LES DONNÉES RÉCAPITULATIVES
DE LA MISE EN APPLICATION DES LOIS

Le tableau ci-après récapitule les principaux indicateurs de la mise en application des lois de la précédente session 2 ( * ) , promulguées du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015.

Nombre de lois (a) promulguées durant l'année parlementaire de référence

43

Pourcentage des lois de la XIV ème législature (b) mises en application totale ou partielle

99 %

Taux d'application des lois de la XIV ème législature (en nombre de mesures) (c)

80 %

Taux d'application des lois de l'année parlementaire (pourcentage de parution des textes d'application nécessaires à la mise en oeuvre des mesures législatives)

62 %

Présentation des rapports demandés (période 2005-2015) (d)

- nombre de lois ayant prescrit un ou plusieurs rapports

- pourcentage de lois ayant reçu un ou plusieurs rapports

198

59 %

(a) Hors lois de ratification ou d'approbation de conventions internationales

(b) Période du 20 juin 2012 au 30 septembre 2015 - pourcentage en nombre de lois

(c) Pourcentage communiqué au Conseil des ministres du 6 avril 2016.

(d) Lois promulguées du 1 er janvier 2005 au 30 décembre 2015 - Décompte hors rapports « de l'article 67 »

1. Session 2014-2015 : moins de lois, mais plusieurs très gros textes

Au total, au cours de la période de référence, 43 lois ont été promulguées (hors conventions internationales) , dont 12 lois (28 %) d'initiative parlementaire. Le Sénat, avec 6 propositions de loi adoptées définitivement, a été l'an dernier à l'origine de presque une loi sur sept, soit le même pourcentage que l'année précédente.

Le nombre des lois promulguées au cours de la dernière session (43 lois) a ainsi diminué de presque 35 % par rapport à celui de la session précédente (66 lois).

Cela étant, cette diminution ne doit pas faire illusion , car en nombre d'articles, plusieurs des lois de l'an dernier ont atteint des records : on pense en particulier à la « loi Macron », passée de 106 articles dans le projet initial à 308 articles dans le texte définitif, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (95 articles), la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (133 articles) ou encore à la loi sur la transition énergétique, avec 213 articles... À eux seuls, ces quatre textes totalisent plus de 740 articles et nécessitent plus de 460 mesures d'application : face à un tel flot, il serait inexact de conclure à une baisse réelle de la production législative.

Évolution quinquennale du nombre de lois promulguées
(hors conventions internationales)

Année parlementaire

2010-2011

2011-2012

2012-2013

2013-2014

2014-2015

Nombre de lois promulguées

64

57

50

66

43

dont issues de propositions de loi (en %)

(23 %)

(47 %)

(38%)

(40%)

(28%)

La production législative a un fort impact sur l'application des lois , le nombre des textes d'application étant plus ou moins proportionnel au nombre des articles de loi à mettre en oeuvre, même si le lien n'est pas mécanique et si le travail de préparation des décrets pèse inégalement sur les ministères, avec une charge particulière concentrée sur quelques secteurs.

Inversement, une mise en oeuvre progressive de l'article 41 de la Constitution -telle qu'elle se dessine depuis quelques mois- pourra alléger certaines lois de dispositions réglementaires qui n'auraient pas à y figurer, mais au prix d'un alourdissement à due concurrence de la masse des décrets à prendre.

Cette année, le Secrétaire général du Gouvernement a fortement insisté sur les efforts considérables des ministères et du Conseil d'État pour traiter le flux réglementaire généré par quelques textes de grande ampleur « [...] certaines lois ont besoin de nombreuses mesures réglementaires. Ainsi en est-il de la loi de transition énergétique avec 162 mesures règlementaires, ou encore de la loi pour la croissance et l'activité avec plus de 120 mesures. À la suite de la publication des lois début août 2015, nous avions 392 mesures réglementaires d'application supplémentaires à prendre ».

2. Un indicateur classique mais peu significatif : le taux d'application par loi

Considérées dans leur ensemble, aucune des 43 lois promulguées au cours de la période de référence n'est restée totalement inappliquée : en d'autres termes, ces 43 lois ont toutes reçu au moins un début d'application, ce qui représente un progrès par rapport à l'an dernier où 4 lois demeuraient totalement inappliquées en fin d'exercice.

