COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE MME MARÈNE SCHIAPPA, MINISTRE DÉLÉGUÉE AUPRÈS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

M. François-Noël Buffet , président . - Madame la ministre, en l'absence du ministre de l'intérieur, il vous revient de nous présenter les crédits portés par le ministère dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2022, pour trois missions budgétaires.

Concernant la mission « Sécurités », les rapporteurs pour avis sont Françoise Dumont, au titre de la sécurité civile, et Henri Leroy, pour les autres programmes - ce dernier, souffrant, ne peut malheureusement pas participer à cette audition.

S'agissant de la mission « Immigration, asile et intégration », Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère sont les rapporteurs pour avis.

Enfin, Cécile Cukierman est rapporteure pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Par ailleurs, Philippe Dominati et Sébastien Meurant sont respectivement rapporteurs spéciaux de la mission « Sécurités » et de la mission « Immigration, asile et intégration », au nom de la commission des finances, saisie au fond.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté . - C'est un honneur pour moi d'être avec vous aujourd'hui pour vous présenter le budget du ministère de l'intérieur. Permettez-moi, tout d'abord, d'excuser M. Gérald Darmanin, retenu par d'autres obligations.

Ce budget est porté dans le projet de loi de finances pour 2022 au travers de trois missions : « Administration générale et territoriale de l'État », « Sécurités », ainsi que le compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôles de la circulation et stationnement routiers » qui lui est rattaché, et « Immigration, asile et intégration ».

Vous me permettrez tout d'abord de me réjouir que, conformément à la volonté du Président de la République et du Premier ministre, le budget du ministère de l'intérieur connaisse dans son ensemble une augmentation exceptionnelle de ses crédits à hauteur de 1,5 milliard d'euros.

Avec ces moyens nouveaux, le budget du ministère de l'intérieur aura enregistré une augmentation depuis le début du quinquennat de 3,5 milliards d'euros. Cet effort budgétaire historique doit naturellement s'incarner dans des résultats sur le terrain, au bénéfice des Français et visibles par les agents du ministère.

Tout d'abord, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » enregistre cette année une progression de 351 millions d'euros, plan de relance inclus. Cette mission, en partie financée sur le programme 354, est au coeur des priorités gouvernementales.

Premier axe majeur de ce budget : pour la seconde année consécutive, les effectifs des préfectures, sous-préfectures et secrétariats généraux communs seront maintenus au même niveau, afin de soutenir l'administration déconcentrée et renforcer son action de proximité au coeur des territoires.

Cette décision inédite marque le terme de la forte déflation entamée depuis plus de dix ans, qui avait conduit le réseau à perdre 25 % de ses effectifs. Cette mesure sur les effectifs des préfectures permettra, en particulier, de renforcer les services des étrangers dans les préfectures, pour accompagner notre action résolue dans ce domaine.

Second axe important : rapprocher les services des citoyens dans les départements. Deux actions déjà engagées concourent à cet objectif. D'une part, le ministre de l'intérieur a engagé un chantier de « relocalisations » pour 1 500 emplois d'administration centrale, qui seront installés dans des villes - hors grandes métropoles et hors l'Île-de-France - qui seront candidates pour les accueillir.

Vingt-trois postes d'experts de haut niveau et de directeurs de projet sont créés auprès des préfets. Ils sont en cours de recrutement et prendront leurs fonctions au plus tard en janvier 2022.

Le budget de fonctionnement et d'investissement est également centré sur l'accompagnement de la réforme de l'administration territoriale. Il permettra d'engager une convergence sur l'action sociale et le financement des chantiers immobiliers liés à la nouvelle organisation territoriale de l'État et à la sécurisation des préfectures.

Outre l'administration territoriale, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » retrace également les crédits nécessaires aux politiques transversales et de soutien aux missions du ministère.

Le ministère de l'intérieur continue d'investir dans le domaine du numérique et conduit des projets de grande ampleur, en priorité au bénéfice des forces de sécurité intérieure. C'est le cas, par exemple, du réseau Radio du futur (RRF) ou encore de France-Alerte pour permettre l'alerte en temps réel des populations.

Les systèmes d'information sont aussi essentiels pour la modernisation et la transformation des autres missions régaliennes. C'est le cas naturellement du déploiement de la nouvelle carte nationale d'identité, débuté en 2021. Entre le 15 mars et le 30 août, plus de 1,3 million de demandes de ce nouveau titre ont été recueillies, plus de 1 million ont été validées et 950 000 titres ont été produits.

Deuxième budget central sur lequel je voudrais insister : le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Priorité annoncée par le Président de la République lors de la clôture du Beauvau de la sécurité, la vidéoprotection bénéficiera d'une augmentation significative. Sa progression sera de 10 millions d'euros, ouverts au titre du plan de relance, qui portera la dotation du FIPD à 79,4 millions d'euros l'année prochaine.

C'est dans cette action également que les préfets investiront le champ de la lutte contre l'islamisme et contre les différentes atteintes aux principes républicains, en veillant à déployer sur leur territoire les outils prévus par la loi du 24 août dernier.

Enfin, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » retrace les crédits nécessaires à l'organisation des élections, au sein d'un programme dédié. Le ministère de l'intérieur a tenu compte des recommandations de la mission d'information de votre commission pour sécuriser les importantes opérations électorales de 2022. Afin que les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin dernier ne se reproduisent pas, des mesures correctives ont dès à présent été engagées.

Le 13 août dernier, par exemple, les différents lots qui liaient le ministère de l'intérieur à la société Adrexo ont été résiliés et sont en cours d'attribution. La mise sous pli ne sera plus assurée par l'administration si les conditions de sa délégation à un prestataire ne sont pas jugées suffisamment sûres. Les contrôles tout au long de la chaîne logistique seront fortement accrus.

J'en viens à la mission « Sécurités ».

L'engagement du Président de la République et du Premier ministre, à l'issue des travaux menés dans le cadre du Beauvau de la sécurité, s'est traduit par la progression des crédits pour cette mission de plus de 1 milliard d'euros, en tenant compte du plan de relance. Cela porte l'augmentation du budget de la mission « Sécurités », depuis le début du quinquennat, à 2,3 milliards d'euros.

