IV. METTRE FIN AUX DYSFONCTIONNEMENTS DANS L'ACCÈS À LA PROFESSION DE THANATOPRACTEUR ET MIEUX L'ACCOMPAGNER DANS L'EXERCICE DE SON MÉTIER

A. METTRE FIN AUX DYSFONCTIONNEMENTS DANS L'ACCÈS À LA PROFESSION DE THANATOPRACTEUR

1. La profession de thanatopracteur, une jeune profession réglementée

La profession de thanatopracteur est réglementée, puisque que nul ne peut l'exercer sans être titulaire du diplôme requis 183 ( * ) , créé 184 ( * ) par la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire 185 ( * ) . Un examen en vue de la délivrance du diplôme national de thanatopracteur est donc organisé chaque année par le ministère en charge de la santé . Il comprend des épreuves théoriques et une évaluation de la formation pratique . Les candidats ne peuvent se présenter aux épreuves théoriques qu'après avoir achevé une formation théorique dont le contenu et la durée sont définis par l'arrêté du 18 mai 2010 fixant les conditions d'organisation de la formation et de l'examen d'accès au diplôme national de thanatopracteur.

La formation théorique est d'une durée minimale de quatre-vingt-quinze heures sur une période de trois mois consécutifs, et comprend des enseignements allant de la théorie des soins de conservation, à la médecine légale, à la réglementation ou à la prévention des risques sanitaires 186 ( * ) . Il s'agit d'une formation professionnelle assurée par des organismes de formation publics ou privés 187 ( * ) . Au terme de la formation, l'épreuve théorique prend la forme de deux questionnaires à choix multiples portant sur la thanatopraxie d'une part et la médecine d'autre part.

Seuls peuvent, en outre, accéder à la formation pratique les candidats reçus aux épreuves théoriques en rang utile : un numerus clausus mis en place en 2010 est fixé chaque année sur la base d'un nombre variant de 55 à 60 candidats 188 ( * ) .

Le niveau obtenu lors de cette formation pratique, qui intervient directement au sein des opérateurs de pompes funèbres, sur tout le territoire, est apprécié pour chaque candidat, par deux évaluateurs , désignés par le Comité national d'évaluation de la formation pratique des thanatopracteurs (CNT), association chargée, pour le compte du ministère de la santé, de l'organisation de cette évaluation pratique (article D. 2223-123 du code général des collectivités territoriales). Les candidats doivent avoir réalisé au moins cent soins de conservation sur douze mois.

Un jury national nommé par le ministre en charge du secteur funéraire et le ministre de la santé a pour mission d'examiner les candidats au diplôme et d'établir la liste des candidats retenus en fonction d'un barème de notation défini par l'arrêté précité. Les six membres du jury thanatopracteurs sont obligatoirement désignés évaluateurs de la formation pratique par le comité national d'évaluation de la formation pratique des thanatopracteurs .

Ainsi certains évaluateurs de la formation pratique sont membres du jury national, tandis que d'autres ne le sont pas.

Composition du jury du diplôme national de thanatopracteur
(article D. 2223-126 du code général des collectivités territoriales)

« Les membres titulaires et suppléants du jury national chargé d'examiner les candidats au diplôme national de thanatopracteur sont nommés pour une durée de trois ans par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la santé.

Ce jury se compose d'un représentant du ministre de l'intérieur, d'un représentant du ministre chargé de la santé, de trois médecins légistes, anatomopathologistes ou enseignants universitaires de médecine participant ou ayant participé à l'enseignement théorique mentionné à l'article D. 2223-122 et de six thanatopracteurs.

Le même arrêté désigne pour trois ans le président du jury national parmi les membres du collège des enseignants universitaires de médecine ou de personnes qualifiées.

En outre, les membres thanatopracteurs sont obligatoirement désignés évaluateurs de la formation pratique par le comité national d'évaluation de la formation pratique des thanatopracteurs mentionné à l'article D. 2223-123. »

2. Délivrer un diplôme national de qualité et garantir sa sécurité juridique

Dans la continuité de la proposition n° 35 qui confie le rôle de « chef de file » du secteur de la thanatopraxie au ministère en charge du secteur funéraire, votre rapporteur estime que la responsabilité de la délivrance du diplôme national de thanatopracteur devrait aussi être confiée au même ministère. Cela n'empêcherait pas que le ministère de la santé contribue à l'organisation du diplôme, et que le jury soit nommé par arrêté conjoint des deux ministres 189 ( * ) .

