III. LES CHOIX FAITS AMÈNENT À DE NOMBREUSES INTERROGATIONS ET DES INCERTITUDES MAJEURES SUBSISTENT (2011/2013)

A. DES QUESTIONS AUX RÉPONSES PARFOIS INSATISFAISANTES

1. Des choix techniques pas toujours convaincants

Le constat de l'augmentation des coûts a amené à une révision tardive de certaines exigences de l'État. Il n'a jamais amené à interrogation sur la pertinence de certaines options majeures. Ainsi en est-il des portiques , fort coûteux (de 600 000 à 1 million d'euros), qui ont cristallisé le mécontentement populaire, alors qu'ils ne sont en rien indispensables au fonctionnement d'un dispositif fondé sur une géolocalisation satellitaire. Il eut sans doute été opportun de revoir à la baisse les objectifs de contrôle, privilégiant des moyens humains et l'utilisation de dispositifs embarqués.

De même, le maillage des points de distribution des équipements embarqués peut poser question . Le contrat signé avec Écomouv' impose en effet le déploiement de 420 points de distribution dans la phase initiale d'exploitation, puis 330 au minimum, l'ensemble d'entre eux devant être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Le réseau de points de distribution des équipements embarqués

Le contrat stipule que :

- certaines prestations, dites de catégorie 1, doivent pouvoir être accessibles sans que le transporteur ait à effectuer un détour de plus de 20 minutes par rapport à son trajet, sans supplément de péage : il s'agit par exemple de la réalisation des formalités nécessaires à la mise à disposition des équipements embarqués et de l'encaissement de la caution correspondante, de la possibilité de se mettre en règle en cas de problème technique (panne, vol ou dysfonctionnement de l'équipement embarqué) ;

- certaines prestations, dites de catégorie 2, doivent pouvoir être accessibles sans que le transporteur ait à effectuer un détour de plus de 30 minutes par rapport à son trajet, sans supplément de péage : il s'agit de la communication de l'avis de paiement, de la restitution du solde de l'avance après clôture du compte, du retour de l'équipement embarqué et de la restitution de la caution, de la visualisation du compte du redevable...

L'objectif de performance associé à ces exigences a été fixé à 80 % pour les prestations de catégorie 1 et 90 % pour les prestations de catégorie 2. Ainsi, Écomouv' doit s'assurer que l'accès à une prestation de catégorie 1 soit effectivement possible dans un délai de 20 minutes dans au moins 80 % des cas. À défaut, il peut se voir infliger des pénalités.

De telles normes ont été justifiées par l'équipe de projet au cours des auditions par les exigences européennes. Mme Anny Corail, chef de la mission taxe poids lourds à la DGDDI, a notamment indiqué que « le droit communautaire interdit [...] les détours de plus de trente minutes par rapport au trajet. Il faut des points de régularisation nombreux pour les camionneurs ». Elles n'auraient donc pas été suffisamment anticipées au départ, puisque l'évaluation préalable ne mentionnait que 220 points de distribution, chiffre porté à 300 en janvier 2010, au moment de l'élaboration des propositions initiales remises aux candidats.

Aucun document attestant précisément que de telles obligations en termes de disponibilité du service ont été fixées par Bruxelles n'a toutefois été présenté à votre commission d'enquête. Interrogé sur ce point, M. Matthias Ruete, directeur général de la mobilité et des transports à la Commission européenne, a indiqué que ces exigences précises ne figuraient pas en tant que telles dans les textes européens. D'après la mission de la tarification, elles ont été déterminées lors d'échanges informels avec la Commission européenne. Les comptes rendus des réunions de travail organisées avec elle évoquent ce sujet, mais de manière allusive et sans objectifs chiffrés. Ainsi, en février 2009, la Commission a attiré l'attention de la DGITM sur « la nécessité de garantir la non-discrimination vis-à-vis des non abonnés et des usagers occasionnels (qualité de service offert, gratuité du service de base, accès facile aux badges) ». En mai 2010, si la Commission a reconnu qu'il était disproportionné de garantir le réseau de distribution des équipements embarqués en continu en tout point du territoire, « l'accent a été mis sur la nécessité de faciliter le plus possible l'accès à l'équipement embarqué et sur l'opportunité d'informer largement les transporteurs étrangers ».

Le dossier d'information remis par la France à la Commission européenne du 2 novembre 2012 témoigne néanmoins du souci qu'a eu la mission de la tarification de contenir l'augmentation du nombre de points de distribution demandée par Bruxelles. Elle y démontre en effet l'intérêt de concentrer les points de distribution à proximité du réseau taxable, au lieu de garantir le même niveau de service sur l'ensemble du territoire.

Ces contraintes ont pour objet d'assurer la disponibilité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, du service de distribution des équipements embarqués, à la destination principale des 185 000 camions n'ayant pas l'intention ou la possibilité de conclure un contrat d'abonnement avec une SHT, sur les 850 000 camions soumis à l'écotaxe. Elles apparaissent surdimensionnées et semblent difficiles à justifier pleinement par le droit européen. Elles s'expliquent peut-être par la volonté qu'a eue l'État d'encadrer à l'extrême la délégation d'une mission régalienne à un tiers privé, alors même que les administrations françaises ne sont pas nécessairement soumises à des contraintes aussi fortes. Ainsi, comme cela a déjà été souligné, le recours à un prestataire privé dans ce cas précis a en même temps incité les administrations à se montrer très exigeantes envers le partenaire privé et à négliger l'étude de ratios coût/efficacité, dans la mesure où le dispositif était, par construction, bénéficiaire.

De plus, si les camions français avaient été, comme leurs homologues étrangers, dispensés de l'obligation de se procurer un équipement embarqué lorsqu'ils n'empruntent pas le réseau taxable, la configuration du réseau de points de distribution aurait pu être réduite.

