CONCLUSION

Le maire est un acteur majeur de la sécurité en France. Son rôle doit être réaffirmé à l'heure où s'ouvre le « Beauvau de la sécurité ».

Ses compétences en la matière sont multiples.

En premier lieu, le maire préside de droit le CLSPD, instance de concertation essentielle pour favoriser le dialogue parmi les différents acteurs de la sécurité. Le rapport souligne l'intérêt pour le maire de créer un coordinateur afin d'animer efficacement ce comité.

En deuxième lieu, le maire est libre de créer une police municipale et d'en définir la doctrine d'emploi dans la limite des compétences que la loi lui accorde. Cet équilibre répond à une logique de souplesse, faisant in fine confiance à « l'intelligence territoriale ». Si une telle force de sécurité est créée, il appartient au maire non seulement d'assurer sa bonne coordination avec les forces régaliennes de sécurité mais également de dispenser une solide formation aux agents de police municipale.

Enfin, le maire se trouve dans une relation partenariale privilégiée avec le procureur de la République, conformément aux dispositions de la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019. L'action engagée par le parquet de Valenciennes mérite, à cet égard, d'être généralisée.

Pour toutes ces raisons, le maire et, d'une manière générale, les élus locaux, doivent, en permanence et en toutes circonstances, être placés au coeur du « continuum de sécurité ».

C'est seulement en s'appuyant sur leur expertise que pourra être menée une réforme efficace de la sécurité intérieure, permettant de restaurer pleinement la confiance entre la population et les forces de sécurité. La capacité de notre pays à surmonter la crise qu'il traverse en dépend.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Jeudi 28 janvier 2021, la délégation aux collectivités territoriales examine, au cours de sa réunion plénière, le rapport d'information sur l'ancrage territorial de la sécurité intérieure de M. Rémy Pointereau et Mme Corinne Féret.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Le sujet de l'ancrage territorial de la sécurité intérieure est extrêmement important, car si la sécurité relève de la compétence régalienne de l'État et qu'elle doit s'exercer sur l'ensemble du territoire, la tranquillité publique relève souvent des pouvoirs de police du maire. Il est donc essentiel que ces deux missions soient bien articulées. Ce sujet est également d'actualité dans le contexte de la préparation du « Beauvau de la Sécurité » organisé par le ministre de l'Intérieur, mais aussi parce que la proposition de loi « Sécurité globale » sera bientôt débattue au Sénat. M. Rémy Pointereau et Mme Corinne Féret, dont nous allons examiner le rapport, ont d'ailleurs travaillé en parfaite intelligence avec les rapporteurs de cette loi, ainsi qu'avec nos collègues qui représenteront le Sénat au « Beauvau de la Sécurité », à savoir MM. Henri Leroy et Jérôme Durain. Je les laisse donc présenter leurs dix recommandations, qui sont très concrètes.

M. Rémy Pointereau . - Comme vous l'avez rappelé, nous avons déjà produit, avec ma collègue Corinne Féret, un rapport d'étape sur l'ancrage territorial de la sécurité intérieure en juillet 2020, étant entendu que nous travaillons sur le dossier depuis presque un an. Ce rapport soulignait les attentes de la population à l'égard des forces de police et de sécurité, à l'heure où la violence se développe et où certains pointent le risque de fragmentation de la société française. Si le traitement médiatique, parfois excessif, crée sans doute un prisme déformant des réalités, il n'en demeure pas moins que les forces de sécurité, qui sont placées au coeur de la République et de la reconquête républicaine, se trouvent confrontées à de multiples défis. Le rapport d'étape montrait que notre pays ne pouvait les relever efficacement qu'avec l'appui des acteurs locaux, dont les élus locaux, comme l'ont illustré la crise des « Gilets jaunes » il y a un an et demi, mais aussi la crise sanitaire que nous vivons aujourd'hui. Les maires doivent rester les pivots de la sécurité dans leur commune, car ils sont les premiers maillons de la chaîne en termes de continuum de la sécurité.

