II. VISITE DES ORGANES DU CONSEIL DE L'EUROPE - STRASBOURG, LES 1ER ET 2 DÉCEMBRE 2016

Des membres de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe se sont rendus à Strasbourg pour rencontrer des représentants de différents organes du Conseil de l'Europe, poursuivant ainsi le cycle de visites commencé en mai 2015. À cette occasion, les membres de la délégation ont pu mesurer la diversité et la richesse des actions menées par les différents organes du Conseil de l'Europe.

A. LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ

1. Le GRECO

Le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) a été créé en 1999 et comprend 49 États membres, dont la Biélorussie et les États-Unis d'Amérique.

Le GRECO procède par cycles d'évaluation thématiques. Le 4 ème cycle d'évaluation, actuellement en cours, s'intitule « Prévention de la corruption des parlementaires, juges et procureurs » . Le 5 ème , qui débutera en mars 2017, s'intitulera « Prévention de la corruption et promotion de l'intégrité au sein des gouvernements centraux (hautes fonctions de l'exécutif) et des services répressifs ».

Le suivi effectué par le GRECO comprend deux phases :

- une évaluation de tous les membres dans le cadre d'un cycle d'évaluation aboutissant à des recommandations, les pays ayant 18 mois pour les mettre en oeuvre ;

- une procédure de conformité pour contrôler la mise en oeuvre de ses recommandations.

Le GRECO se réunit en séance plénière 4 fois par an pour examiner la situation de chaque pays et voir comment les recommandations ont été traitées.

Les rapports du GRECO ne sont publiés qu'après accord de l'État concerné (tous les États sauf la Biélorussie ont jusqu'ici accepté la levée de la confidentialité).

Dans son rapport sur le 4 ème cycle d'évaluation, le GRECO a émis une série de recommandations concernant le Parlement français :

- faciliter l'accessibilité, sans réserves, à l'ensemble du public des déclarations de patrimoine des députés et sénateurs ;

- réformer le dispositif de la réserve parlementaire en profondeur afin de garantir la transparence, la responsabilité et le contrôle de ces ressources ; recommandation partiellement mise en oeuvre ;

- appliquer plus de transparence concernant l'utilisation de l'IRFM ;

- appliquer une réglementation plus rigoureuse en ce qui concerne les cadeaux et avantages consentis aux parlementaires.

Ces recommandations avaient été reprises par le rapport de la Commission de suivi sur la France qui a été examiné lors de cette partie de session. La délégation française avait fait part de ses observations.

Le GRECO a alors informé la délégation que sur les 11 recommandations faites à la France, 2 avaient fait l'objet de lois ou de modifications du Règlement des Assemblées, 5 avaient été traitées partiellement et 4 étaient en attente de traitement. Parmi ces recommandations, sur les 6 concernant plus particulièrement le Parlement, 2 avaient fait l'objet de lois ou de modifications du Règlement des Assemblées, 3 avaient été traitées partiellement et une n'était pas encore traitée (point concernant la publicité des déclarations de patrimoine des parlementaires).

En réponse aux questions des membres de la délégation, le GRECO a précisé que l'Union européenne n'était pas candidate pour adhérer au GRECO. Il a également souligné qu'il n'y avait pas pour l'instant de contrôle sur l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le statut ne le prévoyant pas explicitement mais qu'il serait possible, si une demande émanait de l'APCE, d'inclure celle-ci dans les cycles d'évaluation.

2. MONEYVAL

La lutte contre le blanchiment d'argent sale doit être globale. Les normes sont établies par le GAFI 1 ( * ) (groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux).

Qui est membre de MONEYVAL ?

L'évaluation de MONEYVAL vise actuellement, en vertu de l'article 2 du Statut de MONEYVAL :

- les États membres du Conseil de l'Europe qui ne sont pas membres du GAFI (article 2.2a du Statut) et les États membres du Conseil de l'Europe qui deviennent membres du GAFI et qui demandent à continuer à être évalués par MONEYVAL (article 2.2b du Statut).

- Israël ;

- le Saint-Siège (y compris l'État de la Cité du Vatican) en vertu de la Résolution CM/Res (2011) 5 ;

- les Dépendances de la Couronne britannique de Guernesey, Jersey et de l'île de Man en vertu de la Résolution CM/Res (2012) 6 ;

- le Territoire britannique d'outre-mer Gibraltar en vertu de la Résolution CM/Res (2015) 26.

Créé en 1997, MONEYVAL fêtera bientôt son vingtième anniversaire. MONEYVAL tient 3 séances plénières par an et en est à son cinquième cycle d'évaluation, effectué sur la base de visites de deux semaines. Lors de ces cycles, sont étudiées les lois en vigueur mais aussi leur efficacité.

Le crime organisé est de plus en plus sophistiqué. Le financement du terrorisme est l'un des grands défis auxquels doit faire face MONEYVAL, et c'est une très bonne chose que l'APCE soit également active sur ce dossier.

MONEYVAL fait un suivi de la mise en oeuvre de ses recommandations. Si les avancées sont insuffisantes, il peut être décidé d'avoir recours à la procédure renforcée.

La procédure est la suivante :

- lettre du Secrétaire général du Conseil de l'Europe au ministre des finances du pays concerné ;

- envoi d'une mission à haut niveau auprès du ministre des finances du pays concerné ;

- déclaration publique ;

- demande au GAFI d'accroître la pression, par exemple en inscrivant le pays sur la liste grise ou la liste noire. Seuls deux pays sont inscrits sur la liste noire, l'Iran et la Corée du Nord.

