D. CRÉER UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE AU DÉPLOIEMENT DE LA FIBRE OPTIQUE

De nombreux paramètres technologiques et techniques doivent encore être précisés, afin de mettre en place un environnement favorable à un déploiement ambitieux et rapide de la fibre optique dans nos territoires. Il s'agit de créer un climat de confiance pour les investissements publics et privés dans les réseaux en fibre optique .

1. Du tout FttH au mix technologique : pragmatisme ou renoncement ?

L'accès au très haut débit, lorsque son seuil est fixé à 30 Mbit/s, englobe une pluralité de technologies au niveau de la boucle locale . Plusieurs solutions permettent d'atteindre ce débit, avec leurs contreparties respectives. Déployée tout d'abord dans les réseaux de transport puis de collecte, l'utilisation de la fibre optique dans tout ou partie du réseau de desserte est au coeur des différentes options. Dans le cadre du PFTHD, la technologie déployée par les opérateurs dans la zone d'initiative privée est théoriquement le FttH. Dans la zone d'initiative publique, le FttH doit cohabiter avec d'autres solutions technologies. Le PFTHD vise un objectif global de 80 % en FttH d'ici 2022 : à cette date, quatre Français sur cinq devraient donc avoir accès au très haut débit par un réseau en fibre optique de bout en bout.

Cet objectif technologique a été fragilisé, dans la zone d'initiative privée et dans la zone d'initiative publique . Dans la zone d'initiative privée, l'ampleur prise par le réseau de câble modernisé et le VDSL2 sur le réseau de cuivre limite la place du FttH à moyen terme ( II.B ). Dans la zone d'initiative publique, l'ambition de couverture en FttH, et le recours complémentaire à la montée en débit sur le cuivre varient sensiblement selon les projets des collectivités territoriales. Les ambitions initiales des projets de RIP pourraient par ailleurs être fragilisées par les difficultés budgétaires que connaissent les collectivités territoriales et qui les contraignent à réduire leurs dépenses d'investissement.

En 2015, le très haut débit se confond encore très peu avec le FttH : seulement 11,3 % de la population sont éligibles à la fibre optique de bout en bout.

QUELLE TECHNOLOGIE POUR LE TRÈS HAUT DÉBIT ?

Sous réserves des débats sur la définition du très haut débit ( I.C ) Les architectures disponibles pour un accès au très haut débit au niveau de la boucle locale sont multiples et présentent chacune des caractéristiques différentes.

- Les technologies filaires :

o La fibre optique de bout en bout (FttH) : cette architecture repose sur un fil généralement en verre, déployé de bout en bout jusqu'à l'utilisateur final, et permettant de transmettre des signaux lumineux. Débit quasi-illimité en fonction des équipements actifs, symétrie des débits ascendant et descendant, insensibilité aux perturbations : la supériorité technologique du FttH est incontestable 45 ( * ) . La principale contrepartie à une couverture totale en FttH est son coût, dès lors que le raccordement en fibre optique de bout en bout implique le déploiement d'une nouvelle boucle locale jusqu'à l'utilisateur final.

o Le câble modernisé (FttLA) : cette architecture repose sur un raccordement en fibre optique avec une terminaison en câble coaxial, permettant d'offrir des débits atteignant 200 Mbit/s et qui pourraient dépasser 1 Gbit/s à l'avenir. Toutefois le maintien de la terminaison en câble ne permet pas de proposer des débits symétriques. L'emprise géographique du câble limite cette solution aux grandes et moyennes agglomérations de la zone d'initiative privée (1200 villes environ). Enfin, le câble ne permet pas à ce jour de dégroupage total, limitant ainsi la dynamique concurrentielle sur ce réseau.

o La montée en débit sur cuivre (FttC) : cette opération consiste en un rapprochement du réseau en fibre optique de l'utilisateur final avec une terminaison en cuivre. Comme toutes les technologies fondées sur le réseau de cuivre, l'effet de la montée en débit est conditionné par la distance restante avec l'utilisateur final en raison de l'affaiblissement du courant sur le cuivre.

o Le VDSL2 : cette technologie permet théoriquement d'atteindre le très haut débit, si la distance entre l'utilisateur et le dernier point de réseau où les signaux sont injectés ne dépasse pas un kilomètre. La montée en débit sur cuivre peut servir à accroître la couverture potentielle en VDSL2.

- Les technologies hertziennes :

o Le satellite : technologie de transmission de données via un satellite en orbite géostationnaire, qui permet une couverture immédiate de tout point sur le territoire, sans infrastructure terrestre supplémentaire, seul un équipement de réception étant nécessaire. La disponibilité sur l'ensemble du territoire fait du satellite une solution particulièrement adaptée à l'habitat isolé, dont le raccordement filaire est techniquement ou économiquement impossible. L'accès par satellite a pour principaux désavantages un temps de latence qui restreint les usages en temps réel, une limitation des volumes échangés, et un risque de saturation des capacités.

o Le Wifi : il s'agit d'un réseau hertzien de faible portée qui permet d'offrir un débit élevé. Le Wifi est adapté à un usage urbain, où la concentration de la population nécessite un maillage resserré et des débits importants. Le Wifi utilise des bandes de fréquences radio libres d'usage. Son déploiement à grande échelle dans les zones peu denses est compromis par le nombre d'émetteurs nécessaires pour couvrir un territoire rural et par la sensibilité des ondes aux obstacles.

o Le WiMAX : technologie de transmission hertzienne qui permet, avec un nombre plus réduit d'émetteurs, de couvrir une zone importante, au prix d'un débit plus limité. La montée en débit du réseau hertzien, par opticalisation des émetteurs, peut permettre d'augmenter le débit proposé. Cette augmentation est toutefois encadrée par la nécessité d'émettre dans une bande de fréquences limitée, nécessitant une licence. Il s'agit d'une technologie intéressante pour les territoires dont la densité compromet un raccordement filaire et qui sont confrontés à une absence de vrai haut débit.

o Les réseaux mobiles à usage fixe : cette technologie repose sur un usage fixe des réseaux mobiles, encore en développement en France. La technologie LTE-Advanced devrait permettre d'atteindre plusieurs centaines de Mbit/s dans une situation fixe.