Mme Corinne Féret . - Nous avons été rattrapés par l'actualité depuis la présentation du rapport d'étape en juillet dernier. En effet, le « Livre blanc de la Sécurité intérieure » a été rendu public le 14 novembre dernier. Nous avons aussi suivi avec intérêt les débats, parfois houleux, à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi « Sécurité globale », un texte qui arrivera dans quelques semaines au Sénat. Enfin, le ministre de l'Intérieur a annoncé en décembre, juste avant la trêve des confiseurs, le lancement d'une grande concertation nationale consacrée à la police et à la gendarmerie, le « Beauvau de la Sécurité », qui sera inauguré le 1 er février prochain.

Je tiens à saluer l'action de toutes les forces de sécurité, qui exercent leurs fonctions dans des conditions souvent très difficiles. Il y a eu quelques errements, isolés et regrettables, mais qui ne sauraient jeter l'opprobre sur l'ensemble des agents qui assurent notre sécurité au quotidien avec dévouement et professionnalisme.

Le rapport que nous vous présentons ce jour formule dix recommandations, qui organisent un véritable ancrage des forces de sécurité dans les territoires.

M. Rémy Pointereau . - La première de nos recommandations porte sur l'expérimentation des nouvelles compétences judiciaires de la police municipale. Nous l'acceptons, mais avec vigilance, car on sait bien que derrière des compétences supplémentaires il y a des coûts et des sujets de formation. S'il est vrai que les maires sont libres de créer une police municipale et d'en définir la doctrine d'emploi, dans la limite des compétences que la loi leur accorde, cet équilibre répond à une logique de souplesse faisant, in fine , confiance à l'intelligence territoriale.

Nous proposons d'aborder avec vigilance l'extension des compétences judiciaires des polices municipales envisagée, à titre expérimental, par l'article 1 er de la proposition de loi « Sécurité globale ». Un tel élargissement devra préserver le caractère de police de tranquillité et de proximité. En outre, l'extension des compétences des polices municipales peut être perçue par certains élus comme une forme de désengagement de l'État ne s'accompagnant pas d'un transfert des moyens afférents, alors que la sécurité est une mission régalienne qui lui incombe en priorité.

Mme Corinne Féret . - La deuxième recommandation consiste à améliorer la formation des polices municipales. Il s'agit d'enrichir les formations initiale et continue des policiers municipaux tant sur le plan juridique, procédural que déontologique. Alors que les textes et la loi évoluent considérablement, nous considérons que ces agents municipaux doivent être formés en continu. À cette fin, nous proposons, comme cela nous a été suggéré dans le cadre des différentes auditions, d'unifier et d'homogénéiser la formation des polices municipales, en étroite liaison avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

M. Rémy Pointereau . - Une fois que l'on a formé, il faut aussi contrôler. L'objectif de notre troisième recommandation est donc d'améliorer le contrôle externe de la police municipale. Si les manquements des polices municipales aux règles déontologiques sont assez limités, cela s'explique surtout par la faiblesse de leur pouvoir de contrainte. L'extension du champ d'intervention des polices municipales et la banalisation de leur armement soulève la question de leur contrôle externe par le ministère de l'Intérieur, aujourd'hui insuffisant. À cet égard, le rapport propose de créer une mission permanente au sein de l'Inspection générale de l'administration (IGA), à la condition qu'elle s'adjoigne les compétences d'un collège consultatif composé notamment d'élus locaux disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de sécurité. Nous savons que la suppression de l'avis de la commission consultative qui existait auparavant est envisagée à l'article 6 ter de la proposition de loi « Sécurité globale », mais nous pensons que ce contrôle collégial pourrait être une bonne solution.

