AVANT-PROPOS

Très souvent, l'un des obstacles majeurs au dynamisme local est le trop plein de lois, lorsque celle-ci brident les énergies, encadrent les volontés et bloquent les projets. Depuis plusieurs années, nous menons au Sénat une action de simplification destinée à réduire cet obstacle. Nous avons notamment proposé d'alléger le droit de l'urbanisme 1 ( * ) que les maires, consultés, avaient pointé comme une source essentielle de complexité. Notre proposition de loi a été votée à l'unanimité du Sénat.

Nous avons aussi avancé des propositions novatrices en matière de maîtrise des normes sportives imposées aux collectivités territoriales 2 ( * ) , au travers d'une proposition de résolution, elle aussi votée à l'unanimité des présents.

Cette réduction du stock des normes qui entravent l'action des collectivités comme celle de nos concitoyens est une priorité pour notre délégation. Mais il faut bien avouer que le Gouvernement comme la majorité de l'Assemblée nationale peinent à avancer sur le sujet. Comme si le « choc de simplification », annoncé à grand bruit par un Président de la République, avait produit tous ses effets.

L'impression est davantage que les ministères et leurs administrations semblent dépassés par une tâche colossale à laquelle il leur faudrait consacrer d'importantes ressources. Mais, plus profondément encore, la simplification remet en cause le mode même de fonctionnement et la légitimité d'une administration centrale dont la fonction est trop souvent cantonnée à la production de la norme. En réalité, et c'est bien la difficulté, ralentir l'inflation normative impose de changer de mode de gouvernement et de rompre avec le modèle centralisateur, hiérarchique et déresponsabilisant qui est le nôtre depuis longtemps. À l'inverse, s'impose désormais un modèle fondé sur le dialogue avec les échelons locaux, soucieux des difficultés d'application des règles, et surtout sur l'absolue nécessité de redonner des marges aux acteurs locaux pour que puisse s'exprimer le dynamisme national.

Cette tâche de réduction drastique du flux et du stock de normes devra être reprise, en particulier si s'engage un nouveau processus de décentralisation, comme nous sommes nombreux à le souhaiter. En attendant, le Gouvernement a choisi une méthode beaucoup plus modeste pour simplifier. Ne pas modifier les normes, ne pas les simplifier donc, ne pas réduire le stock de normes, mais encourager l'échelon local de l'État, les préfets, à appliquer ces normes avec souplesse. Deux volets de cette politique ont été marquants depuis quelques années : le premier a consisté, par deux instructions du Premier ministre de 2013 et 2016, à demander aux préfets de mettre en oeuvre une « interprétation facilitatrice » des normes, le second à leur donner, par un décret du 29 décembre 2017, le pouvoir de déroger à certaines normes. Dans les deux cas, le principe est en fait le même, jouer avec une norme existante et qui demeure pour essayer de la contourner ou d'en exploiter les imprécisions.

Le grand avantage de cette méthode est qu'elle est simple et rapide, car toute d'exécution. Point n'est besoin de revoir les normes, ce qui est un travail de longue haleine et de haute technicité. Point n'est besoin non plus de s'engager dans des négociations fastidieuses et souvent décevantes avec les administrations centrales et les destinataires des textes. Un autre avantage est qu'elle est confortable pour le Gouvernement, qui n'a nul besoin de remettre en cause le fonctionnement des grandes directions de l'État, d'actualiser le mode de management des hauts fonctionnaires parisiens, ni d'assumer la responsabilité de remettre en cause le principe de précaution, si souvent au fondement des normes. Non, toute la tâche revient aux préfets et, avec elle, la responsabilité éventuelle.

L'immense inconvénient de ce dispositif est, bien sûr, qu'il ne règle pas les problèmes de fond et pourrait d'ailleurs en créer d'autres si un contentieux venait à naître de sa mise en oeuvre. Il ouvre par ailleurs de forts espaces potentiels d'inégalités selon les territoires. Surtout, il évite à l'État de véritablement s'interroger sur son fonctionnement.

Il n'en reste pas moins qu'il a le mérite d'exister. Notre délégation, sans procéder à une évaluation stricto sensu , qui serait probablement prématurée en ce qui concerne le décret de 2017 et difficile s'agissant des instructions de 2013 et 2016, a souhaité analyser leur application, ne serait-ce que pour mieux les faire connaître. Mais il nous faut, au préalable, rappeler avec une certaine solennité que la meilleure solution pour ne pas avoir à déroger aux normes serait d'en réduire le nombre et la complexité.


* 1 Proposition de loi n° 770 (2015-2016) portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l'urbanisme, de la construction et de l'aménagement, présentée par MM. François Calvet, Marc Daunis et Rémy Pointereau, adoptée par le Sénat le 2 novembre 2016.

* 2 Proposition de résolution n° 255 (2017-2018) tendant à mieux maîtriser le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à la pratique et aux équipements sportifs, présentée par MM. Dominique de Legge, Christian Manable et Michel Savin, adoptée par le Sénat le 28 mars 2018.

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