II. UN SERVICE À BOUT DE SOUFFLE : L'INDISPENSABLE MISE À NIVEAU LORS DE L'ACTUALISATION DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE EN 2021

A. DES MOYENS ÉREINTÉS

Le déploiement de « SSA 2020 » : un modèle imposé par l'attrition des moyens

Les engagements opérationnels accrus, un système national de santé en pleine mutation, et un contexte budgétaire de plus en plus contraint, ont conduit le SSA à élaborer, dès 2013, une nouvelle vision stratégique : le projet « SSA 2020 ». Ce modèle visait en fait à s'adapter à la réduction des moyens du SSA, tant en termes de ressources humaines, que de moyens hospitaliers. La fermeture de l'hôpital du Val-de-Grâce a été le symbole des renoncements demandés, dont la commission des affaires étrangères et de la défense a interrogé la pertinence lors de chaque loi de finances. En pleine pandémie, nombreuses ont été les voix pour regretter que l'Île-de-France ne dispose plus de ce qui était, il y a encore quelques années, un fleuron de la médecine militaire.

Le SSA a fourni des efforts considérables pour s'adapter aux attritions décidées et au recentrage forcé sur la médecine en opérations extérieures. La trajectoire des effectifs prévus par la LPM 2014-2019 prévoyait une baisse progressive du recrutement initial jusqu'en 2014 pour atteindre un seuil de 100 médecins et 5 pharmaciens par an et des aides au départ pour certaines spécialités de praticiens et tranches d'âge, en accord avec le modèle « SSA 2020 ».

Le modèle « SSA 2020 »

Recentrage sur la médecine des forces, diminution du format

Le modèle « SSA 2020 » reposait sur trois principes :

- la concentration : recentrage sur la mission opérationnelle (médecine des forces), densification des équipes et des structures,

- l'ouverture au service public de santé, à l'interministériel, à la société civile et à l'international, pour en devenir un acteur à part entière et bénéficier de leur soutien,

- et enfin, la simplification, basée sur la délégation et la transversalité.

La médecine des forces doit devenir le centre de gravité du SSA. Son organisation est simplifiée et différenciée garantissant aux forces armées proximité, disponibilité et compétences spécifiques, en opérations comme sur le territoire national. Des centres médicaux des armées de nouvelle génération sont créés, en nombre réduit par rapport aux structures préexistantes (19 en 2018 contre 54 en 2014).

Les hôpitaux militaires sont réduits à huit composantes seulement . Les quatre hôpitaux d'instruction des armées (HIA) composant les groupes hospitaliers militaires nord (HIA Percy et Bégin) et sud (HIA Sainte-Anne et Laveran), et quatre établissements en partenariat civil/militaire** qui ont « vocation à s'intégrer dans leurs territoires de santé dans le cadre de partenariats ».

« Leur format sera réduit pour dégager les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en oeuvre du modèle SSA 2020. »

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* Le SSA n'a plus aujourd'hui à prendre en charge, de la même façon que lors de sa création, la communauté de la défense située en métropole, qui trouve désormais dans le secteur public hospitalier une offre de soins satisfaisante. De la même façon, la disparition des appelés du contingent et la réorganisation des bases de défense ont réduit le besoin d'implantation nationale du SSA.

**HIA Robert Picqué (Bordeaux) en partenariat avec la Maison de santé protestante Bagatelle, HIA Desgenettes (Lyon) en partenariat avec les Hospices civils de Lyon, HIA Legouest (Metz) en partenariat avec le Centre hospitalier régionale de Metz - Thionville et HIA Clermont-Tonnerre (Brest) en partenariat avec le Centre hospitalier régional universitaire de Brest.

La réduction de 10 % des effectifs alors que les missions s'intensifiaient a entrainé pénurie de personnel et problèmes de fidélisation.

Durant la précédente loi de programmation, le SSA a ainsi perdu 10 % de ses effectifs, alors que l'engagement opérationnel dépassait largement les prévisions. La tension a été aggravée par la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre, avec le déclenchement de l'opération Sentinelle. Le SSA s'est ainsi trouvé confronté à un fort effet de ciseau.

