B. L'ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE

L'Italie n'est plus visée depuis le 21 juin 2013 par la procédure pour déficit excessif ouverte à son encontre fin 2009 par la Commission européenne. Le déficit public italien atteignait à l'époque 5,5 % de son PIB. Trois ans après, celui-ci était ramené à 3 %. Le gouvernement italien table aujourd'hui sur un déficit public équivalent à 2,6 % à la fin de l'exercice 2015 puis 2,2 % en 2016 8 ( * ) . Le gouvernement escomptait initialement un déficit de 1,8 % pour l'exercice 2015. Il a dû, dans ces conditions, repousser à 2017 l'objectif d'équilibre budgétaire structurel à moyen terme. Dans un contexte marqué par l'absence de croissance (contraction de l'activité de 0,4 % en 2014), la situation budgétaire reste donc fragile comme en témoigne l'avis de la Commission européenne formulé le 28 novembre 2014 sur le budget 2015, qui présentait un risque de non-conformité avec le Pacte de stabilité et de croissance. La modification de la grille de lecture de celui-ci, via la communication de la Commission du 13 janvier 2015 sur une meilleure prise en compte des réformes structurelles, des cycles économiques et des dépenses d'investissement dans l'évaluation de la situation des pays, n'a pas entraîné de réouverture de la procédure 9 ( * ) . Un tel contexte pousse néanmoins le pays à poursuivre ses efforts de consolidation budgétaire, dont les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes initiales.

En effet, si sur la période 2009-2013, le ratio dépense publique / PIB a baissé de 0,6 point et le ratio recettes publiques / PIB a augmenté de 1,8 point, les constats en valeur nominale sont moins élogieux. Les plans de consolidation censés améliorer le solde budgétaire de 182 milliards d'euros sur trois ans ont en réalité débouché sur 54 milliards d'euros d'économies, principalement liés à la baisse des investissements publics (- 18,7 % sur la période). Il convient de rappeler que le solde primaire de l'Italie (solde budgétaire hors intérêts de la dette) atteignait près de 2 % en 2014, soit un niveau proche de l'Allemagne, malgré une croissance atone.

La sortie de la procédure pour déficit excessif ne saurait par ailleurs occulter la question de la dette, qui atteint 133 % du PIB et qui reste au coeur des préoccupations de la Commission européenne dans le rapport du 27 février 2015 sur l'application du Pacte de stabilité et de croissance 10 ( * ) . Sans mésestimer cette question - le taux représente plus du double du seuil de 60 % retenu dans le Pacte de stabilité et de croissance -, il convient de relever que la part de la dette détenue par les non-résidents se limite à 36 %, soit un taux largement inférieur à celui enregistré en France (63 %) ou en Allemagne (62 %), ce qui met le pays relativement à l'abri d'attaques spéculatives.

1. La réduction de la dépense publique

En matière de réduction de la dépense publique, le gouvernement Renzi poursuit pour partie les mesures mises en place par les deux cabinets précédents, ceux de Mario Monti (2011-2013) et d'Enrico Letta (2013-2014). Le plan de consolidation budgétaire mis en place en 2011 prévoit une réduction de la dépense publique ambitieuse entre 2012 et 2014 : 1 milliard d'euros la première année, puis 3,5 milliards la suivante et 5 milliards en 2014. Ces objectifs ont pu être atteints via la définition de cibles par ministère, à charge pour chacun d'entre eux de déterminer les dispositions adéquates.

Cet effort est doublé d'une revue des dépenses publiques, initiée en 2012 et menée par une commission ad hoc, commission dite à la « spending review », composée du ministre de l'économie et des finances, du ministre en charge de l'administration publique et du ministre des relations avec le Parlement, assistés du service d'évaluation du ministère des finances. Une première étape, lancée en juillet 2012, a conduit à la suppression de plusieurs agences de l'État et à un moratoire sur l'acquisition de bâtiments publics. La seconde étape, qui a débuté en octobre 2012, se focalisait sur le patrimoine immobilier, plus particulièrement celui des collectivités locales et du service national de santé. Le programme devait permettre une réduction des dépenses de l'ordre de 33,3 milliards d'euros sur la période 2012-2015 (dont 11,3 milliards en 2014 et en 2015). Le format de la commission a évolué en octobre 2013, avec la nomination d'un commissaire chargé de coordonner les efforts accomplis par les services de l'État et doté, à cet effet, d'une équipe technique (commissaire à la spending review ) pour trois ans. L'objectif affiché consistait en une réduction de la dépense publique de 2 points de PIB. Des mesures d'économie ont été identifiées début 2014, devant permettre des économies de l'ordre de 4,5 milliards d'euros en 2014, 17 milliards d'euros en 2015, puis 32 milliards en 2016.