Ces crédits permettront de mettre en oeuvre une partie importante des conclusions du Beauvau de la sécurité. Ils concourent également à mettre en place nos priorités pour la protection des Françaises et des Français. Je n'en citerai que deux : notre priorité dans la lutte intense contre les stupéfiants et notre priorité pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Le Président de la République en a fait la grande cause du quinquennat et, depuis un an et demi, nous déployons avec le ministre de l'intérieur un certain nombre de mesures nouvelles pour toujours mieux protéger les femmes face aux violences.

L'évolution des dépenses de personnels pour la police et la gendarmerie sera marquée par l'achèvement de la tenue de l'engagement du Président de la République de créer 10 000 postes supplémentaires sur le quinquennat. Ils permettront de renforcer la présence de policiers et de gendarmes sur le terrain, comme l'a souhaité le Président de la République. Ainsi, toutes les circonscriptions de sécurité publique connaîtront une progression des effectifs qui leur sont alloués sur la durée du quinquennat.

Nos autres priorités, notamment le renseignement, bénéficient également de ce plan de création de postes de policiers et de gendarmes.

Concernant l'augmentation des crédits de fonctionnement et d'investissement, nous avons souhaité qu'une première traduction rapide soit donnée aux axes de progrès identifiés dans le cadre du Beauvau de la sécurité.

L'un des axes forts du Beauvau de la sécurité, et que nous traduisons dès ce projet de budget pour 2022, est l'effort fait en faveur de la formation, avec deux mesures phares : l'augmentation du temps de formation initiale et continue ainsi que le lancement des travaux pour la création d'une académie de police, dans laquelle tous les policiers auront vocation à passer à un moment de leur carrière.

En termes d'équipement et d'investissement, le budget pour 2022 nous permettra de mieux répondre aux besoins de protection de la population, mais aussi d'investir dans les matériels de protection de nos policiers et gendarmes.

Avec 11 000 nouveaux véhicules en 2022 pour les forces de l'ordre, c'est la moitié du parc automobile qui aura été renouvelée au cours du quinquennat. Le budget relatif au matériel et à l'équipement est également en augmentation, principalement grâce aux crédits du plan de relance. Un effort particulier est fait pour les équipements de protection.

Le déploiement des caméras-piétons se poursuivra en 2022 afin que chaque agent sur la voie publique en bénéficie.

Le lancement de grands chantiers immobiliers et d'une remise à niveau pour l'immobilier permettra de mieux accueillir les victimes, mais aussi d'améliorer le quotidien de la police et de la gendarmerie. En plus des grands chantiers immobiliers, il nous faut engager un effort visible sur l'entretien des commissariats et des casernes.

Sur la sécurité civile, notre objectif est de renforcer notre capacité de prévention, d'anticipation et d'adaptation.

La saison de feux que nous avons connue cet été nous montre la nécessité de poursuivre ce soutien aux moyens de la sécurité civile. Je rappelle, par ailleurs, l'investissement majeur des forces de sécurité civile dans la lutte contre l'épidémie de la covid-19.

Les crédits de la sécurité civile augmenteront de 54,2 millions d'euros - relance incluse -, ce qui permet de financer, là aussi, un effort sur l'équipement et l'investissement, notamment en faveur des aéronefs de la sécurité civile.

Pour la sécurité routière, le budget pour 2022 prévoit l'achat d'un nombre important de kits de détection de stupéfiants pour la mise en oeuvre d'un grand plan de contrôle débuté dès cet automne ; la poursuite des projets numériques essentiels, dont le projet « Rendez-vous permis », qui permet de réserver en ligne les places d'examen ; et la poursuite de l'externalisation de la conduite des voitures radars, étendue dans trois nouvelles régions - Bretagne, Pays de la Loire et Centre-Val de Loire.

Enfin, j'évoquerai la mission « Immigration, asile et intégration ». Le projet de loi de finances pour 2022 autorise une augmentation des crédits à hauteur de 58,4 millions d'euros, soit une augmentation de 3,2 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2021. Ces crédits sont complétés par 16 millions d'euros en crédits de paiement (CP) au titre du plan de relance, portant ainsi les crédits pour 2022 à 1,92 milliard d'euros, en hausse de 3,9 % par rapport à la LFI de 2021.

C'est donc un effort budgétaire important au service d'une politique migratoire que nous voulons maîtrisée et équilibrée, au travers des deux programmes de la mission : le programme 303, « Immigration et asile », et le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française ».

Le programme 303 illustre la volonté résolue du Gouvernement de mieux accueillir les migrants, mais aussi de mieux lutter contre l'immigration irrégulière.

À ce titre, 143,9 millions d'euros sont inscrits au PLF pour 2022, soit une hausse de 12,5 %, pour l'ouverture de nouvelles places en centres de rétention administrative (CRA), tant en investissement qu'en fonctionnement après ouverture.

Je précise que l'armement des CRA existants et futurs pourra être optimisé grâce à l'externalisation des fonctions non régaliennes - comme le gardiennage des abords, la gestion des visiteurs, la bagagerie - exercées aujourd'hui par les fonctionnaires actifs en leur sein. Cela permettra, à terme, soit après 2023, un gain d'effectifs de l'ordre de 140 policiers.

Dès l'année 2022, avec le déploiement de l'externalisation dans les CRA de Marseille, Nîmes, Toulouse et Lyon - y compris le nouveau CRA livrable mi-janvier 2022 -, ce sont 39 policiers qui seront libérés de ces tâches.

Les autres dépenses de ce programme portent sur l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile, avec notamment une hausse significative du budget consacré à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) : + 18,2 millions d'euros par rapport à la LFI de 2021, ce qui porte le budget à 473 millions d'euros. Cette hausse illustre à la fois l'effort de la Nation pour l'accueil des demandeurs d'asile et la sincérité de cette construction budgétaire.

La progression du parc d'hébergement pourrait être de 5 700 places en 2022, si l'évolution des dépenses d'allocation pour demandeur d'asile, dont le niveau demeure soumis à des aléas, n'excède pas les prévisions.

Le parc d'hébergement pour demandeurs d'asile et réfugiés atteindrait ainsi le niveau historique de 118 087 places réparties comme suit : 6 341 places en centres d'accueil et d'examen des situations (CAES), avec 1 500 places supplémentaires l'an prochain ; 50 032 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), avec 3 400 places supplémentaires l'an prochain ; 51 796 places d'hébergement d'urgence - un chiffre stable par rapport à 2021 - ; et 9 968 places en centres provisoires d'hébergement (CPH), soit 800 places de plus l'an prochain.