Récapitulatif des mises en application des lois de la session 2014-2015

Lois promulguées

D'application directe

Mises en application complète

Mises en application partielle

Non mises en application

43

17

8

18

-

en %

39 %

19 %

42 %

-

Mais ce décompte en nombre de lois sur l'année parlementaire , avec son score de 100 % de mise en application totale ou partielle, a quelque chose d'artificiel , car il intègre plusieurs « biais statistiques » qui en limitent la signification effective.

Considéré avec un regard plus critique, ce tableau montre en réalité que pour l'heure, 18 des 43 lois de l'an dernier ne sont encore que partiellement applicables, 17 autres lois étant entrées en application d'elles-mêmes parce qu'elles ne requéraient aucune mesure réglementaire d'application : en d'autres termes, sur les 26 lois nécessitant des mesures d'application, 8 seulement sont devenues totalement applicables sur la période considérée.

3. Un indicateur plus pertinent : le taux d'application par mesure

Comme l'observe à juste titre le Président Alain Milon, Président de la commission des Affaires sociales, dans son bilan de la dernière session, « Outre le nombre de lois applicables, c'est le taux de mise en application de l'année qu'il faut examiner pour mesurer la production réglementaire du Gouvernement et juger du respect des prescriptions du législateur ». De fait, la réalité doit être appréhendée dans les décomptes « par mesures » qui, cette année encore, débouchent sur une appréciation nuancée , aussi bien d'un point de vue quantitatif que qualitatif.

REPÈRES MÉTHODOLOGIQUES
SUR LE CONTRÔLE DE L'APPLICATION DES LOIS

De manière schématique, le contrôle de la parution des textes d'application des lois par le Sénat repose principalement sur les données d'une base informatique élaborée et gérée en propre par le Sénat (la base APLEG), tenues à jour par les commissions permanentes, chacune pour les lois qu'elle a examinées au fond. Les commissions recensent ainsi, loi par loi, les dispositions législatives appelant des mesures réglementaires et suivent en temps réel la parution au Journal Officiel des textes attendus.

En outre, le Premier ministre, auquel l'article 21 de la Constitution confie l'exécution des lois, tient de son pouvoir réglementaire la possibilité de prendre toute mesure nécessaire à l'application d'une loi, en dehors des cas où cette loi elle-même l'y invite ; la publication des mesures d'application non prévues par la loi mais identifiées comme telles est donc également renseignée dans la base APLEG.

Les données ainsi collectées font apparaître quatre catégories de lois réparties selon leur état de mise en application :

- les lois dites « d'application directe », qui ne prescrivent pas expressément de mesure réglementaire d'application. Une loi « d'application directe » pourra néanmoins être suivie de décrets ou d'arrêtés non formellement prévus par le Parlement ;

- les lois « mises en application » , c'est-à-dire celles qui ont reçu toutes les mesures réglementaires prescrites par le législateur ;

- les lois « partiellement mises en application » , qui n'ont reçu qu' une partie des mesures réglementaires prescrites par le législateur. Au sein de cette catégorie, le degré de mise en application de chaque loi est très variable, et s'apprécie par référence au nombre des articles à appliquer et au nombre des décrets ou arrêtés nécessaires. Pour ces lois, l'indicateur pertinent de contrôle n'est plus la loi elle-même, mais le nombre d'articles devant faire l'objet d'un règlement d'application ;

- les lois « non mises en application » , qui n'ont encore reçu aucune des mesures réglementaires prescrites par le législateur.

Mais cette terminologie usuelle n'a qu'une valeur indicative et doit être interprétée au regard de prescriptions réglementaires du texte considéré : ainsi, une loi contenant une majorité de dispositions d'application directe sera répertoriée parmi les lois « non mises en application » aussi longtemps qu'elle n'a reçu aucun des décrets ou arrêtés attendus -n'y en aurait-il qu'un- alors que l'essentiel des autres articles peut fort bien être déjà entièrement applicable. Inversement un seul décret suffit à rendre une loi « partiellement mise en application », quand bien même un grand nombre d'autres textes réglementaires nécessités par cette même loi resteraient en souffrance.