Ce dispositif a représenté un coût important et explique une part de la dérive constatée entre le montant prévisionnel du projet et celui prévu par le contrat signé avec Écomouv'.

On peut enfin se demander pourquoi l'enregistrement des redevables, qu'ils soient abonnés ou non, a pris tant de retard. Alors que l'enregistrement des redevables abonnés a été ouvert le 19 juillet 2013, et celui des redevables non abonnés le 14 octobre 2013, à peine plus de 194 000 camions s'étaient enregistrés pour obtenir des équipements embarqués à la fin du mois de janvier 2014. Parmi eux, 0,3 % étaient des redevables non abonnés. Or, la taxe devrait concerner 850 000 redevables, avec un objectif de 600 à 650 000 abonnés. D'après Écomouv', le nombre d'enregistrements a augmenté une fois que l'arrêté fixant la date de l'entrée en vigueur de la taxe au 1 er janvier 2014 a été publié, c'est-à-dire dès que l'État a établi pour la première fois formellement la date de mise en service de la taxe. L'annonce de la suspension a évidemment fortement ralenti ce processus. La lecture des procès-verbaux de revues de projet ou de réunions internes rendus disponibles auprès de votre commission à la demande de votre rapporteur révèle cependant que la mise au point des dispositifs embarqués et des logiciels afférents à l'ensemble du dispositif a connu de très nombreuses modifications, corrections et retards, pas toujours clairement expliqués ou sincèrement évalués auprès de l'État dans leurs conséquences en termes de calendrier.

Certains transporteurs ou SHT ont dénoncé la redondance et la complexité des documents demandés pour cette étape.

L'enregistrement des redevables

La liste des pièces exigibles est définie par l'arrêté du 12 juillet 2013 relatif à l'enregistrement des véhicules soumis à la taxe sur les véhicules de transport de marchandises, pris en application de l'article 2 du décret n° 2013-559 du 26 juin 2013 relatif aux droits et obligations des redevables de la taxe sur les véhicules de transport de marchandises.

Cette liste peut paraître impressionnante. Lors de son audition devant la commission d'enquête du 18 février 2014, Mme Anny Corail a rappelé que l'ensemble des documents mentionnés n'était pas nécessairement requis de façon obligatoire, évoquant un chiffre maximal de six pièces à fournir.

Le nombre de pièces demandées varie en fonction des situations. Sont exigés pour la totalité des cas :

- le certificat d'immatriculation ;

- une déclaration du poids total roulant autorisé du tracteur, si cette mention n'est pas présente dans le certificat d'immatriculation ;

- le mandat, si la déclaration est effectuée par un mandataire et non directement par le redevable ;

- une pièce d'identité ;

- pour les coordonnées du redevable : si le redevable est une personne physique, un justificatif de domicile ; si le redevable est une personne morale : le numéro d'identification de la personne morale (SIRET, EORI...) attesté par tout document administratif portant ce numéro 32 ( * ) ainsi que, pour les coordonnées du représentant légal, l'extrait K bis datant de moins de trois mois ou tout autre document justifiant de la qualité de représentant légal ;

- un document attestant de la qualité du redevable (propriétaire, locataire ou utilisateur) : certificat d'immatriculation, justificatif de location ou de l'utilisation du véhicule.

Ces demandes ne sont pas redondantes. Le certificat d'immatriculation du véhicule ne comporte que le nom du propriétaire du véhicule, qui n'est pas nécessairement le redevable de la taxe. Il peut s'agir, par exemple, d'une banque ou d'une société commerciale sans lien direct avec l'utilisation du camion. C'est la raison pour laquelle l'administration des douanes a exigé en complément un document attestant des coordonnées du redevable. Elles lui sont nécessaires pour la notification des manquements aux redevables concernés, mission qui n'a pu être confiée aux SHT en raison de son caractère régalien.

Sont en outre demandés, de façon facultative, mais fortement incitative de par les effets induits en cas d'absence :

- pour attester de la classe EURO du véhicule : le certificat de conformité, le CEMT ou l'attestation conducteur, si aucune mention en ce sens ne figure au certificat d'immatriculation ; à défaut, le barème de la classe EURO la plus défavorable est appliqué ;

- pour attester du nombre d'essieux du véhicule : un certificat de conformité, à défaut duquel le nombre d'essieux n'est pas enregistré. L'arrêté précise toutefois que dans tous les cas, la liquidation est réalisée sur la base du nombre d'essieux paramétré dans l'équipement embarqué par le redevable.

Il est vraisemblable que le manque de pédagogie ayant accompagné la publication de cette liste ait expliqué une part des difficultés relevées par les transporteurs et les SHT. Un « phénomène d'apprentissage » a permis d'y remédier en partie. Un mois après l'ouverture de l'enregistrement des redevables abonnés le 19 juillet 2013, le compte rendu de la revue de projet destinée à apprécier l'avancement de la mise en oeuvre du dispositif indique en effet qu'« Écomouv' remonte une pression constante des SHT qui souhaitent que le retard soit limité pour des raisons organisationnelles et économiques et évoquent la lourdeur de la procédure enregistrement. L'État constate toutefois que les raisons principales de rejets sont l'erreur de saisie (42 %) les justificatifs manquants (24 %) et les données non justifiées (19 %) qui sont de la responsabilité entière des SHT » .

Des divergences d'interprétation sur la liste des pièces à fournir et la façon de renseigner les différentes informations ont aussi expliqué une part de ces problèmes. Des réunions organisées entre l'État, Écomouv' et les SHT ont mis en évidence trois types de difficultés concernant l'enregistrement des redevables : une communication insuffisante sur la date de la mise en service de la taxe, un nombre de dossiers complets faible et une qualité globale des documents empêchant un traitement efficace par numérisation automatisée, une procédure d'enregistrement relativement complexe.