La fibre optique sur toute la ligne jusqu'à l'abonné permet aux particuliers et aux entreprises de bénéficier de débits très élevés, stables et symétriques, pouvant être augmentés à l'avenir par l'évolution des équipements actifs. Seul le FttH constitue une technologie de long terme, optimale et pérenne, qui pourra supporter tous les usages numériques de demain. L'augmentation future des besoins en débit montant remet en cause la durabilité des technologies ne permettant pas une symétrie des débits.

Toutefois les conditions techniques et économiques d'un raccordement de l'intégralité de la population en fibre optique de bout en bout compromettent une couverture totale à l'horizon 2022 . La partie la plus capillaire du réseau voit ses coûts augmenter considérablement, au-delà du raisonnable dans certaines zones compte tenu de la position géographique de certains logements.

Dans la zone d'initiative publique, le recours à des technologies complémentaires au FttH vise à surmonter les obstacles économiques et techniques au déploiement d'une boucle locale optique sur l'ensemble du territoire. La raison d'être du mix technologique est d'adapter la mobilisation des différentes solutions technologiques aux spécificités du territoire et aux préférences locales. Toutefois, la fibre optique de bout en bout a vocation à être l'horizon général des réseaux et les autres technologies doivent être complémentaires et non concurrentes au FttH lorsque le déploiement de ce dernier apparaît comme une perspective réaliste à moyen terme.

La technologie complémentaire la plus massivement utilisée est la montée en débit sur cuivre, qui s'appuie sur l'offre PRM proposé par Orange aux collectivités territoriales. La montée en débit s'apparente à une mise à niveau de la boucle locale de cuivre en développant la collecte en fibre optique. Couplée à la VDSL2, la montée en débit peut permettre d'offrir un accès très haut débit, lorsque la distance entre l'injection du signal et l'utilisateur final est faible. Toutefois, l'affaiblissement rapide au-delà d'un kilomètre limite ce potentiel dans les zones peu denses. Certains investissements lors de la montée en débit doivent pouvoir être réutilisables : la réalisation du segment optique entre l'ancien noeud de réseau (NRA) et le nouveau noeud (NRA-MeD) a vocation à participer à la mise en place ultérieure d'une boucle locale optique jusqu'à l'utilisateur. Ces dépenses représentent en moyenne les deux tiers de l'investissement nécessaire lors de l'opération de montée en débit.

Malgré une dépense moindre à court terme, vos rapporteurs soulignent que le coût de la montée en débit peut être significatif, dès lors que sa mise en place représente un coût fixe d'environ 150 000 euros pour un sous-répartiteur. Selon le nombre d'utilisateurs en aval, le coût par ligne peut varier de 500 euros à plus de 5 000 euros. L'absence de revenu direct pour la collectivité en cas de montée en débit augmente également le coût actualisé de cette solution par rapport à la fibre optique de bout en bout. Le coût d'une prise FttH, estimé en moyenne à 1 100 euros par la Mission très haut débit, mais dépassant régulièrement 2 000 euros, sera progressivement compensé par des recettes d'exploitation. Avec la prise en compte de l'ensemble des coûts et des recettes, le décalage facial entre montée en débit sur cuivre et FttH se réduit.

DÉBIT DES TECHNOLOGIES SUR CUIVRE EN FONCTION
DE LA LONGUEUR DE LA LIGNE

Source : Mission très haut débit

La montée en débit peut constituer pour certaines collectivités une première étape , lorsque le déploiement de la fibre optique s'inscrit dans un déploiement à moyen terme du FttH. Dans l'hypothèse d'une généralisation de la montée en débit et du VDSL2, la Mission très haut débit estime que 47 % de la zone d'initiative publique pourrait être couverte en très haut débit. Le CEREMA souligne toutefois que le débit effectif suite à l'opération de montée en débit varierait fortement selon les territoires, compte tenu de la topologie et de la densité de l'habitat.

Le soutien à la montée en débit sur cuivre a fluctué depuis le lancement du PFTHD. Initialement réservé sur son développement, l'État a progressivement intégré cette solution dans le subventionnement. Le cahier des charges des demandes de subvention prévoit désormais un soutien spécifique à la collecte en fibre optique des NRA de montée en débit sur le réseau de cuivre. Le subventionnement de la montée en débit a été étendu par la version 2015 du cahier des charges aux infrastructures passives lorsqu'elles sont acquises par le porteur du RIP et réutilisables ultérieurement pour le FttH (réseau, dalle, armoire...).

La montée en débit est toutefois une technologie peu évolutive car le maintien d'une terminaison en cuivre limite intrinsèquement le service offert : asymétrie des débits, instabilité du service, affaiblissement du signal. Il est très peu probable que de nouvelles technologies sur cuivre proposent de meilleures performances dans les territoires moins denses dès lors que les évolutions successives (ADSL, VDSL2, G- fast ) offrent plus de débit sur des longueurs de lignes toujours moindres (respectivement 5 000, 1 000 et 100 mètres). Dans ces territoires ruraux, les technologies sur cuivre pourraient être rattrapées par les progrès en matière de réseaux mobiles très haut débit si ceux-ci sont déployés en temps utile.

Il est donc souhaitable de considérer la montée en débit comme une solution de court terme, à mettre en oeuvre dans les premières années du déploiement . Le soutien de l'État à la montée en débit devrait être conditionné à un déploiement rapide lors de la phase 1. Par ailleurs, sauf exception, cette solution doit être transitoire et les investissements doivent s'inscrire dans la perspective d'un déploiement à moyen terme du FttH . Le cahier des charges du FSN précise que la collecte des NRA-MeD doit être temporaire, « dans la mesure où son déploiement s'inscrit dans la perspective du déploiement de la future boucle locale optique mutualisée ». Il est essentiel que la Mission très haut débit demande aux porteurs de RIP souhaitant intégrer une part de montée en débit de présenter un projet d'ingénierie FttH cohérent, explicitant la cohérence des investissements avec le déploiement ultérieur de la fibre.

