N° 683

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 juillet 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les sociétés d' accélération du transfert de technologies (SATT),

Par M. Philippe ADNOT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Claude Nougein, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les principales observations

1. Créées en 2010 dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) ont pour objet de répondre à certaines des lacunes du système de valorisation français : le manque de financement de la maturation et de la « preuve de concept », d'une part, des services de valorisation insuffisamment développés voire inexistants au sein des différents établissements de recherche, en particulier au sein des universités, d'autre part.

2. Après une mise en place parfois longue et tardive, 14 SATT sont désormais opérationnelles sur la quasi-totalité du territoire national (hors Normandie et outre-mer), avec des modes d'organisation et de fonctionnement variés et surtout des compétences très diverses , ce qui rend difficile les comparaisons.

Le choix de créer de nouvelles structures a entraîné d'importantes dépenses, avec notamment le recrutement de près de 800 personnes, dont plus de 500 permanents.

3. Les SATT répondent globalement à l'un des principaux objectifs qui leur étaient assignés en finançant la maturation et la « preuve de concept » . Entre 2012 et 2016, près de 215 millions d'euros ont ainsi été dépensés par les SATT , pour 1 388 projets soutenus . Ce montant intègre la pré-maturation et la protection de la propriété intellectuelle associée, en tenant compte des montants attribués aux projets mais aussi des autres coûts tels que les personnels des structures (hors dépenses support).

Elles ont également permis une professionnalisation des équipes de valorisation , du fait de la mutualisation des compétences et des moyens conférés.

En revanche, l'objectif de parvenir à un « guichet unique » dans le système de la valorisation n'est que partiellement atteint , tant au sein des universités qui ont parfois conservé certaines compétences et des structures propres, que des organismes de recherche dont les filiales de valorisation restent très actives. Une bonne coordination des SATT avec ces dernières doit être trouvée afin d'éviter les situations de blocage et de peser inutilement sur des projets à potentiel. La question de l'application de l'exclusivité de la valorisation des résultats de la recherche se pose également.

4. En termes de résultats, les SATT montent globalement en puissance , tant au regard du nombre de projets suivis que de signatures de licences ou encore de start-ups créées. Pour autant, elles ne parviennent pas nécessairement à atteindre les objectifs qui leur sont fixés et surtout les situations sont très hétérogènes entre les SATT.

Sans omettre la nécessité pour ces structures de parvenir à un rendement financier et les avantages de la mutualisation des moyens, l'exercice de nouvelles compétences par les SATT, en offrant d'autres prestations (contrats de recherche, gestion de plateformes technologiques, intégration d'incubateurs publics...), doit s'opérer avec prudence , avec l'assentiment des actionnaires et en conservant une priorité à la maturation et au transfert des projets qui en sont issus.

5. Malgré le développement de leur activité, les recettes de ces sociétés restent, pour l'heure, limitées , en particulier celles issues du transfert de technologies , avec seulement 15 millions d'euros sur l'ensemble de la période, un montant bien faible au regard des 215 millions d'euros engagés.

Les recettes de prestations sont, quant à elles, très variables en fonction des compétences assurées par les SATT et restent, pour partie, encore issues du financement de prestations par le Fonds national de valorisation (5 % de la dotation allouée au maximum). Ce mécanisme, qui visait à développer les relations entre les sociétés et leurs actionnaires tout en favorisant l'activité de ces nouvelles structures, avait en réalité tout d'une « fausse bonne idée » .

6. Toutes les SATT ne remplissent pas nécessairement les critères qui constituent pourtant les conditions de leur réussite : un affectio societatis fort, une intégration dans un écosystème cohérent et un président incontesté, indépendant et connaissant suffisamment le fonctionnement de l'entreprise privée . Par ailleurs, leurs procédures restent parfois perçues comme complexes et lourdes .

7. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le bilan des SATT reste, pour le moment, contrasté même s'il est encore trop tôt pour juger pleinement de leurs résultats et de leur pertinence au regard de la « manne » financière mise au service du transfert de technologies par le PIA.

Toutes les SATT enregistrent, depuis leur création, une perte dans leur résultat d'exploitation et à l'heure actuelle, il est largement admis que les SATT ne parviendront pas à atteindre l'équilibre financier à 10 ans qui leur avait été demandé à leur création, à de très rares exceptions. Cet objectif est d'ailleurs apparu comme assez peu réaliste et ayant pu avoir des effets contre productifs sur le choix des projets soutenus.