Le compte rendu de la revue de projet du 9 octobre 2013 indique que ces réunions « ont permis de lever des contraintes qui n'auraient pas eu lieu d'être (cohérence des données d'adresse sur toutes les pièces justificatives non nécessaire, mandat apparent possible, etc.) » .

Pratiquement à chaque réunion, les comptes rendus mentionnent des demandes réitérées de la part de l'État de certitudes sur l'état de la procédure d'enregistrement afin de pouvoir communiquer sur la date de mise en service de la taxe. Ainsi, lors de la réunion de revue de projet du 30 août 2013, sur interrogation d'Écomouv' à propos des retards inévitables et de la communication nécessaire, l'État répondait qu'il ne peut pas indiquer un retard sans évoquer les difficultés rencontrées durant la vérification du dispositif. De fait, les versions de logiciels testées pour les équipements embarqués ont subi de nombreuses modifications (la livraison de la version dite « finale », BL 6.77.6, est annoncée par Écomouv' pour le 28 octobre 2013 lors de la réunion du 9 octobre 2013), ce qui inquiétait tant l'État que les SHT pour tout ce qui concernait la validité des opérations d'enregistrement des abonnés et non abonnés.

Pour autant, les douanes concluent, le 25 novembre 2013, après la seule visite inopinée faite le 30 septembre dans les locaux d'Écomouv', à une maîtrise satisfaisante des règles d'enregistrement par les téléopérateurs. Quelques remarques mineures, susceptibles d'améliorer quelque peu le taux de rejet jugé encore important, ont été signifiées à Écomouv'. Les opérations d'enregistrement (RA et RNA) étaient alors ré-ouvertes par l'État lors de la réunion de projet du 7 novembre 2013, date à laquelle Écomouv' annonce un peu plus de 120 000 redevables abonnés.

2. Un PPP difficile à évaluer

Si la complexité technique est réelle, ce constat autorisait seulement de recourir à un contrat de partenariat . Malgré cette complexité, le contrat de partenariat ne s'imposait pas pour autant.

Les recommandations insistantes de la Mappp concernant le caractère critique du respect de la date de mise en service complet du dispositif, comme de la nécessité pour les directions concernées de se doter, dès le début du dialogue compétitif, et jusqu'à la mise en oeuvre du projet des compétences et conseils nécessaires dans le cadre d'une opération « originale et complexe, pour laquelle il n'existe pas de précédent auquel on puisse valablement se référer », n'ont eu que peu d'échos. Il faut par ailleurs rappeler que le 13 octobre 2011, la Mappp maintenait son avis favorable, mais émettait ou renouvelait un certain nombre de réserves. Elles ont fait l'objet d'échanges, retracés dans un compte rendu dont votre rapporteur a obtenu communication, sur lequel ne figurent ni les participants ni les destinataires. Ce document sans références, transmis par la DGITM, fait état de remarques de la Mappp et mentionne la date du 14 octobre 2011. Il s'agit donc vraisemblablement d'un compte rendu informel de la réunion évoquée devant votre commission, qui a fait suite aux remarques de la Mappp, dont l'avis avait été sollicité dans des délais très brefs en octobre 2011.

Certains points soulevés par la Mappp ont été suffisamment éclaircis pour lever les réserves initiales. Cependant, les conditions d'un éventuel refinancement, qui avaient, dès 2009, été jugées déséquilibrées en faveur du prestataire privé, ont à nouveau été évoquées. La Mappp maintenait son analyse, mais avait pris acte du fait qu'à ce stade de la procédure (octobre 2011), revenir sur ce point pouvait remettre en cause l'ensemble du dialogue compétitif, donc tout le projet. Le risque apparaissant minime de voir ces circonstances se produire a conduit la Mappp à accepter ce point.

Votre rapporteur a également eu connaissance d' observations formulées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ( DGCCRF ), membre de la commission consultative.

La première remarque était que l'une des sociétés conseils du ministère des Transports avait été également, dans le passé, le conseil d'Autostrade per l'Italia, ce qui soulevait une interrogation en termes de risques de conflit de compétence. De fait, ce fut un des moyens soulevés par Sanef dans son recours devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. La seconde remarque était que le cahier des charges techniques avait été modifié lors du dialogue compétitif, sans qu'il soit certain que tous les candidats en aient été informés au même moment.

Ces observations, restées sans réponse en séance, n'ont pas été prises en compte ni retranscrites dans les procès-verbaux de réunion de cette commission, dont la DGCCRF n'a du reste pas été destinataire. La présence de son représentant, Mme Leïla Benalia, inspectrice principale de la DGCCRF, arrivée avec un léger retard selon le directeur général (qui n'était pas elle-même présente), n'est pas mentionnée sur le procès-verbal de réunion de la commission consultative du 13 décembre 2010. Toutefois M. Roland Peylet, président de la commission consultative, a confirmé dans son audition que la DGCCRF n'avait pas participé aux deux dernières réunions de la commission consultative, « sans motif particulier ».

a) Une évaluation préalable confirmant la complexité du dispositif

On rappellera que tout projet faisant l'objet d'un contrat de partenariat doit s'accompagner, conformément à l'article 2 de l'ordonnance précitée du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, de la rédaction d'une évaluation préalable , par la personne publique ou par ses conseils en amont du projet. Toute évaluation préalable doit justifier la présence de l'un, au moins, des critères autorisant le recours à un contrat de partenariat. Plus généralement, elle poursuit deux objectifs :

- d'une part, démontrer que la personne publique « n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet, ou bien que le projet présente un caractère d'urgence » ;

- d'autre part, exposer avec précision « les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif, qui l'ont conduite, après une analyse comparative, notamment en termes de coût global, de performance et de partage des risques, de différentes options, à retenir le projet envisagé et à décider de lancer une procédure de passation d'un contrat de partenariat ».