Les décomptes par mesures , après les ajustements adéquats, tournent cette année aux alentours de 80 % pour l'ensemble des lois de la XIV ème législature 3 ( * ) et de 62 % pour les lois de la précédente session parlementaire , avec évidemment des écarts d'une commission à l'autre.

Dispositions ayant fait l'objet d'un texte d'application ou restant à prendre

Nombre
de textes

Affaires
économiques

Affaires
étrangères

Affaires
sociales

Culture

Amngt
territoire

Finances

Lois

Commission
spéciale
*

TOTAUX

Total, dont

343

6

144

7

16

77

135

138

866

- textes pris

174

3

97

6

16

56

103

84

539

- à prendre

169

3

47

1

-

21

32

54

327

Taux partiel

51 %

50 %

67 %

86 %

100 %

73 %

76 %

61 %

62 %

(*) Commission spéciale ayant examiné la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite « Loi Macron »

Données issues de la base Apleg - Statistiques sur l'année parlementaire 2014-2015 arrêtées au 16 mai 2015.

Ce pourcentage n'est cependant qu'un indicateur tendanciel dont il faut relativiser la portée , d'autant que sur le plan méthodologique, l'identification d'une mesure d'application et son imputation à la disposition législative qu'elle applique ne sont pas toujours très aisées, comme l'observait la Présidente Michèle André, présidente de la commission des Finances, dans son bilan de l'année dernière.

Le Président de la commission des Lois, M. Philippe Bas, rappelle dans son bilan pour 2014-2015 que « comme chaque année [...] un tel taux doit être fortement nuancé. D'une part, il ne traduit pas davantage que lors des sessions précédentes l'aspect qualitatif des mesures prises. D'autre part, a contrario, des mesures d'application « secondaires » peuvent ne pas avoir été prises et diminuer le taux de mise en application d'une loi alors même que celle-ci est parfaitement appliquée sur le terrain et que l'essentiel du dispositif est en place ». Cette observation rejoint l'analyse du Président Jean-Claude Lenoir, dans son bilan d'application des lois suivies par la commission des Affaires économiques : « Si les taux d'application doivent être mesurés, ceux-ci ne constituent que des indicateurs qui ne sauraient traduire fidèlement la mise en oeuvre effective des lois... ».

Par ailleurs, votre rapporteur note que tout en restant attentives aux décomptes quantitatifs, plusieurs commissions permanentes évoquent dans leur dernier bilan annuel de nouveaux instruments de suivi de l'application des lois de nature à enrichir la portée de leur contrôle.

Le Président Jean-Pierre Raffarin, Président de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, signale ainsi que si sa commission « n'a pas reçu le bilan annuel politique, opérationnel et financier des opérations extérieures en cours que le Gouvernement aurait dû lui transmettre en application de l'article 4 de la loi n°2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire 2014-2019 [elle a] désigné un groupe de travail pour faire le bilan des OPEX qui rendra son rapport en juin 2016 ». Dans le même ordre d'idée, la Présidente de la commission de la Culture, Mme Catherine Morin-Desailly, constate que « le développement de nouvelles pratiques en matière de contrôle de l'application des lois se confirme avec la création de comités de suivi des lois qui sont régulièrement mis en place ».

4. Les données en hausse sur l'ensemble de la législature

Sur l'ensemble de la législature en cours (XIV ème législature, qui a débuté le 20 juin 2012), les données annoncées par le Secrétaire général du Gouvernement et confirmées par les chiffres de la base APLEG- établissent un taux par mesure actuellement de l'ordre de 80 % , alors que ce pourcentage ne s'élevait l'an dernier qu'à environ 65 %.

Au premier abord, le décalage entre le taux apprécié sur la législature (actuellement de l'ordre de 80 %) et le taux nettement moindre de l'année parlementaire (62 % pour la précédente session) peut surprendre, mais il résulte d'un simple effet de butoir. En effet, le Gouvernement dispose d'un délai de six mois pour publier les décrets d'application, lequel court donc jusqu'au 31 mars de l'année N pour les dernières lois parues jusqu'au 30 septembre de l'année précédente (N-1). Pour peu qu'un décret attendu au plus tard le 31 mars de l'année N sorte seulement le 1 er avril, il détériorera le pourcentage de l'année tout en améliorant celui de la législature.

