PREMIERE PARTIE - LE SYSTÈME DE RETRAITE AUJOURD'HUI

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I. ATELIER 1 - UN SYSTÈME COMPLEXE MAIS EFFICACE ?

Cette table ronde est modérée par René-Paul Savary, rapporteur « assurance vieillesse » de la commission des affaires sociales du Sénat.

Interviennent :

Yannick Moreau , présidente du Comité de suivi des retraites

Antoine Durrleman , président de chambre à la Cour des comptes, maintenu en activité

Pierre-Louis Bras , président du Conseil d'orientation des retraites

François-Xavier Selleret , directeur général de l'Agirc-Arrco

René-Paul Savary, rapporteur « assurance vieillesse » de la commission des affaires sociales du Sénat . - Les retraites concernent plus de 14 millions de personnes actuellement pensionnées et représentent 330 milliards d'euros soit 14 % du PIB. Ces dépenses sont supérieures à celles de l'assurance maladie (245 milliards d'euros). Son ampleur est également sociétale, puisque toutes les tranches d'âge sont concernées, des enfants qui assureront la relève dans le cadre de la répartition et restent parfois au foyer jusqu'à 29 ans comme en Italie et en Suède avant de pouvoir cotiser, la population active, qui forme la base des cotisants, mais également les seniors, qui en sont les premiers bénéficiaires, avec des problèmes de fiscalité et d'emploi. Certains pays, dont la Suède, souhaitent allonger considérablement le temps de travail au regard de l'espérance de vie.

En France, 85 % de la population pense que le système de retraite n'apporte pas les meilleures garanties, alors que le niveau de vie moyen des retraités par rapport à celui des salariés est le plus important dans notre pays (104 % à 106 % en France contre 85 % en Suède). Les jeunes ne croient pas à cette retraite, alors que des mesures significatives ont été prises. Le déficit actuel, d'un montant de 4 à 5 milliards d'euros, est incomparable avec celui de 60 à 70 milliards d'euros qui aurait été obtenu sans réforme.

Ce système complexe est-il efficace ? Nous tenterons de répondre à cette question en présence de :

- Yannick Moreau, présidente du Comité de suivi des retraites, qui interviendra sur les objectifs du système de retraite, à savoir assurer un niveau de vie suffisant pour les retraités, que ce régime soit équilibré financièrement et équitable du point de vue intra et intergénérationnel ;

- Antoine Durrleman, ancien président de la 6 ème chambre à la Cour des comptes chargée de la sécurité sociale, qui a dirigé les rapports consacrés aux retraites ces dernières années, et présentera l'effet des différentes réformes des vingt-cinq dernières années sur la trajectoire financière des systèmes de retraite ;

- Pierre-Louis Bras, président du Conseil d'orientation des retraites depuis 2014, une instance enviée des autres pays européens, qui interviendra sur la question de la solidarité dans le système de retraite ;

- François-Xavier Selleret, directeur général de l'Agirc-Arrco, qui répondra à la question de la faisabilité technique et juridique d'un système par points en témoignant de l'expérience de l'Agirc-Arrco.

A. LE SYSTÈME DE RETRAITE REMPLIT-IL SES OBJECTIFS ?

Yannick Moreau, présidente du Comité de suivi des retraites . - Les objectifs du système de retraite se sont construits progressivement. Les premiers régimes de retraite avaient pour objectif de fidéliser les salariés ou de manifester une solidarité professionnelle. En 1945, l'objectif a été d'élargir le système de retraite à l'ensemble des actifs dans un objectif de solidarité entre actifs et retraités par catégories professionnelles. La tentative de Pierre Laroque d'unifier les régimes a, en effet, échoué au profit d'un régime général et de régimes spéciaux.

Dans les années 70, une volonté d'améliorer fortement la situation des retraités s'est affirmée à partir du constat que le montant des retraites restait très faible par rapport aux revenus d'activité. Des réformes importantes (ouverture de droits, baisse de l'âge) ont été entreprises dans les régimes de base et les régimes complémentaires sont devenus obligatoires. Ceci s'est fait sans qu'il soit possible de faire des projections précises sur l'impact financier de ces mesures et à un moment où l'augmentation de la durée de la vie n'était ni connue ni même pressentie.