Mme Corinne Féret . - Notre 4 ème proposition vise à renforcer les liens entre la police municipale et les forces régaliennes de sécurité. Les coopérations fructueuses entre les polices municipales et les forces de sécurité nationale, qui ont été notamment observées pendant la crise sanitaire, sont en effet une voie d'avenir pour la sécurité locale. Le champ des conventions de coordination afférentes a été étendu par la loi « Engagement et proximité » de décembre 2019, pour en faire de véritables instruments de pilotage opérationnel, obligatoires dans les communes à partir de trois policiers municipaux. Nous nous réjouissons que la quasi-totalité des communes concernées aient conclu une telle convention, et nous rappelons aux maires que sa conclusion est également possible, à leur demande, lorsque leur service de police municipale compte moins de trois agents. Nous les invitons à faire un usage actif de cette faculté.

Par ailleurs, alors que les agents de police municipale disposent, depuis le 1 er juillet 2019, d'un accès direct aux fichiers nationaux des permis de conduire et des immatriculations des véhicules, il apparaît que ces accès sont encore trop restreints et que l'on devrait les développer, notamment grâce à des applications mobiles.

M. Rémy Pointereau . - Notre 5 ème recommandation a pour objet l'association des élus locaux à la nouvelle répartition entre la police et la gendarmerie, à laquelle nous souhaitons associer très étroitement les élus locaux. Actuellement, cette répartition a souvent perdu de sa pertinence, étant rappelé que la compétence de la police représente entre 40 et 50 % de la population sur seulement 5 % du territoire. Une répartition en termes de bassin de vie et de délinquance prenant en compte une ère plus large que le cadre communal serait à notre avis bien plus efficace que la seule application d'un critère démographique. Pour mener à bien la réforme du maillage territorial, la réorganisation pourrait être supervisée, sur le plan local, par le préfet en étroite concertation avec les élus locaux. Le « Livre blanc » évoquait la possibilité de rendre obligatoire la mise en place d'une police dans les villes de plus de 30 000 ou 40 000 habitants. Nous préférons une approche pragmatique en raisonnant par bassin de délinquance, tout en conservant le principe selon lequel la police nationale est présente dans tous les chefs-lieux de département.

Mme Corinne Féret . - Notre 6 ème proposition vise à poser la question de la compétence de la gendarmerie dans les zones urbaines sensibles. Les atouts de proximité, de disponibilité et de polyvalence de la gendarmerie semblent décisifs pour répondre aux défis périurbains avec efficacité. Nous considérons que le gouvernement doit, sans tabous, répondre à la question de savoir si la gendarmerie ne devrait pas aussi intervenir dans les zones urbaines qui enregistrent un fort taux de délinquance. Cette interrogation pourrait être soulevée dans le cadre du « Beauvau de la Sécurité ».

M. Rémy Pointereau . - Notre 7 ème recommandation plaide en faveur de la réforme de l'organisation déconcentrée de la police nationale. En effet, l'organisation actuelle de la police nationale est actuellement trop cloisonnée et verticale, ce qui pénalise les contacts avec les élus locaux. Nous invitons le ministère de l'Intérieur à poursuivre la réflexion engagée à travers la création expérimentale d'une direction territoriale unifiée de la police nationale. Parallèlement à ce décloisonnement, le rôle d'interface avec les élus locaux devra être encouragé. Le rapport suggère de confier cette mission en propre à un correspondant désigné par le préfet ou la direction de la police.

Mme Corinne Féret . - La 8 ème recommandation porte sur les « synergies d'information » avec tous les acteurs locaux de sécurité. Le couple maire-préfet répond à une attente forte des élus locaux. La communication systématique aux maires des fichiers S n'apparaît pas opportune. Nous sommes favorables, sous certaines conditions, à la communication aux élus des seuls profils des personnes dont les maires ont la responsabilité. Nous plaidons également pour une bonne communication entre les maires et les agents du renseignement territorial.

Notre rapport rappelle aussi le rôle majeur joué par le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), présidé par le maire, instance obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants. Elle permet de réunir tous les acteurs du continuum de sécurité. Parce que les CLSPD ne sont pas toujours actifs, nous jugeons pertinente la désignation d'un coordonnateur territorial au sein de la mairie, pour chaque CLSPD, sans pour autant le rendre obligatoire.

