C. DES MESURES COMPLÉMENTAIRES PROPRES À LA FORÊT DE MONTAGNE

1. La planification stratégique par massif

La réglementation française déploie, depuis la grande loi d'orientation sur la forêt de 2001, un nombre important de documents stratégiques dont l'articulation a été un peu mieux précisée par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 28 juillet 2010. Concernant la forêt de montagne, l'article L. 121-5 du (nouveau) code forestier prévoit plus spécifiquement que :

« Les documents de politique forestière (...) modulent l'importance accordée aux fonctions économique, écologique et sociale de la forêt selon les enjeux régionaux et locaux, au nombre desquels les contraintes naturelles et les spécificités d'exploitation des forêts montagnarde[s] (...). »

Ont été ainsi instaurés des Plans pluriannuels régionaux de développement forestier (PPRDF) destinés à regrouper dans des « stratégies locales de développement forestier » les différents outils mis en oeuvre pour mobiliser le bois des forêts dont l'exploitation est insuffisante.

Leur élaboration résulte d'abord d'une initiative locale (pouvant émaner des collectivités territoriales, des organisations de producteurs, des Centres Régionaux de la Propriété Forestière, de l'Office National des Forêts, des Chambres d'agriculture), elle repose sur une démarche de concertation entre acteurs locaux (propriétaires et gestionnaires forestiers, privés et publics, acteurs économiques de la filière forêt-bois, collectivités, élus, représentants des usagers de la forêt et de la protection de l'environnement, partenaires institutionnels), permet de définir des objectifs et des indicateurs de suivi et s'accompagne d'un régime d'aides publiques et de co-financements spécifiques.

Les chartes forestières de territoires (CFT) et les plans de développement de massif (PDM) constituent les deux principaux outils de leur mise en oeuvre sur le territoire :

- La charte forestière de territoire (instituée dès la loi d'orientation forestière de 2001) est un outil généraliste, instrument privilégié des territoires ayant une volonté de développement local par la forêt et bénéficiant d'un certain consensus sur des orientations forestières ; il permet d'engager une réflexion collective et d'établir une stratégie de développement cohérente avec les orientations régionales et nationales.

Fin 2012, 133 chartes forestières de territoire avaient été lancées, couvrant 11,7 millions d'hectares, soit 21 % du territoire métropolitain. Plus précisément, ces stratégies locales de développement forestier concernaient 4,79 millions d'hectares de forêt, soit 31 % de la forêt française métropolitaine.

- Le plan de développement de massif est destiné aux territoires où, par sa présence, la forêt privée joue un rôle important dans les démarches de développement local ; il a pour but d'inciter les propriétaires à mettre en oeuvre la gestion de leur forêt en concertation avec les autres acteurs de la forêt privée (syndicats et coopératives).

Dans ce cadre, vos rapporteurs saluent la démarche des professionnels de la filière qui ont commencé à développer, initialement par eux même et sans base législative ni réglementaire, des plans d'approvisionnement territoriaux forestiers destinés à permettre aux élus du territoire d'identifier la ressource locale disponible en bois-énergie et d'organiser l'approvisionnement des chaufferies.

Proposition n° 31 : mettre en place des plans d'approvisionnement territoriaux forestiers de massif, à l'échelle de chaque vallée.

2. Le développement des dessertes forestières

La particularité des exploitations et des communes forestières situées en montagne est d'être grevées par des surcoûts significatifs liés aux problèmes de mauvaise desserte. Les opérations de bûcheronnage et de débardage sont considérablement renchéries. L'activité connaît en outre une forte saisonnalité, le travail étant impossible à la mauvaise saison.

Des expérimentations pour le développement des dessertes forestières en montagne ont été menées par les collectivités ; ainsi, à l'initiative du conseil général de la Savoie, un fonds d'amorçage permet le préfinancement, par des avances remboursables, de travaux d'exploitation dans les zones difficiles d'accès, notamment par câble. Vos rapporteurs estiment que ces initiatives méritent d'être généralisées, tout comme l'élaboration, au niveau des massifs, de schémas de desserte par piste ou câble intégrant les contraintes environnementales, associant tous les acteurs et prenant en compte tous les usages de la forêt.

Proposition n° 32 : généraliser le préfinancement, par des avances remboursables, des travaux d'exploitation dans les zones difficiles d'accès, notamment par câble.

Proposition n° 33 : généraliser, dans le cadre d'une gestion au niveau des massifs, en associant tous les acteurs et en prenant en compte tous les usages de la forêt, des schémas de desserte par piste ou câble qui intègrent les contraintes environnementales.

3. La valorisation du bois de montagne par la labellisation

En termes de qualité, la part du bois d'oeuvre (qualité 1 et 2) est en moyenne de 58 % en montagne contre seulement 52 % en plaine. Certaines essences ont des qualités mécaniques exceptionnelles qui mériteraient d'être pleinement mises en valeur par un dispositif de labellisation adapté.

Une telle démarche permettrait de développer les circuits courts et aurait l'avantage de stimuler les filières locales auxquelles sont encore trop souvent préférées des importations de bois étrangers très normés venant d'Allemagne ou de Scandinavie.

Les marques collectives de certification :
l'exemple du label « Bois des Alpes »

Régie par les articles L. 715-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, la marque collective de certification est une marque qui peut être exploitée par toute personne respectant un cahier des charges (appelé règlement d'usage) homologué qui instaure un système de contrôle. Utilisée dans un but d'intérêt général, elle assure une fonction de garantie de qualité ou de caractéristiques des produits et services.

L'association « Bois des Alpes » a été créée en 2008 pour gérer et promouvoir sa marque collective de certification du bois. Sous l'égide du comité de massif et de son groupe de travail forêt-bois, elle réunit des représentants de la forêt privée et de la forêt publique auxquels se sont associés les entreprises et les acteurs de la construction.

Le référentiel garantit l'origine des bois (forêts dans le périmètre du massif alpin gérées durablement) et leur qualité (caractéristiques techniques, respect des normes en vigueur). Les premiers bâtiments en bois certifié ont été inaugurés en 2012.

La démarche est elle-même compatible avec les autres stratégies de différentiation et de labellisation de la filière : les produits marqués « AOC Chartreuse », « BQS (Bois Qualité Savoie) » ou « Alpsciages » peuvent eux-mêmes répondre au référentiel et bénéficier de la certification « Bois des Alpes ».

Proposition n° 34 : favoriser les démarches de labellisation du type « bois des Alpes » ou « bois de Chartreuse », afin de valoriser les qualités spécifiques du bois récolté en montagne.

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