E. SUITES LÉGISLATIVES DONNÉES AUX RAPPORTS D'INFORMATION PUBLIÉS PAR LA COMMISSION DES LOIS AU COURS DE L'ANNÉE PARLEMENTAIRE 2016-2017

5 rapports d'information ont été publiés par la commission des lois au cours de l'année parlementaire 2016-2017 :

- un rapport n° 24 (2016-2017) sur l'évolution de l'activité des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) en matière de secours à personne , de M. Pierre-Yves Collombat et Mme Catherine Troendlé, enregistré le 12 octobre 2016 136 ( * ) ;

- un rapport d'étape n° 438 (2016-2017) de la mission d'information « désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe », de Mmes Esther Benbassa et Catherine Troendlé, enregistré le 12 février 2017 137 ( * ) ;

- un rapport n° 485 (2016-2017) de la mission de suivi et de contrôle des dernières lois de réforme des collectivités territoriales , de MM. Mathieu Darnaud, René Vandierendonck, Pierre-Yves Collombat et Michel Mercier, enregistré le 29 mars 2017 138 ( * ) ;

- un rapport n° 495 (2016-2017) de la mission d'information sur le redressement de la justice , de M. Philippe Bas, président-rapporteur, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, enregistré le 4 avril 2017 139 ( * ) ;

- un rapport n° 633 (2016-2017) de la mission d'information « désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe », de Mmes Esther Benbassa et Catherine Troendlé, enregistré le 12 juillet 2017 140 ( * ) .

Trois d'entre eux ont reçu des suites législatives, même si toutes n'ont pas abouti.

1. Suites données au rapport de la mission de suivi et de contrôle des dernières lois de réforme des collectivités territoriales

Plusieurs préconisations du rapport d'information n° 485 (2016-2017) « Laisser respirer les territoires », issu des travaux de la mission de suivi et de contrôle des dernières lois de réforme des collectivités territoriales créée au sein de la commission des lois ont été reprises dans des textes législatifs.

Ainsi, les préconisations n os 4 « Faire de la région l'échelon stratégique en matière de développement économique et d'emploi, ce qui inclut la coordination des acteurs concernés, la formation professionnelle et les transports », 7 « Prévoir la faculté, pour les intercommunalités "XXL", à la demande de la majorité des communes membres ou des communes représentant au moins la moitié de la population, de saisir la commission départementale de coopération intercommunale pour modifier leur périmètre » et 11 « Préciser que la "solidarité territoriale" dont sont chargés les départements comprend la redynamisation des communes rurales ainsi que des villes petites et moyennes » pourraient trouver une traduction législative, sous une forme parfois amendée, par l'adoption de la proposition de loi n° 270 (2016-2017) relative à la vitalité de la démocratie locale et à l'équilibre des territoires , présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau, François Zocchetto, Mathieu Darnaud et Jean-Claude Lenoir 141 ( * ) .

Au cours de l'année parlementaire suivante, la préconisation n° 6, « Conforter la commune comme circonscription de base pour l'élection des conseillers communautaires et métropolitains », a trouvé sa traduction dans la proposition de loi n° 276 (2017-2018) relative à l'élection des conseillers métropolitains de Mme Mireille Jouve et plusieurs de ses collègues, déposée le 6 février 2018 et adoptée par le Sénat le 5 avril 2018, puisque ce texte tend à consacrer le principe d'une élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct par un système de fléchage, en supprimant l'article 54 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropole s , dite « MAPTAM ».

2. Suites données au rapport sur le désendoctrinement, le désembrigadement et la réinsertion des djihadistes en France et en Europe

Le rapport d'information n° 633 (2016-2017) de Mmes Esther Benbassa et Catherine Troendlé, relatif au désendoctrinement , au désembrigadement et à la réinsertion des djihadistes en France et en Europe , recommandait de « définir au niveau national un “ cahier des charges ” pour la sélection des organismes oeuvrant en matière de prévention de la radicalisation, de systématiser l'évaluation du contenu des programmes financés et de réduire progressivement leur nombre, de sorte à opter pour la qualité plutôt que la quantité ».

L' article 6 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme , issu d'un amendement présenté en séance publique au Sénat par Mmes Nathalie Goulet et Catherine Troendlé, réserve l'octroi de subventions publiques aux seules structures publiques de prévention de lutte contre la radicalisation remplissant les conditions fixées par un cahier des charges.