Proposition n° 39 : Confier l'organisation du diplôme national de thanatopracteur au ministère en charge du secteur funéraire, avec l'appui des ministères de la santé et du travail.

L'organisation d'une partie de ce diplôme national - l'évaluation pratique - par un organisme de droit privé est jugée contestable par votre rapporteur .

Le Comité national d'évaluation de la formation pratique des thanatopracteurs (CNT) est chargé, par l'article 3 de l'arrêté du 3 mai 2010 fixant les conditions d'organisation de la formation et de l'examen d'accès au diplôme national de thanatopracteur :

- d'établir une grille d'évaluation des stagiaires ;

- de rechercher, sélectionner et former les évaluateurs par région ;

- d'organiser matériellement les évaluations dans les lieux de stage (opérateurs de pompes funèbres) ;

- et de faire évaluer, dans les entreprises ou s'effectue le stage pratique, l'acquisition des compétences pratiques de l'élève thanatopracteur.

Avant la création du CNT, seuls les membres du jury étaient chargés d'évaluer la formation pratique des thanatopracteurs. Cette situation obligeait les membres du jury à se déplacer continuellement. La création du CNT a donc permis d'élargir le nombre d'évaluateurs. Selon le ministère de la santé, entendu par votre rapporteur, la mise en place de ce comité en 2010 était une nécessité pour décharger les services centraux de l'organisation des évaluations pratiques (organisation de l'examen pratique, nomination d'évaluateurs, convocation des évaluateurs et des candidats et recherche de personnes décédées sur lesquelles pratiquer une thanatopraxie), charge qu'il évalue à un équivalent temps plein.

Le fonctionnement de cet organisme pose toutefois de nombreuses questions. Les membres de l'association sont les représentants de plusieurs organismes de formation à la thanatopraxie . Sept organismes de formation y sont actuellement adhérents, dont deux publics. Étrangeté relevée par la présidente du jury national, lors de son audition par votre rapporteur, tous les organismes de formation ne sont pas membres de l'association .

Sans mettre en doute les personnes, votre rapporteur observe que l'organisation même de cette association est sujette à conflits d'intérêts : les personnes en charge d'organiser l'évaluation de la formation pratique des candidats au diplôme national de thanatopracteur sont issues des écoles où ces candidats ont été formés. Ils sont donc susceptibles d'organiser l'évaluation de candidats ayant été formés dans l'école où ils enseignent, voire d'avoir été l'enseignant de certains candidats.

En tant qu'association exerçant une mission d'intérêt général déléguée par arrêté ministériel, le CNT est susceptible de faire l'objet d'une mission de contrôle de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale de l'administration (IGA). Suite à des dysfonctionnements relevés lors de l'évaluation de la formation pratique de thanatopracteur , les ministres de la santé et de l'intérieur ont demandé à ces deux inspections de diligenter une mission commune de contrôle de la gestion et de l'organisation du CNT . Entendus par votre rapporteur, les inspecteurs en charge de cette mission devraient faire des propositions d'évolution du CNT afin de garantir un fonctionnement transparent, d'assurer la sécurité juridique de la délivrance du diplôme national et de définir une nouvelle organisation des évaluations pratiques .

Compte tenu de ces éléments, votre rapporteur estime qu'il ne doit pas revenir à un organisme de droit privé, sur lequel le contrôle de l'État est très faible, d'organiser l'évaluation d'un diplôme national. Il souhaite que l'État y substitue un dispositif public permettant d'assurer l'indépendance de l'organisation et la sécurité juridique de la délivrance du diplôme. Il incombe donc à l'État de trouver les modalités pratiques permettant d'associer les professionnels du funéraire et les organismes de formation à cette organisation, sans se décharger sur des structures de droit privé des missions qui lui incombent.

Proposition n° 40 : Substituer au Comité national d'évaluation de la formation pratique des thanatopracteurs (CNT) un dispositif à caractère public pour l'organisation de l'évaluation de la formation pratique du diplôme national de thanatopracteur.

