B. LES INSTITUTS HOSPITALO-UNIVERSITAIRES : DES STRUCTURES VISIBLES, CAPABLES DE MOBILISER DES FINANCEMENTS CONSÉQUENTS AU SERVICE DE LA RECHERCHE TRANSLATIONNELLE

1. La création des sept IHU pour répondre à l'ambition de donner un nouveau souffle à la recherche biomédicale en France

Les Instituts hospitalo-universitaires (IHU) sont nés de la réflexion sur les CHU, à l'occasion des 50 ans de l'ordonnance du 30 décembre 1958 qui instituait ces derniers. Initialement préconisée par la Commission sur l'avenir des CHU en 2010 21 ( * ) , présidée par le professeur Marescaux, la création des IHU avait vocation à « donner un nouveau souffle à la recherche biomédicale en France, tout particulièrement la recherche translationnelle et la recherche en amont qui l'enrichit ».

Dans un second rapport consacré exclusivement aux IHU 22 ( * ) , la Commission s'est attachée à définir l'ambition de ces structures, destinées à :

- permettre à la France de disposer de centres d'excellence au niveau des meilleures institutions internationales en matière de recherche, de soins et de formation ;

- stimuler durablement la compétitivité en France en favorisant le développement de la filière industrielle biomédicale ( i.e. apporter plus de visibilité à cette filière, irriguer le tissu économique, faire évoluer les cultures pour favoriser les partenariats, notamment public-privé) ;

- dynamiser la recherche au-delà du périmètre des IHU en incitant les efforts de recherche à se structurer autour de ces centres emblématiques.

En pratique, le modèle proposé à travers les IHU était celui d'un rapprochement entre soins et recherche, assorti d'une relative autonomie par rapport aux CHU et aux organismes publics . La Commission sur l'avenir des CHU a précisé les principes structurants de ces IHU :

- être en nombre limité et désignés après un appel à candidatures compétitif ;

- offrir un niveau d'excellence internationale en matière de soins, de recherche et d'enseignement ;

- être conçus autour de talents reconnus mondialement ;

- s'organiser autour d'un projet scientifique cohérent et monothématique ;

- être localisés au sein d'un CHU sur un site unique ou un périmètre géographique limité ;

- disposer d'un statut spécifique permettant d'attirer les meilleurs talents internationaux et de simplifier les collaborations entre la recherche et l'industrie ;

- intégrer un objectif de transfert de technologie et inclure des co-financements et partenariats avec le secteur privé, afin de développer la recherche « translationnelle » et partenariale.

À l'issue de ce rapport, les IHU entrant dans les priorités d'investissement identifiées par le rapport Juppé-Rocard 23 ( * ) , il a été décidé de financer ces structures dans le cadre du premier programme d'investissement d'avenir (PIA 1).

L'ANR, désignée comme opérateur du PIA sur l'action IHU, a organisé le premier appel à projets en 2010, la sélection des structures étant ensuite confiée au comité de pilotage des IHU.

Le comité de pilotage des IHU

Définie dans le cadre de la convention signée en juillet 2010 entre l'État et l'ANR s'agissant de l'action IHU, la composition du comité de pilotage a été modifiée en mars 2017. Désormais :

- le comité est coprésidé par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministre chargé de la santé ;

- il comprend le directeur général pour la recherche et l'innovation, le directeur général pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle, le directeur des affaires financières à l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche, le directeur général de la santé, le directeur général de l'organisation des soins ;

- le directeur général et le directeur de département chargé des investissements d'avenir de l'Agence nationale de la recherche ainsi qu'un membre du SGPI assistent de droit au comité de pilotage. Il en est de même du président du jury ;

- le directeur général de la compétitivité, de l'industrie et des services assiste aux travaux du comité de pilotage.

Le comité de pilotage fait appel aux représentants d'autres ministères lorsque les sujets traités les concernent.

