CONCLUSION

Dès l'avant-propos de notre précédent rapport, publié le 18 avril 2018, nous nous demandions si la prochaine réforme de la Politique agricole commune était d'ores et déjà mal partie.

Avec près d'une année supplémentaire de recul, nous avons désormais confirmation que les propositions avancées par la Commission européenne ne correspondent que fort peu aux préconisations du Sénat, voire en contredisent bon nombre des points essentiels.

Vos rapporteurs considèrent, en particulier, que les travaux et les échanges de vues des six derniers mois au sein des institutions européennes n'ont pas permis de dissiper leurs doutes, mais ont encore accentué leurs inquiétudes quant au nouveau mode de mise en oeuvre de la PAC tel que le conçoit la Commission européenne : il s'agit fondamentalement d'une fausse bonne idée, source de désillusions ultérieures, que les agriculteurs ne manqueraient pas de dénoncer très rapidement comme une « usine à gaz » s'ils venaient à en découvrir toute la complexité et les subtilités.

La principale question qui se pose désormais est la suivante : est-il encore temps d'éviter que cette initiative ne voie effectivement le jour ? Cela suppose, à tout le moins, que les parlements nationaux s'invitent dans ce débat et, s'agissant du Sénat, qu'une nouvelle proposition de résolution prenne position en marquant, sur ce point, un désaccord argumenté.

Pour le reste, les autres grandes orientations de la future réforme demeurent fort heureusement perfectibles , à la condition , cependant, que les États membres témoignent d'une volonté politique forte pour « faire bouger les lignes » , ainsi que pour conserver à la PAC des moyens budgétaires raisonnables et suffisants . Sur ce dernier point, nous entendons souligner avec force qu' il serait totalement incompatible de vouloir conduire la transition agro-environnementale de l'agriculture européenne , tout en réduisant ses ressources budgétaires : on ne pourra pas faire plus, avec moins, a fortiori dans un contexte d'accroissement des distorsions de concurrence au sein du marché unique ! Ce serait de surcroît une erreur géostratégique majeure allant à contre-courant des choix de nos concurrents.

En soumettant une troisième proposition de résolution européenne, venant compléter celles du 8 septembre 2017 et du 6 juin 2018, nous comptons poursuivre notre démarche de conviction dans un esprit constructif. Par là même, il s'agit aussi d'adresser un véritable signal d'alarme pendant qu'il en est encore temps.

En définitive, les grandes lignes de cette sixième réforme de la PAC depuis 1992, si elles en restaient aux termes proposés le 1 er juin 2018 par la Commission européenne, pourraient aboutir, in fine , à remettre en cause la substance même de la Politique agricole commune .

On ne peut d'ailleurs qu'être frappé par ce qui apparaît de plus en plus, hélas, comme un désintérêt pour la Politique agricole commune : si la PAC semble une priorité déclinante pour l'Union européenne, il en va tout autrement pour toutes les autres grandes puissances agricoles . La Chine, les États-Unis, la Russie et le Brésil ont fortement accru leurs soutiens au secteur depuis les années 2000. L'enjeu de la souveraineté alimentaire y est perçu, fort justement, comme stratégique. Sommes-nous collectivement, en Europe, sur le point d'abandonner nos ambitions en la matière ?

L'horizon de la Politique agricole commune est aujourd'hui synchronisé avec celui de chaque Cadre financier pluriannuel, dont la périodicité est amenée à passer de 7 à 5 années. Dans un contexte de raréfaction des ressources budgétaires disponibles de l'Union européenne, la PAC apparaît comme la probable victime toute désignée, à l'avenir, d'un processus pour ainsi dire permanent de réduction de son format, au profit des nouvelles priorités de l'Union.

Initialement annoncée, au moment de l'adoption du « règlement Omnibus » 2017-2393 du 13 décembre 2017, comme une simple évolution, la prochaine réforme de la PAC pourrait donc, sans que l'on en ait aujourd'hui vraiment conscience , être a contrario de grande ampleur , à l'instar de celle de 1992, voire marquer une rupture historique.

Au-delà des considérations budgétaires, tel est le péril - celui de la déconstruction progressive de la PAC d'ici à l'horizon 2027 - que nous devons aujourd'hui conjurer , au risque de voir la France, à cette échéance, ne plus, elle-même, avoir intérêt à défendre ce que serait alors devenue la Politique agricole commune.

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