Évolution du taux d'application par mesure pour l'ensemble des lois votées
(hors conventions internationales) depuis le début de la XIV
ème législature

Année parlementaire

Affaires
économiques

Affaires
étrangères

Affaires
sociales

Culture

Amngt
territoire

Finances

Lois

Com.
spéciale
*

TAUX
GLOBAL

2013-2014

35 %

97 %

83 %

95 %

63 %

73 %

68 %

-

65 %

2014-2015

65 %

89 %

89 %

98 %

88 %

87 %

71 %

61 %

78 %

(*) Commission spéciale ayant examiné la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite « Loi Macron »

Source base APLEG - état au 16 mai 2015.

Lors de son audition du 10 mai 2016, le Secrétaire général a souligné l'ample effort réalisé par les ministères pour traiter plus vite les textes de la législature : « À la suite de nos échanges de l'an passé, nous avons poursuivi notre effort pour améliorer l'application des lois. Depuis notre dernière rencontre, nous avons augmenté de six points notre taux général : l'année dernière, 65 % de lois promulguées depuis le début de la législature étaient entrées en vigueur. Nous en sommes aujourd'hui à 81 % [...] L'effort a donc été colossal [...] Notre situation est donc radicalement différente de celle que nous connaissions il y a un plus d'un an ».

La tendance relevée cette année va donc dans le bon sens, le Secrétaire général du Gouvernement indiquant même, à la fin de son audition, que « notre objectif est de finir l'année au taux de 87 % d'application des lois de la législature » : votre rapporteur restera attentif à l'évolution annoncée, mais il se doit de saluer la hausse enregistrée et d'en donner acte au Gouvernement.

5. La résorption progressive du stock des lois inappliquées

Une autre tendance longue doit être notée : du début de la XIV ème législature jusqu'au 30 septembre 2014, le Parlement a adopté 120 lois qui, à ce jour, ont quasiment toutes reçu au moins un début de mise en application (seulement deux lois restent totalement inappliquées).

En outre, plusieurs Présidents de commissions permanentes notent avec satisfaction la résorption progressive du stock des lois en souffrance héritées de la XIII ème législature.

Le Président Alain Milon signale ainsi « [...] un grand nombre de mesures d'application pour les lois promulguées avant le début de la XIVème législature. Lors de l'année parlementaire 2014-2015, 57 mesures réglementaires sont parues en application des lois promulguées antérieurement, contre 23 lors de la session précédente » ; même tendance observée par la Présidente Catherine Morin-Desailly (« le taux de mise en application des lois au cours de la XIII e législature confirme l'inflexion réalisée par le Gouvernement par rapport à la législature précédente. Sur les 86 dispositions prévoyant un texte réglementaire au cours de la XIII e législature, 85 sont d'ores et déjà mises en application et une reste à prendre »), qui constate à juste titre que « Le renversement de tendance qui s'est ainsi dessiné au cours des dernières années marque une césure avec le traitement du stock de lois partiellement ou non mises en application au cours des législatures précédentes ».

Ainsi, en dépit d'un reliquat de lois anciennes inappliquées sur lequel le Parlement reste en droit de s'interroger, ces données marquent un progrès dans la mesure où le stock de lois récentes durablement inappliquées n'augmente pas et tend même à diminuer.

6. Les délais moyens de parution des mesures d'application

Pour respecter la volonté du législateur, les textes d'application des lois nouvelles doivent être publiés dans des délais raisonnables, même si cet objectif n'est pas toujours facile à mettre en oeuvre. Le délai réglementaire assigné aux ministères pour prendre tous les décrets relatifs à une loi a été fixé à six mois par une circulaire du 29 février 2008, un document d'information élaboré par les ministères responsables -les rapports dits « de l'article 67 »- ayant été conçu pour permettre au Parlement de s'assurer du respect de cette obligation.

L'an dernier, les délais moyens se sont rapprochés de l'objectif : sur les quelque 530 mesures prises au titre de la précédente session, 94 % sont sorties en moins d'un an, dont 52 % dans les 6 mois. Au total, le délai moyen de parution des décrets d'application a été cette année d'environ 5 mois et 26 jours , en accélération par rapport aux délais constatés l'an dernier, mais avec évidemment des écarts importants selon la complexité des textes à prendre et le plan de charge des différents ministères.