Je voudrais également mentionner l'amélioration des délais de traitement de la demande d'asile, pour lesquels nous observons une tendance encourageante, aussi bien au niveau de l'enregistrement du dossier en préfecture que de l'instruction de la demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Cette amélioration des délais de traitement de la demande d'asile aura un impact sur le montant de l'ADA, mais également sur la fluidité du parc d'hébergement ; d'où un effort particulier en termes de moyens en direction de l'Ofpra.

Au titre du PLF pour 2022, la subvention qui lui est accordée s'élève à 93,2 millions d'euros, en hausse de 0,4 million d'euros, et le plafond d'emplois est consolidé à 1 003 équivalents temps plein travaillé (ETPT).

Les crédits du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », illustrent la refonte de la politique d'intégration engagée par le Gouvernement depuis 2018.

L'État se donne les moyens de mener une politique ambitieuse à travers les mesures prises par le comité interministériel sur l'immigration et l'intégration (C3I) en 2018 et 2019, grâce à un budget dédié qui se maintient à haut niveau et progresse même de 1,8 %.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) verra ainsi ses effectifs augmenter de 19 ETPT par rapport à la LFI de 2021, pour s'élever à 1 187 ETPT, tandis que ses subventions pour charges de service public connaîtront une hausse de 7,8 millions d'euros par rapport à la LFI de 2021. Si nous y ajoutons les 11 millions d'euros de crédits d'intervention
- un montant identique à celui de 2021 -, cela porte les crédits de l'OFII à 256,8 millions d'euros dans ce projet de budget.

Illustrant notre volontarisme en matière d'intégration, un programme Accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR) sera déployé à partir de 2022. L'objectif est de mieux accompagner quelque 8 000 réfugiés dans 27 départements via un guichet unique départemental mandaté par l'État, avec un accompagnement global et individualisé vers le logement et l'emploi, s'articulant avec le contrat d'intégration républicaine.

Le programme AGIR reposera sur trois piliers : premièrement, un accompagnement global des réfugiés grâce à la mise en oeuvre d'un binôme de référents sociaux ; deuxièmement, une coordination de tous les acteurs locaux de l'intégration ; et, troisièmement, des partenariats locaux pour garantir l'accès effectif aux droits.

Porté en interministériel afin de prendre en compte les différents volets de l'intégration, AGIR sera financé sur la mission « Immigration, asile et intégration » par redéploiement et adjonction.

En définitive, sous ce quinquennat, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » seront passés de 1,056 milliard d'euros dans le PLF pour 2017 à 1,92 milliard d'euros dans le PLF pour 2022, illustrant la crédibilité et la solidité des réformes que je viens de vous présenter.

Ce projet de budget du ministère de l'intérieur marque donc à la fois l'achèvement des engagements du quinquennat, qui sont tenus, et la prise en compte des travaux du Beauvau de la sécurité.

Nous préparons aussi l'avenir, à la demande du Président de la République, en élaborant un projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi), dont ce budget constitue, d'une certaine façon, une première marche.

Mme Cécile Cukierman , rapporteure pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » . - Concernant les moyens de l'administration territoriale de l'État, qui constitue un appui pour les élus locaux et les populations, aucune baisse n'est à constater. Cependant, des remontées nous signalent des difficultés à effectuer, dans les territoires, un certain nombre de missions. C'est le cas, par exemple, pour la mission prioritaire du contrôle de légalité. Comment préserver, voire augmenter les effectifs pour répondre à cet objectif de sécurisation de l'action des élus locaux ?

Par ailleurs, il avait été annoncé en janvier 2020 que 100 sous-préfectures seraient labellisées « France Services », d'ici à la fin de l'année 2022. Cet objectif ne sera pas, me semble-t-il, atteint, puisque seules 21 sous-préfectures sont à ce jour labellisées. Quels moyens entendez-vous engager pour renforcer les dispositifs existants dans les sous-préfectures qui souhaiteraient intégrer ce réseau, mais qui ne peuvent y consacrer les deux ETP nécessaires, faute de ressources suffisantes ? J'entends ce que vous nous dites, mais un grand nombre de sous-préfectures manquent cruellement de personnels pour instaurer et animer les différentes politiques publiques.

S'agissant de l'organisation des élections - l'année 2022 est une année importante, avec l'élection présidentielle et les élections législatives -, quelles mesures le ministère de l'intérieur entend-il prendre pour assurer le bon déroulement des élections ? Quelles recommandations de la mission d'information sénatoriale sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021 seront suivies d'effet ?

Le ministère de l'intérieur a décidé d'internaliser la mise sous pli de la propagande électorale qui sera désormais réalisée, soit par la préfecture en régie, soit par les communes via une convention liant la préfecture et la mairie. Est-ce toujours la position du ministère de l'intérieur ? Si oui, les préfectures disposent-elles des ressources humaines et matérielles suffisantes pour assurer cette mission ? Si tel n'est pas le cas, des exceptions sont-elles prévues ?

Dans le contexte mondial actuel, nous devons faire face à une pénurie de papier. Des difficultés logistiques peuvent donc entraver le bon déroulement de la mise sous pli et de la distribution de la propagande électorale. Envisagez-vous des mesures préventives pour assurer le bon déroulement des élections ?

Mme Françoise Dumont , rapporteure pour avis du programme « Sécurité civile » . - Les hasards du calendrier font que la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile, déposée par notre collègue député Fabien Matras, est aujourd'hui même examinée à l'Assemblée nationale, afin d'être définitivement adoptée. Les évolutions législatives que ce texte contient sont à souligner. Elles doivent toutefois s'accompagner des moyens nécessaires, notamment les moyens aériens qui sont devenus des outils incontournables. Alors que la moyenne d'âge de nos 12 canadairs dépasse vingt-trois ans, pouvez-vous faire un point sur les perspectives de renouvellement de cette flotte et sur la piste d'un financement européen ?

En outre, nous savons qu'un effort est en cours pour agrandir la flotte d'hélicoptères. Pouvez-vous également faire un point sur cette démarche et préciser quelles mesures ont été prises pour améliorer le taux de disponibilité de cette flotte et plus généralement son maintien en condition opérationnelle ?