Les résultats sont plus modestes. Des économies de l'ordre de 5,8 milliards d'euros sont ainsi attendues en 2016. Le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril dernier tablait néanmoins sur une réduction des coûts de 10 milliards d'euros pour le même exercice. Un tel écart est justifié par l'absence de reprise, par le gouvernement, d'un certain nombre de mesures préconisées dans le cadre de la revue des dépenses publiques, qu'il s'agisse de la réduction du nombre de communes ou de l'approfondissement de la réforme des retraites. Le commissaire, Carlo Cotarelli, a d'ailleurs démissionné de son poste en octobre 2014. Il a été remplacé en mars dernier par Yoram Gutgeld, conseiller économique de Matteo Renzi.

La vaste réforme de l'administration publique entreprise par le gouvernement constitue néanmoins un prolongement des travaux de l'ancien commissaire. Un agenda pour la simplification 2015-2017 a ainsi été adopté en décembre 2014. Il découle du décret-loi « Madia » du 25 juin 2014 11 ( * ) , devenue loi n° 114 le 13 août 2014. Le gouvernement souhaite simplifier et numériser les procédures. Une loi d'habilitation adoptée le 4 août 2015 accorde au gouvernement un délai d'un an pour adopter 20 décrets législatifs nécessaires à la mise en place de la réforme. Des économies de l'ordre de 2,5 milliards d'euros sont attendues à l'horizon 2016.

Au-delà de la simplification, le décret « Madia » et les textes qui ont suivi visent également le statut de la fonction publique et l'organisation de l'administration. Ils s'inspirent là encore des annonces du commissariat à la spending review . L'uniformisation du statut des fonctionnaires, la prise en compte du mérite dans la carrière des fonctionnaires 12 ( * ) , la limitation dans le temps pour les postes de dirigeants ainsi que leurs rémunérations, l'obligation de mobilité dans un rayon de 50 kilomètres, la poursuite de la réforme des retraites ou le renforcement des sanctions à l'égard des absences injustifiées sont ainsi prévus. Dans le même temps, le gouvernement entreprend une réorganisation des forces de police afin d'éviter des doublons (des économies de l'ordre de 800 millions d'euros étaient attendues dès 2015, 1,6 milliard d'euros l'année prochaine), la suppression du corps des garde-forestiers, une réduction du nombre de préfectures et des chambres de commerce et d'industrie, le regroupement géographique des services de l'État, la concentration des achats publics auprès du service central des achats et la révision des participations publiques.

La vente d'une partie du patrimoine immobilier avait déjà permis à l'État de récupérer près de 540 millions d'euros en 2013. Les cessions de participations dans les entreprises publiques ont été lancées dès 2014 et concernent d'ores et déjà la Poste italione (cession de 40 % du capital) et la société nationale de gestion des aéroports ENAV (49 % du capital). Le gouvernement entend poursuivre dans cette voie avec l'entreprise pétrolière ENI ou l'électronicien STMicroelectronics . La vente des participations de la Caisse des dépôts et consignations italienne est également envisagée. L'ensemble du programme est censé dégager une ressource annuelle supplémentaire représentant 0,7 % du PIB entre 2014 et 2017.

La réforme de l'administration publique vient prolonger les mesures adoptées par les précédents gouvernements, qui ont notamment permis une réduction de la masse salariale de la fonction publique de 5,4 % entre 2010 et 2014, pour atteindre 163,2 milliards d'euros (10,1 % du PIB, la moyenne de la zone euro étant établie à 10,3 %). Au cours de la période 2012-2014, le recrutement de nouveaux fonctionnaires n'a représenté que 20 % des départs à la retraite, la rémunération étant gelée sur cette période 13 ( * ) . Des coupes de 5 % pour les salaires supérieurs à 90 000 euros annuels et 10 % pour les salaires supérieurs à 150 000 euros ont également été opérées. Une diminution de 20 % du nombre de cadre et de 10 % des non-cadres par département ministériel devait également être réalisée.