Le développement de la montée en débit et son intégration dans le PFTHD ont créé une instabilité défavorable à l'engagement résolu des collectivités territoriales dans la fibre optique. Face à la pression et aux urgences locales, ainsi qu'aux difficultés budgétaires, il est difficile pour les élus de privilégier les solutions de long terme et de savoir « où placer le curseur » en matière de mix technologique. Par ailleurs, le réseau de cuivre n'est pas exposé aux incertitudes qui pèsent aujourd'hui sur la commercialisation des réseaux en fibre optique. Malgré ces contraintes, la montée en débit ne doit pas se substituer durablement au FttH, lorsque le déploiement de ce dernier est techniquement et économiquement réaliste dans des délais raisonnables . L'État doit donner les bons signaux aux collectivités territoriales et leur apporter les moyens de poursuivre une politique d'aménagement numérique ambitieuse.

Le recours à la montée en débit doit donc être limité à deux situations : une solution technologique transitoire dont la compatibilité avec un déploiement du FttH après 2020 est démontrée ; une solution plus pérenne dûment justifiée par des conditions technique ou économiques insurmontables pour un déploiement en FttH .

Proposition : réaffirmer l'objectif du FttH par un encadrement du recours à la montée en débit sur cuivre, en vérifiant systématiquement sa compatibilité avec un déploiement ultérieur de la fibre optique, sauf impossibilité technique ou économique dûment justifiée par la situation locale.

La régulation de l'offre PRM d'Orange par l'ARCEP doit également limiter les surcoûts pour les collectivités territoriales. Si le cahier des charges conditionne le subventionnement des infrastructures passives à leur acquisition par le porteur du projet de RIP, les travaux facturés par Orange ne constituent pas à proprement parler des investissements pérennes. Par ailleurs, les dépenses engagées par les collectivités territoriales ne leur apportent pas de revenus supplémentaires. Dès lors que les fonds publics permettent à l'opérateur de conforter la durée de vie de son réseau, il serait cohérent qu'Orange prenne en charge une part plus importante des coûts. Vos rapporteurs ont été également alertés sur certains éléments de l'offre qui apparaissent sous-optimales aux porteurs de RIP, notamment en matière de dimensionnement des armoires et des fourreaux.

La récupération de la TVA sur les dépenses en matière de montée en débit est un autre enjeu qui reste en suspens pour les collectivités territoriales qui ont recours à cette composante. Des négociations sont en cours avec la Direction générale des finances publiques afin de permettre cette récupération, importante pour l'équilibre économique des projets de RIP. En cas de refus de l'administration, le coût de la montée en débit augmenterait mécaniquement de près de 20 % pour les collectivités territoriales.

L'ajustement du cadre de la montée en débit est donc indispensable pour assurer la pérennité des investissements publics.

Vos rapporteurs notent également que le soutien à la montée en débit par l'offre PRM d'Orange, dans le cadre des subventions du FSN aux RIP, pourrait exposer le PFTHD à un risque de qualification d'aides d'État non compatibles avec le droit européen . Dans un questionnaire transmis aux autorités françaises en juillet 2015, la Commission européenne note ainsi : « La boucle locale en cuivre (objet de la modernisation) étant la propriété d'Orange, la mesure d'aide permet à Orange d'exploiter à des tarifs préférentiels une infrastructure modernisée et de mener l'activité commerciale à des conditions que l'opérateur n'aurait autrement pas pu trouver sur le marché. En conséquence, il semble qu'Orange bénéficie d'un avantage sélectif . »

Vos rapporteurs ont demandé à la secrétaire d'État chargée du numérique, Axelle Lemaire, lors de son audition devant votre commission le 21 octobre 2015, de faire le point sur ce dossier. La réponse de la secrétaire d'État était optimiste : « Avec beaucoup de minutie, nous avons répondu à chacune des questions de la Commission européenne, qui s'interroge sur l'application du régime des aides d'État au nouveau cahier des charges [...] A ce stade, je pense que les doutes sont levés. Les commissaires européens sont convaincus du bien-fondé de la démarche française » . La secrétaire d'État a ainsi indiqué que cette difficulté devrait être résolue d'ici la fin de l'année 2015.

Le cas contraire, une modification par le Gouvernement du PFTHD, notamment par une séparation du régime d'aide en deux volets, pourrait être nécessaire, afin de sécuriser le dispositif pour l'ensemble des parties prenantes . À défaut, l'ensemble de la montée en débit pourrait être remise en cause dans le mix technologique des RIP, soit environ 10 % des prises à construire d'ici 2020. Vos rapporteurs souhaitent que la notification tardive du PFTHD à la Commission européenne n'aboutisse pas à une déstabilisation des projets des collectivités.

Proposition : sécuriser les opérations de montée en débit sur cuivre, par un ajustement du cadre juridique, économique et technique de cette technologie : mise en conformité avec le droit de la concurrence, récupération de la TVA, régulation de l'offre PRM d'Orange.

Plus globalement, les évolutions du cahier des charges doivent limiter la réorientation des déploiements vers les infrastructures d'Orange , a fortiori si cette évolution fragilise la transition vers la fibre optique. Si l'utilisation des infrastructures existante est un facteur de réduction des coûts, une telle tendance ne doit pas aboutir à subventionner la mise à niveau du réseau de cuivre de l'opérateur historique. Le soutien à la montée en débit ne saurait avoir pour conséquence durable de pérenniser la rente du réseau cuivre.

La problématique relative aux infrastructures d'Orange s'étend au réseau de collecte* . À ce jour, le cahier des charges ne permet pas aux collectivités territoriales d'investir dans un réseau de collecte si des réseaux tiers sont disponibles. Le plus souvent, les collectivités territoriales doivent avoir recours à l'offre de location de fibre optique (LFO) proposée par Orange sur son réseau de collecte. Cette réorientation vers le réseau d'Orange se heurte à plusieurs obstacles pour les collectivités : manque de connaissance sur le dimensionnement du réseau de collecte par rapport aux besoins du RIP, risque d'augmentation des tarifs de l'offre LFO faute de régulation dédiée, absence de subventionnement de l'État, surcoût engendré par l'obligation de suivre le tracé du réseau de collecte existant... L'absence de garanties sur les coûts et le positionnement d'un élément aussi structurant que la collecte du réseau en fibre optique pèse fortement sur les réseaux d'initiative publique.