Mme Muriel Jourda , rapporteure pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration » . - S'agissant de la politique migratoire maîtrisée que vous avez évoquée, nous avons coutume de solliciter les différentes personnes auditionnées sur le nombre d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées annuellement et sur le taux d'exécution de celles-ci.

Il est apparu que, sur les six premiers mois de 2021, le taux d'exécution était extrêmement bas : 5,6 %. Il nous a été répondu qu'il fallait se fier non pas au taux d'exécution, mais au nombre, en valeur absolue, d'OQTF prononcées. Confirmez-vous qu'il est pertinent d'évaluer la politique du Gouvernement sur le nombre d'OQTF prononcées sans jamais se soucier de savoir si elles ont été exécutées ?

Par ailleurs, nous avons découvert, au cours de nos auditions, qu'à l'occasion de la crise sanitaire l'Algérie avait renforcé les conditions de retour de ses ressortissants en situation irrégulière sur notre territoire. En effet, elle exige désormais que ses ressortissants soient inscrits sur une liste qu'elle établit discrétionnairement. Quelles sont les mesures que vous entendez prendre pour que nous puissions - enfin ! - avoir une politique de retour normalisée avec l'Algérie ?

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration » . - Ma première question concerne notre faculté à mesurer le niveau d'immigration régulière en France. Le chiffre qui est donné par votre ministère concernant ce qui est appelé le « stock de titres valides » - je vous prie de m'excuser de parler de stock, mais nous utilisons tous un langage technocratique, alors qu'il s'agit de personnes - continue d'augmenter. Fin 2020, il s'établissait à 3 454 816 titres.

Lors de l'audition du directeur général de l'Ofpra, ce dernier nous a rappelé que ses services assuraient la fonction d'officier d'état civil pour les personnes admises au droit d'asile. Ce n'est donc plus le pays d'origine, mais l'Ofpra qui établit leurs documents d'état civil. Le nombre de personnes protégées par cet office dépasse aujourd'hui les 500 000. Il s'agit de personnes qui sont en situation régulière dans notre pays, leur droit à l'asile leur ayant été reconnu.

Ne connaissant pas les modalités de construction de vos statistiques, dois-je comprendre que le nombre d'immigrés en situation régulière en France est de 3 454 816, dont 500 000 bénéficiaires d'asile, reconnus et protégés ? Ou dois-je comprendre qu'aux 3 454 816 immigrés s'ajoutent les 500 000 bénéficiaires d'asile ?

Ma seconde question est relative à la circulaire Valls de 2012. En 2020, le nombre de personnes admises au séjour au titre cette circulaire s'établissait à 28 859. Depuis l'application de celle-ci, nous avons franchi la barre des 250 000 admissions exceptionnelles. Quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard ? Envisagez-vous de modifier, ou non, la circulaire Valls ?

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la mission « Sécurités » . - La commission des finances a constaté, s'agissant de la mission « Sécurités », un début de réponse aux questions que nous posons depuis un certain nombre d'années, notamment sur le titre II relatif aux frais de personnels, puisque, pour la première fois depuis de nombreuses années, leur part part diminue par rapport aux dépenses de fonctionnement et d'investissement. Il s'agissait d'une revendication forte de notre commission qui avait entraîné plusieurs rejets des budgets précédents. Cette année, nous constatons une inversion, une inversion qui correspond à une demande de la Cour des comptes pour montrer le retard que nos forces de sécurité, aussi bien la police que la gendarmerie, avaient dans les domaines du fonctionnement et de l'investissement. Ce retard a été comblé, cette année, notamment par l'achat de voitures. Le manque de formation des agents a également été comblé par une augmentation de leur temps de formation, même si nous ne savons pas encore comment les agents seront formés pour devenir officiers de police judiciaire (OPJ), à partir du 1 er mai. Enfin, nous constatons un réel investissement dans l'immobilier.

Ce budget est atypique, car il a les allures d'un budget de début de quinquennat. Le Gouvernement a-t-il enfin pris conscience de l'importance de la mission « Sécurités » ?

Le Gouvernement a connu trois ministres de l'intérieur en cinq ans
- je ne reviendrai pas sur l'intérim du Premier ministre pendant plus d'un mois ; le Livre blanc n'a pas eu les mêmes effets que pour le ministère des armées ; et le Beauvau de la sécurité a été décidé à la suite du malaise ressenti par les forces de l'ordre. Le budget répond donc en partie à une crise. Telle est l'analyse de la commission des finances. Cependant, le budget est là et la réponse est positive.

C'est la raison pour laquelle la commission des finances donne un avis favorable à ce budget, dont les crédits, nous l'espérons, perdureront. Il nous faut cependant rester attentifs. Par rapport à la population, nous avons plus d'effectifs que la moyenne européenne et que nos grands voisins, et en termes d'effectifs par rapport aux moyens de fonctionnement, nous sommes encore en retard même si nous progressons. En Allemagne et en Grande-Bretagne, le ratio des dépenses de personnel par rapport aux autres dépenses est de 75 %. Or dans le budget qui nous est présenté par le Gouvernement, il est de 82 %, contre 88 % l'année dernière.

M. Sébastien Meurant , rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la mission « Immigration, asile, intégration » . - Permettez-moi de commencer par une remarque désobligeante. Lorsque nous avons examiné cette mission, nous avons reçu 15 % de réponses, ce qui est tout à faire anormal. Nous sommes tombés à un niveau de contrôle du Gouvernement qui est proprement inacceptable et qui ne respecte par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), puisque nous aurions dû recevoir les réponses le 10 octobre dernier. Je ne considère donc pas que nous ayons reçu un début de réponse, contrairement à mon collègue Philippe Dominati.

Concernant l'immigration maîtrisée et la lutte contre l'immigration irrégulière, le Gouvernement a prévu, en 2022, un nombre de migrants et de réfugiés supérieur à l'année 2019. C'est une drôle de façon de maîtriser les flux entrants de personnes provenant d'autres pays. L'illustration en est que plusieurs dizaines de milliers de personnes essaient de traverser la Manche. Pour la seule journée du 11 novembre, ils étaient plus de 1 000.

Par ailleurs, je m'interroge, comme notre collègue Philippe Bonnecarrère, sur les chiffres. Pour des territoires tels que la Guyane et Mayotte, les chiffres sont-ils consolidés ?