Conformément à la loi, un arrêté du ministre de l'intérieur du 3 avril 2018 précise le contenu de ce cahier des charges. Celui-ci fixe notamment les conditions relatives à l'organisation des structures menant des actions de prévention et de prise en charge de la radicalisation ainsi que les critères que doivent remplir les actions conduites par ces structures.

3. Suites données au rapport sur le redressement de la justice

Le rapport n° 495 (2016-2017) de la mission d'information sur le redressement de la justice a formulé 127 propositions constituant une réforme d'ensemble de la justice et s'articulant autour de quatre objectifs : réduire les délais de jugement, améliorer la qualité des décisions de justice, renforcer la proximité de l'institution judiciaire pour le justiciable et assurer l'effectivité de l'exécution des peines tout en accompagnant mieux les sorties d'incarcération.

42 propositions appelaient une intervention du législateur ordinaire ou organique , les autres une modification réglementaire, une évolution de l'organisation administrative ou des pratiques professionnelles, parfois une réflexion complémentaire. Ces 42 propositions ont été reprises dans une proposition de loi n° 641 (2016-2017) d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice et une proposition de loi organique n° 640 (2016-2017) pour le redressement de la justice, présentées le 18 juillet 2017 par M. Philippe Bas et adoptées par le Sénat le 24 octobre 2017 .

. Le redressement sur cinq ans des crédits et des effectifs de la justice

En premier lieu, la proposition de loi d'orientation et de programmation comporte une trajectoire de progression des crédits de la mission « Justice » sur cinq ans, selon un taux annuel moyen de 5 %, conformément aux préconisations de la mission d'information, soit une progression de 27,63 % sur la période entre la loi de finances initiale pour 2017 et 2022.

Sur la même période, la progression représenterait 15,93 % pour les crédits du programme « Justice judiciaire » et 46,14 % pour les crédits du programme « Administration pénitentiaire ».

La création de 15 000 places supplémentaires de prison, diversifiées, est incluse dans ce schéma.

Cette trajectoire budgétaire se décline aussi dans une progression des emplois sur cinq ans, afin notamment de résorber les vacances de postes de magistrats et de mettre à niveau les effectifs des services judiciaires et pénitentiaires, à la hauteur de l'évolution des besoins.

. Les réformes législatives d'organisation et de fonctionnement

En deuxième lieu, la proposition de loi d'orientation et de programmation comporte les mesures de réforme de niveau législatif ordinaire préconisées par la mission d'information.

Les principales d'entre elles sont les suivantes :

- maîtrise des innovations technologiques dans le domaine du droit et de la justice, en les mettant au service du justiciable et de l'amélioration du fonctionnement du service public de la justice, tout en limitant les risques de dérives, avec un encadrement plus précis de l' open data des décisions de justice et de son exploitation par les outils de « justice prédictive » (pour éviter, par exemple, que soit dressé le « profil » d'un juge), comme de l'activité des prestataires d'aide à la saisine des juridictions ou de résolution des litiges en ligne, ainsi que la mise en place d'un service public gratuit en ligne d'aide à la résolution amiable des litiges ;

- création progressive d'un tribunal unique départemental de première instance, regroupant le tribunal de grande instance et les tribunaux d'instance de son ressort, autour de la notion de taille efficiente de juridiction, sans remise en cause des implantations judiciaires actuelles (mise en place de chambres détachées), afin de simplifier l'accès au service public de la justice et renforcer sa proximité pour le justiciable dans le traitement des contentieux de la vie courante (traitement dans les chambres détachées du contentieux actuel du tribunal d'instance et du contentieux familial, qui relève aujourd'hui du tribunal de grande instance) ;

- renforcement de la conciliation, en donnant force exécutoire aux accords trouvés dans ce cadre et en permettant, en cas d'échec, au conciliateur de proposer une solution au juge pour trancher rapidement le litige, ainsi qu'en programmant le recrutement de 1 500 conciliateurs assorti de la revalorisation de leur situation matérielle ;

- mise en place de « délégués du juge », parmi les greffiers et les juristes assistants, auxquels serait déléguée la mission de conciliation du juge, contribuant au développement de l'équipe du juge ;

- constitution de véritables tribunaux des affaires économiques, en étendant la compétence et le collège électoral des tribunaux de commerce à l'ensemble des professionnels, en particulier les agriculteurs et les indépendants ;

- rétablissement de la contribution pour l'aide juridique en première instance, modulable de 20 à 50 euros, dont seraient exonérés les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle et certains contentieux touchant les personnes les plus faibles, pour assurer un financement structurel et durable du budget de l'aide juridictionnelle ;