Si quelques SATT semblent en voie de démontrer qu'elles peuvent fonctionner efficacement, la plupart d'entre elles doivent encore faire leurs preuves . En outre, les importantes difficultés rencontrées par quelques-unes ne peuvent être niées et font douter de leur viabilité.

8. Certes, l'intention de valoriser la recherche publique et de couvrir tout le territoire était louable, mais il aurait été probablement plus pertinent de ne développer qu'un nombre réduit de SATT présentant les plus grandes garanties de performances à titre d'expérimentation avant de les généraliser , voire de confier la dépense de maturation à des services de valorisation déjà bien implantés plutôt que de créer de nouvelles structures.

L'expérimentation réalisée à l'heure actuelle en Normandie, en se fondant sur un service de valorisation au niveau de la communauté d'universités et établissements (COMUE) semble, à ce titre, plutôt pertinente. Sur ce même type de modèle, des dispositifs plus restreints et surtout plus souples devraient d'ailleurs pouvoir être mis en oeuvre sur les territoires où les SATT peinent à développer leur activité et à s'implanter au sein de leur écosystème .

9. L'avenir des SATT, notamment de certaines d'entre elles, reste incertain . La question de leur financement à l'issue du PIA 1 est notamment posée , l'enveloppe supplémentaire de 200 millions d'euros prévue dans le PIA 3 ne devant a priori servir qu'aux plus performantes. Rien ne semble prévu pour les autres.

10. Le présent contrôle a également été l'occasion d'identifier, même pour les SATT qui fonctionnent plutôt bien, des pistes d'amélioration , notamment pour permettre à ces structures de se tourner davantage vers le secteur économique .

Par ailleurs, au-delà des SATT, des obstacles restent à lever afin de favoriser le développement de la valorisation de la recherche en France . Il convient en particulier de simplifier le paysage de la valorisation et de l'innovation et, plus globalement, de poursuivre les efforts de rapprochements entre les chercheurs et les entreprises . Toutes les conditions doivent également être réunies pour qu'une fois la valorisation lancée, les projets soutenus aboutissent réellement, à la fois par la création de start-ups dont le financement doit être sécurisé mais surtout en s'appuyant sur le dynamisme du tissu économique , notamment des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Les principales recommandations

Des évolutions possibles et souhaitables pour rendre les structures plus efficaces

Recommandation n° 1 : Garantir une plus grande proximité avec les chercheurs, afin d'améliorer la détection, de sensibiliser les chercheurs à la valorisation des résultats de leur travaux et de renforcer le suivi des projets. En particulier, développer les dispositifs de relais au sein des établissements de recherche, dans les unités de recherche, en désignant par exemple un référent pour les SATT parmi les chercheurs.

Recommandation n° 2 : Développer la détection et ensuite le transfert de technologies dans certains domaines de recherche apparaissant davantage sous-exploités, par exemple les sciences humaines et sociales.

Recommandation n° 3 : Pour augmenter les chances de réussite et renforcer les liens entre les SATT, les chercheurs et le secteur économique :

- garantir la présence des chercheurs à chaque étape du transfert, en particulier lors de la sélection du projet par le comité d'investissement ou encore pour rencontrer les entreprises intéressées par la technologie transférée ;

- dans la mesure du possible, prévoir qu'un chargé de transfert de technologies assure le suivi du projet du début à la fin du processus.

Recommandation n° 4 : Sans omettre le fait que les SATT doivent se doter d'un modèle financier pérenne et de ressources complémentaires, conserver le principe d'une activité principale de maturation et de transfert des projets soutenus, en veillant à ce que les SATT ne multiplient pas trop les activités annexes, au risque de « se disperser » et de « diluer » l'objectif premier qui leur était fixé.

À ce titre, envisager avec prudence le développement des compétences nouvelles, en particulier l'intégration éventuelle de l'activité des incubateurs de la recherche publique.

Recommandation n° 5 : Renforcer le pilotage national, notamment par une fiabilisation et une stabilisation des données disponibles sur l'activité et les résultats de l'ensemble des SATT.

Recommandation n° 6 : Prévoir la représentation des SATT au sein du comité national de gestion, en s'appuyant par exemple sur le réseau des SATT pour désigner la personne idoine.