S'agissant de la détermination des sujets des épreuves écrites théoriques, dans la pratique, les membres médecins du jury proposent les sujets des questionnaires à choix multiples (QCM) de médecine, alors que les thanatopracteurs élaborent plusieurs sujets possibles de thanatopraxie, le choix final entre les différentes options revenant au président et au vice-président du jury - qui sont les seuls à connaître les sujets retenus pour le l'épreuve écrite du diplôme national 190 ( * ) .

Toutefois votre rapporteur a été très surpris d'apprendre par ailleurs que le choix des questions intégrées aux questionnaires à choix multiples (QCM) serait effectué parmi des propositions de toutes les écoles de formation, sans encadrement particulier. Votre rapporteur estime qu'il est nécessaire que le processus d'élaboration des sujets des épreuves théoriques soit revu et que leur contenu soit déterminé en toute indépendance par rapport aux organismes de formation.

Proposition n° 41 : Revoir le processus d'élaboration des sujets des épreuves théoriques en confiant au président du jury national la détermination de leur contenu en totale indépendance par rapport aux organismes de formation.

La notation de l'évaluation de la formation pratique n'apparaît, quant à elle, pas suffisamment sélective. Or, elle représente une part importante de la notation finale : quatre-cent points lui sont affectés contre deux-cent pour les épreuves théoriques.

D'après les inspecteurs de l'IGAS et de l'IGA en charge de la mission de contrôle du CNT, tous les candidats qui se présentent à l'évaluation de l'épreuve pratique seraient évalués positivement . La grille d'évaluation est fondée sur des critères que la mission estime insuffisamment précis et sélectifs . De plus, aucun critère éliminatoire prenant en compte la difficulté technique de la thanatopraxie n'est prévu. Ainsi, d'après certains organismes de formation, un candidat respectant les règles d'hygiène, de préparation du corps, et de mise en place de son matériel obtient plus d'un tiers des points à son examen sans même avoir commencé les gestes techniques de la thanatopraxie.

Proposition n° 42 : Revoir la grille d'évaluation des épreuves pratiques et prévoir des critères éliminatoires relatifs aux gestes techniques de la thanatopraxie.

Cette grille d'évaluation est complétée par les deux évaluateurs thanatopracteurs exerçant dans une entreprise habilitée, à l'occasion de la thanatopraxie effectuée par le candidat. Les six membres du jury qui sont thanatopracteurs sont aussi évaluateurs de la formation pratique. Les membres du jury délibèrent au regard des évaluations pratiques réalisées par les examinateurs nommés par le CNT. Seul le jury national chargé de l'examen des candidats au diplôme national de thanatopracteur dresse la liste des candidats admis.

Les conditions de nomination des évaluateurs sont fixées par le règlement intérieur du CNT 191 ( * ) . Elles prévoient que les évaluateurs répondent aux critères suivants : être thanatopracteur depuis au moins trois ans et titulaire du diplôme national de thanatopracteur ou être à la retraite depuis moins de cinq ans ou enfin, être membre du jury national de thanatopraxie. Les professionnels répondant à ces critères peuvent candidater spontanément auprès du CNT.

D'après les éléments portés à la connaissance de votre rapporteur, l'évaluation de la formation pratique a fait l'objet de graves dysfonctionnements au cours de la session 2017. Une dizaine de candidats à l'examen pour l'obtention du diplôme national de thanatopracteur 192 ( * ) ont en effet été évalués par l'un de leurs anciens formateurs. Ces dysfonctionnements ont été confirmés par les services de l'État. Compte tenu de cette situation, l'ensemble des candidats ayant réalisé leurs évaluations pratiques en 2017 a été évalué une seconde fois en 2018, afin de garantir l'égalité de traitement des candidats.

Cette situation , d'après de nombreuses personnes entendues par votre rapporteur, ne date pas de 2017 . De nombreux élèves seraient évalués par leurs propres formateurs. Votre rapporteur a d'ailleurs relevé des cas d'annulation des arrêtés de publication des candidats admis au diplôme 193 ( * ) . D'autres situations lui ont été rapportés dans lesquelles certains candidats ont pu repasser l'évaluation de la formation pratique après s'être plaints d'un manque d'impartialité de la part de l'un de leurs évaluateurs.

