G. UN TAUX DE REMISE DES RAPPORTS QUI CONTINUE À ÊTRE FAIBLE

Lors du bilan de l'application des lois de l'année dernière, le Secrétaire général du Gouvernement avait indiqué « la nécessité de faire un effort sur ce poin t ». Votre rapporteur ne peut que constater le faible nombre de rapports remis - et souvent hors délai .

- Les rapports de l'article 67

L'article 67 de la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit dispose que « le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en application [d'une loi] à l'issue d'un délai de six mois » suivant la date de son entrée en vigueur. Ce rapport mentionne « les textes réglementaires publiés et les circulaires édictées pour la mise en oeuvre de ladite loi, ainsi que, le cas échéant, les dispositions de celle-ci qui n'ont pas fait l'objet de textes d'application nécessaires et en indique les motifs ».

Ces rapports doivent permettre d'informer le Parlement sur les mesures de toute nature - y compris celles n'entrant pas dans le taux de suivi de l'application des lois du gouvernement - prises au titre de la loi en question, mais aussi - et surtout - de lui indiquer les difficultés qu'il rencontre . Il en va ici aussi du respect de la volonté du législateur.

Or le nombre de rapports de l'article 67 remis est très faible. Seuls 5 sur les 26 lois de la session appelant des mesures d'application ont été déposés. En outre, ces derniers le sont souvent avec retard . Certes, le Secrétaire général du Gouvernement avait indiqué l'année dernière que « le délai de six mois n'est alors pas toujours le plus pertinent pour dresser le bilan de l'application de la loi », mais les délais peuvent être excessivement longs. Tel est le cas du rapport de l'article 67 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui a été remis au Sénat le 22 février 2017 - alors qu'il aurait dû être remis en avril 2014 ...

Au total, entre le 1 er octobre 2016 et le 17 mai 2018, 11 rapports de l'article 67 ont été remis - dont 6 portant sur des lois des sessions antérieures.

M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement, a indiqué qu'il allait rappeler aux directeurs d'administration centrale que ces rapports devaient être déposés dans un délai de 6 mois.

Votre rapporteure note toutefois un point positif, qui - elle l'espère - indique un engagement fort du nouveau Gouvernement : le rapport de l'article 67 pour les lois n°2017-1338 et n°2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a été remis le 16 avril 2018 - soit quasiment dans le délai des 6 mois.

- Les demandes de rapport au Gouvernement

Les demandes de rapport au Gouvernement aident le Parlement à mener à bien ses missions prévues par l'article 24 de la Constitution : voter la loi, contrôler le Gouvernement et évaluer les politiques publiques.

Au cours de la session 2016-2017, près de 70 rapports au Gouvernement ont été demandés, dont 48 devaient être remis avant le 20 mai 2018. Or, le taux de remise n'est que de 25%. Ces documents participent à l'information du Parlement dans le cadre de l'évaluation des politiques publiques. Notre collègue M. Claude Bérit-Débat avait déjà souligné dans le bilan d'application des lois de l'année dernière, le caractère préjudiciable de l'absence de retours de ces rapports, notamment lorsque le législateur « en application de l'article 37-1 de la Constitution, adopte des dispositions à caractère expérimental ». Et de souligner : « une telle démarche n'a de sens que s'il existe des moyens effectifs de mesurer les résultats des politiques publiques novatrices mises ponctuellement en place par ce biais ». Cette année encore, plusieurs dispositions législatives ont prévu la remise d'un rapport au Parlement à l'issue des expérimentations. Votre rapporteure espère que ces derniers seront effectivement remis. Dans le même ordre d'idée, Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture regrette l'absence de remise du rapport d'impact de l'extension des exceptions au principe de l'enseignement en langue française, mesure particulièrement discutée dans le cadre de l'examen de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche de juillet 2013. Elle note que « le retard atteint désormais près de deux ans, puisqu'il devait être présenté dans un délai de trois ans après la promulgation de la loi. Qu'on soit favorable ou pas à cette mesure, disposer d'une première évaluation serait fort utile dans un contexte de compétition accrue pour l'accueil des étudiants étrangers ».

