrées par les services en charge du patrimoine dans les DRAC en raison de leurs problèmes d'effectifs. Certains sont proches de la rupture. Le manque d'ingénieurs et de techniciens fait peser de plus en plus de menaces sur leur capacité à continuer de remplir correctement leur mission de contrôle scientifique et technique.

Dans ce contexte, il faut saluer leur investissement pour garantir le bon déploiement du plan de relance. Leurs efforts n'ont cependant pas empêché la survenance de plusieurs difficultés inhérentes aux chantiers patrimoniaux - marchés infructueux ou retards de chantiers. Une dizaine d'opérations ont été retirées du plan de relance par rapport à la programmation initiale, soit pour des retards qui ne permettaient pas de tenir les délais, soit pour des dépassements de coûts trop importants.

Si la mise en oeuvre du plan de relance a tenu un bon rythme jusqu'à présent, les tensions sur les prix des chantiers constatées depuis quelques mois pourraient rendre son exécution plus délicate dans les mois à venir.

Outre les retards de chantiers qui pourraient en découler, des inquiétudes se font jour autour du financement des quelques opérations qui n'ont pas encore été lancées.

De manière plus générale, les tensions sur les prix suscitent l'inquiétude des acteurs du patrimoine face aux effets négatifs qu'elles pourraient avoir sur la mise en oeuvre des programmes de chantiers. Beaucoup de propriétaires publics et privés pourraient être tentés de décaler les opérations dans l'attente d'une baisse des prix.

À quelques mois de la fin du plan de relance, beaucoup d'acteurs du patrimoine se projettent déjà dans l'après et craignent de voir, en 2023, les crédits ordinaires baisser de manière brutale. Comme vous le savez, la protection du patrimoine est peu compatible avec un financement par à-coups. La formation des professionnels de la restauration prend une dizaine d'années. Les bénéfices du plan de relance sur la filière de la restauration du patrimoine seraient aussitôt annulés.

Nous pensons qu'il serait justifié de réévaluer, dès 2023, la dotation annuelle de l'État au patrimoine monumental et d'accroître son effort en matière d'entretien des monuments historiques, afin d'enrayer la dégradation de l'état général des monuments par une vraie politique préventive. Le plan de relance nous a apporté la preuve de la sous-dotation, d'ordinaire, de la protection du patrimoine. Les besoins en matière de restauration nécessiteraient des budgets annuels plus élevés et les entreprises ont démontré, depuis un an, qu'elles sont en mesure d'absorber plus de 450 millions d'euros de crédits.

Nous sommes convaincus que la protection du patrimoine n'est pas un enjeu accessoire. Elle n'est ni un obstacle ni un coût, mais un formidable atout pour le développement économique local, la cohésion sociale et la qualité du cadre de vie. Elle peut même être l'étincelle déclenchant un cercle vertueux.

L'entretien et la restauration du patrimoine ne sont qu'un des volets de sa bonne préservation. Les politiques menées dans le domaine du patrimoine doivent également s'attacher à mieux définir la fonction que les édifices patrimoniaux doivent occuper dans la cité. Leur entretien et leur restauration ne seront que facilités s'ils jouent un rôle au quotidien en matière culturelle et sociale - Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias réfléchissent à cette question dans le cadre de leur mission sur l'état du patrimoine religieux.

J'en viens maintenant à nos propositions, dont la première concerne la mise en oeuvre du plan de relance en tant que tel. J'ai évoqué tout à l'heure les inquiétudes sur le financement des opérations qui n'ont pas encore été lancées compte tenu des tensions actuelles sur les prix des chantiers. Il serait dommage que des opérations soient abandonnées ou qu'il soit fait appel aux crédits ordinaires pour compléter le financement si jamais le prix de ces opérations dépassait les prévisions initiales. En effet, il est arrivé que certaines opérations lancées dans les premiers mois du plan de relance coûtent moins cher que les estimations. Il reste donc des crédits non consommés.