Toute évaluation préalable est composée de deux parties principales : d'une part, une analyse juridique des types de contrats envisageables pour réaliser ledit projet - généralement, contrat de partenariat et contrat en « loi MOP 33 ( * ) » - ; d'autre part, une analyse économique de l'efficience de la réalisation du projet en contrat de partenariat.

Il convient de préciser que l'évaluation préalable n'a pas vocation à justifier l'opportunité du projet décidé par la personne publique, celle-ci étant considérée comme acquise et définitive.

Dans le cadre de l'écotaxe, l'évaluation préalable a été pilotée, en décembre 2008, par la mission interministérielle pour la tarification routière, créée en 2007 au sein de la direction générale des routes, en partenariat avec la DGDDI, et rédigée par les conseils juridiques de l'État qui les ont accompagnés pendant toute la procédure jusqu'à la signature du contrat.

Les hypothèses pour le chiffrage des coûts du projet ont été fournies par les conseils techniques. En revanche, les principales hypothèses de volumétrie ont été fixées par les services de l'État : taille du réseau taxable, points de tarification, portiques de contrôle automatique, points de service pour le réseau de distribution. L'évaluation préalable a été rédigée sur la base des premières réflexions issues de la taxe expérimentale en Alsace, en parallèle des travaux de définition des exigences techniques ou règlementaires du dispositif dans le cadre d'ateliers thématiques.

Les administrations d'État ont comparé le contrat de partenariat avec un contrat global traditionnel en « loi MOP », afin d'éviter les difficultés présentées par toute solution d'allotissement.

Sur ces bases, l'évaluation préalable, rédigée en décembre 2008, a relevé la complexité technique et juridique inhérente au projet d'écotaxe ce qui justifiait, au regard de l'ordonnance du 17 juin 2004, le recours à un contrat de partenariat : « L e recours au contrat de partenariat est justifié au cas présent tant par la complexité technique du projet que par sa complexité juridique et financière », à tous les stades du projet (conception et réalisation, maintenance, entretien et exploitation). La complexité technique et fonctionnelle du projet est liée à la nature et à l'envergure du dispositif et à l'hétérogénéité du réseau taxé pour lequel l'État ne dispose pas de réelle base de comparaison. Par ailleurs, il est précisé que « le déploiement du dispositif de perception et de contrôle devra [it] intervenir dans des conditions gênant le moins possible la circulation et la vie économique et sociale des zones concernées et dans un délai très bref sur l'ensemble du territoire ». L'évaluation préalable pointe également la complexité juridique et financière, en particulier sur les questions de responsabilités relatives aux risques de conception, de réalisation et d'exploitation.

b) Une reconnaissance de la complexité par la mission d'appui aux partenariats public-privé

Cette évaluation a ensuite été soumise à l'avis de la Mappp, conformément à l'ordonnance précitée du 17 juin 2004.

La mission d'appui aux partenariats public-privé

Organisme expert prévu par l'ordonnance du 17 juin 2004 et mise en place le 27 mai 2005 auprès du ministère de l'économie et des finances avant de devenir un service à compétence nationale rattaché au directeur général du Trésor, la mission d'appui aux Mappp est obligatoirement saisie sur tous les projets de contrat de partenariat émanant de l'État, de ses établissements publics et des établissements publics hospitaliers, à deux étapes de la procédure :

- avant l'engagement de la procédure d'attribution : avant de lancer un avis d'appel public à la concurrence, la Mappp valide, au regard des recommandations qu'elle a fixées, le principe du recours à un PPP au vu de l'évaluation préalable qui émane du porteur public du projet, non de la Mappp;

- après l'engagement de la procédure d'attribution : elle intervient à l'issue de la procédure d'attribution pour vérifier que l'offre finale est bien en adéquation avec ce qui était attendu et conforme aux recommandations, de même qu'elle protège la personne publique, selon la Mappp.

Le ministre de l'économie autorise la signature du contrat en s'appuyant sur l'avis de la Mappp.

Elle est saisie, à titre facultatif, par les collectivités territoriales sur leur projet.

L'avis de la Mappp rendu sur l'évaluation préalable ne lie pas la personne publique et n'entraîne aucun effet sur la suite de la procédure, notamment sur le contenu de l'avis d'appel public à la concurrence ou du dialogue compétitif.

Par ailleurs, elle élabore la méthodologie de l'évaluation préalable, qui est le prérequis imposé par le législateur pour que le contrat de partenariat soit identifié comme la meilleure solution entre les différents modes de contractualisation. Elle a également un rôle d'accompagnement des administrations lors de l'attribution et de la finalisation des contrats, en rédigeant des clausiers-types et des préconisations relatives aux dispositions contractuelles.

Enfin, elle assure le suivi statistique des PPP et la capitalisation des expériences.

La Mappp n'a pas vocation à se prononcer sur l'opportunité du projet ; son avis se borne à vérifier que les conditions justifiant le recours à un contrat de partenariat sont réunies et répondent aux dispositions de l'ordonnance du 17 juin 2004. La Mappp est également chargée d'apprécier le respect de la méthodologie d'évaluation et d'argumentation, ainsi que la correcte appréciation des risques en termes de délais, de coûts, de performance, liés au contrat de partenariat, en comparaison avec les autres formules de marché public.