De tels dysfonctionnements sont de nature à faire peser un risque juridique sur le diplôme et, in fine , à dévaluer la qualité du diplôme qui est délivré .

Parmi les personnes entendues par votre rapporteur, tant les professionnels que les familles se rejoignent sur l'objectif d'éviter tout risque de collusion entre évaluateur et candidat. Votre rapporteur partage cet avis : les personnes qui évaluent l'épreuve pratique doivent être indépendantes et ne pas avoir formé le candidat au préalable pour pouvoir l'évaluer en toute impartialité .

Le Conseil d'État estime toutefois que la présence au jury d'un examen de qualification professionnelle - ce qu'est le diplôme national de thanatopracteur - de personnes ayant participé à la formation de candidats, n'est pas de nature, à elle seule, à porter atteinte au principe d'impartialité ni à celui d'égalité des candidats 194 ( * ) .

En l'état de la jurisprudence du Conseil d'État 195 ( * ) , il peut être établi la grille d'analyse suivante :

- la seule circonstance qu'un membre du jury d'examen professionnel connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu'il s'abstienne de participer aux délibérations qui concernent ce candidat ;

- en revanche, le respect du principe d'impartialité exige que s'abstienne de participer, de quelque manière que ce soit, aux interrogations qui concernent un candidat, un évaluateur qui aurait avec celui-ci des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation ;

- dans cette dernière hypothèse, un membre du jury qui a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l'impartialité requise, peut également s'abstenir de prendre part aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat ;

- en dehors de ces hypothèses, il incombe aux membres des jurys d'examen de siéger dans les jurys auxquels ils ont été nommés en application de la réglementation applicable.

En effet, un membre du jury qui s'abstiendrait de participer aux délibérations et aux interrogations de tous les candidats qu'il connaît sans que le respect du principe d'impartialité ne soit en cause, méconnaîtrait les prescriptions relatives à la composition dudit jury lorsqu'elle est définie par voie réglementaire, et la délibération du jury pourrait ainsi être annulée par le juge pour illégalité.

Dans une décision rendue en 1999 à propos du diplôme national de thanatopracteur, le Conseil d'État a ainsi jugé que la seule circonstance que deux des trois membres du sous-groupe du jury qui avait examiné l'épreuve pratique à laquelle était soumis le requérant soient membres d'un groupement d'écoles de formation dont le requérant n'est pas issu, n'était pas de nature à établir qu'ils ont manqué à leur devoir d'impartialité à son égard 196 ( * ) .

Compte tenu des irrégularités relevées depuis plusieurs sessions, les évaluateurs désignés par le CNT signent dès leur nomination, depuis 2018, une attestation par laquelle l'évaluateur s'engage à respecter les principes de neutralité et d'impartialité inhérents à sa fonction et dans laquelle doit être renseignée l'activité de l'évaluateur depuis les cinq dernières années 197 ( * ) .

Les membres du jury, désignés par le ministère de la santé, dont les six thanatopracteurs qui en sont membres, acceptent de fait cette impartialité. Ils s'engagent également par écrit à garder la plus grande discrétion sur l'élaboration des sujets ainsi que sur les délibérations.

Votre rapporteur estime toutefois indispensable d'aller plus loin en prenant plusieurs mesures permettant de mieux encadrer les règles de nomination des évaluateurs et d'organisation des évaluations de la formation pratique .

Il juge urgent d'agir en amont dans le choix des évaluateurs, et de proscrire l'évaluation d'un candidat par son propre formateur , même si le Conseil d'État juge que cette circonstance n'est pas de nature à elle seule à porter atteinte au principe d'impartialité, mais dépend des circonstances. Votre rapporteur estime que le risque de collusion est trop grand dans la situation actuelle. Il estime aussi indispensable de prévoir, de manière générale, des mécanismes de déport en cas de lien personnel ou professionnel entre un évaluateur et un candidat. La présence d'un évaluateur membre du jury national pour chaque candidat serait également un gage d'impartialité.

Il estime pour le moins excessif que la nomination comme évaluateur, une fois acquise, ne se perde que par la démission ou le décès.... Il juge donc opportun d' aligner la durée de la nomination des évaluateurs non membres du jury sur celle du jury , et de rendre publique leur liste, comme l'est celle du jury national. Dans la mesure où serait substitué un dispositif public au CNT les évaluateurs seraient nommés, comme le jury, par arrêté ministériel.