Une bonne maîtrise de l'immigration passe aussi par la bonne application des décisions d'expulsion. Et nous avons aussi sur cette question une vraie difficulté à obtenir des chiffres, pays par pays. En outre, l'application de ces décisions ne se traduit pas financièrement, puisque, depuis des années, le budget pour l'exécution des OQTF stagne aux alentours des 30 millions d'euros.

Concernant les forfaits visant à mettre à l'abri les personnes pauvres provenant de l'étranger - pour la lutte contre le trafic d'êtres humains -, les nuitées d'hôtel ont été multipliées par sept depuis une quinzaine d'années. J'ai posé la question à mon collègue des finances pour savoir combien de ces personnes étaient des réfugiés ou des migrants. Or nous constatons une absence totale de consolidation concernant ce triptyque immigration-asile-intégration. Le Parlement rencontre une vraie difficulté à contrôler, à évaluer cette mission qui devrait être divisée en trois missions : immigration, asile et intégration.

Enfin, je m'interroge sur le programme 177 : ne devrait-il pas être consolidé dans la mission « Immigration, asile, intégration » ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée . - Concernant la mission « Administration générale et territoriale de l'État », la mobilisation dans les territoires se traduit par plus d'effectifs dans le réseau des préfectures et des sous-préfectures. Il s'agit d'un axe de travail important du ministre de l'intérieur. Le schéma d'emplois ne comptera aucune suppression d'emplois en 2022 dans les préfectures, pour la seconde année consécutive ; c'est inédit. Le Gouvernement a par ailleurs étendu cette vigilance aux effectifs des services déconcentrés des autres ministères, au-delà des préfectures et des sous-préfectures. Cela fait d'ailleurs partie des conclusions du comité interministériel de la transformation publique (CITP), qui s'est tenu en juillet dernier.

Autre mesure permettant de positionner les effectifs là où des renforts sont nécessaires : chaque préfet peut désormais décider de redéployer jusqu'à 3 % de ses effectifs d'un programme budgétaire entre les services déconcentrés de son département. Cette souplesse permet aux préfets d'ajuster leurs ressources humaines au plus près des territoires afin de poursuivre les objectifs fixés par le Gouvernement.

Cette année, nous avons créé 30 postes de sous-préfets à la relance. Les 23 experts de haut niveau que j'évoquais dans mon propos liminaire sont directement rattachés aux préfets et sont prévus dans ce budget.

Concernant la propagande électorale, je ne peux que partager vos propos, madame la rapporteure, s'agissant des dysfonctionnements dans les mises sous pli et les distributions lors des dernières élections régionales et départementales. Ces dysfonctionnements ont conduit le ministère de l'intérieur à prendre des décisions, concernant notamment l'acheminement des plis. Le 13 août dernier, les différents lots qui liaient le ministère de l'intérieur à la société Adrexo ont été résiliés. Un appel d'offres a été lancé.

Par ailleurs, une partie des problèmes liés à l'acheminement de la propagande électorale provenait de défaillances en amont, certains routeurs ayant distribué des enveloppes en retard, d'autres n'étant pas parvenus à terminer leur travail de mise sous pli, de sorte que le ministre de l'intérieur a demandé aux préfets de prendre des mesures très concrètes.

D'abord, la règle est de ré-internaliser la mise sous pli, à savoir la faire effectuer par des agents de l'État ou passer des conventions avec des communes afin de maîtriser au mieux le processus. Des exceptions existent bien évidemment, notamment si le prestataire n'est pas défaillant ou si des conditions de contrôle strictes peuvent être mises en place et diligentées au niveau de la préfecture.

Par ailleurs, un plan de contrôle et un plan de secours en cas de défaillance ont été demandés à chaque préfet pour que, quel que soit le cas de figure, nous ne nous retrouvions plus jamais dans la situation que nous avons connue lors des dernières élections régionales et départementales.

Pour répondre à Françoise Dumont, je voudrais d'abord rappeler que la flotte aérienne de la sécurité civile compte aujourd'hui 20 avions et 33 hélicoptères. La flotte des hélicoptères comptait 34 appareils du même type, mais, vous le savez, l'un a connu en Isère un tragique accident en septembre dernier, durant lequel, hélas, un mécanicien est décédé. Nous avons engagé la reconstitution de cette flotte, deux hélicoptères ayant déjà été acquis en début d'année grâce au plan de relance. De plus, comme l'a annoncé le Président de la République à Marseille, lors du Congrès national des sapeurs-pompiers de France en octobre dernier, une commande de deux autres hélicoptères sera passée avant la fin de l'année, afin que nous puissions atteindre le chiffre de 37 appareils, tout en poursuivant une cible historique de 38 hélicoptères. De plus, au vu de l'âge de la flotte, la question de la poursuite du renouvellement a vocation à être examinée, notamment dans le cadre de la future loi de programmation pour les sécurités intérieures, précédemment évoquée.

Par ailleurs, l'activité de la flotte des hélicoptères ayant connu une hausse considérable de 70 % depuis 2002, passant de 10 000 à 17 000 missions par an, la question de l'entretien devient cruciale. Ainsi, le ministère de l'intérieur consacrait 75 millions d'euros à la maintenance des aéronefs de la sécurité civile et, cette année, ce chiffre s'élève à 84,5 millions d'euros, sachant que 6 millions d'euros sont consacrés à la modernisation de ces appareils.

Pour améliorer la maintenance et l'entretien de la flotte de la sécurité civile, une politique de mutualisation est également mise en oeuvre. En effet, le marché de maintien en conditions opérationnelles des hélicoptères est mutualisé entre la gendarmerie nationale et la sécurité civile. La base aérienne de sécurité civile de Nîmes accueille ainsi deux emplacements au profit de la gendarmerie pour l'entretien de ses hélicoptères et, par ailleurs, les deux directions mutualisent pièces, outils et savoir-faire des techniciens.

Enfin, nous avons tenu à revaloriser dans ce PLF la rémunération des pilotes d'avions et d'hélicoptères, comme celle des mécaniciens opérateurs, afin de les fidéliser, mais aussi parce que, au vu des risques encourus, nous considérons qu'un rattrapage leur était dû. Dans ce budget, le Gouvernement accorde donc une importance majeure aux moyens aéroportés de la sécurité civile, qui sont absolument fondamentaux.