Par un avis du 12 février 2009 , la Mappp a validé le choix du recours à un contrat de partenariat sur le critère de la complexité technique et fonctionnelle , caractérisée aux différents stades de ce projet en raison de son caractère inédit et innovant. Elle a estimé que « le projet envisagé présent [ait] bien des éléments réels de complexité technique, que fait ressortir l'évaluation préalable. Celle-ci montre que la complexité technique et fonctionnelle apparaît aux différents stades du projet, depuis la conception jusqu'à la maintenance, l'entretien et l'exploitation, et en passant par la réalisation ». En outre, la Mappp a conclu que « la pertinence juridique du recours au contrat de partenariat est établie au titre de la complexité du projet, particulièrement évidente dans le cas présent », et que cette formule était « préférable au schéma «CMP» en termes de bilan global actualisé avant même toute prise en compte de l'incidence monétaire des risques mais en intégrant l'incidence des recettes plus importantes en «CP» ».

En outre, en sus de ses aspects juridiques et techniques, la Mappp a considéré que la complexité, eu égard aux moyens d'ingénierie propres dont disposait le ministère de l'économie, paraissait établie sans contestation possible. Selon elle, l'administration des douanes ne disposait pas des moyens humains nécessaires pour assurer, en interne, ce type de prestations. Il a par ailleurs été considéré que l'entretien ou l'exploitation d'un système informatique ne représentaient pas le coeur de métier d'un fonctionnaire de la DGDDI ou du ministère chargé des transports.

Enfin, la Mappp a estimé que la notion de complexité permettait à la personne publique de recourir à la procédure de dialogue compétitif qui lui permet de ne pas fixer ex ante toutes les spécifications du système. Dans ce cadre, la personne publique définit ses besoins et laisse à chaque candidat le soin de développer une solution technico-économique optimisée au fur et à mesure des itérations et des échanges.

c) L'avis a minima de la mission d'appui aux partenariats public-privé

Le raisonnement développé par la Mappp dans son premier avis pour justifier le recours à un contrat de partenariat semble souffrir de certaines faiblesses.

Comme l'a reconnu M. François Bergère, directeur de la Mappp, la mission s'est limitée à des grands questionnements sur l'équilibre prévisionnel ou l'impact différentiel des différents modes de contractualisation. En raison du caractère novateur du projet de l'écotaxe, la Mappp ne disposait pas d'éléments de comparaison lui permettant d'apprécier, en l'espèce, la pertinence du recours à un contrat de partenariat.

En outre, votre commission d'enquête s'est déjà étonnée que ni les services de l'État, ni la Mappp, n'aient envisagé de dissocier les prestations d'exploitation et de gestion technique de celles de conception et de réalisation, et d'examiner si cette dissociation pouvait présenter un intérêt technique ou financier pour l'État. En effet, il aurait pu être examiné le recours à un contrat de partenariat pour les phases de conception et de réalisation du dispositif de l'écotaxe tandis que l'exploitation aurait été assurée par la personne publique elle-même, ou confiée à une personne privée via une délégation de service public ou une régie intéressée. La Mappp a justifié ce choix en jugeant peu pertinent de concevoir un marché public séparant le constructeur de l'exploitant du dispositif. Pourtant, dans un contexte de soutenabilité budgétaire, il aurait pu être intéressant pour la personne publique de délimiter plus strictement le périmètre du contrat de partenariat ce qui aurait permis de réfléchir à une meilleure articulation entre les missions de l'État et celles du prestataire privé.

Par ailleurs, pour l'ensemble des contrats de partenariat qui lui sont soumis, la Mappp examine le bilan coûts-avantages de chaque projet, même si ce critère n'a pas été retenu par la personne publique pour justifier le recours à un tel contrat. Dans le cas d'espèce, la Mappp a estimé qu'un contrat de partenariat était préférable, non pas en termes de coût global, mais en termes de bilan économique global : le contrat de partenariat avait, selon elle, pour avantage principal d'accélérer les délais de livraison et partant, la perception des recettes escomptées de l'écotaxe. Il apparaît toutefois, aux yeux de votre commission d'enquête, peu pertinent de justifier le recours à un contrat de partenariat sur la base de ce critère en raison des calculs hypothétiques sur lesquels repose une évaluation préalable. En l'espèce, les conclusions financières auxquelles aboutit la Mappp dans son avis du 12 février 2009 se révèlent, a posteriori , peu pertinentes.

Au total, l'avis rendu par la Mappp ne constitue ni une preuve irréfutable que le choix effectué a été le bon ni que l'analyse présentée par les porteurs du projet est incontestable. La méthodologie de la Mappp est d'ailleurs mise en cause et critiquée. Ainsi que l'a relevé M. Vincent Léna, conseiller maître à la quatrième chambre de la Cour des comptes, lors de son audition, la grille d'analyse de la Mappp surévalue en général le risque pris en charge par le secteur privé pour justifier le recours à un contrat de partenariat.

Force est de constater que la Mappp n'a pas disposé de références empiriques précises et objectivées sur un tel projet, qui lui auraient permis de critiquer les arguments développés dans l'évaluation préalable.

Au contraire, elle s'est contentée de reprendre les arguments développés dans celle-ci sans être en réelle capacité de les mettre en perspective ni de définir des propositions permettant d'améliorer le projet envisagé. Ces éléments auraient permis de justifier sans contestation possible le recours à un contrat de partenariat alors que ce choix a fait l'objet de critiques et de doutes quant à sa légitimité.

d) La question des moyens humains

L'argument selon lequel les services des douanes ne disposaient pas de l'ingénierie suffisante pour assumer le contrôle et le recouvrement de l'écotaxe n'a pas totalement convaincu votre commission d'enquête qui estime que le secteur privé n'est pas toujours mieux armé pour assumer des compétences, habituellement exercées par la puissance publique.

En outre, si le recours à un contrat de partenariat se justifie et si les entreprises privées s'acquittent, dans la majorité des cas, de leurs obligations, les missions que ces dernières assument ne sont pas hors de portée d'une gestion publique.