L'ampleur que prendront les solutions hertziennes dans le mix technologique de la zone d'initiative publique reste incertaine . La couverture des locaux les plus isolés en FttH est particulièrement élevée : les 5 % des locaux les plus isolés représenteraient un coût à la prise jusqu'à dix fois supérieur au coût moyen. La Mission très haut débit estime que les solutions hertziennes pourraient représenter entre 1 et 9 % de la couverture en très haut débit, en fonction du choix des collectivités territoriales et de l'industrialisation des technologies fondées sur l'usage en situation fixe des réseaux mobiles. La saturation des faisceaux satellitaires constitue une vraie difficulté pour la composante inclusion numérique ( II.E ). Cette situation va créer un report de besoins vers les autres solutions, à savoir la montée en débit sur cuivre ou l'hertzien terrestre. Il s'agit donc d' identifier des solutions de remplacement.

Vos rapporteurs notent que les réseaux hertziens terrestres n'ont pas été intégrés au cahier des charges du FSN , à l'exception des équipements de réception, alors que leur industrialisation couplée à une montée en débit des émetteurs pourrait être une solution alternative au satellite.

Malgré le changement de contexte depuis 2013, le FttH doit demeurer une priorité pour les investissements privés et publics pour la couverture en très haut débit . Si chaque territoire doit pouvoir adapter le mix technologique à ses spécificités, il est nécessaire de privilégier des solutions de long terme et des investissements pérennes, particulièrement pour les réseaux filaires. Tout investissement non réutilisable pour une couverture ultérieure et raisonnable en FttH devrait être fortement encadré car la capacité d'évolution du débit, son asymétrie et son instabilité potentielle compromettent la pertinence des investissements. Si aucune technologie n'offre de solution universelle à la diversité des situations rencontrées dans les territoires, la fibre optique de bout en bout doit rester l'horizon du plus grand nombre possible d'utilisateurs .

2. Une optimisation indispensable des coûts de déploiement

Déployer une infrastructure filaire sur l'intégralité du territoire nationale, jusqu'à l'ensemble des logements et locaux professionnels, représente des coûts considérables. Dans un contexte budgétaire très difficile pour les collectivités territoriales, la couverture totale en très haut débit suppose de minimiser les investissements supplémentaires . Concomitamment à l'augmentation du subventionnement, le bon usage des deniers publics impose d'optimiser les déploiements. Cette optimisation des coûts de déploiement doit s'appuyer sur plusieurs vecteurs : mutualisation des réseaux, organisation des travaux de génie civil, adaptation des règles d'urbanisme aux réseaux de nouvelle génération.

L'ARCEP a mis en place une régulation privilégiant la mutualisation du dernier segment des réseaux dans la zone d'initiative privée, en identifiant des points de mutualisation (PM) à partir desquels un réseau unique doit être déployé en aval. Un seul réseau doit pénétrer dans les immeubles, connecté à ce PM, auquel peuvent accéder tous les opérateurs. Ce segment est géré par un opérateur unique, appelé opérateur d'immeuble. Au deuxième trimestre 2014, le taux de mutualisation pour les réseaux FttH était de 58 %. Dans la zone d'initiative publique, une seule boucle locale optique est déployée sous maîtrise d'ouvrage publique, neutre et ouvert à tous les opérateurs de service sans discriminations. Les règles de mutualisation, notamment le dimensionnement de la zone arrière du point de mutualisation (ZAPM), dépendent de la densité du territoire concerné.

Les travaux de génie civil représentent les coûts les plus importants . Dans les territoires les moins denses, l'ARCEP estime, en cas de création ex nihilo des infrastructures d'accueil, que le génie civil nécessaire représente entre 70 et 80 % du coût total de déploiement. Il est donc essentiel que les travaux soient organisés de manière à économiser les ressources, publiques et privées. Pour cela, une programmation des travaux doit permettre des synergies entre les différentes interventions sur les infrastructures : fibre optique, électricité, gaz, eau, assainissement. L'article L. 49 du code des postes et des communications électroniques, créé par la loi du 17 décembre 2009 précitée, impose aux maîtres d'ouvrage de travaux sur le domaine public (réfection du revêtement de la route, creusement de tranchées, mise en place ou remplacement d'appuis aériens...) d'informer systématiquement les collectivités territoriales et les opérateurs. Cette information doit permettre aux aménageurs, privés ou publics, de profiter de ces chantiers de génie civil pour réaliser leurs propres infrastructures. Les collectivités peuvent ainsi se constituer un patrimoine de fourreaux qui pourront être utilisés ultérieurement ou proposés aux opérateurs privés. L'objectif est de mieux coordonner les travaux de génie civil. Le réflexe « travaux = fourreaux » doit être généralisé auprès de l'ensemble des collectivités territoriales.

Outre cette anticipation indispensable lorsque des infrastructures nouvelles sont requises, la mobilisation d'infrastructures d'accueil existantes doit permettre de réduire significativement les coûts . Ces éléments sont multiples : fourreaux disposant de capacités excédentaires, canalisation de gaz ou d'assainissement, poteaux des réseaux téléphoniques et électriques, armoires de rue. Comparée à l'enfouissement, la pose de câbles optiques sur des poteaux est significativement plus avantageuse, avec une économie de l'ordre de 90 %. La mise en place de tranchées représente un coût d'environ 80 euros par mètre, additionné à la réalisation d'une chambre nécessaire à la gestion des câbles dont le coût par unité oscille entre 500 et 2 500 euros. En comparaison le recours à des poteaux représente un coût de 300 euros tous les cinquante mètres. L'accès aux appuis aériens, appartenant à Orange pour le réseau téléphonique, et à ERDF pour le réseau électrique, doit être privilégié autant que de possible afin de limiter les coûts. Le coût d'accès par un droit d'usage de longue durée est en effet bien inférieur au coût de création du génie civil.

L'ARCEP a imposé à Orange de proposer une offre d'accès régulée à ses infrastructures, souterraines (350 000 km d'artères) et aériennes (18 millions de poteaux). Sur l'utilisation des lignes aériennes de distribution publique d'électricité, la FNCCR est un acteur essentiel. Pour l'accès aux infrastructures d'ERDF, la Fédération a actualisé sa convention avec le gestionnaire au printemps 2015. La plateforme Objectif Fibre travaille également à l'établissement d'un guide pratique afin de faciliter et de standardiser le déploiement en aérien. Toutefois, l'évolution des normes imposées aux appuis aériens et les conditions climatiques particulières dans certains territoires peuvent aboutir à un nombre croissant d'échecs pour la réutilisation des infrastructures de distribution d'électricité. La quantification de ce risque en lien avec ERDF et de ses conséquences financières sur la conception des plans d'investissement permettrait de détecter en amont l'ampleur du problème.