En ce qui concerne les OQTF, je voudrais d'abord évoquer les chiffres. En 2020, on constate une diminution de 12,5 % du nombre d'OQTF prononcées par rapport à 2019 - soit 107 488 en 2020 et 122 839 en 2019. En outre, parmi les OQTF prononcées, la catégorie enregistrant la plus forte diminution est celle des déboutés du droit d'asile, pour laquelle on observe une baisse de 23,5 % en 2020. Par ailleurs, 19 957 éloignements ont été enregistrés, ce qui représente une diminution de 36,6 % par rapport à 2019. Celle-ci s'explique essentiellement par l'impact de la crise sanitaire, la fermeture des frontières et les dispositifs mis en oeuvre par certains pays ayant rendu plus difficile l'exécution des OQTF.

Sur la question de la pertinence des calculs, il est effectivement très difficile de comparer ce qui se passe dans les différents pays, y compris au niveau européen, tant les méthodes varient. Cependant, quand on considère en France le nombre d'OQTF prononcées, il faut aussi prendre en compte le nombre d'éloignements réalisés, qu'ils soient forcés ou aidés.

Par ailleurs, je voudrais rappeler qu'une politique ferme est mise en oeuvre par le ministre de l'intérieur à l'égard des pays qui refusent de délivrer des laissez-passer consulaires. Cette politique de fermeté a d'ores et déjà commencé à porter ses fruits et sa mise en oeuvre se poursuivra au cours des mois qui viennent.

Pour répondre à la question de M. Bonnecarrère sur les stocks de titres en cours de validité autorisant accès au territoire français, je voudrais commencer par rappeler que les bénéficiaires de la protection internationale détiennent des cartes de résidence valides dix ans, et que les bénéficiaires de la protection subsidiaire disposent quant à eux de cartes de séjour pluriannuelles. Les uns comme les autres sont donc inclus dans les calculs et les chiffres que nous partageons avec vous, en tant que possesseurs de titres en cours de validité. Le nombre total de ces titres s'élève aujourd'hui à 417 903 - 60 145 pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire, et 357 758 pour les réfugiés et apatrides.

Par ailleurs, au sujet de la circulaire Valls, qui a conduit à 28 859 admissions exceptionnelles au séjour en 2020, je répondrai simplement que, à ce stade, le Gouvernement ne prévoit ni de modifier ni d'abroger la circulaire, mais plutôt de l'appliquer de façon à la fois stricte et mesurée. À cet égard, j'ajoute qu'une circulaire a été adressée aux préfets en septembre par le ministre de l'intérieur, sur la question des anciens mineurs non accompagnés (MNA), l'objectif étant de mieux prendre en compte leur situation dans leur parcours d'insertion professionnelle.

Pour répondre à Philippe Dominati, la sécurité a toujours été une priorité du Gouvernement, et le Président de la République a notamment annoncé, dès 2017, sa volonté de recruter 10 000 policiers et gendarmes. Je vous remercie pour vos propos, pour votre avis sur le budget que je présente au nom du Gouvernement et sur les solutions apportées par le ministre de l'intérieur.

À ce titre, je voudrais rappeler que dès l'été 2020, le ministre a pris à bras-le-corps le problème du manque de moyens, notamment la question des véhicules. J'étais cette semaine avec le Premier ministre à La Duchère, à Lyon, et la semaine précédente dans l'Orne, à Alençon, et je peux vous dire à quel point on se réjouit dans les commissariats, d'avoir enfin reçu des véhicules, et de bénéficier du déploiement du plan Poignées de porte, qui oeuvre à rendre les conditions de travail des forces de l'ordre plus dignes, et à leur permettre d'exercer leur difficile mission dans les meilleures conditions matérielles possibles.

M. Jérôme Durain . - Madame la ministre, vous avez évoqué le plan de relance et le Beauvau de la sécurité comme les éléments centraux de l'effort budgétaire qui nous est présenté. Pour revenir brièvement sur le Beauvau de la sécurité, il me semble que son objectif ne résidait pas seulement dans sa dimension financière, mais aussi dans sa capacité à agréger, autour de nos forces de l'ordre, des citoyens, des associations et des ONG. Qu'en est-il de cet objectif ?

Vous avez également indiqué que 2,3 milliards d'euros supplémentaires auraient été consacrés à cette mission durant le quinquennat, et je voudrais souligner que cela n'est pas linéaire. Philippe Dominati a relevé qu'en matière de formation on avait pu observer, sinon des errements, en tout cas des choix en évolution. Nous prenons acte du rattrapage des crédits de fonctionnement et d'investissement par rapport aux dépenses de personnel, mais ces dépenses ne font pas tout.

J'en viens donc à la nécessité de dépenser mieux. En effet, ces dernières années, deux commandes publiques ont conduit à des naufrages. Tout d'abord, les caméras-piétons, que même le Président de la République a raillées en disant qu'elles ne fonctionnaient que quatre heures par jour... Pourtant, 5 millions d'euros ont été investis pour les 10 000 premières caméras. Aujourd'hui, on prévoit à nouveau d'investir dans ces appareils : 17 millions d'euros pour la police et 8 millions d'euros pour la gendarmerie. Toutes les précautions ont-elles été prises afin que nous ne rencontrions pas les mêmes difficultés ?

L'abandon du logiciel Scribe pose lui aussi de nombreuses questions. En effet, la facture s'élève à 11,7 millions d'euros. Le prestataire de service a vu le contrat dénoncé, mais y a-t-il eu des pénalités ? En outre, que deviennent les fonctionnalités qui étaient adossées à ce logiciel, comme la plateforme Thésée ou le compte rendu d'enquête après identification ? Le déploiement d'un nouveau logiciel est annoncé pour 2024 ; est-ce vraiment nécessaire d'attendre trois ans ?

Enfin, un dernier sujet qui n'est pas tout à fait budgétaire. Le président de la Fédération nationale des chasseurs a récemment évoqué la possibilité de confier à ses adhérents un rôle de police de proximité. La secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, Bérangère Abba, a déclaré ne pas fermer la porte à cette proposition. Il me semble pourtant que plusieurs lois ont récemment été promulguées - dont la loi pour une sécurité globale préservant les libertés -, qui permettent une meilleure articulation des acteurs de la sécurité. Par conséquent, cette proposition est-elle toujours sur la table et la considérez-vous avec autant d'intérêt que votre collègue ?