L'objectif de cette proposition est de donner un peu de souplesse aux DRAC dans le redéploiement des crédits. Jusqu'ici, elles ne sont autorisées à redéployer les crédits que si la nouvelle opération relève de la même enveloppe. Pour des questions d'efficacité, nous recommandons que cet impératif soit levé, les règles budgétaires ne faisant de toute façon pas obstacle à la fongibilité des crédits relevant de ces différentes enveloppes.

J'en viens à notre deuxième proposition. Il s'agit de demander au Gouvernement de renforcer, dès l'année prochaine, les effectifs des services en charge du patrimoine au sein des DRAC. C'est là un enjeu majeur pour permettre aux acteurs de la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH) et des Unités départementales de l'architecture et du patrimoine (UDAP) d'être plus présents sur le terrain, de mener à bien leurs missions régaliennes, et d'être davantage disponibles pour dialoguer avec les collectivités.

Enfin, notre troisième proposition, c'est de renforcer le niveau des crédits destinés à l'entretien des monuments historiques. Les crédits d'entretien sont notoirement insuffisants : 49 millions d'euros sont inscrits en 2022, soit 7 millions d'euros de moins qu'il y a dix ans ! La fin du plan de relance est une excellente occasion de se lancer dans cette culture de l'entretien qui nous fait défaut.

Mme Else Joseph , rapporteure . - La quatrième proposition concerne la question de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage (AMO). Même si le code du patrimoine prévoit la possibilité d'une assistance à maîtrise d'ouvrage des services de l'État, seules quelques DRAC sont encore en mesure de proposer ce service, faute de moyens. Ni l'offre privée ni l'offre proposée par certaines collectivités territoriales ne sont aujourd'hui suffisantes pour répondre aux demandes des propriétaires. Cette question constitue un véritable frein pour la réalisation de nombreux projets patrimoniaux dans les territoires, surtout ceux situés dans des communes à faibles moyens financiers. Cela mériterait un examen attentif de la part du ministère de la culture pour identifier des solutions permettant de sortir de cette impasse. Nous demandons donc à l'État de missionner les corps d'inspection en ce sens.

La cinquième proposition a trait au partenariat entre l'État et les collectivités territoriales.

Nous considérons que la politique nationale du patrimoine demeure trop centralisée. Les commissions chargées du patrimoine au niveau local doivent devenir de véritables lieux d'échanges et de co-construction des politiques et ne pas se réduire à de simples lieux où les collectivités sont informées des projets conduits par l'État. Nous sommes convaincus qu'une telle évolution pourrait aussi garantir une meilleure prise en compte de la situation particulière et des difficultés des territoires ruraux.

Les départements se sont montrés très sensibles aux enjeux ruraux lors de la table ronde que nous avons conduite et se considèrent comme un échelon pertinent de discussion entre les différents acteurs du patrimoine au niveau local.

Enfin, notre dernière proposition serait de réserver chaque année 10 % des crédits d'intervention déconcentrés à des projets choisis avec les collectivités, sous réserve que ces dernières s'engagent à maintenir le niveau global de leurs subventions au patrimoine. Sonia de la Provôté et Sylvie Robert, qui nous avaient soumis une proposition similaire dans le domaine de la création, nous ont directement inspirés, d'autant que nous nous sommes rendu compte qu'il y avait une très forte attente de la part des collectivités territoriales en la matière.

En conclusion, ce rapport laisse augurer des perspectives de travail intéressantes en lien avec la mission d'information que nos collègues mèneront sur le patrimoine des églises.

M. Laurent Lafon , président . - Merci pour ce rapport très complet qui, au-delà de l'analyse du plan de relance, propose des pistes structurelles concernant l'entretien du patrimoine et formule des constats pleins d'acuité sur le manque de concertation entre l'État et les collectivités.

