RAPPORT SUR LE PROJET DE CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS ENTRE L'ETAT ET FRANCE MÉDIAS MONDE 2016-2020

En application des dispositions de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication 1 ( * ) , le Secrétariat général du Gouvernement a transmis aux assemblées parlementaires, le 9 novembre 2017, un projet d'avenant au contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et la société nationale de programmes France Médias Monde, pour la période 2016-2020, aux fins de recueillir leur avis. S'agissant d'une société nationale de programmes dont l'activité principale consiste à diffuser à l'étranger des programmes d'information radiophoniques, télévisés et sur l'Internet, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées figure au nombre de celles appelées à formuler un avis.

À l'occasion de la réforme de ses actions de coopération, l'État a décidé de rapprocher CFI de FMM. Le contrat d'objectifs et de moyens conclu entre l'Etat et France Médias Monde fixait le principe de la constitution d'un pôle d'expertise dans le domaine de l'aide au développement des médias et par les médias par l'adossement de CFI à FMM. Le projet d'avenant sous examen en fixe les modalités.

I. LE CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS FIXAIT LE PRINCIPE DE LA CONSTITUTION D'UN PÔLE D'EXPERTISE

Le contrat envisage, à l'horizon 2018, l'adossement de CFI, organisme chargé de la coopération dans le domaine de l'audiovisuel, à France Médias Monde.

Canal France International

CFI est un opérateur public majoritairement financé par le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), dont la subvention annuelle, inscrite sur le programme budgétaire 209 - Solidarité avec les pays en développement - couvre environ 85 % de son budget. Son chiffre d'affaires est de l'ordre de 10 millions d'euros 2 ( * ) .

CFI dispose aujourd'hui de 32 salariés en CDI et de 10 salariés en CDD. La part importante de CDD est directement liée à la nature de l'activité de CFI, par projet.

CFI, qui a le statut d'une société anonyme, a, depuis 2004, pour actionnaires France Télévisions (75 %) et Arte France (25 %). Ces deux entreprises publiques sont associées à la gouvernance au niveau du conseil d'administration, mais ne participent pas à son financement.

Le mandat de CFI s'inscrit donc dans le cadre de la politique française d'aide publique au développement. Le MAEDI confie à CFI la mission de mettre en oeuvre sa politique d'appui au développement des médias publics et privés, et plus généralement du secteur audiovisuel dans une perspective tri-média, dans les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement. Ses objectifs demeurent la diffusion de l'information, la consolidation de la société civile et de l'Etat de droit et l'appui aux nouvelles démocraties ou « Etats fragiles ».

Les grandes orientations et priorités de la mission d'expertise confiée à CFI sont pilotées au travers d'une convention annuelle signée avec le MAEDI.

A. UN CHOIX DISCUTABLE ET DISCUTÉ

Selon les termes du contrat : « l'Etat considère que la coopération dans le secteur des médias est stratégique pour l'influence française, la diffusion de ses modèles et de ses valeurs de pluralisme et d'Etat de droit et que dans un environnement audiovisuel fortement concurrentiel, la France doit renforcer ses instruments afin d'améliorer sa capacité d'intervention ». Il mise sur « un dispositif plus intégré » qui «  permettrait d'articuler nos différents leviers d'action (diffusion et expertise médias) et estime que mieux identifiée dans les paysages audiovisuels étrangers, l'action de coopération pourra servir de levier pour promouvoir les intérêts de nos médias à vocation internationale. Le projet a pour ambition de rapprocher les forces des deux entités à l'instar des autres grands acteurs audiovisuels internationaux pour garantir la pérennité de l'activité d'aide au développement des médias en l'intégrant dans un dispositif unique et de lui donner un nouvel élan. (..). Cet ensemble reconfiguré aura vocation à travailler en étroite synergie avec de multiples acteurs, publics comme privés, français comme étrangers, et en particulier l'Institut National de l'Audiovisuel, qui développe son activité de formation à l'international, l'Agence française de développement et Expertise France. »

L'ensemble du processus de rapprochement entre CFI et FMM devant être finalisé au plus tard le 1 er janvier 2018, l'année 2017 devait constituer une année transitoire pour la mise en oeuvre des dispositions juridiques, sociales et financières ainsi que pour le volet immobilier.

Votre commission avait estimé que ce choix, plutôt que celui d'Expertise France, qui a vocation à regrouper toute l'offre d'expertise française et dispose d'une véritable compétence en matière de financement de ce type d'actions, ou de l'Institut national de l'audiovisuel, qui a une compétence reconnue en matière d'expertise et de formation, mériterait une évaluation complémentaire 3 ( * ) .