Recommandation n° 7 : Progresser dans le développement du réseau des SATT, en particulier pour :

- permettre un plus grand partage entre elles des « bonnes pratiques », tant en termes d'organisation que de fonctionnement et de méthodes de travail, sans remettre en cause la liberté de chacune ni empiéter sur le secret des affaires ;

- favoriser la mutualisation des compétences et des moyens développés par les SATT, notamment pour s'appuyer sur l'expertise technique ou juridique développée par l'un ou l'autre des employés d'une SATT (par exemple dans le domaine de la propriété intellectuelle).

Recommandation n° 8 : Poursuivre les efforts de coordination avec les organismes de recherche et leurs filiales de transfert et trouver des moyens de travailler avec efficacité et souplesse, y compris dans les procédures mises en place.

Recommandation n° 9 : Favoriser les interactions entre les SATT et l'ensemble des acteurs de la valorisation, notamment les structures également financées par le PIA.

Recommandation n° 10 : Encourager la co-maturation afin d'associer au plus tôt les entreprises intéressées par les résultats d'une recherche et de garantir une « preuve de concept » optimale.

Recommandation n° 11 : Afin d'améliorer la stratégie développée par les SATT pour le transfert de technologies ainsi que le fonctionnement de ces sociétés privées, nommer rapidement un ou des membres experts du secteur économique au sein des conseils d'administration des SATT.

Recommandation n° 12 : Pour faciliter le transfert de technologies, inciter les SATT à identifier les demandes du marché (« market pull ») auprès des entreprises présentes sur leur territoire en complément de la recherche de commercialisation des projets issus de laboratoires.

Recommandation n° 13 : À défaut de transfert à la SATT de la gestion des contrats de recherche, celle-ci doit a minima être informée des accords existants entre les entreprises implantées sur son territoire et ses actionnaires. Plus globalement, afin d'optimiser la connaissance par les acteurs du tissu économique local et des besoins identifiés au sein des entreprises, les relations entre les SATT et les unités de valorisation restées dans les universités devraient être plus fluides.

Envisager l'avenir pour lever les incertitudes pesant sur les SATT

Recommandation n° 14 : S'agissant de l'avenir des SATT à plus long terme, mener une réflexion, au niveau du comité de pilotage et du Commissariat général à l'investissement, sur l'avenir des SATT d'ici à la fin du financement par le PIA et envisager les solutions possibles dans le cas où elles ne pourraient poursuivre leur activité sans enveloppe supplémentaire.

Recommandation n° 15 : S'interroger sur la possibilité offerte aux SATT de bénéficier du crédit d'impôt recherche (CIR) en leur qualité de sociétés privées, même si leurs financements sont très largement publics.

Recommandation n° 16 : En remplacement des SATT qui ne fonctionneraient pas et ne parviendraient pas à développer efficacement leur activité, notamment en raison de la couverture d'un territoire trop important, créer des structures plus légères reposant directement sur les établissements universitaires - par exemple, au niveau d'une COMUE, d'un regroupement d'établissements - et faire appel à d'autres SATT en tant que de besoin, par exemple pour des questions de propriété intellectuelle spécifiques à un domaine.

Au-delà des SATT, lever certains obstacles pour favoriser la valorisation

Recommandation n° 17 : Déployer des actions de sensibilisation auprès des laboratoires et des entreprises, notamment en organisant des rencontres au sein des laboratoires et en présentant des « success stories », afin d'encourager la valorisation des résultats de la recherche publique et de lutter contre la méconnaissance voire les réticences de certains chercheurs.

Recommandation n° 18 : Simplifier et rationaliser le paysage de la valorisation et de l'innovation.

Recommandation n° 19 : Faciliter le partage de copropriété entre les établissements et les organismes de recherche dans le cadre des projets issus des unités mixtes de recherche.

Recommandation n° 20 : Afin que les efforts fournis en termes de valorisation portent leurs fruits et se concrétisent par le développement d'une réelle activité économique :

- maintenir le principe selon lequel la création de start-up ne doit pas constituer une solution systématiquement privilégiée et déterminer pour chaque projet le moyen le plus adapté pour le valoriser ;

- s'appuyer sur le tissu économique existant, en particulier les PME en quête d'innovation pour leur développement ;

- sécuriser le financement des jeunes entreprises nouvellement créées, en particulier dans leurs premières phases de développement.

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