ANNEXE

Le Sénat appelle depuis longtemps à un renforcement du régime de responsabilité des intermédiaires de services en ligne

• Il a exprimé des réserves dès l'origine quant au régime de responsabilité allégée prévu par la directive sur le commerce électronique

Dès 1999, à l'occasion de sa saisine sur le projet de directive sur le commerce électronique, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, le rapporteur au nom de la délégation aux affaires européennes, M. René Trégouët, avait alors qualifié l'approche de la Commission sur la responsabilité des intermédiaires de « trop laxiste » et, sans s'opposer à la proposition, avait appelé à trouver une solution plus ambitieuse, fondée sur des obligations de vigilance renforcée de la part des intermédiaires concernés 72 ( * ) .

• Il a appelé, en 2013 et 2014, à une gouvernance européenne du numérique et à une démocratisation de la gouvernance d'internet

Deux rapports présentés par Mme Catherine Morin-Desailly, respectivement au nom de la commission des affaires européennes 73 ( * ) , et de la mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'internet 74 ( * ) , ont fait valoir la nécessité d'une gouvernance et d'une régulation européennes, dans un monde numérique dominé par de grands acteurs privés non européens, afin que l'Europe ne devienne pas une « colonie du monde numérique », et invité à mettre en place une gouvernance mondiale d'internet fondée sur les valeurs démocratiques et le respect des droits fondamentaux.

• Il a appelé en 2018 à une révision du régime de responsabilité des hébergeurs

À la suite du scandale Cambridge Analytica, le Sénat, constatant l'évolution de l'écosystème numérique au profit des grands acteurs américains et l'absence de volonté de ces derniers de corriger les risques qu'entraîne l'utilisation de leurs services pour les systèmes démocratiques, a demandé une évolution du régime européen de responsabilité des intermédiaires de services en ligne tel que résultant de la directive sur le commerce électronique, tout en soulignant la nécessité de protéger la liberté d'expression et le développement du marché intérieur 75 ( * ) .

• En 2018, il a mis en évidence le rôle néfaste du modèle économique des plateformes en ligne dans la diffusion des fausses informations

A l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative à la lutte contre les fausses informations 76 ( * ) , la commission de la culture du Sénat a mis en évidence le caractère délibéré de l'exploitation des fausses informations sur internet par les plateformes, dans un but économique, soulignant que le statut juridique des plateformes tel qu'établi par le droit européen constituait un verrou à l'engagement de leurs responsabilités dans ce domaine 77 ( * ) .

• En 2019, il s'est opposé à la création d'une obligation de suppression de certains contenus en 24 heures et recommandé de s'attaquer à la viralité et au financement des acteurs nocifs par la publicité

Alors que la proposition de loi « Avia » 78 ( * ) posait l'obligation pour les plateformes de supprimer certains contenus haineux manifestement illicites sous 24 heures après notification (facilitée), et créait un nouveau délit de non-retrait pénalement réprimé, la commission des lois du Sénat a réaffirmé la nécessité de mieux responsabiliser les grandes plateformes, tout en mettant en garde contre les atteintes prévisibles causées par de telles dispositions à la liberté d'expression (sur-censure par les plateformes, impossibilité de prioriser, dans un délai de 24 heures, les contenus selon leur nocivité, risque d'instrumentalisation des signalements par des groupes de pression) 79 ( * ) .

La commission des lois avait également souligné la nécessité de « mieux s'attaquer à la viralité, coeur du problème », et au financement des acteurs nocifs par la publicité.

• En 2020, il a exprimé ses réserves quant à la compatibilité des mesures de « pré-transposition » du DSA avec le cadre juridique européen en vigueur

Alors que le nouvel article 19 bis du projet de loi confortant le respect des principes de la République 80 ( * ) , introduit par amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, entendait « pré-transposer », pour les seules grandes plateformes visant la France, l'essentiel des obligations figurant dans la proposition de DSA, la commission des lois du Sénat a exprimé ses doutes quant à cette dérogation au principe du pays d'origine, établi par la directive sur le commerce électronique de 2000, sans par ailleurs apporter de modifications substantielles au texte 81 ( * ) .


* 72 Résolution européenne n° 68 (1999-2000) du 5 février 2000, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché intérieur, faisant suite à la proposition de résolution n° 475 (1998-1999) de M. René Trégouët.

* 73 Rapport d'information n° 443 (2012-2013) de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission des affaires européennes, L'Union européenne, colonie du monde numérique ? , déposé le 20 mars 2013.

* 74 Rapport d'information n° 696 (2013-2014) de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet, L'Europe au secours de l'Internet : démocratiser la gouvernance de l'Internet en s'appuyant sur une ambition politique et industrielle européenne , déposé le 8 juillet 2014.

* 75 Résolution européenne n° 31 (2018-2019) du 30 novembre 2018, sur la responsabilisation partielle des hébergeurs, faisant suite à la proposition de résolution n° 739 (2017-2018) de Mme Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues.

* 76 Proposition de loi n° 799 (quinzième législature) relative à la lutte contre les fausses informations, déposée le 21 mars 2018.

* 77 Rapport n° 75 (2018-2019) de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la proposition de loi relative à la lutte contre les fausses informations, déposé le 24 octobre 2018.

* 78 Proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet n° 1785 (quinzième législature), déposée le mercredi 20 mars 2019.

* 79 Rapport du Sénat n° 645 (2018-2019) de M. Christophe-André FRASSA, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, déposé le 11 décembre 2019.

* 80 Projet de loi confortant le respect des principes de la République, n° 3649 rectifié (quinzième législature), déposé le 9 décembre 2020.

* 81 Rapport du Sénat n° 454 (2010-2021) de Mmes Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République, déposé le 18 mars 2021.

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