Ce comité a également défini des indicateurs de suivi de l'avancement du projet, qui sont recueillis par l'ANR et donnent lieu à une restitution annuelle sous forme d'un « rapport évaluation d'impact » transmis au SGPI et d'une synthèse de suivi de l'action publiée sur internet. Il s'agit d'indicateurs :

- de recherche (nombre de projets de recherche translationnelle ou multidisciplinaire en cours, publications scientifiques) ;

- d'attractivité (nombre de chercheurs et d'enseignants-chercheurs internationaux accueillis) ;

- de formation (nombre d'étudiants en double cursus) ;

- de valorisation (nombre de brevets déposés ou actifs, nombre de start-up créées) ;

- et enfin de soin (nombre de recommandations de prévention ou de prises en charge s'appuyant sur des travaux de l'IHU, nombre d'essais cliniques observationnels et thérapeutiques).

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire

Ce premier appel à projets a permis de faire émerger six IHU, associant une université, un établissement de santé et des organismes de recherche.

En 2017, dans le cadre du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) un second appel à projets IHU a permis de sélectionner et financer un 7 ème IHU, labellisé en 2018.

Les sept Instituts hospitalo-universitaires

Acronyme

Domaines

Localisation

Porteurs du projet

Création en 2010 - 2011

Imagine

Maladies génétiques et maladies rares

Paris

Universités Paris Cité, Inserm, CHU Necker (AP-HP), Mairie de Paris, Fondation des hôpitaux, AFM-Téléthon

Mix Surg

Chirurgie mini-invasive guidée par l'image

Strasbourg

Université de Strasbourg, Inria, Ircad, CHU de Strasbourg, Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, Karl Storz, Crédit Mutuel

Méditerranée Infection

Maladies infectieuses

Marseille

Aix-Marseille Université, CHU de la Timone (AP-HM), Institut de recherche pour le développement (IRD), Centre de santé des armées, Institut Mérieux, Établissement français du sang (EFS)

ICAN

Maladies cardiométaboliques et nutrition

Paris

Sorbonne Université, Inserm, CHU Pitié Salpêtrière (AP-HP)

IHU-A-ICM

Maladies du système nerveux et neurosciences

Paris

Sorbonne Université, Inserm, CNRS, CHU Pitié Salpêtrière (AP-HP)

Liryc

Rythmologie et modélisation cardiaques

Bordeaux

Université de Bordeaux, Inserm, Inria, CNRS, CHU de Bordeaux

Création en 2018

FOReSIGHT

Ophtalmologie et des neurosciences de la vision

Paris

Institut de la Vision, Inserm, Sorbonne Université et Centre Hospitalier des Quinze-Vingts

Source : commission des finances, à partir des données du ministère de la santé

Les IHU issus du PIA 1 ont été dotés de 349,3 millions d'euros , dont 134,9 millions d'euros de dotation consomptible et 214,4 millions d'euros d'intérêts générés par le placement d'une dotation non consomptible de 680 millions d'euros.

Le 7 ème IHU, issu du PIA 3, s'est vu attribuer 50 millions d'euros sur 10 ans , le financement étant assuré par une dotation décennale versée au rythme régulier de 5 millions d'euros par an.

Au printemps 2019, les six premiers IHU ont fait l'objet d'une évaluation organisée par l'ANR et menée par un jury international, à l'issue de laquelle il a été décidé de prolonger leurs financement jusqu'à la fin de l'année 2024, 5 IHU bénéficiant en parallèle d'un abondement complémentaire de 74 millions d'euros, provenant des intérêts d'une dotation non consommables d'environ 433 millions d'euros.