L'accès aux fourreaux d'Orange, dont la mise en place a été financée par les collectivités territoriales, devrait également être facilité , dans des conditions économiques et juridiques appropriées pour les différents opérateurs de réseaux. L'approche forfaitaire utilisée pour la tarification de cet accès à la ligne pourrait être utilement complétée par une approche fondée sur le linéaire, afin de mieux tenir compte de l'utilisation véritable des infrastructures d'accueil de l'opérateur historique par les collectivités territoriales. Plusieurs collectivités ont également signalé des conflits récurrents avec l'opérateur historique concernant certains fourreaux installés par les collectivités territoriales après la privatisation de France Télécom, et faisant l'objet de contentieux en matière de propriété ou d'occupation illégale. Dans d'autres cas non litigieux de propriété, la redevance d'occupation du domaine public qui doit être versée par l'opérateur à la collectivité concernée est peu contrôlée et les écarts constatés entre collectivités sont souvent importants, faute d'informations suffisantes. Enfin, certaines collectivités signalent des difficultés et des délais importants pour obtenir les informations sur les infrastructures d'accueil . La numérisation en cours des réseaux et infrastructures d'Orange devrait permettre une refonte des données nécessaires, pour éviter de nouvelles difficultés. Il est indispensable de permettre aux collectivités territoriales et à leurs délégataires de disposer facilement des informations nécessaires à la construction du réseau optique.

Afin de créer un environnement favorable à des déploiements économes en ressources, publiques comme privées, les règles d'urbanisme et d'habitat doivent également mieux prendre en compte les réseaux de communication électroniques .

Avec l'adoption de la LME du 4 août 2008, les immeubles collectifs neufs doivent disposer, depuis le 1 er avril 2012, d'un pré-raccordement en fibre , c'est-à-dire d'un déploiement de la fibre dans les immeubles jusqu'à l'entrée des logements. Cette obligation vise à accélérer le raccordement final des utilisateurs, en anticipant le déploiement du réseau jusqu'à l'immeuble. Une nouvelle disposition, adoptée lors de l'examen de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques étend cette obligation de pré-raccordement à l'ensemble des logements neufs, y compris les immeubles individuels et les lotissements, à compter du 1 er juillet 2016. À l'initiative de notre collègue Bruno Sido, le pré-raccordement a été étendu aux logements collectifs existants faisant l'objet de travaux nécessitant l'obtention d'un permis de construire, ce qui permettra une coordination avec les travaux de rénovation énergétique.

Pour le raccordement des immeubles existants , une décision du propriétaire ou de l'assemblée générale des copropriétaires sur la proposition d'un opérateur d'assurer le raccordement d'un immeuble à la fibre optique en tant qu'opérateur d'immeuble est nécessaire. La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques prévoit la possibilité pour l'assemblée générale de donner mandat au conseil syndical, plus régulièrement réuni, afin de statuer sur cette proposition 46 ( * ) . Cette évolution est un premier pas pour remédier aux lenteurs, voire aux blocages persistants, constatés dans le processus de décision des copropriétés.

Le réseau FttH ne bénéficie toutefois pas encore des mêmes « prérogatives » que le réseau cuivre, notamment en matière de servitudes d'utilité publique . Ainsi, le déploiement en façade des câbles FttH ne constitue pas une servitude et peut aisément être refusé par une copropriété. Si le passage en façade doit être encadré, pour des raisons esthétiques notamment, cette technique de déploiement reste bien moins coûteuse que des creusements supplémentaires, particulièrement dans les alignements.

Alors que le réseau FttH a vocation à être le premier réseau de communications électroniques, la mise en place de dispositifs identiques à ceux bénéficiant au cuivre serait cohérente avec l'objectif de transition entre les deux réseaux . La transposition par ordonnance de la directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014, relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit, est une étape nouvelle afin d'améliorer la maîtrise des coûts de déploiement. Cette directive prévoit de nouvelles mesures visant à réduire le coût des travaux de génie civil, en renforçant les synergies entre les opérateurs de réseau : offres d'accès aux infrastructures d'accueil, mesures de transparence, coordination des travaux... La transposition de la directive pourrait être une opportunité d'extension des servitudes d'utilité publique au FttH, afin de faciliter le déploiement des infrastructures passives.

Dans les années 1970, le succès du plan de généralisation du réseau de cuivre en France a tenu en grande partie aux facilités de déploiement accordées sur le fondement des principes d'utilité publique et d'intérêt général. Les enjeux du très haut débit pour notre pays et ses territoires appellent donc des dispositions facilitatrices pour soutenir la mise en oeuvre de ce chantier d'avenir.

Proposition : faciliter l'accès des collectivités territoriales aux infrastructures d'accueil existantes et réglementer sa tarification, renforcer les servitudes d'utilité publique au bénéfice de la fibre et simplifier la procédure de raccordement des immeubles, pour accélérer le déploiement.

3. L'homogénéité technique, condition sine qua non de la pérennité des déploiements et de la commercialisation des réseaux.

Assurer l'homogénéité technique des réseaux FttH est essentiel pour garantir la pérennité d'une infrastructure mise en place pour plusieurs décennies . Cette harmonisation est également une condition indispensable à la commercialisation en masse des réseaux . Le déploiement des réseaux étant décentralisé, la cohérence technique de dizaines de réseaux locaux construits par des acteurs différents est un point de vigilance particulièrement important. L'objectif est de disposer de marchés de gros standardisés.