L'objectif de stabilité financière émerge dans les années 80 avec le rapprochement de l'arrivée à la retraite des générations nombreuses (papy-boom) et la prise de conscience de l'allongement de la durée de vie. En 1991, le livre blanc sur les retraites explique ces données.

La première grande réforme de maîtrise des dépenses est menée en 1993. Générant des économies importantes, elle concerne le régime général, faisant apparaître les fonctionnaires et les régimes spéciaux comme favorisés. La question de l'équité entre cotisants devient un enjeu et les réformes qui suivent (2003-2008-2014) ont pour objectifs de consolider le financement et de rapprocher les régimes.

Les objectifs du système de retraite sont définis par la loi du 20 janvier 2014. L'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale en formule trois :

- un objectif de solidarité actifs/retraités et de niveau de vie des retraités suffisant ;

- un objectif de traitement équitable (entre générations, entre sexes, entre régimes) ;

- un objectif de pérennité financière du système.

Année après année, le COR vérifie l'atteinte de ces objectifs.

S'y ajoutent des objectifs implicites :

- bonne information de chaque actif sur sa situation (depuis la réforme de 2003) ;

- collaboration accentuée entre les régimes (pour l'information des assurés, puis pour la gestion avec la mise en oeuvre prévue par les réformes de 2010 et 2014 d'un répertoire de gestion des carrières uniques - RGCU) ;

- neutralité des effets des parcours professionnels.

Le système de retraite continue d'assurer un taux de remplacement conforme aux objectifs définis par la loi. Cette situation devrait se maintenir au cours des dix prochaines années. A plus long terme, cet objectif ne serait pas atteint si la croissance annuelle de la productivité devait être supérieure à 1,3 % en raison de l'indexation sur les prix.

Le niveau de vie des retraités continue, en moyenne, à s'améliorer par rapport au reste de la population, mais cette tendance devrait s'infléchir à partir des années 2020. Le niveau de vie ne baissera pas, mais il pourrait s'améliorer moins vite que celui des actifs.

Les réformes menées visent toutes à réduire les droits à la retraite pour rétablir l'équilibre du système. Les efforts portent à la fois sur les cotisants et les retraités, dont le niveau de vie reste favorable par rapport aux pays étrangers. La dégradation du niveau de vie relatif des retraités dépend en partie de la croissance.

L'objectif de stabilité financière est largement rempli. En pourcentage des dépenses, l'effet cumulé des réformes s'élève à 7 points de PIB. En revanche, l'incertitude demeure pour l'avenir. La situation d'équilibre des régimes de retraite varie, en effet, significativement selon les niveaux de croissance en raison de l'indexation retenue pour la revalorisation des droits à retraite. Les réformes n'ont pas été conçues pour assurer un équilibre financier indépendant de la croissance.

En ce qui concerne l'objectif de traitement équitable des assurés, il reste des progrès à effectuer entre hommes et femmes. Entre générations, l'équilibre est difficile à mesurer. Entre régimes, les règles des différents régimes de retraite ont été rapprochées : la fonction publique s'est rapprochée du secteur privé en 2003 et les régimes spéciaux ont été réformés en 2008 et 2014. La réforme de 2010 a concerné l'ensemble des assurés. Mais ces rapprochements sont difficiles à percevoir par les assurés en raison notamment des modes de calcul différents.

En conclusion, des évolutions importantes ont eu lieu depuis 1993, de manière cohérente dans le temps, même si chaque gouvernement a impliqué sa marque propre. La France a mené des réformes ayant des résultats très significatifs tant pour l'équilibre financier que pour l'équité entre assurés.

Pour autant, les interrogations subsistent sur la nécessité d'assurer un meilleur pilotage de l'équilibre, un rapprochement de la situation des Français et une plus grande lisibilité des règles. Le souhait qu'il reste possible aux différentes catégories professionnelles d'avoir une marge de liberté de choix reste présent.

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