Votre rapporteur est toutefois conscient du vivier limité de thanatopracteurs susceptibles d'être évaluateurs. De plus, chaque évaluateur intervient dans une région qu'il connaît. Afin d'éviter, là encore, les risques de conflits d'intérêts, votre rapporteur suggère que les affectations d'évaluateurs soient aléatoires.

Enfin, pour faciliter la mise en oeuvre de ces mesures, votre rapporteur préconise d' améliorer le défraiement des évaluateurs .

Proposition n° 43 : Garantir l'impartialité et l'indépendance des évaluateurs de la formation pratique en :

- proscrivant l'évaluation d'un candidat par son propre formateur ;

- prévoyant la présence d'un évaluateur membre du jury national pour chaque candidat ;

- organisant des modalités de déport en cas de lien personnel ou professionnel entre un candidat et un évaluateur ;

- rendant publique la liste des évaluateurs désignés par voie d'arrêté ministériel ;

- organisant les évaluations sur le territoire de façon à limiter les conflits d'intérêts ;

- assurant un meilleur défraiement des évaluateurs.

La formation périodique des membres du jury et des évaluateurs à leurs fonctions semble aussi opportune à votre rapporteur. La publication d'un rapport du jury après chaque session, même bref, comme cela existe dans la plupart des concours ou examens organisés par les pouvoirs publics, permettrait également d'accroître la transparence sur les conditions de déroulement du diplôme.

Proposition n° 44 :  Former les membres du jury et les évaluateurs de la formation pratique à leurs fonctions.

Proposition n° 45 : Publier chaque année un rapport du jury présentant un bilan quantitatif et qualitatif de l'attribution du diplôme national de thanatopracteur.

Pour rendre plus transparentes les modalités d'organisation du diplôme et assurer l'accessibilité à tous des informations, votre rapporteur suggère une mise à jour régulière du site internet dédié au diplôme, ainsi que la publication des différents actes administratifs au Journal officiel , y compris la liste des candidats admis au diplôme. Votre rapporteur a relevé que la publication au Journal officiel qui prévalait auparavant a été remplacée par une publication au bulletin officiel des ministères, moins accessible et dont le délai de publication est moins régulier.

Proposition n° 46 : Rendre plus accessibles au public les informations relatives au diplôme national et publier au Journal officiel tous les actes administratifs, y compris la liste annuelle des thanatopracteurs diplômés.

Plusieurs professionnels du secteur funéraire et thanatopracteurs ont, s'agissant de l'organisation, regretté le délai d'attente trop long des résultats entre les premiers candidats qui ont subi l'évaluation de leur formation pratique et les derniers (huit mois environ). Votre rapporteur n'estime pas possible, à cet égard, de donner les résultats au fil de l'eau, compte tenu de l'exigence d'égalité de traitement entre les candidats. Il reconnaît toutefois qu'une rationalisation de l'organisation s'impose afin de réduire le délai.

Proposition n° 47 : Rationaliser le calendrier d'organisation du concours afin de délivrer le diplôme dans un meilleur délai que ce n'est le cas aujourd'hui.

Un consensus s'est aussi dégagé lors des auditions en faveur d'une augmentation, voire d'une suppression du numerus clausus .

Les services de l'État craignent qu'une suppression pure et simple n'entraîne un afflux de thanatopracteurs que le marché du travail ne pourrait absorber.

Votre rapporteur juge cette crainte quelque peu excessive mais estime le numerus clausus trop restrictif, dans la mesure où environ une dizaine de thanatopracteurs sur les soixante diplômés chaque année n'exercent finalement pas leur activité.

Plusieurs opérateurs funéraires ont également fait part à votre rapporteur d'une pénurie de thanatopracteurs, qui ont parfois des difficultés pour répondre à la demande actuelle. Le rajeunissement et la féminisation du métier, accompagnés d'une hausse de la proportion de thanatopracteurs changeant de métier en cours de carrière, laissent craindre un réel manque d'offre de soins de conservation à l'avenir.