Financement des Instituts hospitalo-universitaires

(en millions d'euros)

Lancement

Fin de projet

Dotation 2011-2019

Dotation 2020-2025

ICAN

Institute of cardiometabolism and nutrition,

Paris (Pitié-Salpêtrière)

17 juin 2011

Initialement31 décembre 2019

Prolongé jusqu'au 31 décembre 2024

45

Conservation du label, mais pas de financement complémentaire

IHU-A-ICM

Institut du cerveau,
Paris (Pitié-Salpêtrière)

55

17

Imagine

Institut des maladies génétiques,

Paris (Necker - Enfants-Malades)

64,7

17

Lyric

L'Institut de rythmologie et modélisation cardiaque, Bordeaux

45

16

Méditerranée Infection

Institut de lutte contre les maladies infectieuses, Marseille

72,3

11

IHU Mix Surg

Institut de chirurgie guidée par l'image, Strasbourg

67,3

13

Total

349,3

74

FOReSIGHT, PREVISION- Permettre la Restauration de la VISION , Paris (Institut de la Vision/ Centre Hospitalier National d'Ophtalmologie CHNO)

15 novembre 2018

31 août 2028

Dotation 2018 - 2028

50

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire

En parallèle, six projets supplémentaires à l'issue du PIA 1 et trois projets additionnels à l'issue du PIA 2 se sont vus octroyer un financement moindre (de l'ordre de 4 à 8 millions d'euros sur 5 ans), sans toutefois bénéficier du label IHU. Sont également rattachés à l'action « IHU » du PIA 1 deux « pôles hospitalo-universitaires en cancérologie » (PHUC), non labellisés IHU mais sélectionnés en 2012 au terme d'un appel à projets spécifique.

Les différentes évaluations auxquels ont été soumis les IHU convergent pour souligner que ces derniers ont permis de combler, dans certains domaines précis, les principales lacunes de la recherche biomédicale française, à savoir le déficit de recherche translationnelle, le manque de coordination entre les acteurs concernés et la pénurie des financements .

2. Un regroupement géographique d'acteurs permettant de rapprocher efficacement, autour d'une même thématique, recherche fondamentale et recherche clinique, structures publiques et partenaires privés

Si les IHU se caractérisent par une grande hétérogénéité, tant du point de vue de leur fonctionnement que des résultats obtenus, les rapporteurs ont acquis la conviction que le succès de ce modèle repose sur le triptyque suivant : une structure autonome, un lieu unique réunissant tous les acteurs, une thématique de recherche .

En pratique, la plupart des IHU existaient sous une autre structure avant l'obtention du label - à l'exception d'ICAN et de LIRYC, qui ont été conçus de novo en réponse à l'appel à projets. Après leur labellisation, ils ont pris la forme juridique de fondations de coopération scientifique , adossées à un conseil d'administration garantissant une représentation de tous les membres fondateurs, en fonction du statut souhaité par ces derniers. En parallèle, un conseil d'orientation scientifique a systématiquement été instauré pour valider les orientations de recherche.

Ce mode de gouvernance avait vocation à rendre effective une collaboration équilibrée entre les différents membres fondateurs du projet, tout en accordant à la direction de l'IHU « une véritable autonomie de gestion en matière stratégique, financière et managériale » 24 ( * ) . Par ailleurs, la création d'une structure juridique autonome présentait l'intérêt de développer, entre les membres fondateurs, une responsabilité commune sur l'utilisation des financements alloués , tout en permettant de ne pas attribuer des fonds à un membre fondateur plutôt qu'à un autre.

Toujours dans cette optique, la direction générale a été confiée, dans la majorité des cas, à un scientifique reconnu et visible , assisté d'une structure administrative. Comme l'a souligné la mission conjointe de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) relative au modèle économique des six IHU créés dans le cadre du PIA 1, la gouvernance des IHU se caractérise « par une assez large autonomie laissée à la personnalité scientifique qui [la] porte » 25 ( * ) . Néanmoins, une part importante des personnels qui composent les IHU reste attachée aux membres fondateurs (université, CHU, organisme) et rémunérée par ces derniers.

Par ailleurs, tous les projets - à l'exception d'ICAN, dont les financements n'ont pas été renouvelés - se sont construits autour et à partir d'un projet immobilier . Pour la mission conjointe de l'IGAENR et de l'IGAS : « L'existence d'un nouveau bâtiment a été vue par les porteurs comme un facteur stratégique donnant de la visibilité et de l'attractivité au projet » 26 ( * ) .