Plusieurs initiatives ont été lancées par les acteurs de la filière optique, en faveur de la standardisation et de l'harmonisation technique des différents réseaux : Objectif fibre, Fédération des industriels des réseaux d'initiative publique (FIRIP), Interop'Fibre, Cercle de Réflexion et d'étude pour le Développement de l'Optique (CREDO), AVICCA... Ces initiatives visent tant l'architecture des réseaux que le type de fibre ou les connecteurs utilisés. La qualité des matériaux et de leur installation est un enjeu important (choix des polymères, gaines, adaptateurs, connecteurs optiques). Afin d' assurer l'interopérabilité des réseaux et de faciliter leur exploitation , des travaux relatifs à la normalisation des systèmes d'information sont également menés 47 ( * ) . La rationalisation des déploiements s'appuie également sur la mise en place d'une base normalisée du bâti, appelée base adresse nationale (BAN), élaborée par La Poste avec l'Institut géographique nationale.

Le PFTHD confie à la Mission très haut débit la coordination des travaux de standardisation engagés par les opérateurs, ainsi que la publication de référentiels communs et de guides de bonnes pratiques . Un groupe de travail appelé « groupe infrastructures » a été créé en 2015 pour élaborer un référentiel technique partagé. Dans le cadre de ces travaux, la Mission a publié en juillet 2015 des recommandations relatives à la conception de la boucle locale optique mutualisée 48 ( * ) . Au sein de l'ARCEP, des décisions homologuées 49 ( * ) ainsi que des recommandations du comité d'experts fibre optique 50 ( * ) visent également à harmoniser les infrastructures déployées.

Ces initiatives sont nécessaires aux collectivités territoriales et à leurs délégataires, pour les aider à élaborer une architecture cohérente et homogène . Afin de gérer la diversité technique des RIP, vos rapporteurs saluent la récente modification du cahier des charges, permettant de mieux intégrer les réseaux pionniers. Une nouvelle disposition prévoit en effet que des aides seront attribuées afin de faciliter la mise en conformité technique des réseaux déployés avant la définition de la réglementation FttH, comme les RIP de l'Ain (SIEA) et de la ville de Sainte-Anne en Guadeloupe, dans la limite d'un plafond de 100 euros par prise. Cette disposition, qui devrait concerner environ 200 000 prises, facilitera leur commercialisation auprès des opérateurs.

Les efforts en matière d'harmonisation technique doivent se poursuivre pour garantir la qualité des réseaux et favoriser leur commercialisation . Il est indispensable d'élaborer en toute transparence les référentiels techniques, et le cas échéant, de les adapter selon les progrès et les conditions économiques. Une forme de « tâtonnement » collectif apparaît inévitable pour des technologies nouvelles, dont l'industrialisation est encore à ajuster. Si ces évolutions impliquent des ajustements significatifs pour mettre en conformité les réseaux existants, des aides spécifiques devraient être mises en place.

Il s'agit également de mieux objectiver la conformité technique des réseaux construits afin d'éviter toute instrumentalisation de cette question par les acteurs privés lors de la commercialisation des réseaux. Certaines collectivités territoriales font état de grands opérateurs privés invoquant des problèmes d'harmonisation technique, dont l'existence n'est pas avérée, afin de justifier leur stratégie attentiste à l'égard des RIP.

Un mécanisme de certification ou de label permettrait de proposer une validation objective de la qualité technique des RIP , soustraite aux intérêts particuliers. Tout en assurant en amont la cohérence de la conception des réseaux, une confirmation ex post de la conformité des réseaux construits aux référentiels techniques sera nécessaire à leur commercialisation en masse. Cette activité pourrait être confiée à un organisme associant l'ensemble des parties prenantes en toute transparence. Vos rapporteurs considèrent que cette garantie de conformité technique des RIP devrait être utilisée comme levier par les collectivités territoriales et par l'Etat lors des négociations avec les opérateurs privés, pour accélérer la commercialisation des réseaux.

Proposition : faire en sorte que les opérateurs utilisent les réseaux déployés par les collectivités territoriales dès lors qu'ils auront obtenu une certification de leur qualité technique, délivrée par un organisme neutre.

4. L'insoutenable coexistence de deux réseaux concurrents

L'objectif de la planification nationale est de doter la France d'une couverture nationale en fibre optique de bout en bout. Une boucle locale en fibre optique doit donc se substituer à la boucle locale de cuivre. Compte tenu du coût d'investissement dans le FttH, il n'est pas économiquement pertinent de maintenir deux boucles locales parallèles et concurrentes.

Afin d'analyser les enjeux de la transition, le Gouvernement a mis en place en juillet 2013 une mission sur la transition vers les réseaux à très haut débit et l'extinction du réseau de cuivre, présidée par Paul Champsaur, ancien président de l'ARCEP. La mission a rendu son rapport en décembre 2014.

Vos rapporteurs ne partagent pas l'approche retenue dans les conclusions de la mission. La portée limitée des recommandations ne permet pas de soutenir significativement le déploiement de la fibre optique. Par ailleurs, vos rapporteurs considèrent que l'invocation d'arguments techniques ne saurait aboutir au report du basculement à un horizon indéterminé, alors même que la problématique principale est le coût de l'extinction pour l'opérateur historique.

Pour élaborer ses propositions, la mission s'est appuyée sur l'expérimentation « 100 % fibre Palaiseau » menée par Orange dans la commune de Palaiseau à partir de juillet 2012. Ce projet visait une migration dans un délai contraint de toutes les applications supportées par la boucle locale de cuivre vers la fibre optique. À cet égard, vos rapporteurs regrettent qu'une expérimentation en zone d'initiative publique n'ait pas été menée , afin de tenir compte de la situation particulière en termes de densité. Les territoires ruraux sont précisément ceux où le mécanisme de zone fibrée pourrait être le plus utile pour soutenir les déploiements, et éviter toute concurrence par le réseau de cuivre détenu et exploité par l'opérateur historique. Conduire une seconde expérience sous maîtrise d'ouvrage publique permettrait d'analyser l'intégralité des enjeux posés par l'extinction, en disposant d'un retour plus représentatif des zones moins denses.

Le rapport privilégie une bascule progressive vers la fibre optique , plutôt qu'une migration programmée et contraignante, et propose une solution différenciée selon les territoires. La principale proposition du rapport est la création d'un statut de « zone fibrée » , attribué par les pouvoirs publics à une zone lorsque la complétude du déploiement horizontal et vertical du réseau en FttH est atteinte, et à la demande du propriétaire du réseau. L'ARCEP serait chargée d'examiner l'état du réseau sur la zone : qualité de service, ouverture de l'infrastructure aux différents opérateurs, harmonisation technique. Le ministre chargé des communications électroniques attribuerait ensuite le statut de « zone fibrée » au territoire concerné.