Enfin, les relations entre les maires et le Parquet sont fondamentales et la conférence nationale des procureurs de la République a salué le principe d'une réunion d'information obligatoire après les élections municipales, permettant ainsi aux élus locaux de rencontrer les magistrats du Parquet, eux-mêmes soucieux de se rendre accessibles et de coopérer avec les maires pour la sécurité du quotidien. Le Garde des Sceaux, dans une circulaire du 15 décembre 2020, a appelé les procureurs à « renforcer les relations institutionnelles avec les élus locaux ». Nous avons auditionné le procureur de Valenciennes, car l'action engagée sur son territoire fait figure de modèle.

M. Rémy Pointereau . - Notre 9 ème recommandation préconise d'évaluer et de faciliter les dispositifs de mise en commun de policiers municipaux. En effet, le législateur a prévu deux principales modalités de mutualisation des agents de police municipale : la police pluricommunale ou intercommunale sans délégation de pouvoir, puisque les policiers municipaux restent placés sous l'autorité du maire d'une commune pendant l'exercice de leur fonction.

En 2018, selon la Cour des comptes, seule une quarantaine de dispositifs de mutualisation existait. Dans l'attente d'une évaluation approfondie, qui paraît indispensable, nous sommes favorables à la suppression du seuil de 80 000 habitants au-delà duquel les communes ne peuvent pas mettre en commun des agents de police municipale, parce que c'est à notre sens inutilement contraignant, par exemple lorsqu'il s'agit de gérer la vidéosurveillance sur l'ensemble d'un territoire dépassant les limites de l'agglomération ou de la métropole.

Mme Corinne Féret . - Enfin, la 10 ème recommandation vise à encourager les citoyens à devenir des acteurs à part entière de la sécurité. Certains dispositifs y contribuent, avec des résultats tout à fait concrets et satisfaisants, à l'image de la démarche dite « Participation citoyenne », qui vise à associer les habitants d'une commune ou d'un quartier à la protection de leur espace de vie.

C'est aussi le cas des réserves de la gendarmerie et de la police nationale. La réserve mérite d'être développée, en particulier dans la police, pour permettre davantage d'ouverture à la société civile et pour renforcer le lien avec la population. Une évaluation législative pourrait par ailleurs être envisagée pour permettre, comme dans la gendarmerie, aux réservistes de la police nationale d'être armés.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Je tiens à remercier les deux rapporteurs pour ce travail extrêmement important, qui part des exigences et des besoins, mais aussi de très bonnes pratiques. Il illustre bien le travail de notre délégation, qui consiste à défricher pour proposer. Ce rapport doit trouver les traductions législatives nécessaires..

Il est important - et vous l'avez rappelé - d'avoir à l'esprit, lorsque l'on parle de continuum de sécurité, que la sécurité est une compétence régalienne de l'État, parce qu'il ne peut y avoir de démocratie sans sécurité. La sécurité, c'est aussi et avant tout la protection des plus faibles.

Comme nous en avions débattu avec les rapporteurs du texte « Sécurité globale », le Gouvernement avait envisagé un moment l'obligation de créer une police municipale. Il faut pourtant rappeler que cette décision relève, selon le principe de libre administration des collectivités, du seul pouvoir du conseil municipal.

Nous avons pris en compte, dans la loi « Engagement et proximité », le besoin de sécurité dans l'ordre de la tranquillité et des aspects qui relèvent de la compétence municipale. Pour l'anecdote, je me souviens qu'un maire m'avait parlé d'un bois situé sur le territoire de deux communes. Or, on y trouvait régulièrement des déchets sauvages le lundi matin, mais ceux-ci étaient concentrés sur une partie du bois relevant d'une seule commune, car l'autre disposait d'un garde champêtre ou d'un policier municipal. Les habitants ne comprenaient pas que l'on puisse, à un mètre près, déposer des déchets sans être verbalisé. La loi « Engagement et proximité », dans ce type de cas, a permis la mutualisation d'une police municipale sans que cela occasionne un transfert de la compétence à l'intercommunalité. Cette dernière agit comme un groupement d'employeurs, mais le policier intervient sous l'autorité du maire. Cela fait partie des bonnes pratiques que vous avez évoquées.