Mme Marie-Pierre Monier . - Le rapport montre combien le patrimoine occupe une place incontournable dans le plan de relance pour la culture, soit un tiers de l'enveloppe globale. C'est une manne budgétaire dont la répartition reste toutefois très inégale. Vous avez ainsi mentionné une enveloppe de 20 millions d'euros dédiée à la rénovation des musées, des archives et des sites archéologiques en régions. Or cela semble insuffisant si l'on considère les besoins importants en matière d'archéologie préventive. Ce secteur a été durement frappé par la crise sanitaire, avec l'arrêt de certains travaux et des restrictions de fréquentation des chantiers.

L'enveloppe de 600 millions d'euros était une belle opportunité pour financer des projets d'ampleur et pour soutenir l'emploi. Les entreprises ont souvent mentionné, lors des auditions, la nécessité d'un appel d'air et le plan de relance en a été un.

Toutefois, de même que la Cour des comptes a souligné dans un récent rapport la complexité administrative du plan France Relance dans sa globalité, nos rapporteurs constatent un manque de coordination et de vision stratégique. Malgré un investissement massif, la mise en oeuvre du plan de relance a rencontré plusieurs écueils et s'est heurtée à de nombreuses frustrations. Vous avez ainsi noté à juste titre un manque de concertation avec les collectivités. La rapidité - pour ne pas dire « la précipitation » - dans la conduite du processus a abouti à privilégier les dossiers prêts à l'emploi. Seules les collectivités d'une certaine taille ont disposé des moyens nécessaires pour agir dans les délais imposés par l'État. Les auditions ont montré que les territoires ruraux étaient les oubliés de ce plan de relance.

Vous proposez que 10 % des crédits d'intervention soient attribués en concertation avec les collectivités. Cela contribuera à les impliquer davantage dans la politique de rénovation du patrimoine.

Les auditions ont aussi souligné des carences importantes en matière d'assistance à maîtrise d'ouvrage, problématique que dénoncent largement les DRAC, en particulier les conservateurs régionaux des monuments historiques. Votre proposition de commander un rapport d'information aux services d'inspection est un premier pas indispensable.

Lors de l'examen de la loi de finances, j'avais déposé un amendement visant à créer un fonds d'expérimentation permettant aux DRAC de proposer une assistance à maîtrise d'ouvrage à titre gracieux aux collectivités à faibles ressources. Vous avez rappelé qu'il existait un besoin d'accompagnement technique. Nous aurons sans doute l'occasion d'en débattre à nouveau lors de l'examen d'autres projets de loi de finances.

Quant aux effectifs des DRAC, c'est une question charnière. Le personnel en charge du patrimoine s'est fortement mobilisé dans cette période d'activité intense. Il est nécessaire de renforcer les effectifs et de relancer le recrutement de personnel spécialisé, comme des ingénieurs ou des techniciens du patrimoine.

Votre proposition d'autoriser les DRAC à transférer les crédits du plan de relance qui n'auraient pas été utilisés apparaît comme une réponse opérationnelle de bon sens pour prévenir tout blocage inopportun de crédits déjà programmés.

Enfin, ce rapport a le mérite d'aborder la problématique de l'entretien des monuments récemment restaurés. Si la question dépasse le cadre du plan de relance, elle ne doit pas pour autant être éludée, au risque de devoir à plus long terme engager de lourdes dépenses de restauration. La proposition que vous faites consiste-t-elle à prévoir un accroissement des crédits qui bénéficierait tant aux monuments publics que privés ?

Cette question de l'entretien des monuments s'inscrit dans une problématique plus globale. Il s'agit de déterminer quelles politiques seront décidées dans le long terme et pour quelle enveloppe budgétaire, au-delà de la respiration offerte par le plan de relance, dans un contexte où l'on peut craindre des restrictions de la dépense publique.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se prononcera pour l'adoption de ce rapport.

M. Pierre Ouzoulias . - La commission de la culture laboure régulièrement le sillon de la question patrimoniale, toujours dans le même sens. Il est temps que le ministère de la culture intervienne. La question qui se pose est de savoir si l'État mène encore une politique culturelle en régions, avec les collectivités. Il me semble que les DRAC se transforment en directions régionales de l'action culturelle de l'État (Dracé). En régions, le noeud gordien, c'est-à-dire l'aide à la maîtrise d'ouvrage, n'est plus assuré. Les collectivités n'ont pas les moyens de monter leurs dossiers, de sorte que ceux de l'État qui sont privilégiés.