Ce statut déclencherait l'application de mesures incitatives en faveur du réseau en fibre, afin d'accélérer la migration des abonnés. L'extinction du réseau de cuivre ne serait décidée que dans un second temps , à l'initiative de l'opérateur historique , propriétaire du réseau. Pour les abonnés au réseau de cuivre, cette extinction impliquerait une migration forcée vers la fibre, avec des mesures d'accompagnement.

Vos rapporteurs estiment indispensable d'éviter tout verrouillage systématique de cette transition technologique , qui conduirait à priver le basculement d'impact significatif sur la couverture des territoires.

En vue de mettre en place une véritable dynamique au service de la fibre optique, une disposition a été inscrite dans le code des postes et des communications électroniques à l'initiative du Sénat lors de l'examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. L'objectif de cet ajout est de définir rapidement les modalités du dispositif de zone fibrée, afin de lutter contre tout inertie en matière d'extinction du cuivre .

ARTICLE L. 33-11 DU CODE DES POSTES ET DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

« Il est institué un statut de «zone fibrée», qui peut être obtenu dès lors que l'établissement et l'exploitation d'un réseau en fibre optique ouvert à la mutualisation sont suffisamment avancés pour déclencher des mesures facilitant la transition vers le très haut débit . La demande d'obtention du statut est formulée par l'opérateur chargé de ce réseau ou par la collectivité l'ayant établi au titre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales. Le ministre chargé des communications électroniques attribue ce statut après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. »

Si l'esprit du dispositif de zone fibrée proposé par la mission est d'intervenir en fin de déploiement des réseaux - à un horizon qui dépendra de la maille territoriale et du degré de complétude exigé -, sa mise en place doit permettre d'améliorer l'horizon économique des réseaux. En confortant leur rentabilité, le dispositif peut rétroagir sur le rythme des déploiements et sur la commercialisation, aussi bien en zone d'initiative privée qu'en zone d'initiative publique . À ce titre, vos rapporteurs considèrent que l'attribution du dispositif de zone fibrée devrait intervenir suffisamment tôt pour soutenir les déploiements en FttH.

Il importe que le décret d'application soit rapidement élaboré, afin de définir le cahier des charges des zones fibrées, et de prévoir des mesures réglementaires fortes pour l'accompagnement de la transition. L'ambition du dispositif est susceptible de varier fortement selon les paramètres retenus, notamment en matière de maille territoriale, de degré de complétude, de mesures incitatives, et de modalités d'extinction. Vos rapporteurs notent à cet égard que la concertation prévue pour l'élaboration du cahier des charges du dispositif de zone fibrée n'a toujours pas été lancée .

L'attribution du statut de zone fibrée devrait s'inscrire dans un calendrier prévisionnel de basculement technologique et d'extinction du réseau de cuivre dans le territoire , afin de donner de la visibilité à l'ensemble des parties prenantes. Vos rapporteurs considèrent que ce calendrier devrait être discuté au niveau local entre les différentes parties prenantes, et inséré dans le SDTAN . Il doit en effet être cohérent avec le calendrier des déploiements en très haut débit prévu par la planification locale. Une fois les premières mesures de transition mises en oeuvre, le basculement devrait être achevé en quelques années, en tout état de cause dans un délai qui ne devrait pas dépasser cinq ans .

Les collectivités territoriales doivent être à l'initiative du processus de basculement , sans accorder de privilège exclusif à l'État ou à l'opérateur historique, propriétaire du réseau qu'il s'agit précisément d'éteindre. Le gestionnaire du réseau FttH doit pouvoir saisir l'ARCEP afin d'initier la transition et de vérifier la capacité du nouveau réseau à intégrer l'ensemble des utilisateurs. Vos rapporteurs jugent indispensable que la validation du réseau concerné associe l'ensemble des parties prenantes en toute transparence : services de l'Etat et du régulateur, représentants des élus locaux, opérateurs privés.

Les critères d'attribution du statut de zone fibrée doivent être atteignables , pour permettre d'attribuer ce statut suffisamment tôt afin de déclencher des mesures de transition facilitant, en temps utile , le déploiement de la boucle locale optique ainsi que la commercialisation des prises construites. Si l'extinction a vocation à intervenir lorsque le déploiement horizontal en fibre optique est en voie d'achèvement pour éviter la déconnexion de certains foyers, la transition devrait être enclenchée précocement. Le souhait de sécuriser la fin du réseau de cuivre ne saurait en effet se traduire par un report sine die du processus de transition technologique.

Le degré de complétude devrait en particulier être modulé , afin de tenir compte des spécificités des territoires couverts par l'initiative publique. L'existence quasi-systématique de locaux isolés sur les plaques prises en charge par les collectivités territoires nécessite d'adapter la complétude, sauf à empêcher de facto l'obtention du statut de zone fibrée pour de très nombreux territoires . Il serait particulièrement incohérent d'exiger une obligation stricte de complétude pour le nouveau réseau, qu'il s'agit précisément de soutenir, alors même qu'en matière de service universel, l'opérateur chargé de l'assurer par le réseau de cuivre a la possibilité d'avoir recours à un complément satellitaire pour apporter un accès à l'ensemble de la population. Afin de garantir la couverture de toute la population, l'opérateur du réseau sur la zone d'initiative publique bénéficiant du statut de « zone fibrée » s'engagerait à fournir à l'ensemble des logements un accès très haut débit, à titre principal en FttH et à titre complémentaire par des technologies alternatives .