Pour ces raisons, votre rapporteur préconise d'augmenter le numerus clausus de 10 à 15 % afin de diversifier l'offre de thanatopracteurs sur le territoire et de faire jouer la concurrence entre thanatopracteurs . Un ajustement plus fin pourra être effectué ultérieurement une fois les pouvoirs publics dotés des outils statistiques de suivi de la profession 198 ( * ) .

Proposition n° 48 : Relever le numerus clausus de 10 à 15 % pour permettre de diversifier l'offre de thanatopracteurs sur le territoire.

3. Garantir une formation professionnelle initiale rigoureuse et adaptée au sein des organismes publics ou privés

Il existe deux types d'organismes de formation en matière de thanatopraxie :

- les organismes de formation publics , rattachés aux unités de formation et de recherche (UFR) de médecine, qui font l'objet d'une autorisation préalable du conseil d'administration de l'UFR, pour délivrer des diplômes universitaires de thanatopraxie et sont parties prenantes des universités ;

- les organismes de formation privés en matière de thanatopraxie, qui sont soumis au régime de la formation professionnelle (articles L. 6351-1 et suivant du code du travail) ainsi que, comme le prévoit le droit commun, au régime de la déclaration d'activité auprès des services de l'État.

Votre rapporteur a rencontré sept organismes de formation, dont deux publics. Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont regretté un trop faible contrôle de l'État sur ces écoles.

En vertu de l'article L. 6361-2 du code du travail, l'État exerce un contrôle administratif et financier sur les organismes de formation par l'intermédiaire des services régionaux de contrôle des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). En application de l'article L. 6351-4 du code du travail, la déclaration d'activité peut être annulée par le préfet de région 199 ( * ) si les prestations réalisées ne correspondent pas aux actions de formation mentionnées à l'article L. 6313-1 du code du travail, si les dispositions relatives à la réalisation des actions de formation ne sont pas respectées ou si, après mise en demeure du prestataire de se mettre en conformité avec les textes applicables, l'une des dispositions relatives au fonctionnement des organismes de formation n'est pas respectée.

Les organismes de formation privés à la thanatopraxie sont donc soumis aux mêmes obligations qu'un organisme de formation professionnelle classique . En revanche, ils doivent aussi respecter la réglementation spécifique au diplôme national de thanatopracteur : durée de chaque module de formation obligatoire, validation des acquis de compétence, qualification des intervenants, moyens mis en oeuvre.

Dès lors le contrôle de ces organismes peut être exercé non seulement sur le fondement du code du travail mais aussi sur le fondement des dispositions de l'arrêté du 18 mai 2010 fixant les conditions d'organisation de la formation et de l'examen d'accès au diplôme national de thanatopracteur et des articles D. 2223-122 et suivants du code général des collectivités territoriales qui les concernent.

Or, d'après certaines personnes entendues par votre rapporteur, il semblerait que certaines écoles ne respectent pas leurs obligations concernant notamment la qualification des enseignants . Il en irait ainsi de l'obligation de faire intervenir un thanatopracteur diplômé pour la formation pratique de thanatopraxie, ou un enseignant universitaire en médecine pour les matières médicales (anatomie, médecine légale).

Votre rapporteur estime donc qu'il conviendrait de mener une campagne de contrôles dans ces écoles qui n'ont, pour la plupart, jamais été contrôlées depuis leur création .

Proposition n° 49 :  Mobiliser les DIRECCTE pour organiser une campagne de contrôle des organismes privés de formation au diplôme national de thanatopracteur.

Les écoles d'enseignement privé sont libres de fixer leurs tarifs. Dès lors, le prix moyen d'une session de formation théorique s'élève à environ 4 750 euros, et s'échelonne d'environ 1 000 euros pour les formations publiques à presque 8 000 euros pour la formation privée la plus onéreuse 200 ( * ) .

On peut d'ailleurs s'étonner d'une réelle disparité dans les prix demandés pour des formations qui reposent sur les mêmes programmes.

Compte tenu du coût, votre rapporteur estime que les candidats qui s'engagent dans une telle formation doivent le faire en toute connaissance de cause. Or, d'après plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, la méconnaissance de la réalité du métier de thanatopracteur et de ses contraintes conduit de nombreuses personnes à s'engager dans une formation coûteuse sans connaissance de la réalité du métier, ce qui conduit certaines personnes ayant effectué la formation théorique à renoncer peu de temps après avoir débuté la formation pratique.

