IV. LES RAPPORTS DU GOUVERNEMENT : UNE PRODUCTION FOISONNANTE MAIS TROP SOUVENT TARDIVE

Le contrôle de l'action du Gouvernement est une compétence constitutionnelle dévolue au Parlement, mais dans l'exercice de cette compétence, le Parlement est largement tributaire des informations fournies par le Gouvernement lui-même, notamment à travers deux types de rapports spécialisés :

- les rapports périodiques ou uniques prévus, soit par les lois de finances ou les lois de financement de la sécurité sociale, soit par des dispositions ponctuelles d'autres lois, souvent introduites par voie d'amendement parlementaire au cours de la procédure législative ;

- de création beaucoup plus récente, les rapports dits « de l'article 67 », institués par la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004.

En volume, on constate que l'information ainsi mise chaque année à la disposition des sénateurs est très abondante -trop, selon certains sénateurs qui regrettent de ne pouvoir en exploiter qu'une petite partie- même si, dans ce domaine, les statistiques doivent être prises avec précaution (la transmission des différents rapports suit en effet des cheminements assez variables -remise directe au Président du Sénat, envoi par le Secrétariat général du Gouvernement, envoi à la commission compétente, etc...- mais le suivi de leur dépôt n'est pas centralisé, relevant selon le cas, de plusieurs divisions de la direction de la Séance ou de la direction de la Législation et du Contrôle). Le tableau estimatif ci-après, établi par la direction de la Séance, donne une idée de ce foisonnement :

Nombre et répartition des rapports au Parlement
déposés par le Gouvernement au cours des quatre dernières sessions

Session

Rapports
périodiques

Rapports
uniques

Rapports
de l'article 67

Total

2008-2009

37

14

22

73

2009-2010

49

23

24

96

2010-2011

39

29

22

90

2011-2012

46

26

44

116

TOTAL

171

92

112

375

Concernant les délais de présentation, l'année parlementaire 2011-2012 vérifie une fois de plus la tendance générale constatée les années précédentes : la production des rapports demandés par le Parlement pâtit de retards endémiques, et un certain nombre des rapports attendus ne sont même jamais présentés.

Certes, une statistique annuelle n'a pas en soi grande signification, car hormis les rapports dits « de l'article 67 » -qui doivent normalement être présentés six mois après l'entrée en vigueur de la loi ( cf. infra )- les délais impartis au Gouvernement pour présenter ses autres rapports sont assez variables et parfois longs (ne serait-ce que pour pouvoir apprécier la mise en oeuvre d'un dispositif sur une durée suffisante).

Mais si on raisonne sur la totalité des lois répertoriées dans la base APLEG depuis 1980, le Parlement aurait dû se voir remettre plus de 500 rapports : or, il n'en a reçu effectivement que 245, soit un taux global inférieur à 50 % . Cette situation paraît dommageable, d'autant qu'en dehors des questions écrites, les assemblées ne disposent guère de moyen de pression pour amener le Gouvernement à fournir en temps et en heure les informations attendues.

A. UNE MINE D'INFORMATION À MIEUX EXPLOITER : LES RAPPORTS « DE L'ARTICLE 67 »

Aux termes de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 (adopté à l'initiative du Gouvernement), « A l'issue d'un délai de six mois suivant la date d'entrée en vigueur d'une loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en application de cette loi . Ce rapport mentionne les textes réglementaires publiés et les circulaires édictées pour la mise en oeuvre de ladite loi, ainsi que, le cas échéant, les dispositions de celle-ci qui n'ont pas fait l'objet des textes d'application nécessaires et en indique les motifs ».

Or l'exploitation de ces rapports -qui pourraient pourtant faciliter nettement le travail de contrôle de l'application des lois- semble se heurter à plusieurs facteurs qui en compromettent le rendement effectif.

1. Un délai de six mois trop rarement respecté

La première limite tient aux retards considérables qui grèvent le dépôt de la plupart des rapports dits « de l'article 67 », comme en attestent les décomptes effectués par la direction de la Séance (les rapports de l'article 67 ne sont pas pris en compte dans les statistiques de la base APLEG).

Ainsi, au cours de la session ordinaire 2011-2012 proprement dite (c'est-à-dire entre le 1 er octobre 2011 et le 30 septembre 2012), le Sénat a reçu 44 rapports « de l'article 67 », soit exactement le double du nombre de ces rapports enregistrés au cours du précédent exercice (2010-2011). Mais cette spectaculaire augmentation apparente du nombre de rapports ne suffit pas à masquer les retards accumulés depuis l'origine, car sur la période considérée et compte tenu du délai légal de six mois, le Sénat aurait été en droit d'attendre au moins 72 rapports -nombre correspondant au total des lois votées entre le 1 er avril 2011 et le 31 mars 2012- sans compter les très nombreux rapports non encore présentés sur les lois des années précédentes.

Dans le même ordre d'idée, le délai légal de six mois n'a été respecté que trois fois cette année (situation en très légère amélioration par rapport à l'année précédente, où le délai légal n'a jamais été respecté..), et dans l'ensemble, les délais réels de mise à disposition des rapports de l'article 67 restent vraiment très éloignés de l'intention première du législateur : 15 rapports ont été remis plus d'un an après la promulgation de la loi, le record revenant au rapport sur la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, publié plus de 5 ans après promulgation.

L'objectif des six mois fixé par le législateur en 2004 était-il trop ambitieux ? Quoi qu'il en soit, la réalité montre qu'il n'est que très rarement respecté, le « léger mieux » constaté en 2011-2012 ne suffisant pas à redresser une situation dans l'ensemble très médiocre.

2. Des informations de portée assez variable

La seconde limite -dont est d'ailleurs convenu le Secrétaire général du Gouvernement, M. Serge Lasvignes, lors de son audition du 18 décembre 2012 devant la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois- réside dans l'hétérogénéité des rapports de l'article 67, certains fournissant un ensemble d'informations assez détaillées et directement exploitables (notamment la liste des textes réglementaires d'application restant à prendre et, s'il y a lieu, les motifs pouvant justifier le retard pris), alors que d'autres se contentent d'un simple catalogue de mesures sans commentaires explicatifs.

En outre, dans bien des cas, les raisons alléguées par les ministères pour expliquer les délais de publication de tel ou tel texte d'application sont rédigés en termes très généraux et somme toute peu significatifs, comme par exemple : « La concertation, qui s'avère difficile en raison du nombre d'interlocuteurs et de leurs intérêts divergents, est en cours sur ce sujet » (rapport sur la mise en application de la loi du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques), ou encore : « La complexité du texte à prendre et les longues concertations qu'il nécessite avec l'ensemble des parties prenantes, expliquent pourquoi le décret n'a pas encore été publié » (rapport sur la loi du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique)...

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