Ces rapports sont lus par le secteur financier et les entreprises et peuvent avoir des conséquences très négatives pour le pays.

En réponse à une question, il a été précisé que MONEYVAL est en quelque sorte le correspondant régional du GAFI. En même temps, c'est un organe du Conseil de l'Europe.

Il a été indiqué que la France était très active au sein de MONEYVAL.

Aujourd'hui MONEYVAL souffre d'un problème de ressources humaines. La rotation est trop importante. S'agissant de la lutte contre le blanchiment, la difficulté est aggravée lorsque la justice est elle-même corrompue. Il n'est pas possible de séparer droits de l'Homme et lutte contre le blanchiment. Avant d'effectuer un cycle d'évaluation, MONEYVAL fait une étude complète des problématiques liées aux pays évalués et se concentre sur des priorités.

Sur le financement du terrorisme, il est intéressant de relever que 80 % des États ont une législation le pénalisant. Le problème est son application. Des États n'ayant pas subi d'actions terroristes sur leur sol sont moins impliqués. Autre problème, les sanctions ciblées décidées par le Conseil de Sécurité. Elles entraînent une obligation de blocage en quelques heures. Il faut concilier cela avec les procédures de l'Union européenne et la protection des droits de l'Homme (droit à un recours et à un procès équitable). Il est à noter que l'Arabie Saoudite est en train d'adhérer au GAFI.

3. Lutte contre la cybercriminalité

Le Conseil de l'Europe lutte contre la cybercriminalité par le biais de la convention éponyme, dite Convention de Budapest, et de son Protocole sur l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques. Aujourd'hui moins de 1 % des actes de cybercriminalité sont rapportés et font l'objet d'une enquête.

En novembre 2016, 50 États sont devenus parties à cette Convention. D'autres États se sont engagés à y adhérer ou sont invités à y adhérer et 20 s'en sont inspirés pour l'élaboration de leur cadre législatif national. Au total, 120 pays, soit près des 2/3 des États du monde ont un lien avec la Convention sur la cybercriminalité, ce qui facilite considérablement la coopération policière et judiciaire.

La Convention de Budapest est le seul instrument international existant avec un mécanisme, les « notes d'orientation », qui lui permet d'être toujours à jour. Ces notes règlent des questions d'interprétation à la lumière de problèmes récents, tels que « le vol d'identité » ou « les nouvelles formes de logiciel malveillants » ou, dernièrement sur le terrorisme. Ces notes sont adoptées par le Comité de la Convention sur la cybercriminalité.

L'Union européenne est le plus grand fournisseur de soutien financier à ces activités de coopération.

La Convention de Budapest comporte trois volets de mesures à prendre par les États parties. Tout d'abord un volet de droit pénal matériel, avec par exemple un article 2 sur l'accès illégal, ainsi rédigé :

« Chaque Partie adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne, l'accès intentionnel et sans droit à tout ou partie d'un système informatique. Une Partie peut exiger que l'infraction soit commise en violation des mesures de sécurité, dans l'intention d'obtenir des données informatiques ou dans une autre intention délictueuse, ou soit en relation avec un système informatique connecté à un autre système informatique. »

Elle comporte ensuite un volet procédural, avec, par exemple, un article 18 sur l'injonction de produire, qui a pour but de surmonter l'obstacle lié à la territorialité des fournisseurs d'accès. Elle comporte enfin un volet sur la coopération internationale.

Le fonctionnement de la Convention est évalué par cycle. Le second cycle d'évaluation portait sur l'entraide judiciaire.

L'intérêt d'une telle convention tient à la nature même du « Cloud », ce nuage étant en réalité un réseau d'ordinateurs interconnectés de par le monde. Par exemple, pour tout le Moyen-Orient, ce « cloud » est situé dans un immeuble de 7 étages à Tel-Aviv.

Dans ces conditions, la territorialité devient obsolète et le problème est alors d'obtenir la preuve, en commençant pas savoir où sont les données...

L'obtention des données s'effectue soit par l'entraide judiciaire, soit par la coopération directe avec les fournisseurs de service.

Pour faciliter l'accès aux données, le Comité propose de distinguer les données relatives à l'abonné, celles relatives au trafic (à quelle heure et où ?) de celles relatives au contenu les plus sensibles. Une procédure de droit commun exige 6 mois à 1 an pour avoir les données, ce qui est beaucoup trop long.

Il est à noter que dans des affaires de terrorisme, les fournisseurs américains ont accepté une divulgation volontaire.

Mais tout ne se passe pas toujours ainsi et, dans une affaire qualifiée de vie et de mort par un procureur italien, What's App a refusé tout coopération. Et les six grands fournisseurs sont basés aux États-Unis... Il faut en même temps être conscient qu'ils reçoivent des dizaines de milliers de demandes chaque année ! Plusieurs pistes sont à l'étude pour améliorer la situation.

Un Bureau de programme du Conseil de l'Europe en cybercriminalité (C-PROC) a été créé en Roumanie en vue d'assurer la mise en oeuvre, dans le monde entier, des projets du Conseil de l'Europe visant au renforcement des capacités en matière de lutte contre la cybercriminalité.


* 1 Créé par le Sommet du G7 qui s'est tenu à Paris en 1989 et dont le secrétariat est assuré par l'OCDE.

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