Certaines lois ont fait l'objet d'un traitement réglementaire particulièrement rapide. Ainsi, comme il s'y était engagé lors du débat parlementaire, le Gouvernement a veillé à publier sans tarder bon nombre des 131 mesures d'application que nécessite la « loi Macron » ; les décomptes arrêtés fin mars 2016 montrent que cette loi est déjà applicable à 59 %, soit un taux fort honorable pour un texte de cette ampleur et de cette complexité.

Cela étant, le délai moyen de 5 mois et 26 jours ne concerne que les décrets effectivement publiés pour les lois de la période de référence, et ne dit rien sur le temps qu'il faudra pour sortir ceux qui ne le sont pas... Apprécié sur toute la durée de la XIV ème législature, le délai moyen atteint en effet 9 mois et 12 jours, soit nettement plus que les six mois assignés par la circulaire du 29 février 2008.

Les retards sont d'autant moins acceptables quand ils affectent des lois que le Gouvernement, invoquant l'urgence, a fait adopter selon la procédure accélérée. Cette « urgence à deux vitesses » est dénoncée à juste titre par la Présidente Catherine Morin-Desailly « [...] Le constat effectué les années précédentes se confirme : le choix de la procédure accélérée plutôt que celui de laisser la navette se poursuivre est sans incidence sur le rythme de parution des mesures d'application de la loi. D'autant plus que cette session, toutes les lois promulguées ont fait l'objet d'une procédure accélérée ! ».

Par ailleurs, sans sous-estimer la durée des procédures et des consultations préalables à la publication des décrets, on peut légitimement supposer qu'une meilleure préparation du processus réglementaire en amont du débat devant les assemblées permettrait, dans bien des cas, d'accélérer leur parution en aval.

Lors de l'audition du Secrétaire général du Gouvernement, le rapporteur général de la commission des Affaires sociales, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, s'appuyant sur l'exemple concret de loi relative au dialogue social et à l'emploi, a eu raison de souligner ce point : « La loi n'est pas totalement applicable : le 31 mars, 52 % des mesures attendues avaient été publiées [...] Vous estimez difficile d'anticiper sur la loi mais nous connaissions tous quelles seraient les grandes orientations de ce texte. Un travail en amont aurait été possible. Ingénieur de formation, je sais que tout est dans la préparation et l'anticipation. Mes collègues s'étonnent du temps qu'il faut pour que paraissent ces décrets d'application alors qu'ils étaient attendus depuis longtemps et que le Gouvernement a eu recours à la procédure accélérée pour faire voter la loi. Quel paradoxe ! ».

Nombre et délais de parution des mesures réglementaires prises cette année
pour l'application des lois de l'année parlementaire 2014-2015

Délai de parution
des mesures

Affaires
économiques

Affaires
étrangères

Affaires
sociales

Culture

Amngt
territoire

Finances

Lois

Com.
spéciale
*

Total

%

moins de 6 mois

66

3

46

4

13

24

72

46

274

53 %

de 6 mois à 1 an

86

44

1

30

26

30

217

42 %

de plus d'un an

20

5

1

3

2

-

-

31

6 %

TOTAL

172

3

95

6

16

56

98

84

522

100 %

(*) Commission spéciale ayant examiné la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite « Loi Macron »

Source base APLEG - état au 16 mai 2015.

7. Un paramètre qui ne s'améliore pas d'une année sur l'autre : la présentation des rapports demandés au Gouvernement

Beaucoup de lois prévoient que le Gouvernement fournisse dans un certain délai des rapports d'information qui, pour ce qui concerne le contrôle de l'application des lois, se présentent sous deux formes principales : des rapports périodiques ou uniques prévus par les lois de finances, les lois de financement de la sécurité sociale ou par des dispositions ponctuelles d'autres lois et, de création plus récente, les rapports de suivi de la publication des textes d'application, dits « de l'article 67 » (par référence à l'article 67 de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004 qui les a institués).

Or, la production de ces rapports reste depuis des années un point faible dans l'application des lois , largement commenté l'an dernier, aussi bien dans le bilan présenté par votre rapporteur que lors du débat de contrôle en séance.

