B. LES PERTES DE RECETTES

1. Une « neutralisation » au niveau de la sécurité sociale des pertes de recettes résultant d'exonérations de cotisations sociales

La grande majorité des exonérations de cotisations sociales (90 %) est compensée par l'Etat par le biais d'affectation de recettes fiscales (« paniers fiscaux ») ou de crédits budgétaires . L'annexe 5 au PLFSS présente l'ensemble des mesures compensées ou non compensées et, le cas échéant, leurs modalités de compensation.

En principe, les exonérations de cotisations sociales dites à vocation générale (les heures supplémentaires et, avant 2011, les allègements généraux) sont compensées par des recettes fiscales , alors que les mesures dites ciblées sur des publics, des secteurs d'activité ou des zones géographiques spécifiques sont compensées par des crédits budgétaires .

Selon une interprétation favorable à l'initiative parlementaire, la commission des finances a considéré que la création ou l'élargissement d'exonérations de cotisations sociales, même compensées par l'Etat et quelle que soit la forme de cette compensation, peuvent être gagées.

Le gage « Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de ... sont compensées à due concurrence par ... » permet de « neutraliser » les pertes de recettes au niveau de la sécurité sociale . Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2014, j'ai ainsi déclaré recevable - dès lors qu'il était correctement gagé - un amendement visant à élargir l'exonération de cotisations sociales, compensée par le budget de l'Etat, pour certaines catégories d'affiliés au régime des salariés agricoles.

L'Assemblée nationale applique la même jurisprudence que le Sénat, qu'elle qualifie de « gage-écran ».

Une interprétation plus rigoureuse aurait pu consister à distinguer :

- d'une part, les exonérations compensées par des « paniers fiscaux », recevables sous réserve d'un gage « Etat », dans la mesure où ces dispositifs conduisent in fine à une perte de recettes pour l'Etat ;

- d'autre part, les exonérations compensées par des crédits budgétaires, irrecevables, car conduisant à des charges supplémentaires pour l'Etat.

2. L'irrecevabilité de l'introduction de compensations par l'Etat d'exonérations de cotisations sociales

En revanche, l'introduction de compensations par l'Etat d'exonérations de cotisations sociales n'est pas admise. Ont ainsi été déclarés irrecevables :

- à l'occasion de l'examen du PLFSS pour 2010, un amendement tendant à majorer de 2,8 milliards d'euros le montant prévu par l'article contenu dans chaque loi de financement approuvant le montant de crédits budgétaires ouverts en projet de loi de finances pour couvrir les dispositifs compensés d'exonération, de réduction ou abattements d'assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale ;

- à l'occasion du même texte, un amendement tendant à prévoir la compensation par l'Etat d'une exonération ciblée de cotisations de sécurité sociale jusqu'alors non compensée (III de l'article L. 241-10 du code de sécurité sociale). Les modalités de cette compensation (par l'affectation de recettes fiscales ou par crédits budgétaires) n'étaient précisées ni dans le dispositif, ni dans l'objet de l'amendement. Cependant, le caractère ciblé de cette exonération pouvait être interprété comme induisant une compensation par des crédits budgétaires.

De la même manière, a été déclaré irrecevable, lors de l'examen du projet de loi portant réforme des retraites en 2010, un amendement tendant à supprimer l'article L. 133-6-8-2 du code de la sécurité sociale qui déroge au principe général de compensation par l'Etat des exonérations de cotisations sociales relatives au régime des auto-entrepreneurs.

3. L'irrecevabilité des mesures non assimilables à des pertes de recettes ne pouvant faire l'objet d'un gage

Certains amendements ont été déclarés irrecevables par la commission des finances car, contrairement à la présentation de ces derniers par leurs auteurs, ils ne pouvaient être considérés comme des pertes de recettes pouvant faire l'objet d'un gage.

a) Les franchises médicales

Les franchises médicales ne sont ainsi pas assimilées à une recette de la sécurité sociale, mais à de moindres remboursements pour l'assurance maladie . La franchise médicale n'est en effet pas versée par l'assuré, mais est « retenue » sur le montant total des remboursements effectués par l'assurance maladie.

Il est à noter, à l'appui de cette analyse, que c'est dans la quatrième partie relative aux dépenses de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 (et non dans la troisième partie relative aux recettes de la LFSS) qu'ont été introduites les dispositions relatives aux franchises sur les médicaments et les actes paramédicaux. Ces mesures ont ensuite été présentées par le Gouvernement comme des mesures d'économies intégrées dans la construction de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (annexe 9 au PLFSS pour 2008).

Dès lors, tout amendement tendant à supprimer les franchises médicales ou à en exonérer certains publics est irrecevable : l'amendement n'est pas considéré comme conduisant à une perte de recettes « gageable », mais comme une aggravation de charges pour l'assurance maladie, qui ne peut dès lors être gagée.

C'est cette interprétation qui a conduit la commission des finances à déclarer irrecevable, comme par le passé, l'amendement de la commission des affaires sociales à l'occasion de l'examen du PLFSS pour 2012 qui tendait à supprimer les franchises introduites en 2008.

b) Le « droit d'entrée » dans un dispositif de prise en charge

Ne sont pas non plus considérées comme des pertes de recettes les suppressions ou exonérations de « droits de timbre » qui conditionnent l'entrée dans un dispositif de prise en charge.

Ce droit de timbre n'est pas une recette, mais une condition d'admission dans un mode particulier de prise en charge . Dès lors, sa suppression ou la mise en place d'exonérations pour certains publics est assimilée à un élargissement du champ des bénéficiaires du dispositif et donc à une aggravation de charges publiques.

La commission des finances a ainsi été amenée à déclarer irrecevables des amendements tendant à supprimer le droit de timbre ouvrant droit à l'aide médicale d'Etat (AME) ou la « cotisation d'entrée » à la Caisse des Français de l'étranger 193 ( * ) .


* 193 L'objet de l'amendement au PLFSS pour 2011 précise bien : « le présent amendement tend à suspendre pour l'année 2011 l'obligation pour les Français expatriés, des seuls bénéficiaires de la « catégorie aidée » instaurée par la loi de modernisation sociale de 2002 , de s'acquitter d'un droit d'entrée égal au montant des cotisations afférentes à la période écoulée depuis le début de l'expatriation, dans la limite de deux ans, lorsqu'ils souhaitent adhérer à une assurance volontaire maladie-maternité-invalidité. »

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