Il convient, enfin, pour toute personne publique recourant à un contrat de partenariat, de constituer une capacité interne d'expertise pour suivre l'exécution d'un contrat de partenariat qui nécessite, en soi, des compétences spécifiques. Ainsi que le relevait M. Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, l'internalisation de ce savoir-faire permettrait à toute personne publique de disposer d'une capacité accrue en termes d'expertise : une expertise juridique et financière pour négocier un contrat, une expertise technique pour en contrôler l'exécution. « Une faiblesse dans le suivi d'un contrat peut suffire à le déséquilibrer . »

Ainsi, votre commission d'enquête ne partage pas l'argument selon lequel la personne publique ne disposait pas des compétences nécessaires, d'autant qu'elle aurait pu bénéficier de l'expérience d'autres ministères recourant régulièrement à des contrats de partenariat de grande envergure, tel que le ministère de la défense, y compris avec des technologies de pointe similaires ou comparables.

La Mappp qui débutait son existence et accordait à l'époque son autorisation à toutes les demandes par manque de références notamment ne pouvait toutefois que jouer un rôle modeste dans un dossier aussi complexe, face à une procédure de dévolution du contrat de partenariat encore mal maîtrisée, faute de recul suffisant, et eu égard au caractère très novateur du dispositif technologique retenu. En outre, l'inclusion dans cette procédure de la collecte d'une taxe créée ex nihilo , dont l'acceptabilité comme les moyens de contournement restent inconnus, était problématique.

3. Les conditions d'installation à Metz
a) Les deux derniers sites étudiés

Plusieurs sites ont fait l'objet d'études par Écomouv', concrétisés par de déplacements et des échanges de courriers. Ont été plus particulièrement analysés ceux de Dijon, Calais, Reims et Metz. N'ont fait l'objet de dernières comparaisons avant le choix final que Reims et Metz, pour lesquels les conditions d'installation proposées ont fait l'objet d'engagements formalisés par les autorités compétentes (collectivités locales et État). Ces deux sites avaient de nombreux points communs, et notamment de concerner des bases aériennes en cours de reconversion (BA 112 à Reims et 128 à Metz), donc de bénéficier tous les deux du double classement en zone de restructuration de la défense (ZRD) et aides à finalité régionale (AFR) ce qui ouvrait des droits à des aides de l'État conséquentes, légitimes et comparables (rescrits fiscaux et sociaux, sous plusieurs conditions en matière de création d'emplois et de calendrier d'installation effective, voir les courriers de la DGFiP des 11 janvier et 16 février 2012 et de l'URSSAF du 16 janvier 2012, convention avec Pôle Emploi et prise en charge matérielle et financière par les pouvoirs publics du processus de recrutement et de la formation des salariés de la société...).

Par courriers en date du 11 janvier 2012 adressés à chacune des deux collectivités, Écomouv' a donc demandé des précisions et des engagements formels sur tous les points évoqués. En effet, outre les dispositifs évoqués supra , dépendant de l'État et répondant donc à des contraintes et limites identiques ou au moins très similaires, les aides sollicitées par Écomouv' dépendaient pour certaines de décisions prises à l'échelon local ou régional. Ainsi, la société voulait des précisions sur les dispositifs auxquels elle pourrait prétendre en matière d'installation immobilière sur chacun des sites visités.

À Reims, deux immeubles distants de 6 km avaient été pressentis, l'un relevant de la BA 112, et l'autre du secteur privé. Pour le premier, la propriété devait en être transférée à un syndicat mixte au plus tard le 30 juin 2012. Les aménagements nécessaires, basés sur le cahier des charges déterminé par Écomouv', devaient être réalisés et financés par ce syndicat mixte, et le loyer devait être plafonné à 100 € HT/HC/m²/an, pour un bail de 12 ans. Pour le second, de propriété privée, Écomouv' souhaitait un loyer plafonné à 135 € HT/HC/m²/an, pour un bail commercial de 12 ans assorti d'une franchise de 18 mois. Ces conditions ont été validées par l'ensemble des partenaires Rémois par courrier en date du 18 janvier 2012, le loyer pour le bail privé étant même ramené à 100 € HT/HC/m²/an.

À Metz, deux immeubles, distants eux aussi de quelques kilomètres, mais tous deux situés sur la BA 128 avaient été visités (les immeubles M1 et PC-GT finalement retenus). La propriété devait en être transférée à Metz Métropole au plus tard le 30 juin 2012. Écomouv' précisait dans sa demande ne pouvoir financer elle-même les travaux nécessaires, son schéma de « project financing » ne pouvant supporter de dettes supplémentaires. La société estimait l'investissement nécessaire à hauteur de 2,5 millions d'euros environ, affirmait vouloir les réaliser elle-même en qualité de maître d'ouvrage, et demandait aux collectivités de leur proposer un modèle tenant compte de ces exigences. Écomouv' précisait enfin des exigences identiques à celles exprimées auprès de Reims au cas où une proposition concernant un ou des immeubles privés leur serait faite, ce qui n'avait visiblement pas été le cas encore. Ses exigences en matière de plafonnement des loyers et de franchise, dans l'hypothèse d'une implantation sur un immeuble privé, étaient les mêmes que celles exprimées auprès de Reims. Une réponse co-signée du préfet de Lorraine et du président de Metz Métropole Développement, en date du 20 janvier 2012, reprend l'avis initial des Domaines (franchise de 6 mois pour le loyer, fixé dans un premier temps à 30 € HT/HC/m²/an du fait d'une occupation au titre d'une AOT), précise que le montant des travaux envisagé par Écomouv' semble excessif compte tenu des surfaces prises en compte par France Domaine, et que leur financement pourra être envisagé via un prêt consenti par Metz Métropole et en veillant à ce que le remboursement de ce prêt et le montant du loyer restent conformes au plafond de 100 € HT/HC/m²/an. L'ensemble de ces points devait faire l'objet d'un rendez-vous avec M. Michel Cornil, représentant d'Écomouv', le 25 janvier 2012, date de l'annonce par Écomouv' du choix de ce site en réunion de revue de projet.

b) Les conditions finales d'installation : une offre justifiée par la situation locale

Lors des auditions, et comme le souligne la réunion de revue de projet du 18 novembre 2011, tout en soulignant la liberté de choix d'Écomouv', l'État (ou le Gouvernement ?) manifestait une préférence pour une installation à Metz, en insistant sur la localisation du service taxe poids lourds.