Il serait bien plus efficient d' exiger le suivi d'un stage d'observation de courte durée auprès d'un thanatopracteur diplômé . Les candidats s'engageraient ainsi en toute connaissance de cause. Les écoles pourraient être chargées d'accompagner le candidat dans sa recherche de stage.

Votre rapporteur estime en revanche trop restrictif d'exiger des candidats qu'ils soient titulaires de certaines diplômes comme par exemple, le baccalauréat, comme l'imposent certains organismes de formation publics. Cela fermerait inutilement la porte du métier à certaines personnes en reconversion professionnelle ou moins qualifiées.

Proposition n° 50 : Imposer comme prérequis à l'inscription en formation au diplôme national de thanatopracteur le suivi d'un stage d'observation de courte durée auprès d'un thanatopracteur diplômé.

Pour assurer de meilleures chances de succès aux candidats, votre rapporteur préconise de généraliser et d'harmoniser les procédures de présélection que pratiquent déjà certains organismes de formation publics ou privés. Les modalités seraient à déterminer, tests écrits, entretien avec un thanatopracteur et un médecin légiste, votre rapporteur n'ayant pas d'opinion arrêtée sur la question mais préconisant plusieurs tests d'aptitude différents, communs à tous les organismes publics ou privés.

Proposition n° 51 : Mettre en place une procédure de présélection des candidats commune à tous les organismes publics ou privés qui proposent une formation au diplôme national de thanatopracteur.

Le programme de l'enseignement théorique de la formation de thanatopracteur est fixé par l'arrêté du 18 mai 2010 fixant les conditions d'organisation de la formation et de l'examen d'accès au diplôme national de thanatopracteur. La formation théorique comprend 195 heures minimum sur une durée de trois mois. L'examen des programmes actuels des différents organismes de formation montre d'importantes disparités dans les volumes horaires de formation théorique (allant de 195 à 399 heures).

Programme de l'enseignement théorique de la formation de thanatopracteur

Matière enseignée

Durée d'enseignement
(en nombre d'heures)

Théorie des soins de conservation

60

Anatomie

25

Médecine légale

25

Microbiologie, hygiène, toxicologie

20

Sécurité sanitaire, évaluation des risques sanitaires

15

Réglementation funéraire

15

Histologie, anatomie pathologique

10

Éléments de gestion

10

Sciences humaines de la mort, éléments de déontologie et d'éthique

15

Total

195

Source : arrêté du 18 mai 2010 fixant les conditions d'organisation de la formation
et de l'examen d'accès au diplôme national de thanatopracteur.

Un groupe de travail a été constitué au début de l'année 2018 au ministère de la santé, actuellement en charge de l'organisation du diplôme national de thanatopracteur, afin de réformer la formation des thanatopracteurs . Il s'agit notamment de revoir le programme de la formation théorique et d'en détailler le contenu afin d'harmoniser l'enseignement délivré dans les écoles. L'entrée en vigueur d'un nouveau programme serait prévue pour 2020.

À cette occasion, votre rapporteur formule plusieurs préconisations. Il considère en premier lieu indispensable :

- de détailler le contenu de chaque matière pour en harmoniser l'enseignement dans toutes les écoles ;

- de renforcer le nombre d'heures d'enseignement dans plusieurs matières : hygiène et prévention des risques professionnels, déontologie et réglementation funéraire, sans diminuer le nombre d'heures dédiées aux autres matières, notamment celles d'anatomie ou de médecine légale. Au total, selon votre rapporteur, la durée de la formation devrait être accrue d'un quart à un tiers du nombre d'heures minimal aujourd'hui requis (195 heures).

L'arrêté déterminant le futur programme de formation devra d'ailleurs être conjointement pris par les trois ministères compétents en matière de thanatopraxie, dont le ministère du travail, auparavant absent.

Proposition n° 52 :  Revoir le contenu du programme de la formation théorique et l'adapter aux besoins de la profession, en renforçant les modules sur l'hygiène et la prévention des risques professionnels, la déontologie et la réglementation funéraire, sans réduire le nombre d'heures consacrées à la médecine légale.