M. Thani Mohamed Soilihi . - J'interviendrai sur les missions « Sécurités » et « Immigration, asile et intégration », et commencerai par saluer la dynamique de ces deux missions, qui connaissent une nouvelle hausse, conformément aux engagements pris lors de ce quinquennat.

Tout d'abord, face au niveau de délinquance que connaissent certains territoires, une réforme expérimentale de l'organisation déconcentrée de la police nationale a été lancée au 1 er janvier 2020 en Guyane, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, sous la forme de directions territoriales de la police nationale (DTPN). Alors que la généralisation de ces directions est prévue pour 2022, pourriez-vous, madame la ministre, en dresser un bilan, s'agissant notamment de Mayotte, mais aussi des autres territoires ?

En matière d'immigration, le contrat d'intégration républicaine (CIR), instrument important de la politique du Gouvernement, sera déployé à Mayotte en 2022. Pourriez-vous préciser les modalités de ce déploiement ? Quels en sont les effets attendus s'agissant de la situation migratoire spécifique et très difficile que connaît Mayotte ?

Mme Brigitte Lherbier . - Permettez-moi de poser une question au nom d'Henri Leroy, qui me tient également beaucoup à coeur.

J'étais à Roubaix lors de la conclusion du Beauvau de la sécurité, et j'ai constaté chez les jeunes un véritable espoir qu'il serait grave de décevoir. L'année 2022 devrait être l'année de la création de la réserve opérationnelle de la police nationale qui, à terme, emploiera environ 30 000 réservistes. Parallèlement, la réserve de la gendarmerie devrait être renforcée, passant de 30 000 à 50 000 réservistes. Chacun ici connaît la grande motivation et la disponibilité de ces réservistes opérationnels, dont nous avons besoin. Cependant, les crédits alloués à ces postes de dépenses par le PLF pour 2022 ne sont pas en augmentation ; comment expliquez-vous, madame le ministre, le différentiel entre les annonces et les crédits effectivement budgétés ? Comment votre ministère envisage-t-il la montée en charge des réserves de nos deux forces, afin qu'elles soient pleinement opérationnelles pour les événements sportifs de 2023 et 2024 ?

Mme Catherine Di Folco . - Madame la ministre, je voudrais aussi me faire porte-parole d'Henri Leroy, qui ne peut être présent, et qui est rapporteur pour avis de la mission « Sécurités ». Il note que, pour la première fois, les crédits prévus sont de nature à redonner des marges de manoeuvre en matière de dépenses d'investissement et de fonctionnement. Cependant, il observe un net déséquilibre entre l'augmentation des crédits alloués à la police nationale et ceux alloués à la gendarmerie nationale. En effet, les dépenses d'investissement augmenteront de 193 % en autorisations d'engagement (AE) et de 80 % en crédits de paiement (CP) pour la police nationale, mais uniquement de 65 % en AE et de 45 % en CP pour la gendarmerie. De même, les dépenses de fonctionnement augmenteront pour les deux forces, mais moins rapidement dans la gendarmerie que dans la police. Comment expliquez-vous un tel déséquilibre, alors même que la gendarmerie fait face à davantage de besoins, tant en matière d'immobilier que de véhicules ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée . - En ce qui concerne le Beauvau de la sécurité, les tables rondes ont été constituées par le ministre de l'intérieur conformément aux annonces faites par le Président de la République. Effectivement, l'objectif était de réunir un certain nombre de parties prenantes, notamment de la société civile, et cela a bien été le cas. J'ai moi-même participé, et présidé un certain nombre de tables rondes, notamment sur des questions sensibles telles que la place des familles des forces de l'ordre dans leur métier et leur quotidien, la prévention face au suicide, ou la qualité de vie au travail. Des associations, des médiateurs et des parlementaires ont bien été associés aux travaux du Beauvau de la sécurité qui, par nature, étaient centrés sur les forces de l'ordre elles-mêmes, pour répondre à un certain nombre de difficultés qu'elles rencontraient ou rencontrent encore.

Le Beauvau de la sécurité s'est inscrit dans la continuité du Livre blanc et a été un temps démocratique, un temps de débat, mais il a surtout été conçu comme un temps concret, et a débouché sur un certain nombre de décisions, qui ont été annoncées par le Président de la République et ont permis d'obtenir des avancées bien réelles pour les forces de l'ordre. Celles-ci nous disent d'ailleurs leur satisfaction d'avoir été entendues sur des questions difficiles, notamment sur les questions de sécurité. Je rappelle qu'il s'agit de l'un des seuls métiers dans lequel lorsqu'on part de chez soi, on ignore ce que l'on va affronter dans la journée, et j'ai une pensée pour les membres des forces de l'ordre qui sont attaqués dans l'exercice de leur métier.

Sur la question du logiciel Scribe, le projet a effectivement rencontré des difficultés majeures et c'est la raison pour laquelle le ministre de l'intérieur a pris la décision de mettre fin au déploiement du logiciel, pour le relancer sur de nouvelles bases. En attendant, les ressources sont mutualisées, notamment avec le ministère de la justice, afin de pouvoir bénéficier de tels logiciels.

En ce qui concerne la chasse, je voudrais rappeler que la police de la chasse est assurée par les agents assermentés de l'Office français de la biodiversité. Je ne sais pas ce que ma collègue Bérangère Abba a répondu précisément ni dans quel cadre la question lui a été posée, mais je pense qu'elle ne dirait pas autre chose. Il a été fait mention du fait que les parlementaires ont réalisé un certain nombre d'avancées, qui permettent d'aller plus loin dans les modalités de sécurité aujourd'hui offertes, et d'innover à cet égard. À ce stade, nous avons déjà accompli un travail important, qui permettra notamment à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés d'être appliquée partout sur le territoire.

Je voudrais rappeler que la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a institué le contrat d'intégration républicaine (CIR), notamment pour les étrangers primo-arrivants, désireux de s'installer en France. Ses dispositions devaient faire l'objet d'une mise en oeuvre progressive à Mayotte, à compter du 1 er janvier 2018, date qui a été repoussée au 1 er janvier 2020. L'entrée en vigueur de ces dispositions apparaissant toujours prématurée, eu égard aux caractéristiques et aux contraintes particulières de l'île, un nouveau report a été décidé à l'occasion de la loi de finances pour 2020, afin de concevoir un dispositif mieux adapté aux spécificités de ce département.

