B. DES CIRCUITS ADMINISTRATIFS COMPLEXES, UN EXCÈS DE ZÈLE MALVENU DE NOTRE PART

Si l'intense travail technique des fonctionnaires de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) pour le ministère de la mer et de la direction générale chargée de la mer (« DG MARE ») au sein de la Commission européenne, n'est pas en cause, la complexité des circuits de communication entre pêcheurs français et autorités britanniques a été pointée du doigt comme l'une de nos faiblesses dans la négociation, avec le risque de déperditions d'informations qu'elle entraîne .

La circulation des informations entre les deux bouts de la chaîne, les comités départementaux des pêches et la DG MARE, ne semble pas avoir été optimale . En conséquence, les services de la DG MARE, peut-être pas au fait des derniers « bruits de quai », continuaient en novembre 2021 d'afficher leur « optimisme » sur la situation et la suite des négociations, dans une vision très statistique du problème.

Certains interlocuteurs du rapporteur ont souligné que tous les dossiers fournis par les comités régionaux des pêches à la DPMA n'avaient pas été transmis aux autorités britanniques et anglo-normandes . La région Normandie a ainsi fait connaître au rapporteur certains dossiers que les autorités françaises et européennes « n'ont pas jugé bon de transmettre à Londres » alors qu'ils semblaient solides.

Cette affirmation a été corroborée lors d'une audition devant la commission Pêche du Parlement européen le 11 novembre 2021, du responsable de la pêche dans l'Atlantique, la mer du Nord, la mer Baltique et les régions ultrapériphériques au sein de la DG MARE. M. Fabrizio Donatella a indiqué que, conjointement avec l'administration en charge de la pêche au sein de chaque État membre, la DG MARE n'avait pas transmis aux autorités britanniques certaines demandes jugées « problématiques », sans pour autant faire toute la transparence sur les critères de sélection des dossiers .

Cumulée à la priorisation de certains dossiers par l'Union européenne alors que le flux de demandes semblait absorbable sans délai par les autorités britanniques , cette démarche témoigne d' une forme d'autocensure de l'UE et des États membres , d'autant moins justifiée que la lisibilité sur les critères de sélection des dossiers par les Britanniques était réduite.

Enfin, les Britanniques ont refusé certaines demandes transmises par la France et la Commission européenne sur le fondement des informations fournies par l'algorithme de croisement de données « Sacrois » (DPMA-IFREMER) et la base de données déclarative Valpena (Comité des pêches), à cause de leur incohérence avec les données satellitaires 14 ( * ) . L'interopérabilité de ces données ne semble pas assurée en France, encore moins en Europe, suscitant des interrogations sur la fiabilité des informations contenues dans ces outils.

La conjonction de l'« autocensure » et de circuits administratifs complexes est de nature à favoriser la défiance des professionnels vis-à-vis des institutions, ce qui est d'autant plus regrettable que les différents ports de pêche français ont su jusqu'à présent maintenir leur unité dans cette crise et travailler de concert avec l'administration.


* 14 The Telegraph, « French fishermen accused of fibbing on applications to work in UK waters post-Brexit », 2 novembre 2021. En ligne : https://www.telegraph.co.uk/politics/2021/11/02/french-fishermen-caught-fibbing-applications-work-british-waters/

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