Proposition n° 53 :  Définir strictement les titres et diplômes requis pour enseigner les matières au programme de la formation théorique du diplôme national de thanatopraxie.

La formation pratique comprend la réalisation de cent thanatopraxies avec plusieurs maîtres de stage, dont l'une est évaluée au titre du diplôme national dès lors que le candidat est admis à l'issue de l'épreuve théorique. Elle comprend aussi vingt heures d'enseignement à l'art restauratif.

Votre rapporteur rappelle en réponse à certains récits faits devant lui, que le candidat n'a pas à rémunérer son maître de stage, ce qui devrait être une évidence, et que « les centres de formation des élèves thanatopracteurs sont responsables de la totalité des formation théorique et pratique et doivent s'assurer que chaque élève est suivi au moins par un maître de stage lorsqu'il est en formation pratique en entreprise » (article D. 2223-123 du code général des collectivités territoriales).

Il convient, en conséquence, pour assurer la sécurité juridique de cette formation pratique en milieu professionnel , de généraliser, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, la conclusion de conventions de stage tripartites entre l'organisme de formation, le stagiaire et l'organisme d'accueil, conformément au droit en vigueur.

Proposition n° 54 : Généraliser, pour la formation pratique en entreprise, la signature de conventions de stage tripartites entre l'organisme de formation, le stagiaire et l'organisme d'accueil.


* 183 Sauf dispositions transitoires prévues lors de la création du diplôme et conditions spécifiques pour les ressortissants de l'Union européenne (articles R. 2223-133 et suivants du code général des collectivités territoriales).

* 184 Auparavant, la condition de capacité professionnelle requise pour exercer l'activité de thanatopracteur était conditionnée par la réalisation d'une formation ad hoc .

* 185 Ses modalités d'obtention sont codifiées aux articles D. 2223-122 à D. 2223-131 du code général des collectivités territoriales.

* 186 Voir annexe 1 de l'arrêté du 18 mai 2010 fixant les conditions d'organisation de la formation et de l'examen d'accès au diplôme national de thanatopracteur.

* 187 Voir infra .

* 188 Par le ministre de l'intérieur et le ministre en charge de la santé, après avis du jury national de thanatopracteur et des organisations professionnelles représentées au Conseil national des opérations funéraires (article D. 2223-124 du code général des collectivités territoriales).

* 189 Le président du jury est un professeur de médecine ou une personnalité qualifiée.

* 190 Jusqu'en 2015, selon les informations communiquées à votre rapporteur, les écoles participaient même aux délibérations du jury pour déterminer les questions.

* 191 Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.cnt-france.net/files/downloads/2013-09-26_Reglement_Interieur.pdf

* 192 Ce qui représente une proportion non négligeable des candidats (environ 16 %).

* 193 Voir par exemple l'arrêté du 11 janvier 2013 fixant la liste des candidats ayant obtenu le diplôme national de thanatopracteur au titre de l'année 2012 annulé par un arrêté paru trois mois plus tard fixant une nouvelle liste (arrêté du 13 mars 2013 fixant la liste des candidats ayant obtenu le diplôme national de thanatopracteur).

* 194 Conseil d'État, quatrième sous-section jugeant seule, 17 avril 2013, n° 345988.

* 195 Conseil d'État, section, 18 juillet 2008, n° 291997.

* 196 Conseil d'État, quatrième et première sous-sections réunies, 10 mai 1999, n° 192560.

* 197 Les membres du jury, désignés par le ministère de la santé, dont les six thanatopracteurs qui en sont membres, acceptaient de fait cette impartialité. Ils s'engagent également par écrit à garder la plus grande discrétion sur l'élaboration des sujets ainsi que sur les délibérations.

* 198 Voir supra partie III.

* 199 La déclaration d'activité peut également devenir caduque lorsque les bilans pédagogiques et financiers que ces organismes doivent transmettre annuellement ne font apparaître aucune activité de formation ou lorsque ces bilans n'ont pas été adressés à l'autorité administrative.

* 200 Les conseillers Pôle emploi peuvent attribuer une aide individuelle à la formation (AIF) ou certaines collectivités territoriales - les régions notamment - pour contribuer au financement des frais pédagogiques d'une formation professionnelle.

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