L'année parlementaire 2014-2015 ne rompt pas avec cette regrettable tradition : avec un taux de présentation des rapports de seulement 59 %, elle reste dans la moyenne des dix dernières sessions annuelles, qui stagne aux alentours de 60 % des lois demandant un rapport ayant été suivies d'effet.

Dans cet ensemble peu satisfaisant, la non-présentation des rapports dit « de l'article 67 » paraît d'autant plus dommageable que cet instrument, somme toute assez simple à élaborer du point de vue technique, a justement pour objet de faciliter le contrôle parlementaire et le suivi gouvernemental de l'application des lois en permettant de faire le point sur les textes parus ou encore à paraître au terme des six mois de la promulgation de la loi de référence.

Cette année encore, plusieurs Présidents de commissions permanentes émettent des observations critiques à cet égard, dont la tonalité générale apparaît bien dans le constat établi par le Président Jean-Claude Lenoir : « au final, ce sont à peine 55 % des rapports attendus par le Parlement en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit qui ont été établis par le Gouvernement ».

Le Président Hervé Maurey relève en outre, dans son bilan annuel sur les lois suivies par la commission de l'Aménagement durable et du développement durable, la viscosité du processus de transmission des rapports qui, même lorsqu'ils sont effectivement produits, n'arrivent pas toujours en temps et en heure aux commissions destinataires : ainsi, sa commission «  [...] ne peut également que déplorer la lenteur d'élaboration de ces documents. À titre d'illustration, le rapport sur les impacts de l'autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes, daté du mois de mai 2015 par ses auteurs, n'a été reçu par le Sénat que le 9 mars 2016, alors que la loi exigeait sa remise avant le 31 décembre 2014 ! ».

Rapports au Parlement déposés par le Gouvernement au cours des cinq dernières sessions

Session

Rap. périodiques

Rap. uniques*

De l'article 67

TOTAL

2010-2011

39

29

22

90

2011-2012

46

26

44

116

2012-2013

38

26

13

77

2013-2014

33

37

17

87

2014-2015

19

21

17

57

TOTAL

175

139

113

427

* Ne sont pris en compte dans cette rubrique que les rapports portant à titre principal sur l'application d'une loi ou d'un article.

Quelles qu'en soient les causes -peut-être les parlementaires demandent-ils trop de rapports, avec parfois la bienveillance du ministre cherchant à obtenir le retrait d'un amendement ou le vote d'un article contesté...- les Présidents des commissions permanentes s'émeuvent à juste titre de cette carence, car les rapports demandés par le Parlement contribuent à un meilleur exercice par le Sénat de sa fonction constitutionnelle de contrôle .

8. Trois questions connexes : l'application des ordonnances, le suivi des positions européennes et les réponses aux questions écrites

Au-delà du suivi de l'application des lois, trois sujets connexes soulèvent la question plus générale des suites données par le Gouvernement à un certain nombre d'initiatives du Sénat, prises en application de la Constitution ou de son Règlement ; tel est le cas, notamment, de l'application des ordonnances (article 38 de la Constitution), du suivi des positions européennes du Sénat (Titre XV de la Constitution) ou du niveau de réponse aux questions écrites des sénateurs (chapitre XII du Règlement du Sénat).

a) L'application des ordonnances

Lors de son audition du 10 mai 2016, le Secrétaire général du Gouvernement a fait état d'un « taux d'application des ordonnances » qu'il estimait légèrement supérieur à celui des lois 4 ( * ) .

S'agissant d'un indicateur nouveau (il n'en était pas fait état dans les bilans récapitulatifs des années précédentes), votre rapporteur a souhaité préciser la notion « d'application des ordonnances » qui, dans la terminologie gouvernementale, recouvre deux données distinctes :

- d'abord la parution dans le délai prévu par la loi d'habilitation des ordonnances dont le Gouvernement a demandé l'autorisation au Parlement (étant entendu que passé ce délai, si l'ordonnance n'a pas été publiée, l'autorisation devient caduque et le Gouvernement ne peut plus la faire paraître) ;

- ensuite, la publication des décrets et des arrêtés pouvant être nécessaires pour la mise en oeuvre des différents articles de l'ordonnance elle-même.

