INTRODUCTION

Le 26 septembre 2019 , un incendie de grande ampleur ravageait les sites des usines Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen : environ 10 000 tonnes de produis chimiques sont partis en fumée, deux des trois entrepôts de Normandie Logistique ont été en grande partie détruits, le troisième totalement et le site de l'usine Lubrizol est détruit à environ 10 %. Le plafond des fumées a atteint 400 mètres d'altitude pendant la nuit de l'incendie et le panache de fumée a atteint 20 kilomètres de long pour 6 kilomètres de large au plus fort de sa propagation.

Le 10 octobre 2019, le Sénat votait à l'unanimité la création d'une commission d'enquête pour faire toute la lumière sur cet accident industriel inédit, dans le respect de l'enquête judiciaire en cours. La commission d'enquête, dont le président était Hervé Maurey et les rapporteures Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy , était chargée par le Sénat d'évaluer « l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, de recueillir des éléments d'information sur les conditions dans lesquelles les services de l'État contrôlent l'application des règles applicables aux installations classées et prennent en charge les accidents qui y surviennent ainsi que leurs conséquences et de tirer les enseignements sur la prévention des risques technologiques » 5 ( * ) .

Dans ce cadre, les sénateurs ont procédé à environ 40 auditions , rassemblant plus de 80 personnes, soit plus de 40 heures d'écoute et de questionnement, et 2 déplacements de terrain 6 ( * ) . La commission d'enquête a également reçu de nombreuses contributions écrites et lancé une consultation en ligne à destination des élus locaux 7 ( * ) , afin de cerner leurs attentes en matière de prévention des risques industriels et technologiques.

Premier accident industriel de grande ampleur à l' ère des réseaux sociaux , cet incendie a profondément traumatisé la population rouennaise. Cet événement a rappelé plus largement à l'ensemble de nos concitoyens qu'en matière de risques industriels et technologiques, le « risque 0 » n'existe pas et que la prévention de ces risques suppose une vigilance constante .

À l'issue de ses travaux, la commission d'enquête a formulé 42 recommandations articulées en 6 axes 8 ( * ) . Elle a souhaité, en particulier, appeler l'attention du Gouvernement sur :

- la nécessité de renforcer notre politique de prévention des risques industriels et technologiques tant sur le plan de la réglementation et de la législation que sur le plan des contrôles de terrain ;

- l'urgence de moderniser rapidement notre système d'alerte des populations en cas d'accident majeur et la nécessité de tirer des enseignements opérationnels en matière de gestion de crise ;

- l'insuffisance de notre culture commune de la sécurité industrielle qui appelle, par voie de conséquence, une mobilisation importante des acteurs publics et privés concernés à travers la programmation d'actions de terrain visant à la sensibilisation et à l'information du public ainsi qu'à la diffusion de bonnes pratiques s'agissant notamment des comportements à tenir en cas d'accident industriel ;

- l'importance d'assurer une meilleure coordination entre l'État et les collectivités territoriales en matière de prévention et de gestion des accidents industriels et technologiques ;

- la nécessité d'apporter une indemnisation juste et adaptée aux préjudices subis par les différentes victimes de l'accident (riverains, agriculteurs...) et d' adapter notre droit pour ouvrir la voie à des actions de groupe permettant une réparation efficace et rapide ainsi qu'une rationalisation des contentieux ;

- la nécessité d'appliquer le principe de précaution au suivi sanitaire des populations , qui ont été exposées aux rejets et émissions atmosphériques lors de l'incendie.

Près de 2 ans après cet accident et 20 ans après la catastrophe majeure de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, la commission de l'aménagement du territoire et du développement a inscrit, dans son programme de contrôle pour la session 2021-2022, la réalisation d'un cycle d'auditions visant à exercer un « droit de suite » sur les travaux de la commission d'enquête, pour les volets qui relèvent de ses compétences.

L'objectif de cette démarche était double : d'une part, appréhender les conséquences de cet accident sur les populations et les territoires concernés deux ans après sa survenance ; d'autre part, évaluer la réponse apportée par le Gouvernement et les services de l'État aux recommandations de la commission d'enquête sénatoriale afin de formuler, le cas échéant, des observations et des propositions complémentaires .

Dans cette perspective, la commission a procédé à l'audition des associations représentant les victimes de l'accident et d'organismes locaux intervenant dans le domaine de la surveillance de la qualité de l'air et la prévention des risques industriels , avant d'entendre la ministre de la transition écologique Barbara Pompili .

Le présent rapport vise ainsi à dresser un bilan de la réponse apportée par le Gouvernement et les services de l'État aux enjeux soulevés par cet accident et mis en lumière par les travaux du Sénat.

Il porte à titre principal sur les volets qui relèvent de la compétence de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable , à savoir la culture de la sécurité industrielle, la politique de prévention des risques industriels, la gestion de crise et le traitement des conséquences des accidents industriels, laissant le soin aux commissions permanentes concernées du Sénat d'exercer leur droit de suite sur les volets qui relèvent de leurs compétences.

Suivant son rapporteur Pascal Martin, la commission a formulé 8 recommandations complémentaires s'inscrivant dans 4 axes :

- améliorer la prévention des accidents industriels et augmenter le nombre de contrôles et d' inspections ;

- renforcer l' information et assurer la participation du public à la politique de prévention et de gestion des risques industriels ;

- améliorer l' évaluation environnementale , le traitement et la réparation des dommages résultant d'un accident industriel ;

- définir un système et des procédures permettant d'assurer un suivi sanitaire efficace des populations touchées par un accident industriel.

L'ensemble de ces recommandations donnera lieu, le cas échéant, au dépôt d'une proposition de loi .


* 5 Texte n° 20 (2019-2020) de MM. Bruno Retailleau, Patrick Kanner, Hervé Marseille, François Patriat, Jean-Claude Requier, Mme Éliane Assassi, MM. Claude Malhuret, Philippe Adnot, Mme Sophie Primas, MM. Christian Cambon, Alain Milon, Hervé Maurey, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Vincent Eblé, Philippe Bas et Jean Bizet, déposé au Sénat le 4 octobre 2019.

* 6 À Rouen, sur le site de l'accident, le 24 octobre 2019 et dans la vallée du Rhône, le 6 février 2020.

* 7 Environ 300 collectivités ont répondu à la consultation, dont 96 % de communes.

* 8 Rapport n° 480 (2019-2020) du 2 juin 2020 fait au nom de la commission d'enquête.

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