À cet égard, les rapporteurs spéciaux notent que la capacité à disposer d'un parc immobilier abordable et attractif constitue un élément indispensable à la diversification des activités des IHU . La situation de l'IHU Foresight demeure de ce point de vue particulièrement problématique, le modèle économique retenu en 2005 imposant des conditions de redevances et de loyers désormais peu attractives pour les occupants de l'Institut de la Vision, et entraînant le départ d'un grand nombre d'équipes. Il importe donc que les pouvoirs publics se saisissent rapidement de ce sujet, qui menace à court terme l'équilibre économique de l'IHU.

En dépit de la diversité qui caractérise les IHU, cette unicité de lieu semble avoir facilité le développement de projets communs entre hôpital, université et organisme de recherche et donc favorisé la recherche translationnelle ; la localisation, au même endroit, de chercheurs, de scientifiques et de médecins a ainsi constitué une véritable valeur ajoutée, en offrant une traduction clinique aux découvertes scientifiques.

Des entreprises sont également souvent présentes sur site , certains IHU proposant des plateformes pour accueillir des industriels ou des start-up. Or, comme l'a signalé le professeur Sahel lors du déplacement des rapporteurs à l'IHU Foresight, les industriels sont des partenaires essentiels pour parvenir à valoriser les résultats de la recherche , que ce soit par leur capacité à faire émerger des projets à fort potentiel, ou à en faciliter le développement (avec, par exemple, la prise en charge du coût important des essais cliniques ou du travail réglementaire nécessaire pour contrôler l'absence de risque d'un traitement ou d'un outil diagnostic).

Enfin, les IHU se sont constitués autour de thématiques spécifiques , qu'il s'agisse du domaine des troubles cardiaques (Lyric), de la chirurgie mini-invasive (Mix Surg), des neurosciences (ICM), de la vision (Foresight) ou encore des maladies infectieuses (Méditerranée Infection), génétiques (Imagine) ou cardio-métaboliques (ICAN).

In fine , ces trois caractéristiques - structure autonome, co-localisation, thématique unique - ont rendu possible le développement d'actions synergiques . Pour le CNRS, le point fort des IHU réside ainsi dans la « forte collaboration entre la clinique et la recherche de haut niveau dans un lieu unique » 27 ( * ) . En parallèle, comme l'a souligné la direction de l'IHU Foresight, ce modèle permet d'irriguer l'hôpital avec une culture de la recherche qui n'existait pas nécessairement auparavant, dans le but d'améliorer la prise en charge des patients. Enfin, comme l'a résumé le professeur Jean-Yves Delattre, directeur de l'IHU-A-ICM, le lancement du programme IHU a permis de créer des liens entre des structures et des équipes qui agissaient auparavant de façon dispersée.

Le sentiment, très largement partagé par les organismes de recherche et les tutelles ministérielles, d'un modèle original ayant fait la preuve de son efficacité, a été objectivé par le jury international dans sa dernière évaluation des IHU : « bien que chaque IHU ait ses forces et faiblesses spécifiques, chacun d'eux fait clairement preuve d'impact translationnel, d'innovation et de science de qualité . Ils présentent une valeur ajoutée significative par rapport aux activités de recherche et de soins menées par les mêmes équipes avant la création de l'IHU ».

L'analyse de la synthèse annuelle publiée par l'ANR dans le cadre du suivi des actions du PIA est à cet égard emblématique. Ainsi, parmi les indicateurs de suivi de l'action IHU retenus par le comité de pilotage, figure le nombre de projets de recherche translationnelle ou multidisciplinaire. Or, entre 2012 et 2019, le nombre de projets en cours a été multiplié par trois, passant d'un peu plus de 400 à 1 353 - la baisse constatée en 2020 résultant essentiellement de la crise sanitaire.