M. Henri Leroy . - Je m'associe à vos félicitations sur le travail qui a été fait par Rémy Pointereau et Corinne Féret, car il reflète parfaitement ce que nous avons pu constater sur le terrain lors de la commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité, dont le rapport a été remis en 2018 au Premier ministre et au ministre de l'Intérieur de l'époque. Il comportait 31 propositions, qui n'étaient pas aussi élaborées et ne portaient pas sur la police municipale. Je m'attacherai, avec Jérôme Durain, à défendre aussi les 10 recommandations qui ont été présentées aujourd'hui lors du « Beauvau de la Sécurité », où nous représenterons le Sénat, car elles rendent parfaitement compte des préoccupations des maires.

Le point du financement est crucial si l'on veut éviter que les municipaux deviennent les supplétifs de la police nationale et de la gendarmerie, car c'est le maire qui finance tout aujourd'hui, depuis le recrutement jusqu'à l'exécution. Le statut devrait permettre, du moins c'est ce que je porterai, d'intégrer cette troisième composante dans les forces de sécurité.

M. Loïc Hervé . - À mon tour, je félicite Mme Corinne Féret et M. Rémy Pointereau pour leurs propositions, dont nous aurons l'occasion de débattre lors de l'examen du texte « Sécurité globale » dont je suis co-rapporteur, avec Marc-Philippe Daubresse pour la commission des Lois, et qui comporte un vrai chapitre sur la police municipale.

J'ai rencontré la semaine dernière les syndicats de police municipale et je peux témoigner qu'ils sont très attachés - cela m'a surpris - à la notion d'unicité de la police municipale. Ils souhaitent que celle-ci soit reconnue et constitue une forme de corps, plutôt que les polices municipales bénéficient d'un cadre d'emploi de la fonction publique territoriale à la disposition du maire. Il y a là un vrai sujet.

J'aurais aimé que vous développiez votre idée d'école nationale de la police municipale : quel rôle entendez-vous laisser au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) qui est aujourd'hui l'institution en charge de la formation des policiers municipaux ?

Mme Sylvie Robert . - J'adresse également mes félicitations à nos collègues pour ce rapport. S'agissant de votre 6 ème recommandation, qui m'intéresse particulièrement, la gendarmerie devrait-elle intervenir dans les zones urbaines sensibles selon un principe de subsidiarité ou dans le cadre d'une collaboration avec la police nationale et la police municipale ?

Mme Françoise Gatel, présidente . - Cette proposition peut en effet générer une inquiétude dans les territoires couverts par les zones de gendarmerie, car on craint que celles-ci vident les campagnes pour les zones urbaines.

Mme Patricia Schillinger . - Je félicite aussi les rapporteurs. Nous disposons en Alsace d'une police complémentaire à la police municipale, « la Brigade Verte », qui accompagne les petites communes. Il serait intéressant d'auditionner ses représentants.

M. Rémy Pointereau . - Nous vous remercions pour ces propos élogieux sur notre rapport, dont je souhaite que les propositions soient défendues lors du « Beauvau de la sécurité ». Je vous confirme que les maires ne sont pas les supplétifs de la police et de la gendarmerie. Je ne refuse pas la notion d'unicité de la police municipale, pourvu qu'elle ne rentre pas en concurrence avec celle de l'unicité de la police nationale au risque que l'on ne sache plus qui fait quoi et que cela débouche sur des surenchères syndicales.