Ce chiffre est d'autant plus préoccupant, que plusieurs commissions, à l'image de la commission des finances et de celles des affaires sociales, émettent souvent des avis défavorables à des demandes de rapport qui n'ont pour but que de contourner les interdictions de l'article 40 de la Constitution et n'ont pas de véritable vocation informative pour le Parlement. Ainsi, M. Alain Milon, lors de l'audition du Secrétaire général du Gouvernement a indiqué que sa commission avait supprimé 50 articles demandant des rapports lors de l'examen de la loi dite « Santé ». Votre rapporteure souhaite ainsi souligner que le Sénat ne demande pas systématiquement des rapports et se prononce souvent contre ceux non susceptibles de lui apporter des informations substantielles. Dans ces conditions, il souhaite pouvoir disposer de ceux qui ont été prévus par la loi.

Face à ce constat, certaines commissions ont ponctuellement réalisé elles-mêmes ces rapports . Ainsi, M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères et de la défense a regretté que « contrairement aux dispositions de [l'article 4] la loi de programmation militaire de 2013, nous n'ayons pas reçu le bilan annuel, politique, opérationnel et financier des opérations extérieures en cours que le Gouvernement doit nous transmettre chaque année. La commission a fait son propre bilan des OPEX dans un rapport d'information de juillet 2016 » .

Certains rapports sont remis avec un retard important . C'est notamment ce qu'a noté M. Vincent Éblé, président de la commission des finances : « après plusieurs années de protestation sur le manque d'information du Parlement, et l'engagement de Mme Gény-Stéphann en séance le 19 avril dernier, nous venons de recevoir le « jaune » annexé au projet de loi de finances de chaque année sur l'échange d'informations fiscales entre la France et ses partenaires .... pour les années 2015 et 2016. C'est un premier pas pour combler le retard accumulé, mais il faudra désormais que ces informations nous soient délivrées en temps utile pour être exploitées ».

Or, dans certains cas, sans aucune explication, ces rapports sont prêts mais ne sont pas transmis, comme l'a relevé Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques : « d'autres rapports restent quant à eux sur le bureau des ministres. C'est par exemple le cas du rapport demandé par l'article 32 de la loi « ALUR sur la mise en oeuvre d'un statut unique pour les établissements et services de la veille sociale, de l'hébergement et de l'accompagnement. Ce rapport est depuis le début de l'année 2017 sur le bureau du ministre chargé du logement en vue de sa transmission au Parlement. Malheureusement, nous attendons toujours... ». Or, ces rapports sont une source d'information importante pour le travail législatif, d'autant plus lorsqu'ils concernent le bilan d'une expérimentation. Ainsi, l'an dernier le Gouvernement avait indiqué avoir reçu un rapport établi par la Commission nationale du débat public, au terme de l'expérimentation prévue par l'article 3 de la loi du 27 décembre 2012 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public. Ce rapport n'est toujours pas transmis au Parlement. Or, le Gouvernement a tiré les conclusions de cette expérimentation dans le cadre de l'ordonnance n°2016-1060 du 3 août 2016.

Par ailleurs, comme nombre de ses collègues, votre rapporteure dénonce le fait que certains rapports ne soient pas transmis officiellement au Parlement, au motif qu'ils sont rendus publics. Or, le processus de transmission établi permet notamment de veiller à une information rapide des parlementaires sur l'existence de ces rapports. Interpellé à ce sujet, M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement a reconnu que cette situation n'était pas normale.

Face à ce constat, M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a indiqué que « mieux vaut dans certains cas avoir recours à d'autres procédures, comme les questionnaires budgétaires, qui sont envoyés chaque année, et auxquels le Gouvernement a l'obligation, en application de l'article 49 de la LOLF, de répondre avant le 10 octobre ». En outre, il a rappelé la possibilité « pour les commissions permanentes, de demander les prérogatives d'une commission d'enquête, qui permettent de demander une communication exhaustive de documents et rapports existants au Gouvernement ».

Entre le 1 er octobre 2016 et le 17 mai 2018, ce sont 190 rapports qui ont été remis au Sénat . Certains sont des rapports annuels, des rapports ponctuels prévus par un article législatif, des rapports dits de l'article 67, ou encore des tableaux de programmation des mesures d'application d'une loi. D'autres enfin sont des rapports non prévus par un texte . Tel est le cas du rapport relatif à la programmation militaire 2017-2019 reçu le 18 octobre 2016 par la commission des affaires étrangères et de la défense. Celui-ci présente les conséquences des décisions annoncées par le Président de la République lors du Congrès du 16 novembre 2015.

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