Le Gouvernement de l'époque s'était en outre engagé, sans que cela soit contestable sur le fond d'ailleurs, à compenser les restructurations militaires affectant la Lorraine, où 5 708 emplois ont effectivement disparu. Il avait été promis, dans le cadre du contrat de redynamisation des sites de Défense, de délocaliser vers la Lorraine 1 500 emplois publics, mais la concrétisation de ces engagements disparates tardait.

Seule la section aérienne de la gendarmerie avait pu être localisée sur l'ancienne base aérienne 128 et depuis l'installation d'Écomouv' l'unique entreprise installée sur le site est la société Sécuritas qui a créé un centre d'entraînement pour chiens...

Il a été prévu que l'établissement foncier public de Lorraine (EPFL) achèterait pour le compte de Metz-métropole les 378 ha du terrain militaire, portant 180 000 m 2 bâtis, comme le permet l'article 67 de la loi de finances pour 2009. Cette disposition permet la cession d'emprises militaires à un euro symbolique au profit de collectivités locales.

Dans l'attente de la réalisation de cette vente, Écomouv' a bénéficié dans un premier temps d'une autorisation d'occupation temporaire (AOT) signée par le directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense, portant sur une emprise de 7 700 m 2 . Signée le 31 janvier 2012, elle concerne deux bâtiments, le bâtiment M1 à usage de bâtiment d'exploitation principal et le bâtiment PC-GT, à usage de site de secours pour un loyer annuel de 67 170 euros (30 € HT/HC/m²/an et une surface de 2 239 m²), avec une franchise de loyer de 18 mois, contrepartie de travaux d'aménagement à réaliser alors que le prestataire ne disposait pas de droits réels.

Les deux bâtiments occupés par Écomouv'

Source : Metz Métropole

Le premier bâtiment

Source : Metz Métropole

Le second bâtiment

Source : Metz Métropole

À la suite de la signature de l'AOT, un protocole a été signé le 25 avril 2012 par la direction régionale des finances publiques, le service d'infrastructure de la défense, la société Écomouv', Metz Métropole, l'établissement public foncier de Lorraine, ainsi que par la préfecture. Ce protocole avait pour objet, d'une part, de définir plus précisément les travaux que serait amenée à effectuer la société Écomouv' dans les locaux qui lui étaient remis sous AOT, afin qu'elle puisse les occuper, et, d'autre part, d'évoquer la possibilité de prolonger l'occupation temporaire d'Écomouv' dans le cadre de la cession de la base aérienne.

Enfin, deux AOT complémentaires ont été délivrées les 20 et 21 février 2013 : l'une pour un bâtiment supplémentaire, dit HM-GT, d'une superficie de 910 m 2 , mis à disposition à titre gratuit, et l'autre pour permettre l'utilisation ponctuelle d'une partie des pistes de l'ancienne base aérienne afin d'y installer un portique et de réaliser des essais techniques avec les poids lourds.

Conformément aux termes du protocole d'accord du 25 avril 2012, le montant de la redevance a été réévalué le 8 novembre 2013, et fixé à 5 euros/m 2 (valeur minimale autorisée), soit 11 195 euros annuels pour les deux premiers bâtiments, pour une surface estimée à 2 239 m 2 .

Écomouv' avait, avant même la signature de l'AOT, chiffré le besoin de travaux dans les bâtiments qui lui étaient proposés à 2,5 millions d'euros, correspondant à un coût moyen de 1 100 euros le m² pour une surface de 2 400 m².

Les services des Domaines, comme exposé supra , réfutaient le 16 janvier 2012 un mode de recalcul du loyer tenant compte des déclarations d'Écomouv en matière de travaux, et prévoyaient à tout le moins d'imposer une autorisation explicite quant à la liste des travaux à prendre en compte. L'administration suggérait d'utiliser les chiffres du marché très local, d'y appliquer des abattements liés au contexte particulier et proposait au final un loyer de 51 150 euros annuel après six mois de franchise, soit à partir du 1 er octobre 2012. Cet avis n'a donc pas été suivi.

Qui plus est, l'AOT signé le 31 janvier 2012 prévoyait que le calcul du loyer définitif prendrait en compte les investissements effectués, majorés de « tous les frais liés aux risques dérivant de l'état du site et en particulier sans volonté de limitation du risque pyrotechnique, (...), un forfait de 10 % destiné à tenir compte des frais de maîtrise d'ouvrage calculés sur le coût total des travaux hors taxes, le coût de la maîtrise d'oeuvre y compris le coût d'intervention d'un architecte (...), des frais financiers calculés sur la base d'un prêt amortissable sur 12 ans assorti d'un taux annuel de 6 % ».

c) Les travaux menés par Écomouv' sur la BA 128

Les travaux d'aménagement intérieur devaient être soumis à l'accord préalable du service d'infrastructure de la défense. Votre rapporteur s'est inquiétée de savoir si ces autorisations avaient effectivement été accordées. M. Stanislas Prouvost, sous-directeur de l'immobilier et de l'environnement, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la défense a indiqué posséder « une fiche qui m'a été fournie par le service local, sur laquelle figure une liste des travaux, puisqu'on a dû vraisemblablement les autoriser, en particulier les travaux ayant nécessité de creuser des trous, car il y a un problème de pollution pyrotechnique sur la base. Des précautions devaient être prises ; c'est pourquoi certaines demandes d'autorisation avaient été formulées ».