L'évolution des effectifs

Le « périmètre employeur », qui comprend, outre les personnels du budget opérationnel de programme, le personnel fourni au service par les armées, les services et la gendarmerie pour les missions de soutien du périmètre de l'État-major des armées (cette dernière population constitue près d'un tiers de l'ensemble du personnel employé par le SSA) atteint en 2019 14 756 personnes contre 15 827 en 2015 . Au 1 er janvier 2019, 1 611 suppressions de poste (déflations) ont été réalisées, soit une diminution de 10 % de ses effectifs employeurs en 5 ans .

La commission des affaires étrangères et de la défense a obtenu l'arrêt de la déflation des effectifs en 2017 (pour l'année 2018) . La LPM 2019-2025 a maintenu cet arrêt de la déflation des effectifs du SSA et prévu leur stabilisation jusqu'en 2023, puis leur remontée, modérée, au-delà . Cette nouvelle trajectoire positive se traduira par :

- la mise en oeuvre du nouveau modèle hospitalier militaire (selon le dispositif SSA 2020 présenté),

- l'accentuation de la préparation de l'avenir (15 postes d'élèves médecins et 10 postes d'élèves infirmiers supplémentaires ouverts chaque année à compter de 2019 au titre de la formation ab initio ),

- et la poursuite de la remontée en puissance de la médecine des forces. Le service dispose de 700 médecins des forces, il lui en manque une centaine , ce qui conduit à concentrer sur les mêmes personnels la charge de projection du service. Le taux de projection des équipes médicales était de 106 %, malgré l'apport des réservistes, et de 200 % pour les équipes chirurgicales.

Alors que les déficits de personnels sont déjà criants dans certaines spécialités telles que les chirurgiens orthopédistes, les dentistes, les infirmiers en soins spécialisés de bloc opératoire diplômés d'État et les masseurs kinésithérapeutes, la surprojection des mêmes personnels finit par les pousser à quitter le service. Leur fidélisation est un défi difficile à relever dans de telles conditions, et alors que la concurrence de la fonction publique hospitalière sur certaines spécialités est réelle .

À ceci s'ajoute la longueur des formations pour nombre des métiers de la santé, générant des effets retardés sur les viviers. Ces facteurs incitent à la civilianisation progressive des postes sans contrainte opérationnelle directe et au recours croissant aux praticiens contractuels. Alors que ces officiers contractuels représentaient 7 % des effectifs des praticiens en 2016 , leur recrutement va s'intensifier lors des prochaines années, avec une cible établie à 16 % d'ici 2021 et 30 % à l'issue de la LPM .

Pour faire face aux besoins de projection, 10 à 20 % du contrat opérationnel du SSA en OPEX est assuré par des réservistes. À ce jour 2 900 réservistes participent aux missions du SSA, 50 % d'entre eux sont appelés à partir à la retraite à court terme. La directrice du SSA travaille activement à l'augmentation de leur nombre pour atteindre l'objectif de 3 500 réservistes . Les relations entre le SSA et les réservistes sont fructueuses : elles permettent de pourvoir le service en tant que de besoin en attendant que les médecins et infirmiers supplémentaires soient formés (les besoins sont réels chez les chirurgiens orthopédistes ou les dentistes) et elles garantissent l'irrigation des savoir-faire du SSA au sein de notre société lorsque les réservistes retournent à leur pratique.

La situation du SSA reste cependant fragile :

- la féminisation du corps médical pose certains défis,

- le fonctionnement quotidien des centres médicaux des armées est également marqué par un ac croissement des besoins en expertise médicale d'aptitude et une intensification des activités de soutien des activités à risque , du fait de l'augmentation de la force opérationnelle terrestre et du plan Réserve 2019,

- enfin, l'attractivité du secteur civil , particulièrement forte pour certaines spécialités hospitalières (radiologie, anesthésie-réanimation et chirurgie), favorise de nombreux départs de l'institution. La stabilisation du SSA reste donc à surveiller alors que les attentes à son égard vont croissantes.

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