Une école nationale de la police municipale est voulue par plusieurs associations d'élus, dont France Urbaine, mais aussi par des syndicats de la police municipale ; elle a également été recommandée par un rapport des députés Fauvergue et Thourot. Son financement et sa gestion resteraient assurés par le CNFPT. Le ministère de l'Intérieur serait chargé de l'élaboration des différents modules de formation. À l'heure où la police nationale a allongé de trois à six mois la période de formation initiale des policiers, il faut aussi que nous formions mieux les policiers municipaux. Le CNFPT remet en cause l'idée d'une école nationale de la police municipale, mais je pense que nous devons le convaincre de sa pertinence. Il doit travailler en lien avec le ministère de l'Intérieur et les élus locaux. Cette école pourrait être déclinée au niveau des régions.

Mme Corinne Féret . - L'idée de faire intervenir la gendarmerie dans les zones urbaines sensibles émane des auditions que nous avons menées, notamment auprès des directions de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Il s'agit de profiter de ses atouts de proximité, de disponibilité et de polyvalence, en plus d'une expérience de lutte contre la petite délinquance, qui évolue aussi en zone périurbaine, voire en zone rurale. Cette recommandation implique une redéfinition des zones d'action des forces de sécurité, en concertation avec les élus, basée sur l'existence de bassins de délinquance plutôt que sur la dichotomie zones urbaines-zones rurales. Cette 6 ème recommandation vise à mobiliser les compétences de chaque force de sécurité pour répondre aux attentes très fortes de nos concitoyens en termes de lutte contre les incivilités et les problèmes de sécurité au quotidien.

Je tiens à saluer la coordination interne qui existe au Sénat, car elle est garante de la pertinence et de la prospérité de nos travaux.

Mme Françoise Gatel, présidente . - La réflexion actuelle sur la répartition géographique de la gendarmerie et de la police nationale se justifie par le fait que la délinquance ne s'organise pas en fonction des périmètres administratifs, mais plutôt en fonction des bassins de mobilité, c'est-à-dire des autoroutes et des lignes à grande vitesse. L'idée d'une intervention de la gendarmerie nationale dans les zones sensibles me semble intéressante, car elle met en évidence la formation militaire des gendarmes alors que s'y multiplient des formes de violences proches de la guérilla. Il reste que la concertation des élus locaux est nécessaire, pour éviter que l'on procède à une redistribution des zones d'intervention comme on procéderait à une redistribution des trésoreries.

Je tiens par ailleurs à souligner l'exemplarité de la gendarmerie comme service de l'État dans sa relation avec les élus locaux. Les gendarmes se considèrent aujourd'hui comme les partenaires des élus locaux et les informent au plus tôt des actes de délinquance.

Mme Michelle Gréaume . - Je ne pense pas qu'une police municipale nationale serait une bonne idée, non seulement parce que la police nationale et la police municipale relèvent de deux ministères différents, mais aussi parce que le pouvoir régalien doit être exercé par l'État. Le fait que les policiers municipaux militent pour la création de passerelles vers la police nationale doit nous inciter à la prudence avant d'ouvrir la brèche.

Je suis en revanche tout à fait favorable à la création d'une école de la police nationale, et je pense qu'il faudrait y intégrer la formation des « Voisins vigilants ».

J'attire votre attention sur le fait que la détention d'armes par les policiers municipaux impose un quota d'heures d'entraînement au tir, alors même que le manque de stands de tir contraint la police nationale à se tourner vers les communes pour utiliser les leurs, bien qu'ils soient souvent déjà saturés.

M. Guy Benarroche . - Ajouter des compétences territoriales à la gendarmerie ne risque-t-il pas de lui faire perdre sa compétence de proximité, puisqu'elle interviendrait dans des zones qu'elle connaît moins bien ? Comment allez-vous définir les bassins de délinquance ? À mon sens, il ne faut pas associer uniquement les élus locaux à la réflexion sur les compétences territoriales.

Mme Catherine Di Folco . - Je suis assez réservée sur le fait d'ouvrir l'école de la police municipale au dispositif des « Voisins vigilants », car ceux-ci ont vocation à être en veille et à relayer des informations et non à intervenir sur les situations.

Alors que le « Livre blanc de la Sécurité intérieure » faisait référence à un seuil de population pour répartir les zones d'intervention des forces de sécurité, cette approche quantitative ne reflète pas la réalité de la délinquance au quotidien. Elle ne met pas à profit les compétences respectives de chaque force, qui doivent être valorisées sans être mises en concurrence.