Écomouv' a fourni à votre rapporteur un premier tableau récapitulatif sommaire de travaux pour un montant de 1 754 776 euros impliquant notamment des opérations de gros oeuvre, de maçonnerie, la réfection de menuiseries extérieures et intérieures, le changement de revêtements de sols, de faïence, de peinture, etc...

Sont compris dans ce montant la substitution des gouttières pour 7 659 euros et la mise en autonomie électrique pour 25 052 euros. S'y ajoutent la réduction du risque pyrotechnique pour 11 136 € euros et le désamiantage pour 58 300 euros. Enfin, Écomouv' a investi pour des montants de 175 000 euros en ameublement, 158 000 euros pour la sécurité du site (clôtures, alarmes et systèmes de contrôle d'accès) et 530 000 euros pour le centre éditique, présentés dans un autre tableau.

Écomouv' rappelle par ailleurs l'existence de 885 447 euros de frais financiers, correspondant à un emprunt, selon leurs premières déclarations, de près de 2 millions d'euros.

Suite à sa demande de précisions, votre rapporteur a reçu un nouveau tableau faisant mention cette fois de 85 133,24 euros concernant la mise en sécurité du site et l'autonomisation des bâtiments (eau, électricité).

La récapitulation faite par la direction régionale des finances publiques de Lorraine sur la base des factures aboutit pour sa part à un total de 2 045 343,18 euros hors taxes, hors frais financiers et frais de maîtrise d'ouvrage, incluant sans doute le montant de travaux revendiqué pour 1 722 065 euros et des achats de mobilier pour près de 430 000 euros.

Cette récapitulation impute directement à Écomouv' la réalisation de 634 103,66 euros de travaux, réalisés, d'après les factures, par Arch'Office, société spécialisée dans l'aménagement de bureaux et d'espaces de travail. Un autre contrat (1 330 321,7 euros) a été passé avec la société Unispace Global France, spécialisée dans la conception d'ameublement.

Les frais d'architecte (126 394,07 euros pour GDLC) et d'ingénierie (80 714,69 euros pour Mecobat) soit 207 108,76 euros représentant plus de 10 % du coût total des travaux.

Conformément aux dispositions de l'AOT, le montant des travaux a été complété, selon un document de synthèse établi par la direction régionale des finances publiques de Lorraine, par un forfait de 175 478 euros pour des frais de « maîtrise d'ouvrage ». Dans un récapitulatif des factures, ce même service fixe ces coûts à 180 528,60 euros. Les frais financiers d'un montant déclaré à votre rapporteur de 885 447 euros, correspondent à un prêt au taux de 6 % par an selon Écomouv' (« Le montant des frais financiers est dérivé du montant de la dette (2 186 268 euros) incluant les coûts des travaux, de la maîtrise d'ouvrage et du maître d'oeuvre . [...] La durée contractuelle de remboursement de la dette est de 11,5 ans avec un planning annuel de remboursement à montants constants. » Le montant finalement retenu par les services de la DGFiP à ce titre est à hauteur de 902 977,83 euros.

Les principes du protocole d'accord du 25 avril 2012 précisaient que le montant des travaux autorisés et exécutés par la société ferait l'objet d'une déduction du loyer dû, compte-tenu d'une franchise de 18 mois, et répartis pendant toute la durée du bail (12 ans). Le montant du loyer de base était fixé à 100 euros HT/HC/m²/an, la surface considérée étant celle de 2 239 m². Pourtant, le bâtiment PC-GT ne fait, selon les informations obtenues par votre rapporteur, que l'objet d'une occupation partielle (579 m² et non 1 096).

Le total des sommes ainsi théoriquement dues au titre de l'occupation des bâtiments à l'issue des 12 ans d'occupation est ainsi très proches (2 686 680 euros) des différents montants retenus au titre des factures produites par Écomouv' (pour les raisons exposées supra , il n'est pas possible d'en faire une comparaison plus précise), estimation pondérée du versement par Écomouv' de la redevance légale minimum (5 euros HT/HC/m²/an, soit 134 340 euros). Au total, l'aide apportée à Écomouv' au titre des immeubles peut donc être estimée à 2 552 340 euros.

À l'époque de la signature du protocole d'accord en avril 2012, l'objectif était de céder la base dans l'année qui suivait. Mais l'opération de cession de la base aérienne à Metz Métropole a pris du retard et le transfert de propriété du ministère de la défense n'a pas encore été réalisé. Écomouv' a donc vécu plus longtemps que prévu sous le régime de l'AOT.

D'après une lettre du préfet de la Moselle, l'État perçoit toutefois les loyers correspondant à l'implantation d'Écomouv' depuis le 31 juillet 2013, conformément aux termes du protocole d'accord du 25 avril 2012, sur la base d'un loyer annuel de 11 195 euros.

Le bail définitif n'est pas encore signé. Le projet prévoit qu'il s'agira d'un bail commercial et la « soumission conventionnelle audit statut a pour effet de conférer au preneur la propriété commerciale et le droit au renouvellement ». On note de surcroît que « le preneur aura la faculté d'adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires ». La signature de ce bail conférera au prestataire des droits réels.

L'implantation à Metz de la société Écomouv' a été utilisée pour atteindre des objectifs de compensation régionale des restructurations militaires hors de portée si l'État s'en tenait à ses seuls moyens. Cet objectif est pleinement compréhensible.


* 32 En cas d'absence de numéro, une déclaration sur l'honneur du redevable de l'absence de numéro.

* 33 Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'ouvrage privée, dite « loi MOP ».

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