La baisse de la dépense publique passe également par une réduction des dépenses sociales. Il s'agit de poursuivre un effort engagé au milieu des années 2000. Le pacte pour la santé 2013-2014, adopté fin 2011, prévoyait une contraction de la dépense sanitaire de 2,5 milliards d'euros en 2013 puis 5,4 milliards d'euros en 2014. Ces sommes devaient être atteintes via la mise en place d'un ticket modérateur, le renforcement du contrôle des arrêts maladie, le plafonnement des dépenses pharmaceutiques ainsi que ceux visant les dispositifs médicaux. Une fusion des organismes de protection sociale est également envisagée.

2. L'augmentation des recettes : la réforme en deux temps de la fiscalité

La difficulté des gouvernements italiens successifs à atteindre les objectifs contenus dans les plans de consolidation budgétaire adoptés depuis 2010 tiennent pour partie à une hausse des recettes inférieure à celle escomptée. L'absence de reprise de l'activité conditionne pour partie cette faiblesse.

Dès 2011, les autorités italiennes ont entrepris d'augmenter la taxation de la consommation tout en réduisant l'imposition sur les sociétés. Le taux de TVA est ainsi passé de 20 à 22 % entre septembre 2011 et octobre 2013, les droits d'accises sur les produits énergétiques ont été majorés, un nouveau dispositif de taxation des revenus du capital et des transactions financières a été créé entre 2012 et 2013 et une taxe municipale sur la propriété immobilière (IMU) a été introduite en 2012 14 ( * ) . Dans le cas des résidences principales, l'IMU a finalement été remplacée en octobre 2013 par une taxe sur les services indivisibles (TASI), soit les services communaux. Il convient de rappeler à ce stade que 80 % de la population est propriétaire de son logement en Italie.

La taxation sur le travail a parallèlement été abaissée avec la mise en place, entre 2011 et 2014, de déduction de l'impôt régional sur les activités productives (IRAP, équivalent de l'ancienne taxe professionnelle française). Le montant de la déduction varie de 7 500 à 21 000 euros par salarié, selon le sexe, l'âge ou la région d'emploi. La loi de finances pour 2015 poursuit dans cette direction avec la suppression de la part salariale de l'IRAP pour les contrats à durée déterminée et l'exemption des cotisations sociales pendant trois ans sur les recrutements de contrats à durée indéterminée de personnes ne disposant pas d'un tel contrat six mois avant leur embauche. Cette mesure a été prolongée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 et sera supprimée progressivement (l'exemption ne devrait concerner que 40 % des cotisations en 2016 et 2017). Cette suppression des cotisations sociales n'a pas été sans incidence, la part des CDI représentant près de 21 % des nouveaux contrats au premier semestre 2015 contre moins de 16 % un an auparavant.

Ce double mouvement devrait être amendé au cours du prochain exercice. Le gouvernement Renzi entend désormais réduire l'imposition des ménages afin d'accompagner la reprise de l'activité économique. Une première disposition contenue dans la loi de finances pour 2015 avec la mise en place d'une prime de 80 euros par mois pour les ménages dont les revenus sont inférieurs à 24 000 euros par mois (Bonus dit IRCEP - Impôt sur le revenu). Un « bonus bébé » d'un montant équivalent visant les enfants nés ou adoptés entre le 1 er janvier 2015 et le 31 décembre 2017 est également mis en place pour une durée de trois ans.

Une nouvelle étape a été franchie en juillet 2015 avec l'annonce par le gouvernement d'un « Pacte pour les Italiens » prévoyant 35 milliards d'euros de baisses d'impôts d'ici 2018. Sont ainsi annoncés :

- la suppression de l'IMU et de la TASI sur les résidences principales, hors résidences de luxe, ainsi que sur le matériel agricole et industrielle, soit une baisse des recettes de 4,6 milliards d'euros par an ;

- la révision des tranches de l'impôt sur le revenu (IRPEF) ;

- la création d'un bonus pour les retraités en 2018 ;

- la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés (IRES) de 27 à 24,5 % et de l'IRAP en 2017 et la mise en place d'un dispositif de suramortissement des investissements : les investissements accomplis dans le secteur industriel entre le 15 octobre 2015 et le 31 décembre 2016 pourraient ainsi être amortis à hauteur de 140 % ;

- le prolongement de la déduction fiscale de 65 % des dépenses destinées à améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments et la majoration de 36 à 50 % de celle visant la restauration des bâtiments.