M. Rémy Pointereau . - Les compétences des « Brigades Vertes » évoquées par Patricia Schillinger peuvent être associées à celles des polices municipales, car le contrôle des dépôts d'ordures fait partie du travail des policiers municipaux..

S'agissant du financement d'une éventuelle école de la police municipale nationale, nous pourrions regrouper les crédits de formation des policiers de nos communes avec ceux du CNFPT.

Il existe des centres de tir dans tous les départements et ils peuvent être utilisés par les policiers municipaux.

Le risque de perte de proximité par la gendarmerie est limité du fait de l'importance de ses effectifs au regard de ceux de la police nationale. On peut compter sur le fait que les colonels de gendarmerie et les directeurs de la police nationale sauront se mettre d'accord sur une répartition des rôles.

Il faut aussi aborder le sujet des relations avec les procureurs, car il est très important pour les maires. C'est pourquoi nous avons auditionné des procureurs, dont le procureur de Valenciennes, qui a mené un travail considérable de concertation avec les élus, par exemple en leur mettant à disposition une boîte mail leur permettant de recueillir les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Il est important que nous organisions des réunions régulières entre le procureur, le préfet et le président de l'association des maires, afin notamment d'élucider pourquoi il n'a pas été donné suite à certaines plaintes.

Pour la suite, nous allons travailler avec nos collègues Loïc Hervé et Marc-Philippe Daubresse, ainsi qu'avec Henri Leroy. Nous allons remettre notre rapport officiellement au ministre de l'Intérieur, puis au président de l'Association des Maires de France, François Baroin. Je souhaite aussi que nous puissions faire avancer nos propositions dans la proposition de loi « Sécurité globale », sous forme d'amendements ou de questions posées au ministre de l'Intérieur.

Mme Corinne Féret . - Beaucoup de nos recommandations relevant du législatif, du réglementaire, ou simplement de bonnes pratiques, elles pourront facilement être mises en oeuvre.

Mme Catherine Di Folco . - Dans la mesure où les policiers municipaux appartiennent à la fonction publique territoriale, ils relèvent évidemment du CNFPT pour leur formation. À mon sens, avant de créer une école de la police municipale nationale, il faudrait renforcer les moyens du CNFPT, auquel les collectivités cotisent à hauteur de 0,9 % de leur masse salariale. Mise à part la proposition n°2, j'approuve l'ensemble du rapport.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Je partage le souci de Rémy Pointereau du lien entre le procureur et les maires. C'est pourquoi nous avons créé dans la loi « Engagement et Proximité » une disposition qui obligeait la Garde des Sceaux d'alors, Nicole Belloubet, à prescrire aux procureurs la mise en place sur leur territoire d'un dispositif d'information et de relais auprès des maires. J'ai rappelé à son successeur que nous étions toujours dans l'attente d'une circulaire d'application à ce sujet, laquelle a depuis été publiée.

Une autre disposition de la loi « Engagement et Proximité » fait obligation aux procureurs d'informer le maire des suites d'une affaire sur laquelle celui-ci l'a saisi. Il faut que nous nous assurions que cette pratique a bien été diffusée dans nos départements, jusqu'au « dernier kilomètre ».

Merci encore, Corinne Féret et Rémy Pointereau, de vous être emparés du sujet de la police municipale, car il est lié à la confiance de nos concitoyens dans les forces de sécurité. Il est donc essentiel pour la cohésion sociale. Je remercie également Henri Leroy de s'être associé à leurs travaux - car il faut que le sujet prospère hors les murs de notre institution - ainsi que nos collègues Loïc Hervé et Marc-Philippe Daubresse. Je salue enfin l'administrateur qui a ardemment travaillé aux côtés des rapporteurs.

La délégation aux Collectivités territoriales approuve à l'unanimité le rapport d'information sur l'ancrage territorial de la sécurité intérieure .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page