Les travaux interservices relatifs au déploiement du CIR à Mayotte ont enfin été lancés fin 2020 par la direction générale des étrangers en France, en concertation avec l'OFII, la direction générale de l'outre-mer et la préfecture de Mayotte. La prise en compte du contexte social et migratoire mahorais, mais aussi des contraintes logistiques et budgétaires liées à l'insularité, a donc conduit à retenir un dispositif adapté. Un décret en Conseil d'État doit ainsi paraître dans les prochaines semaines, et deux arrêtés viendront compléter le dispositif réglementaire, qui prévoit un entretien personnalisé d'accueil, un test de positionnement linguistique initial, une formation linguistique de 100 heures et une formation civique de deux jours. Les marchés publics des formations linguistiques et civiques de l'OFII pour Mayotte ont été publiés le 4 août 2021, les locaux ont déjà été loués pour accueillir la nouvelle direction territoriale de l'Office et je peux vous annoncer que les recrutements d'agents de l'OFII ont été lancés, afin d'assurer l'effectivité du dispositif au 1 er janvier 2022. Pour la mise en place du CIR à Mayotte, 5,6 millions d'euros sont prévus dans ce PLF pour 2022.

Pour ce qui est de la mission « Sécurités » à Mayotte, la mise en place de la DTPN a permis de meilleures synergies et un véritable pilotage unifié sur l'île, en optimisant les moyens pour renforcer les capacités opérationnelles sur le terrain. Je voudrais évoquer deux éléments pour illustrer ce constat. Tout d'abord, les dernières violences urbaines ont été gérées sans renfort d'unités de gendarmerie mobile, contrairement à ce qui s'était produit l'année précédente. De plus, la filière investigation s'est professionnalisée et, au premier semestre de l'année 2021, le taux d'élucidation des affaires a augmenté de 7,84 %, passant à 50,34 %. L'augmentation la plus sensible concerne le taux des atteintes contre les personnes - 57,41 % en 2021 contre 47,75 % en 2020. Nous observons d'ailleurs des éléments similaires en Nouvelle-Calédonie et en Guyane - je suis un peu longue, mais il me semble que la situation des outre-mer mérite qu'on s'y arrête.

Au regard du bilan très positif de cette expérimentation, cette organisation sera généralisée à l'ensemble des territoires d'outre-mer en 2022. Une expérimentation, qui vise à préfigurer des directions départementales de la police nationale dans des départements de métropole, est en cours dans le Pas-de-Calais, la Savoie et les Pyrénées-Orientales. La poursuite de cette réforme et la réorganisation en profondeur des services qu'elle entraînera constitueront une modernisation majeure de la police nationale, qui était attendue.

Pour répondre à la question des moyens de la gendarmerie, je souhaiterais rappeler que la France s'appuie sur ses deux forces de l'ordre, et que nous les traitons avec la même volonté de protéger les Français, quel que soit l'endroit où ils vivent. Chacune de ces forces à une histoire particulière, des singularités, une identité et, à cet égard, nous veillons à préserver le statut militaire de la gendarmerie. J'étais hier en déplacement à la direction générale de la gendarmerie nationale, et j'ai pu observer à quel point les spécificités de l'organisation de la gendarmerie, notamment en matière de gestion des crises, sont importantes, comme le sont celles de la police nationale.

Je ne peux laisser entendre que la gendarmerie serait moins bien traitée que la police et il me semble que les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Le plan de remise à niveau du parc automobile, par exemple, prévoit une répartition parfaitement équitable et, sur les 11 000 nouveaux véhicules, la moitié bénéficiera à la police, l'autre moitié à la gendarmerie. De la même manière, les 50 millions d'euros du plan Poignées de porte pour 2022, seront répartis équitablement entre les deux forces. Enfin, répondant à une véritable demande des gendarmes, le Gouvernement a lancé la commande de blindés pour la gendarmerie, la commande de dix nouveaux hélicoptères et des chantiers immobiliers majeurs, comme la caserne Balma de Toulouse. Ces questions sur le traitement réservé à la gendarmerie au sein du ministère de l'intérieur appartiennent au passé, et cela fait maintenant plus de dix ans que cette force majeure a rejoint le ministère, dont elle fait aujourd'hui pleinement partie.

M. François-Noël Buffet , président . - Une dernière question peut-être, à laquelle j'associe Henri Leroy : à quel moment pensez-vous que la loi de programmation annoncée par le ministère sera présentée au Parlement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée . - Je vous répondrai avec plaisir, monsieur le président, même s'il me semble qu'il ne s'agit pas là d'une question budgétaire.

M. François-Noël Buffet , président . - C'est un complément...

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée . - J'y réponds bien volontiers : les travaux ont d'ores et déjà été lancés et le ministre de l'intérieur a commencé à travailler sur la Loppsi, et sur la manière dont nous pourrons concrétiser un certain nombre d'annonces faites par le Président de la République. Comme vous le savez, le Gouvernement n'a pas l'entière maîtrise du calendrier parlementaire, et le ministre de l'intérieur vous présentera, en temps voulu, l'avancée de ses travaux. Je ne suis pas en mesure de vous donner une date précise à ce stade.

M. Sébastien Meurant , rapporteur spécial . - J'aurais voulu poser une question sur le programme 177, qui couvre la politique d'hébergement et d'accès au logement et l'insertion des personnes vulnérables. Quel est le contenu de ce programme qui explose depuis des années ? Combien de migrants réfugiés font partie des mises à l'abri prévues par ce programme ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée . - Si ma mémoire est bonne, le programme 177 ne fait pas partie des programmes du ministère de l'intérieur, mais de ceux du ministère délégué au logement. Il n'appartient donc pas au budget que je vous présente aujourd'hui.

M. François-Noël Buffet , président . - Vous allez décevoir monsieur Meurant, madame la ministre...

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée . - J'en suis navrée, mais je ferai volontiers l'intermédiaire avec le ministère du logement pour vous apporter une réponse dans les meilleurs délais, monsieur le sénateur.

M. François-Noël Buffet , président . - Il me reste à vous remercier, madame la ministre.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

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