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit, en outre, une suppression des clauses de sauvegarde contenues dans la loi de finances pour 2015. Aux termes de celle-ci, si les objectifs en matière de réduction des dépenses n'étaient pas atteints, seraient appliquées une augmentation des taux de TVA de 2 % à partir de janvier 2016 (taux réduit à 12 % et 24 %) et de 1 % à partir de janvier 2017 (taux à 13 % et 25 %) ainsi qu'une hausse des accises sur l'essence en 2018 permettant de dégager au minimum 700 millions d'euros de recettes. L' Ufficio parlamentare di bilancio , l'équivalent du Haut conseil des finances publiques, estime pourtant que ces clauses devront être activées en 2017.

La Banque d'Italie comme la Commission européenne ont d'ailleurs exprimé certaines réserves à l'égard de cette réorientation de la fiscalité. Le banquier central considère que la suppression de l'IMU et de la TASI pourrait alimenter une épargne de précaution et non la consommation, les Italiens étant habitués ces dernières années à la suppression puis à la réintroduction de ce type de prélèvement.

Ces dispositions vont de pair avec la poursuite de la lutte contre la fraude fiscale, intensifiée depuis 2011. Le montant des sommes non déclarées représentait alors 8 % du PIB italien, 28 % de la TVA devant être acquitté chaque année n'étant pas collecté. Les dispositions adoptées à l'époque prévoyaient notamment l'abaissement du montant maximal de paiement en liquide de 5 000 à 1 000 euros 15 ( * ) , un renforcement des sanctions pouvant aller jusqu'à la fermeture temporaire pour les entreprises n'émettant pas de tickets de caisse, la généralisation du paiement par virement ou un durcissement de la répression pour fausses factures. Le gouvernement Renzi a prolongé cet effort avec l'adoption de deux lois. La loi n° 23 du 11 mars 2014 prévoit notamment une réorganisation des agences fiscales et une réforme des sanctions. La loi n° 1 du 15 décembre 2014 permet, quant à elle, la déclaration et le rapatriement d'avoirs détenus à l'étranger mais aussi la régularisation de faits tenant de l'évasion fiscale « nationale ». Un délai d'autoblanchiment est par ailleurs introduit dans la loi n° 186 du 15 décembre 2014. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une hausse des recettes de 2 milliards d'euros grâce à la signature d'accords d'échange d'information fiscales avec le Liechtenstein, Monaco, la Suisse, et le Vatican.


* 8 Ce chiffre est celui retenu dans la loi de finances pour 2016. Le programme de stabilité transmis au printemps 2015 tablait sur un déficit public de 1,8 % du PIB.

* 9 Communication de la Commission européenne, « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance » (COM (2015) 12 final).

* 10 COM (2015) 113 final.

* 11 Le décret reprend le nom de Marianna Madia, ministre de la Simplification et de l'Administration publique.

* 12 La réforme de la fonction publique intervenue en février 1993 à déjà mis en place une logique de contractualisation entre l'État et ses agents. La majorité d'entre eux sont soumis au droit du travail. Seuls les magistrats, les militaires et les officiers de police, les préfets, les diplomates et les professeurs des universités bénéficient encore du statut des fonctionnaires. La réforme dite « Brunetta » adoptée en mars 2009, du nom du ministre de la fonction publique de l'époque, Renato Brunetta, prévoit la modulation de la rémunération des fonctionnaires en fonction de leur performance. Cette part variable peut atteindre 20 % du salaire total à la hausse comme à la baisse. Les sanctions visant l'indiscipline et l'absentéisme ont également été renforcées.

* 13 La Cour constitutionnelle a jugé le 24 juin 2015 que ce gel était contraire à la Constitution. Sa décision n'est pour autant pas assortie d'un effet rétroactif sur la période 2010-2015 dont le coût est estimé à 35 milliards d'euros. Le coût de la revalorisation des salaires en année pleine à compter de 2016 est évalué entre 5 et 7 milliards d'euros.

* 14 Celle-ci succède à l'ICI qui n'était pas applicable à toutes les propriétés foncières, exonérant notamment les résidences principales et les terrains non construits.

* 15 Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit son relèvement à 3 000 euros.

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