Nombre de projets de recherche translationnelle ou multidisciplinaire

Source : ANR

Le bilan sur dix ans des données de bibliométrie se révèle également très positif : entre 2012 et 2020, 26 230 articles ont été publiés par les IHU. Par ailleurs, l'analyse des publications réalisées au cours des cinq dernières années (2016 - 2020) permet de conclure à une augmentation globale du nombre d'articles publiés (+ 26 % par rapport à la période 2011 - 2015) allant de pair avec une nette amélioration de l'impact des publications, puisque la proportion d'articles en catégorie A (10 % des revues ayant l'impact le plus élevé) a progressé de 13 %.

Évolution du nombre d'articles publiés par catégorie

Source : ANR

De manière générale, les données publiées par l'ANR démontrent que, dans les domaines de recherche concernés, non seulement les IHU produisent plus d'articles que la moyenne française, mais en plus, ces articles sont davantage repris . Le pourcentage d'articles parmi les 1 % et les 10 % les plus cités est ainsi globalement plus élevé au sein des IHU, comme le montrent les graphiques suivants.

Proportion d'articles cités

Source : ANR

Pour les rapporteurs, les IHU ont donc incontestablement réussi à pallier le déficit de recherche translationnelle dont souffre notre pays .

3. La dotation allouée aux IHU : un accélérateur vertueux, permettant de renforcer l'attractivité des structures et de diversifier leurs sources de financement

L'octroi du label et de la dotation afférente ont considérablement renforcé la visibilité des IHU, leur permettant de recruter des talents internationaux et de mobiliser plus efficacement diverses sources de financement.

a) Un label visible, permettant de renforcer l'attractivité nationale et internationale des structures bénéficiaires

Dotés d'équipements de pointe et de moyens financiers suffisants pour attirer des équipes qualifiées, les IHU ont pu progressivement renforcer leur rayonnement, notamment par le biais des publications internationales .

Comme l'a résumé l'Inserm, l'association des partenaires, des tutelles et des hôpitaux pour accélérer le transfert de la recherche vers les patients et vers l'industrie « favorise la visibilité thématique [...] cette visibilité accrue est un atout de notoriété pour le site hospitalier, propice à attirer de nouvelles compétences, hospitalières et scientifiques ».

Ainsi, l'indicateur de suivi relatif à l'attractivité des IHU, apprécié au regard du nombre de chercheurs et d'enseignants chercheurs internationaux accueillis durant un minimum de trois mois, a connu une progression notable depuis 2013, comme le montre le graphique infra . Depuis 2012, en cumulé, plus de 1 100 chercheurs internationaux ont été accueillis .

Nombre de chercheurs internationaux accueillis annuellement

Source : ANR

Il a par ailleurs été indiqué aux rapporteurs spéciaux lors de leur déplacement à l'IHU - A - ICM, que le label et les financements IHU avaient permis à des structures déjà existantes de recruter les scientifiques les plus brillants. Le modèle des IHU permet ainsi de concentrer des talents internationaux au sein de structures dédiées, donc de déployer des projets toujours plus ambitieux et visibles.

b) Une dotation générant un fort effet de levier sur les financements publics et privés

Les auditions et déplacements menés par les rapporteurs ont mis en exergue le fort effet de levier généré par l'octroi d'un financement IHU . L'ANR estime ainsi dans son évaluation annuelle que depuis le lancement des IHU, l'effet de levier global (rapport entre les cofinancements déclarés et le montant d'aide versé) est de l'ordre de 86 % en moyenne , l'ampleur de cet indicateur variant de 44 % à 276 % selon les IHU.

Un total de 301,7 millions d'euros de cofinancements a ainsi été déclaré entre 2014 et 2020, dont 44,4 millions d'euros pour la seule année 2020 - les 19,3 millions d'euros déclarés au titre d'autres projets des PIA (Labex, Equipex, RHU) n'étant pas comptabilisés dans ce total.

Aujourd'hui, les cofinancements d'origine publique (collectivités territoriales, agences nationales de financement) et privée (contrats avec des entreprises, mécénat, valorisation) représentent des montants relativement équivalent, de l'ordre de 18 millions d'euros, contre 8 millions d'euros pour les fonds issus d'appels à projets européens ou internationaux.

