B. SUR UN PLAN PLUS PROSPECTIF, LE CHANTIER DU RENFORCEMENT DES CRITÈRES DE CHARGES PRIS EN COMPTE DANS LE CADRE DU FPIC DOIT SE POURSUIVRE

1. Une prise en compte croissante des charges dans le système du FPIC, qui doit être confortée

Au cours de leurs différents travaux 16 ( * ) , les rapporteurs spéciaux ont plusieurs fois insisté sur l'importance de mieux prendre en compte les charges supportées par les collectivités territoriales dans les systèmes de péréquations verticales et horizontales , en parallèle de l'appréciation des ressources traduite par les indicateurs de potentiel fiscal et financier.

Ils ont notamment eu l'occasion de s'intéresser au cas des collectivités locales en Italie , où le système de péréquation fonctionne selon une méthode originale, définie par une loi du 5 mai 2009 qui repose sur des indicateurs de « besoins de financement standards » , qui doivent permettre de mesurer précisément le coût de fourniture d'un service public local dans chaque collectivité afin de répartir en conséquence les fonds de péréquation et de financer un « niveau essentiel » de service public.

Les rapporteurs spéciaux avaient certes relevé que la mise en oeuvre de cette réforme était resté inaboutie plus de dix ans après son lancement « compte tenu de sa complexité d'une part et de la nécessité d'autre part de définir constitutionnellement un niveau minimum de service public local » 17 ( * ) . Ils n'en avaient pas moins considéré qu' une telle appréciation différenciée des charges des territoires pouvait sembler « plus conforme aux réalités actuelles que la territorialisation des ressources et les seuls critères de population, mis en place il y a un demi-siècle et qui prévalent encore largement en France » . Il convient cependant d'admettre que la mise en place d'un tel chantier en France, qui concernerait non seulement le FPIC mais l'ensemble des systèmes de péréquations verticales et horizontales et qui nécessiterait d'importants travaux techniques et de concertation sur l'ensemble du territoire 18 ( * ) , ne serait envisageable qu'à long terme.

La tendance constatée en France sur les dernières décennies est celle d'une montée en puissance des indicateurs de charge « traditionnels » dans les systèmes de péréquation . Le FPIC n'échappe pas à cette évolution. Le calcul du PFIA par habitant intègre une pondération en fonction de la population via l'application du coefficient logarithmique, et donc une certaine forme de prise en compte des charges. En outre, dès 2013, le critère de revenu moyen par habitant a ainsi été introduit pour le calcul de l'indice synthétique de prélèvement qui ne reposait initialement que sur l'indicateur de ressources qu'est le PFIA par habitant, comptant alors pour 20 %. Son poids dans la détermination de l'indice a ensuite été porté à 25 % à compter de 2014. En outre, comme indiqué supra , la prise en compte des charges occupe une place prépondérante en matière d'attributions du FPIC , puisque l'indice synthétique de reversement est composé pour 60 % du critère de charges qu'est le revenu moyen par habitant.

Ainsi, dans le souci d'une prise en compte accrue des charges au sein du FPIC, le mécanisme de reversement devrait pouvoir concerner la majorité des ensembles intercommunaux . C'est en théorie le cas puisque la loi pose que 60 % d'entre eux y sont éligibles . Néanmoins, en pratique, la part d'EI bénéficiaires du FPIC est inférieure à ce pourcentage. En effet, le mécanisme d'exclusion du reversement des EI éligibles dont l'effort fiscal agrégé (EFA) est inférieur à 1 conduit en pratique à en exclure certains des EI éligibles : en 2020, cela concernait 57 EI, de telle sorte qu' en réalité seuls 55,5 % des EI étaient effectivement bénéficiaires du FPIC au titre de 2020 . Sans remettre en cause le principe légitime d'une prise en compte de l'EFA pour le bénéfice du FPIC, un système alternatif pourrait être envisagé, où il serait posé que le FPIC soit effectivement attribué à 60 % du total des EI. L'éligibilité resterait toutefois déterminée en fonction de l'indice synthétique de reversement et, d'emblée, du respect du critère d'EFA inférieur à 1 .

Recommandation n° 3 : faire en sorte que 60 % du total des ensembles intercommunaux soient effectivement bénéficiaires du FPIC.

La prise en compte des charges des collectivités territoriales dans le cadre du FPIC reste relativement fruste, en se limitant à des critères de population et de revenu moyen par habitant.

Il existe par ailleurs un grand nombre de critères corrélés aux charges du territoire pouvant être utilisés dans le cadre de certains dispositifs ciblés intégrés à la dotation globale de fonctionnement (DGF) et qui ne sont pas pris en compte dans le cadre du FPIC , tels que : le nombre d'élèves scolarisés, le nombre de logements sociaux, la longueur de voirie, la superficie de la commune ou encore sa classification en zone de montagne, en zone touristique, en ville-centre ou bourg-centre etc .

Si l'utilisation de ces critères peut présenter un intérêt certain, leur mise en place au niveau national dans le cadre d'un dispositif de péréquation horizontale se heurte à de nombreuses difficultés méthodologiques , puisqu'il serait nécessaire, pour chaque nouveau critère :

- de s'assurer de l'existence d'une distorsion relative à ce critère entre les ensembles intercommunaux ;

- de parvenir à définir un indicateur objectif permettant d'assurer la comparabilité entre les ensembles intercommunaux au regard du nouveau critère ;

- de déterminer le niveau d'intégration de ce critère dans le calcul du FPIC (éligibilité, montant des versements, répartition interne etc .) ;

- de mesurer et de prévenir les éventuels effets de bord liés à l'intégration de ce critère.