En effet, selon les termes de l'article 12 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, « l'Agence française d'expertise technique internationale a vocation à rassembler au 1 er janvier 2016 l'ensemble des opérateurs spécialisés de coopération technique, selon des modalités adaptées à leurs missions et statuts . Elle assure l'ensemble des fonctions transversales des opérateurs et comprend des départements thématiques. Elle dispose d'un fonds d'intervention pouvant prendre la forme d'un fonds de dotation » 4 ( * ) . Cette rédaction a été introduite lors de l'examen du texte par votre commission par un amendement de notre collègue Jacques Berthou, adopté à l'unanimité sur le rapport de nos collègues Christian Cambon et Jean-Claude Peyronnet. 5 ( * ) Il a reçu en séance publique l'accord du gouvernement 6 ( * ) .

Dans leur rapport sur le contrat d'objectifs et de moyens d'Expertise France en juin 2016 7 ( * ) , nos collègues Christian Cambon et Marie-Françoise Pérol-Dumont relevaient que « bien que la loi du 27 juillet 2010 ait prévu le regroupement de l'ensemble des opérateurs d'expertise à partir de 2016, plusieurs d'entre eux, dont certains sont d'une taille significative, continuent à exister parallèlement à Expertise France. Vos rapporteurs estiment qu'il n'existe pas d'objection de principe à l'achèvement de la réforme, la nouvelle agence ayant vocation à promouvoir l'expertise française dans l'ensemble des domaines. En outre, si la forte hausse du chiffre d'affaires d'Expertise France prévue pour 2016 est de nature à augmenter sa visibilité et à enclencher un cercle vertueux de croissance, cet organisme reste soumis à une forte concurrence de la part de ses homologues britannique, allemand, canadien ou encore chinois. Il reste donc nécessaire de rassembler toutes les forces de l'expertise française pour améliorer sa position dans la concurrence internationale . »

Ils relevaient toutefois les difficultés techniques liées au statut de certains opérateurs et la nécessité de consolider la situation financière et sociale d'Expertise France avant de poursuivre le processus de regroupement.

Votre commission considérait que la question méritait d'être étudiée de façon plus approfondie notamment sur un plan stratégique. Si l'objectif est de disposer d'un opérateur capable d'actionner les leviers financiers nécessaires pour mettre en place des missions en s'appuyant sur les compétences techniques qu'il sélectionne au sein des différents médias, le professionnalisme et le savoir-faire d'Expertise France s'imposent. Si l'objectif est de constituer un pôle audiovisuel d'expertise et de formation d'excellence, notamment sur le plan technique, capable d'intervenir auprès de médias en France ou à l'étranger, le choix de l'Institut national de l'audiovisuel est préférable, mais cela revient en fait à subventionner une partie de ses activités lorsqu'elles sont conduites dans le cadre de l'aide au développement.

Les arguments en faveur de France Médias Monde sont fondés sur la vocation internationale de ce média et sur sa visibilité, mais la formation et l'expertise, même si la société a mené quelques actions ponctuelles, ne sont pas ses métiers 8 ( * ) .


* 1 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=D4C871F6D2DD74D966306F76
0132113E.tpdila21v_2?idArticle=LEGIARTI000025076059&cidTexte=JORFTEXT000000512205&dateTexte=20131116&categorieLien=id&oldAction
=

* 2 En 2012, le chiffre d'affaires de CFI était de 16,9 M€. Il est de 10,1 M€ en 2017. Sur la même période, la subvention versée par le MEAE est passée de 14,1 M€ à 7,2 M€ (nette de réserve légale).Cette évolution traduit l'arrêt de l'activité de banque de programmes de CFI, l'arrêt de l'AITV et la réorientation du métier de CFI vers l'aide au développement médias à travers les actions de conseil, d'expertise, de formation.

* 3 Sénat - Rapport d'information n° 147(2016-2017) sur le COM 2016-2020 entre l'Etat et FMM par Mme Joëlle Garriaud-Maylam, p.24 http://www.senat.fr/rap/r16-147/r16-1470.html

* 4 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=67BB717D9A5D37194CDBBBB9
33C7887B.tpdila07v_2?idArticle=LEGIARTI000029212188&cidTexte=LEGITEXT000022522643&dateTexte=20161125

* 5 Rapport n° 490 (2013-2014) de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon sur le de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale http://www.senat.fr/rap/l13-490/l13-490.html

* 6 http://www.senat.fr/seances/s201405/s20140526/s20140526010.html

* 7 Rapport d'information n° 675 (2015-2016) de M. Christian Cambon et Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont « Expertise France : 3 ans pour devenir une référence internationale » http://www.senat.fr/rap/r15-675/r15-675_mono.html

* 8 L'Académie a vocation à intervenir auprès des télévisions et radios dans le monde pour apporter à leurs équipes l'expertise d'un groupe média international dans les domaines du journalisme, de l'image et de l'internet. Chaque intervention de l'Académie est construite sur mesure en fonction des besoins exprimés par les médias clients. Cette année, un important contrat pour la création d'une chaîne au Kurdistan a pesé pour 1/3 sur le total des recettes.

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