Dans son bilan annuel, la Présidente de la commission des Finances, Mme Michèle André, a consacré quelques développements fort intéressants à cette question spécifique, notant en particulier que « sur deux habilitations données, celle figurant à l'article 7 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 (mesures tendant à modifier la répartition de l'octroi de mer collecté à Mayotte) n'a pas été suivie d'une publication d'ordonnance dans le délai prévu, de telle sorte que le délai de six mois prévu à cet article 7 a expiré sans avoir été suivi d'effet ».

De son côté, le Secrétaire général du Gouvernement est convenu du problème, signalant même un cas où « Il y a un mois, nous avons refusé de mettre en oeuvre une habilitation car le ministère compétent nous a transmis son projet seulement quinze jours avant la clôture du délai : nous ne disposions plus d'assez de temps ».

Comment admettre que le Parlement, sollicité par le Gouvernement, accepte de l'autoriser à prendre des mesures législatives par la voie d'ordonnances dans un délai donné si, finalement, les ministères ne préparent pas les textes et laissent expirer le délai au-delà duquel il faudra sans doute revenir devant le Parlement, soit pour introduire les mesures envisagées dans une loi, soit pour obtenir une deuxième habilitation ?

Si cette question n'entre pas directement dans le champ du contrôle de l'application des lois au sens classique de cette expression, elle entre manifestement dans le contrôle de l'application des lois d'habilitation, et requiert donc la même vigilance que sur la publication dans les délais des textes réglementaires d'application. À cet égard, les éclaircissements apportés par le Secrétaire général du Gouvernement, s'ils ne rassurent pas totalement votre rapporteur, traduisent cependant une utile prise de conscience dont il conviendra désormais de vérifier les effets.

b) Le suivi des positions européennes

L'attachement traditionnel du Sénat au contrôle des positions qu'il a prises se retrouve aussi dans le champ des affaires européennes, cette question ayant donné lieu cette année à un rapport d'information très documenté du Président de la commission des Affaires européennes, M. Jean Bizet, sur le suivi des résolutions européennes, des avis motivés et des avis politiques 5 ( * ) .

Comme le rappelle ce rapport d'information, le suivi des résolutions européennes du Sénat est assuré selon diverses méthodes adaptées aux enjeux des différents textes européens examinés : fiches de suivi établies par le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), constitution d'un groupe de travail spécifique, communication d'étape des rapporteurs devant la commission des Affaires européennes...

On constate avec intérêt que les positions du Sénat sur les questions européennes ne restent pas lettre morte : ainsi, sur les 17 résolutions adoptées, plus de la moitié ont été totalement ou très largement prises en compte dans les négociations, voire dans le texte européen définitif. Le Sénat a obtenu partiellement satisfaction dans 30 % des cas et n'a que rarement été désapprouvé. Sur la même période, la Commission européenne a répondu à 9 des 15 avis politiques que lui avait transmis la commission des Affaires européennes : en revanche, elle s'est montrée nettement moins réceptive aux avis motivés que le Sénat peut adopter en matière de contrôle du principe de subsidiarité (18 avis motivés adoptés depuis 2011).

Au final, le rapport du Président Jean Bizet évoque plusieurs pistes susceptibles d'améliorer le suivi des positions européennes du Sénat, parmi lesquelles votre rapporteur note l'idée de procéder chaque année à une audition spécifique du secrétaire d'État chargé des affaires européennes sur le suivi des résolutions européennes ; mutatis mutandis , cette audition serait l'équivalent de celle du Secrétaire général du Gouvernement, que nous organisons chaque année sur l'application des lois.

c) Les réponses aux questions écrites des sénateurs

L'année dernière, dans son propos d'ouverture du débat de contrôle sur le contrôle de l'application des lois, le Président Gérard Larcher a clairement rappelé l'importance qu'il accorde aux délais dans lesquels le Gouvernement répond aux questions des sénateurs, notamment les questions écrites qui constituent un des instruments majeurs du contrôle de l'action de chacun des ministères.