Répartition des cofinancements déclarés par nature

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données de l'ANR

(1) La mobilisation de fonds privés

En pratique, les financements alloués aux IHU ont permis à ces derniers de diversifier leurs ressources, en mobilisant des fonds privés. En effet, étant donné leur forme hybride publique-privée, les IHU constituent des objets particulièrement attractifs pour les entreprises. De part leur visibilité, de même que le caractère autonome et flexible de leur direction, ils constituent des partenaires de choix, permettant de créer des ponts avec l'industrie.

Ainsi, depuis 2010, les contrats de recherche partenariale conclus par les IHU représentent plus de 140 millions d'euros - soit un montant équivalent au tiers de la dotation globale allouée aux 6 IHU pour la période 2011 - 2019 au titre des investissements d'avenir .

Les IHU parviennent également à dégager des ressources additionnelles à travers leurs activités de valorisation, qu'il s'agisse :

- du dépôt de brevets , dans l'optique que l'un d'eux procure à terme des revenus substantiels ;

- de la création de start-up , parfois incubées au sein même des locaux, afin de mettre au point des inventions ou d'irriguer le tissu économique en répondant à des besoins de niche.

En 2020, 50 brevets et cinq nouvelles start-ups ont ainsi été déclarés par les IHU. Au total, depuis 2012, 415 brevets ont été déposés et 41 start-ups créées .

Indicateurs de suivi en termes de valorisation pour les IHU

Source : ANR

Ces résultats sont encourageants et témoignent d'une forte implication des IHU dans la valorisation de leurs travaux de recherche ; dans son évaluation de 2019, le jury international a ainsi relevé que les IHU avaient « considérablement amélioré leur engagement dans la valorisation » au cours des dernières années.

Les rapporteurs spéciaux notent cependant la persistance d'une grande hétérogénéité s'agissant des activités de valorisation des IHU, qu'il s'agisse des structures mobilisées, de l'organisation choisie, ou encore des conventions négociées avec les membres fondateurs pour garantir le partage de la propriété intellectuelle .

L'IHU-A-ICM présente ainsi des résultats particulièrement aboutis dans ce domaine, avec le lancement en 2012 d'IPEPS, un incubateur de start-up dédié aux maladies du système nerveux. À ce jour, les 25 start-ups hébergées ont réussi à lever 450 millions d'euros, à créer 900 emplois et à lancer 10 produits innovants sur le marché.

Cet IHU peut également compter sur plus de 300 partenariats de recherche et développement, tandis que 40 ingénieurs et jeunes chercheurs sont financés annuellement par l'industrie.

Enfin, la Fondation reconnue d'utilité publique ICM - qui préexistait à la création de l'IHU - dispose de sa propre cellule de valorisation . À cet égard, les rapporteurs spéciaux ont pris connaissance avec un grand intérêt de la convention partenariale négociée par l'ICM avec l'AP-HP, l'Inserm, l'UMPC et le CNRS, qui confère à cette cellule un mandat unique en termes de valorisation - qu'il s'agisse d'accords de prestation de services, de collaboration de recherche et d'exploitation -, le produit de ces activités étant réparti à parts égales entre les partenaires. Cette unicité d'interlocuteur constituerait un avantage comparatif indéniable du point de vue des entreprises, en offrant la garantie d'une réponse rapide.

(2) Les ressources issues de la générosité du public

Étant donné la relative autonomie financière dont ils bénéficient vis-à-vis des membres fondateurs, les IHU peuvent également consacrer des ressources à des missions éloignées de celles des organismes de recherche et des hôpitaux, comme les levées de fonds caritatives.

Partant, les ressources issues d'actions de philanthropie ou de mécénat se révèlent significatives pour les IHU , leur permettant de développer de nouvelles activités, tout en exerçant un rôle de médiation scientifique auprès du grand public.