- mise en place d'une consultation préalable obligatoire d'un avocat avant toute demande d'aide juridictionnelle, financée par l'augmentation du budget de l'aide juridictionnelle, pour assurer un filtre effectif dans l'attribution de l'aide juridictionnelle en fonction du bien-fondé de l'affaire ;

- mesures de clarification des procédures d'appel et de cassation en matière pénale : création d'une voie d'appel pour les contraventions de police, sanction des appels abusifs, ouverture de la possibilité d'un appel limité à la peine prononcée, représentation obligatoire par avocat devant la chambre criminelle de la Cour de cassation ;

- pour assurer l'effectivité de l'exécution des peines, suppression de l'examen obligatoire par le juge de l'application des peines de l'aménagement des peines inférieures ou égales à deux ans d'emprisonnement et restitution à la juridiction de jugement du pouvoir de décider s'il y a lieu d'aménager les peines qu'elle prononce, pour réaffirmer son rôle dans la détermination de la peine effectivement exécutée et redonner du sens à la peine ;

- possibilité de prononcer une obligation de suivi socio-judiciaire pour tous les condamnés à des peines d'emprisonnement, afin de mieux accompagner les sorties d'incarcération.

. Les objectifs et les priorités de la réforme de la justice

En dernier lieu, la proposition de loi d'orientation et de programmation présente, dans un rapport annexé, les objectifs et les priorités de la réforme de la justice sur cinq ans. Les réformes de nature réglementaire, organisationnelle ou pratique nécessaires au redressement de la justice sont développées dans ce rapport et correspondent aux préconisations de la mission d'information.

Les principales mesures non législatives sont les suivantes :

- création d'un référentiel d'activité pour les magistrats et renforcement de l'attractivité de certaines juridictions pour les magistrats et les fonctionnaires ;

- définition d'un programme pluriannuel de maintenance et d'entretien de l'immobilier judiciaire ;

- renforcement des fonctions stratégiques de pilotage, de coordination et d'évaluation exercées par le secrétariat général du ministère de la justice ;

- pour contenir l'inflation normative, développement des études d'impact au sein du ministère ;

- simplification et dématérialisation des procédures en matière civile ;

- mise à niveau de l'informatique judiciaire, en matières civile et pénale ;

- renforcement de l'autonomie budgétaire des juridictions ;

- mise en place d'un nouveau modèle de cour d'appel, reposant sur la notion de taille efficiente de juridiction, garantissant en conséquence la qualité des décisions rendues et la cohérence de l'action des parquets avec celle des services de l'État, sans pour autant calquer la carte des cours d'appel sur la carte des régions administratives ;

- poursuite des efforts de maîtrise des frais de justice.

Le rapport annexé prévoit également la création d'un nouveau type de contrat d'assurance de protection juridique, avec une prise en charge plus large en contrepartie d'un avantage fiscal.

. Les réformes structurelles de niveau organique

La proposition de loi organique pour le redressement de la justice comporte les mesures de niveau organique préconisées par la mission d'information, intéressant les crédits de l'autorité judiciaire et le statut de la magistrature.

Les principales d'entre elles sont les suivantes :

- sanctuarisation des crédits alloués à l'autorité judiciaire, autorité de rang constitutionnel, par une modification de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ;

- pour assurer une gestion plus fluide du corps de la magistrature, mise en place d'une durée minimale (trois ans, portés à quatre pour les fonctions spécialisées) et d'une durée maximale (dix ans) d'affectation des magistrats dans la même juridiction, permettant de limiter à la fois le turn-over excessif, justement dénoncé par le Conseil supérieur de la magistrature (20 % du corps chaque année), et les durées trop longues passées dans les mêmes fonctions ;

- mise en place de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats, permettant à un jeune magistrat du siège, sortant d'école, d'être placé auprès d'un magistrat expérimenté, dans le cadre ponctuel du traitement d'affaires complexes ou dans des postes créés à cette fin dans certaines juridictions spécialisées ;

- définition de critères de sélection pour la nomination des chefs de cour et chefs de juridiction, orientés sur les compétences d'administration et d'encadrement, et formation à la prise de fonctions.


* 136 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-024-notice.html

* 137 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-438-notice.html

* 138 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-485-notice.html

* 139 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html

* 140 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-633-notice.html

* 141 Plusieurs des dispositions de cette proposition de loi ont été reprises dans la proposition de loi n° 466 (2017-2018) relative à l'équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, qui doit être examinée par le Sénat au début du mois de juin 2018.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page