Les délais de réponse aux questions écrites des sénateurs ont été évoqués en Conférence des présidents lors de sa réunion du 6 avril 2016. Le Président du Sénat y a relevé la détérioration du taux de réponse aux quelque 4 800 questions écrites posées chaque année au Sénat, tombé d'environ 83 % en 2013-2014 à 68 % en 2014-2015 pour s'établir à seulement 51 % au 30 avril 2016 (rapporté au sept premiers mois de l'année parlementaire en cours). Dans le même temps, le délai moyen de réponse aux questions écrites s'est allongé , passant en moyenne de 174 jours en 2013-2014 à 185 jours en 2014-2015 et à 207 jours actuellement.

On mesurera l'engorgement du système en constatant que le nombre des questions écrites du Sénat en attente de réponse s'élevait à 4 235 au 5 mai 2016 ...

Cette situation - sur laquelle le Président du Sénat a appelé l'attention du Premier ministre dans un courrier en date du 13 avril 2015- n'est pas sans porter préjudice au déroulement et à l'intérêt de nos travaux en séance plénière , car faute d'obtenir à temps les réponses qu'ils attendent, les sénateurs se voient contraints de transformer leur question écrite en question orale, avec pour effet d'allonger la file d'attente (elle peut atteindre actuellement trois ou quatre mois) et de consommer du temps de séance qui, sans doute, gagnerait à être consacré à d'autres sujets mieux appropriés.

Votre rapporteur -qui avait, lui-aussi, évoqué ce problème l'an dernier avec le Secrétaire général du Gouvernement- a donc cru utile d'y revenir cette année. Elle lui importe d'autant plus que beaucoup de questions écrites concernent le rythme ou les modalités de mise oeuvre de telle ou telle loi nouvelle, et sont donc aussi un instrument du contrôle de l'application des lois 6 ( * ) .

Tout en convenant qu'il y a des retards -pour partie imputables aux réductions d'effectifs dans la plupart des administrations centrales- Marc Guillaume a assuré que le Gouvernement suit cette question avec beaucoup d'attention, précisant même que « [...] Le ministre chargé des relations avec le Parlement aborde ce problème tous les mois, en même temps qu'il parle de l'application des lois. Notre objectif est d'arriver à répondre à toutes les questions écrites avant l'été. Au cours du mois qui vient de s'écouler, il a été répondu à un quart des questions en souffrance » 7 ( * ) .

Votre rapporteur prend acte de ces indications, et ne manquera pas l'année prochaine de voir dans quelle mesure cet objectif aura été atteint.


* 2 Lois promulguées entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015 (hors lois de ratification ou d'approbation de conventions internationales - la liste complète de ces lois figurant en annexe) et mesures réglementaires parues jusqu'au 31 mars 2016 inclus (soit six mois plus un jour franc après le 30 septembre 2015) ; les dates de référence ont été fixées en 2013 en coordination avec le Secrétariat général du Gouvernement.

* 3 Pourcentage communiqué au Conseil des ministres du 6 avril 2016, en quasi-concordance avec le pourcentage déduit de la base Apleg (78 %, soit un écart de 2 % imputable à un léger décalage de dates dans l'enregistrement des dernières mesures d'application).

* 4 Le communiqué mensuel du Conseil des ministres relatif à l'application des lois mentionne désormais périodiquement un taux d'application des ordonnances.

* 5 Rapport d'information (n° 441 ; 2015-2016) « Comment le Sénat influe sur l'élaboration des textes européens ».

* 6 En 2014-2015, 192 questions écrites (sur 4 815) concernaient l'application des lois, et 212 (sur 3 520) entre le 1er octobre 2015 et le 30 avril 2016. De même, 15 questions orales sur 400 déposées en 2014-2015 portaient notamment sur la mise en application d'une loi (8 sur 179 entre le 1er octobre 2015 et le 30 avril 2016). Pareillement, deux des 270 questions d'actualité discutées en séance plénière entre le 1er octobre 2015 et le 30 avril 2016 (question de Mme Bricq sur la loi Macron le 1er mars 2016 et question de Mme Jouve sur la loi NOTRe le 14 janvier 2016) visaient la mise en application d'une loi.

* 7 Il n'est jusqu'à présent pas fait état du taux de réponses aux questions écrites des parlementaires dans le communiqué mensuel du Conseil des ministres relatif à l'application des lois.

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