Comme le montre le tableau infra , l'IHU-A-ICM se distingue ainsi par une très forte capacité à lever des fonds auprès du public : le budget 2022 repose ainsi à hauteur de plus d'un quart (26,3 %) sur la générosité publique, la collecte de fonds auprès des 250 000 donateurs devant générer 20,9 millions d'euros.

Part du mécénat et des dons dans les produits

(en millions d'euros et en %)

Mécénat et dons

Part des dons dans les produits totaux

ICAN

0,1

1,2 %

IHU-A-ICM

18,3

28,9 %

Imagine

3,7

13,7 %

Lyric

0,9

6,7 %

Méditerranée Infection

Nc

Nc

IHU Mix Surg

Nc

Nc

FOReSIGHT

1,0

4,5 %

Source : commission des finances à partir des rapports annuels d'activité.

Plus généralement, il a été indiqué aux rapporteurs qu'en augmentant la notoriété de la structure, les financements alloués au titre des IHU avaient généré un fort effet de levier sur la collecte réalisée auprès du public.

(3) La capacité à coordonner des réponses à des appels à projets

Les IHU disposent d'une forte capacité de coordination dans la réponse aux appels à projets, ce qui leur permet d'obtenir des financements très compétitifs à l'échelle nationale ou européenne. L'IHU-A-ICM a ainsi indiqué enregistrer des taux de succès aux appels à projets de l'ANR de l'ordre de 38 %, quand la moyenne nationale se situe à 23 %.

À l'échelle de la région Ile-de-France, l'IHU Imagine a par ailleurs réussi à devenir gestionnaire d'un Domaine d'Intérêt Majeur Thérapie Génique, rassemblant de nombreux partenaires hospitaliers, académiques, associatifs et industriels, pour accélérer le développement de la thérapie génique.

Pour les rapporteurs spéciaux, le financement des IHU obéit donc à une logique particulièrement vertueuse : les fonds publics alloués jouent un rôle d'accélérateur en renforçant la visibilité et l'attractivité de ces structures, ce qui leur permet, en retour, de diversifier leurs ressources en mobilisant plus efficacement d'autres vecteurs financiers .

In fine , la création des IHU a permis de répondre efficacement à des carences bien identifiées s'agissant de l'organisation et du financement de la recherche biomédicale . Alors que cette dernière souffre d'un émiettement des moyens qui lui sont consacrés, associé à un déficit de pilotage et de stratégie, les IHU présentent l'intérêt de mobiliser des financements conséquents au service de thématiques de recherche clairement identifiées comme prioritaires .

Les IHU demeurent néanmoins des structures encore jeunes et fragiles, dont le modèle doit être conforté ; par ailleurs, alors que le Gouvernement a annoncé le lancement d'un appel à projets destiné à labelliser six nouveaux IHU, les rapporteurs spéciaux estiment qu'il importe de tirer les leçons des dernières années pour réunir les conditions de réussite des structures qui seront sélectionnées.


* 21 Rapport de la Commission sur l'avenir de Centres hospitalo-universitaires (CHU), mai 2009, https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/094000208.pdf .

* 22 Rapport de la Commission sur les Instituts hospitalo-universitaires(IHU), février 2010, https://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2010/99/2/Rapport_Final_Commission_IHU_141992.pdf .

* 23 Le rapport Juppé-Rocard de 2009, publié au lendemain de la grande crise financière proposait, pour augmenter le potentiel de croissance de l'économie française, de mobiliser massivement l'investissement public en faveur de projets ciblés, principalement dans les domaines de la recherche, du numérique, de l'industrie et du développement durable.

* 24 Rapport de la Commission sur les Instituts hospitalo-universitaires(IHU), février 2010, https://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2010/99/2/Rapport_Final_Commission_IHU_141992.pdf .

* 25 Rapport conjoint IGAS et IGAENR, Le modèle économique des IHU, décembre 2016.

* 26 Ibid.

* 27 Réponse écrite au questionnaire adressé au CNRS.

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