De 2008 à 2010, sous Patrick Devedjian, une grande partie du premier plan de relance était consacrée aux collectivités. Or ce n'est plus le cas. Est-ce parce que les collectivités ne sont plus en capacité de présenter des dossiers, ou parce que les dossiers de l'État n'obtiennent pas suffisamment de subventions, de sorte que celui-ci a dû combler grâce au plan de relance le déficit d'entretien de ses monuments ? Je penche plutôt pour la seconde hypothèse, car on constate très souvent que dans le budget du patrimoine, certaines dépenses sont mises sous le tapis et reportées d'exercice en exercice.

Une réflexion sur la décentralisation de la politique du patrimoine doit être menée. L'État ne peut pas enlever tous les moyens fiscaux aux collectivités et leur demander en plus de faire sans les crédits de l'État. C'est une aporie dont il faudra sortir, car le patrimoine en dépend.

J'ai plaisir à voir que toutes les missions d'information sur lesquelles nous travaillons favorisent le petit patrimoine, qui se trouve actuellement en déshérence.

Mme Sylvie Robert . - Le constat que nous avions établi avec Sonia de La Provôté dans notre rapport se rapproche de celui qui prévaut ici : manque de co-construction avec les collectivités, fongibilité des programmes, problèmes d'ingénierie, tous ces enjeux sont d'actualité dans le secteur de la culture.

En matière de création, les acteurs ont été lourdement affectés par la crise et continuent de la subir. Le plan de relance n'a octroyé des crédits en ce domaine que jusqu'à fin 2022. Pour le patrimoine, vous avez mentionné que les crédits courraient jusqu'en 2023. Faudra-t-il que les maîtres d'ouvrage aient consommé les crédits avant 2023 ou faut-il simplement que ceux-ci aient été engagés ? Il risque d'y avoir collusion avec la loi de finances pour 2023 et nous devrons veiller à ce que Bercy n'argue pas du fait que certains crédits n'auraient pas été consommés.

Les enveloppes prennent-elles en compte les contraintes liées à la transition écologique, notamment en ce qui concerne les matériaux ?

Enfin, l'outre-mer n'est pas concerné, alors qu'il existe un véritable problème d'ingénierie et d'accompagnement des maîtres d'ouvrage en matière de patrimoine.

Mme Sabine Drexler . - Considérez-vous que les artisans du patrimoine ont suffisamment de moyens et de compétences pour assurer les chantiers ?

Mme Else Joseph , rapporteure . - Les crédits doivent être engagés avant la fin de 2022 et consommés avant la fin de 2023.

Les problèmes d'assistance à maîtrise d'ouvrage ont été au centre de plusieurs auditions. J'ai bien noté l'idée du fonds d'expérimentation lancée par Marie-Pierre Monier.

Quant aux moyens humains, il faut pérenniser les crédits pour garantir la transmission des savoir-faire.

M. Olivier Paccaud . - La problématique de la transition écologique n'a pas été traitée dans le cadre du volet du plan de relance consacré au patrimoine.

Les entreprises du patrimoine ont pu répondre à une surcharge de travail en 2021 et 2022 et elles pourront aussi le faire en 2023. En revanche, elles auraient du mal à se remettre d'une chute brutale des crédits.

Cette mission a été facile à mener, car tout le monde allait dans le même sens, DRAC, entreprises du patrimoine, responsables de musée, tous les acteurs étaient heureux de cette manne, mais désireux qu'une véritable politique du patrimoine soit élaborée, en partenariat avec les collectivités. Si les acteurs du patrimoine sont des passionnés, ils sont aussi parfaitement conscients des lacunes du système.

La commission adopte les propositions des rapporteurs et autorise la publication du rapport d'information.

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