POURCENTAGE DE LOGEMENTS ISOLÉS SUIVANT LES DÉPARTEMENTS
(HORS ZONE AMII) AVEC DIFFÉRENTS JEUX DE PARAMÈTRES

Sources : CETE de l'Ouest, ARCEP

Les mesures associées au statut de zone fibrée doivent permettre de soutenir le nouveau réseau en fibre optique. Vos rapporteurs considèrent qu' une action progressive sur la tarification du cuivre est indispensable , afin de modifier le signal-prix et les incitations en faveur de la fibre optique. Au niveau national, le price cap pluriannuel que fixera l'ARCEP sur le cuivre devra favoriser une bascule de la stratégie des opérateurs vers la fibre optique. En cohérence avec le cadre tarifaire en cours d'élaboration pour les réseaux d'initiative publique en fibre optique, le tarif de l'accès au réseau de cuivre devrait être modifié localement, au service de la transition . Les déclarations du nouveau président de l'ARCEP, Sébastien Soriano, augurent d'une participation active de l'autorité en faveur de l'accompagnement de la transition du cuivre vers la fibre 51 ( * ) . Il est essentiel que l'autorité de régulation s'engage sans ambiguïté dans cette voie. En zone d'initiative publique, un subventionnement complémentaire devrait être associé à l'attribution du statut de zone fibrée, afin de soutenir l'achèvement des plaques concernées. L'attribution du statut de zone fibré pourrait s'accompagner d'une information des habitants sous la forme d'une labellisation du territoire . Des mesures pourraient s'imposer aux opérateurs privés, notamment en mettant fin à tout nouveau raccordement au réseau de cuivre, au profit du réseau optique.

Le dispositif de zone fibrée doit être pragmatique et mis à disposition des acteurs locaux du réseau optique, sans imposer de dispositif excessivement contraignant, au risque de verrouiller la transition vers la fibre et de priver le mécanisme de toute contribution à la dynamique de déploiement.

Proposition : mettre en place un dispositif de basculement volontariste du cuivre vers la fibre optique : expérience d'extinction en zone d'initiative publique, calendrier de basculement défini dans les SDTAN, critère de complétude adapté à l'obtention du statut de zone fibrée en territoire rural, mesure tarifaire sur le cuivre, aide financière à l'achèvement des plaques, labellisation de la zone.

L'expérience de Palaiseau a mis en lumière certaines difficultés techniques pour transférer les usages basés sur le réseau de cuivre vers la fibre optique : systèmes d'ascenseur, alarmes, fax, dispositifs de télésurveillance, terminaux de paiement.... Le rapport de la mission dirigée par Paul Champsaur a initié un inventaire des usages existants sur le cuivre à transférer, qu'il s'agit de compléter afin d'obtenir un recensement exhaustif. Il serait souhaitable que l'État engage dès à présent un programme de recherche dédié, fondé sur des partenariats entre le public et le privé . L'élaboration de ces solutions pourrait s'appuyer sur les centres de recherche publics et les pôles de compétitivité. Ces recherches permettraient à la France de disposer d'avantages comparatifs sur le marché international des équipements sur fibre optique, dès lors que l'enjeu de la transition va se poser dans de nombreux pays développés.

En termes économiques, cette transition, qui implique une extinction du réseau de cuivre, est une problématique particulière pour l'opérateur historique , tant en termes d'indemnisation que d'emplois. Vos rapporteurs considèrent que cette question doit être envisagée dès à présent, et explorée en toute transparence, afin de clarifier les enjeux financiers, et de permettre à l'opérateur historique de préparer cette extinction. Il ressort des auditions menées par le groupe de travail que l'impact de l'extinction sur l'opérateur historique, et incidemment la question de son indemnisation par l'État, constitue le premier obstacle à une transition technologique plus dirigée.

Si la préservation économique de l'opérateur est une préoccupation, l'intérêt particulier d'une entreprise, malgré la présence de l'État dans son actionnariat, ne saurait justifier le blocage d'une transition technologique d'intérêt général. Le maintien du réseau de cuivre est un facteur important de réticence de l'opérateur historique à investir rapidement dans la fibre optique dans certains territoires, face à l'opportunité de conserver pour une durée encore importante la boucle locale de cuivre, qui reste rentable et mobilise une partie de son personnel.

Proposition : faciliter la migration vers la fibre optique, en réalisant un inventaire exhaustif des usages existants sur le cuivre, en mettant en place un programme de recherche public-privé dédié et en analysant dès à présent les enjeux économiques de l'extinction pour l'opérateur historique, en toute transparence.

Le maintien du réseau de cuivre hypothèque un déploiement généralisé de la fibre optique. Si cette situation devait se prolonger, la rentabilité du nouveau réseau serait compromise, en raison d'une incertitude sur la commercialisation du stock de prises, tout en dupliquant les coûts d'exploitation et de maintenance, pour deux réseaux à la fois. Une telle coexistence serait particulièrement préjudiciable au développement de la fibre optique dans les zones moins denses et pourrait alimenter une sous-utilisation durable d'infrastructures financées par des fonds publics . Sur le marché de détail, la modernisation du réseau de cuivre, associée à des offres low cost, favoriserait une rétention de la clientèle sur le cuivre , retardant la décision des utilisateurs de basculer vers une offre fibre.

L'aménagement numérique du territoire nécessite donc une transition dynamique du cuivre vers la fibre optique , par des arbitrages forts et un volontarisme politique sans équivoque. L'intérêt général ne doit pas être entravé par le maintien de situations acquises sur le réseau historique. La transition rapide de la télévision analogique à la télévision numérique terrestre (TNT) témoigne de la possibilité de mener une migration à la fois dirigée et cohérente. Il est essentiel d' envoyer un signal clair à l'ensemble des parties prenantes aux déploiements de nouvelle génération en améliorant les perspectives de la fibre optique.


* 45 Au Japon, des chercheurs ont ainsi réussi à atteindre en 2011 un débit de 109 000 Gbit/s dans une fibre sur une distance de 17 km.

* 46 Article 114 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 47 L'AVICCA développe notamment le modèle GR@CE THD, afin d'assurer l'interopérabilité des systèmes d'information mis en place par les différents opérateurs de réseaux.

* 48 Recommandations portant sur la conception et la topologie de la boucle locale optique mutualisée, 9 juillet 2015.

* 49 Décision de l'ARCEP n° 2015-0776 en date du 2 juillet 2015 sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.

* 50 Recueil de spécifications fonctionnelles et techniques sur les réseaux en fibre optique jusque l'abonné en dehors des zones très denses élaboré par le comité d'experts fibre optique de l'ARCEP.

* 51 Intervention de Sébastien Soriano, président de l'ARCEP au colloque de l'AVICCA du 2 avril 2015.

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