VIII. 8ÈME RECOMMANDATION : RENFORCER LES « SYNERGIES D'INFORMATION » AVEC TOUS LES ACTEURS LOCAUX DE SÉCURITÉ

De nombreuses personnes entendues par vos rapporteurs ont insisté sur le fait que l'ancrage territorial de la sécurité, gage d'efficacité, passait par le développement des échanges d'informations au sein de tous les « co-producteurs » du service public de la sécurité.

A. L'ACCÈS AUX « FICHES S » : UNE FAUSSE BONNE IDÉE ?

Pour garantir la sécurité dans les territoires, la communication au sein du couple maire-préfet joue un rôle majeur et répond à une attente forte des élus locaux .

À cet égard, M. Christophe Castaner, alors ministre de l'Intérieur, a signé le 13 novembre 2018 une circulaire renforçant les échanges entre les préfets et les maires en matière de radicalisation. Cette circulaire prévoit une information dans les deux sens :

- des préfets vers les maires : les premiers informent les seconds sur l'état général de la menace sur le territoire de leur commune ; le préfet peut aussi, dans certaines situations, transmettre au maire des informations confidentielles nominatives ;

- des maires vers les préfets : les premiers signalent aux seconds 28 ( * ) une situation de radicalisation présumée. Les maires jouent ainsi un rôle de « capteurs de terrain » ou de « lanceurs d'alerte ». En contrepartie, les préfets font un retour systématique sur les signalements qu'ils effectuent.

La communication systématique aux maires des fiches S appelle, en revanche, de fortes réserves de la part de vos rapporteurs :

- la diffusion large des fiches S pourrait se retourner contre les élus : ces derniers ne seraient-ils pas mis en cause s'il advenait un drame causé par un fiché S qui aurait été connu d'eux mais sur lequel ils n'avaient en fait aucune prise ?

- une publicité trop large de ces fiches nuit à leur efficacité (confidentialité des enquêtes compromise, risques d'alerte des suspects...) ;

- l'interprétation d'une fiche et des risques afférents n'est pas toujours aisée pour un élu ne disposant pas des informations complètes sur l'individu concerné.

En revanche, vos rapporteurs sont favorables à la communication aux élus des seuls profils des personnes dont les maires ont la responsabilité directe ou indirecte , par exemple pour attirer leur attention sur le profil d'un employé municipal présentant un risque de radicalisation . Cette position est conforme à celle que votre délégation avait adoptée en 2017 dans son rapport « Les collectivités territoriales et la prévention de la radicalisation » 29 ( * ) . En 2018, la commission des Lois du Sénat a également admis qu'un maire peut être destinataire d'informations confidentielles , citant le cas « d'une vigilance sur un employé de sa commune ou sur les risques associés à la mise à disposition de locaux par la collectivité » 30 ( * ) . La communication de ces informations est toutefois subordonnée au strict respect de trois conditions essentielles :

- l'information doit lui être utile dans le cadre de l'exercice de son mandat ;

- l'échange ne peut avoir lieu qu'avec l'accord, d'une part, du chef du service de police, de gendarmerie ou de renseignement, d'autre part, du procureur de la République territorialement compétent ;

- la signature d'une charte de confidentialité.


* 28 La circulaire prévoit en fait la désignation, au sein des services de l'État, d'interlocuteurs de proximité.

* 29 Rapport d'information n° 483 (2016-2017) déposé le 29 mars 2017, « Les collectivités territoriales et la prévention de la radicalisation » de MM. Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-483-notice.html.

* 30 Rapport d'information n° 219 (2018-2019) déposé le 19 décembre 2018, sur l'amélioration de l'efficacité des fiches S, de M. François Pillet, fait au nom de la commission des Lois : http://www.senat.fr/rap/r18-219/r18-219_mono.html.

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