Pour cette raison, les rapporteurs spéciaux considèrent que les perspectives d'innovation à brève échéance en matière d'appréciation des charges réelles des collectivités territoriales françaises à des fins de péréquation résident à l'échelle locale davantage qu'au niveau national, comme cela sera développé infra .

2. La prise en compte des « charges de spatialité » : une piste à explorer

La prise en compte des charges liées à la population via l'utilisation d'un coefficient logarithmique est fortement critiquée par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) , dans la mesure où elle pénaliserait les territoires peu peuplés. Sa suppression (ou même une révision de son calcul visant à en atténuer la portée) 19 ( * ) constitue un sujet peu consensuel entre les élus locaux, dans la mesure où elle entraînerait un transfert important des territoires urbains vers les ruraux, ce qui n'est pas la vocation du FPIC . Le Gouvernement a remis au Parlement en 2019 un rapport montrant qu'une suppression de ce coefficient entraînerait un fort resserrement du nombre d'EI contributeurs : en 2019, celui-ci serait passé de 643 à 276, soit seulement 21,8 % des EI, essentiellement les territoires urbains. Cela se traduirait mécaniquement par une très forte hausse du prélèvement supporté par ces territoires 20 ( * ) .

Dans le cadre de ce débat, et conformément à leur souci de mieux appréhender les charges réelles auxquelles font face les collectivités territoriales au sein du système de péréquation, les rapporteurs spéciaux ont identifié la construction d'un indicateur de « charges de spatialité » dans le cadre du FPIC comme un axe de travail à privilégier. Auditionnée sur ce point, la Banque postale a notamment envisagé plusieurs hypothèses de travail.

En premier lieu, on peut en effet supposer que les charges par habitant d'un ensemble intercommunal sont une fonction partiellement inverse de sa densité démographique : quelle que soit la population, en effet, les réseaux à entretenir et les distances à parcourir pour assurer le service public dans des conditions équitables peuvent être considérées en première analyse comme équivalentes pour deux ensembles de même superficie. En conséquence, un indice de spatialité pourrait être conçu pour contrebalancer les effets du coefficient logarithmique qui est appliqué à la seule population.

En second lieu, il est possible de s'interroger sur l'impact de l'homogénéité de la répartition de la population sur un territoire donné . Pour deux ensembles intercommunaux de même densité, on peut par exemple supposer qu'un ensemble composé de quatre communes également peuplées supporte théoriquement, du fait de la nécessité d'assurer le service public de façon rigoureusement identique, des charges supérieures à celles d'un ensemble composé d'une commune représentant la quasi-totalité de la population, les autres communes ne bénéficiant quant à elles que de dépenses résiduelles (absence d'équipements, taille critique non atteinte pour la majeure partie des compétences etc .). Ce paramètre pourrait ainsi également être appréhendé au travers d'un indice spécifique d'hétérogénéité de la population qui viendrait corriger l'indice de densité envisagé précédemment , calculé notamment sur la base de l'écart-type des populations communales de l'EI rapporté à la moyenne des populations communales.

La construction d'un tel indicateur de charges de spatialité viendrait contrebalancer, dans un sens favorable aux territoires peu denses, l'application du coefficient logarithmique. Elle pourrait ainsi constituer une alternative à la peu consensuelle question de sa suppression (ou même de sa révision).

Comme l'a indiqué la Banque postale aux rapporteurs spéciaux, la construction d'un tel indicateur suppose néanmoins au préalable la conduite d'une étude économétrique approfondie permettant d'évaluer précisément la corrélation entre, d'une part, la densité et la répartition de la population sur un territoire et, d'autre part, les charges supportées par l'ensemble intercommunal.

Recommandation n° 4 : évaluer l'opportunité d'introduire un indicateur reflétant les « charges de spatialité » supportées par les ensembles intercommunaux parmi les critères du FPIC.


* 16 Voir par exemple le compte-rendu de leur communication devant la commission des finances du 8 juillet 2020 sur la refonte de la péréquation.

* 17 MM. Charles Guené et Claude Raynal, Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur la réforme des « besoins de financement standard » des collectivités italiennes, 20 novembre 2019.

* 18 En Italie, la définition de ces indicateurs a été confiée à une société privée à capitaux publics, Soluzioni per il Sistema Economico (SOSE). Un travail considérable de recueil de données et de traitement avait été réalisé auprès de la quasi-totalité des collectivités.

* 19 La portée de ce coefficient pourrait être atténuée en faisant varier le « pas » de l'échelle logarithmique, par exemple en prévoyant une variation de 1 à 1,5 au lieu de 1 à 2 comme c'est actuellement le cas.

* 20 Rapport du Gouvernement au Parlement en application de l'article 257 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : «Historique et analyse des effets de l'introduction d'un coefficient logarithmique variant de 1 à 2 en fonction croissante de la population des communes et ensembles intercommunaux sur la répartition de la dotation forfaitaire des communes et du fonds national de péréquation des ressources communales et intercommunales (FPIC)».

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