II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 5 juillet 2011 sous la présidence de Muguette Dini, présidente , la commission entend une communication d' Alain Vasselle, rapporteur général, sur le débat d'orientation des finances publiques .

Alain Vasselle , rapporteur général . - Nous procédons à l'exercice rituel du débat d'orientation des finances publiques à un moment charnière. Sur un plan économique d'abord : après une récession sans précédent, la reprise est aujourd'hui modeste mais stabilisée, avec une croissance attendue de 2 % en 2011 et de 2,25 % en 2012. Sur le front des réformes ensuite : après le traitement de la dette sociale et la réforme des retraites, les mesures structurelles devraient se poursuivre avec, à l'automne, la réforme de la dépendance. Sur un plan institutionnel enfin : la loi de programmation des finances publiques, le programme de stabilité 2011-2014, le projet de révision constitutionnelle en cours sont autant de nouveaux éléments qui délimitent le cadre dans lequel se préparent les textes financiers à venir.

L'objectif est bien entendu le rétablissement de l'équilibre des comptes sociaux. Le déficit du régime général, qui était de 10,2 milliards en 2008, a doublé en 2009, à 20,3 milliards, et s'est encore accru en 2010, à 23,9 milliards. On observe toutefois un reflux en 2011, avec un déficit prévu de 19,5 milliards. De 2008 à 2011, la faiblesse de la masse salariale a fait perdre 20 milliards de recettes à la sécurité sociale. Selon la Cour des comptes, un tiers de la dégradation de nos comptes sociaux depuis 2008 est imputable à la crise économique. Mais celle-ci n'explique pas tout. Les déficits conjoncturels devenant très rapidement structurels, une stabilisation du déficit autour de 20 milliards n'est pas soutenable à moyen terme.

Au déficit record du régime général, il faut ajouter celui du fonds de solidarité vieillesse (FSV), soit 4,2 milliards. Toutes les branches sont en déséquilibre : le déficit de la branche maladie atteint 11,6 milliards en 2010, contre 4,4 milliards en 2008. Si l'on ajoute au solde négatif de la branche retraite celui du FSV et du régime agricole, on obtient un déficit de plus de 15 milliards, qui, à lui seul, justifie, vous en conviendrez, la réforme des retraites...

Christiane Demontès . - Pas du tout !

Guy Fischer . - Nous n'en convenons nullement !

Alain Vasselle , rapporteur général . - La masse salariale a beau avoir légèrement progressé (2 % en 2010), la croissance des recettes reste en deçà de celle des dépenses, pourtant infléchie par rapport aux années précédentes. Les dépenses de prestations ont augmenté d'environ 3 %, contre plus de 4 % les années précédentes.

L'Ondam a été respecté en 2010, ce qui ne s'était pas produit depuis 1997. Pour 2011, le déficit du régime général atteindrait 19,5 milliards. Seule la branche AT-MP ne sera pas en déficit. Le solde négatif de la branche maladie atteindrait 10,3 milliards. Le déficit du FSV serait de 4,1 milliards. Pour la première fois depuis la crise, l'écart entre la progression des recettes et des dépenses serait positif : les premières augmenteraient de 5,3 %, et la croissance des dépenses serait contenue à 3,4 %. L'Ondam pourrait à nouveau être respecté - le comité d'alerte l'a confirmé dans son avis du 30 mai. Les dotations mises en réserve en début d'année, pour 530 millions, devraient permettre de faire face aux risques de dépassement ; nous avions d'ailleurs mené le même exercice l'an dernier. La dette des hôpitaux s'accroît : 27,3 milliards fin 2010.

En novembre a été définitivement adoptée la loi organique allongeant la durée de vie de la Cades. Nous étions partisans d'un accroissement de la CRDS pour financer la reprise de dette de l'Acoss, de 65 milliards. Le Gouvernement a choisi d'autres options. Je ne reviens pas sur le débat, mais je regrette que l'on ait complexifié le dossier.

Nous avons longuement débattu de la réforme des retraites. L'équilibre trouvé était le bon entre l'allongement essentiel de la durée d'activité et la mobilisation indispensables de recettes supplémentaires.

Guy Fischer . - Non !

Ronan Kerdraon , René Teulade et Jacky Le Menn . - On a tapé ...

Christiane Demontès et Patricia Schillinger . - ... sur les bas salaires !

Alain Vasselle , rapporteur général . - Néanmoins, le retour à l'équilibre de la branche à l'horizon 2018 n'est pas garanti. Il faudra une réforme plus structurelle, qui rende le système plus lisible, plus simple et plus équitable. La Mecss a prôné l'harmonisation progressive entre régimes, le rapprochement des gouvernances, le renforcement du droit à l'information des assurés ainsi que l'organisation d'un large débat national.

En 2010, un groupe de travail présidé par Raoul Briet, auquel j'ai participé, s'est penché sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie. Si les dépassements d'Ondam semblent faibles - 0,7 % en moyenne par an -, les masses financières en jeu sont considérables : 20 milliards d'euros de dépassements depuis 1997 en euros constants. Le groupe a proposé, pour améliorer la construction et la gouvernance de l'Ondam, de renforcer les pouvoirs du comité d'alerte, d'améliorer l'information du Parlement ainsi que le suivi statistique et comptable, et surtout de mettre en place un mécanisme de régulation infra-annuelle, avec la mise en réserve systématique de dotations en début d'année, ce qui a permis depuis deux ans de respecter le vote du PLFSS.

Ambitieuse, la trajectoire de réduction des déficits, qui figure dans la loi de programmation des finances publiques, dans le programme de stabilité européen, en annexe du collectif social et dans le document préparatoire au débat d'orientation, vise à réduire l'ensemble des déficits publics à 4,6 % du Pib en 2012 et 3 % en 2013. Pour les comptes sociaux, l'objectif est de revenir à un besoin de financement inférieur à 1 % du Pib en 2013 et à 0,5 % en 2014.

La maîtrise des dépenses doit se poursuivre, notamment en ce qui concerne l'assurance maladie. La Cour des comptes relève « l'anomalie que constitue depuis plusieurs années le financement par l'emprunt de l'équivalent de quatre semaines de soins courants », et définit trois priorités : strict respect de l'Ondam, retour à l'équilibre d'ici 2014 et réflexion sur des sujets clés comme l'amélioration de la prise en charge globale des patients. Elle propose un certain nombre de pistes, sur le médicament, l'hôpital ou les systèmes d'information, et insiste sur la nécessité de parvenir à un résultat de négociations conventionnelles compatible avec le respect de l'Ondam et sur la vigilance à apporter à la politique d'investissement hospitalier. La Cour estime aussi que les montants restant à la charge des assurés sociaux doivent être compatibles avec leurs ressources, pour ne pas remettre en cause l'accès aux soins des plus démunis, ce qui suppose de mieux connaître ces montants, le système étant, il faut le reconnaître, « compartimenté et opaque ».

Face à ces propositions, le rapport préparatoire au débat d'orientation établi par le Gouvernement demeure trop vague, sans objectifs chiffrés et précis. Il se borne pour l'essentiel à reprendre les dix priorités assignées aux ARS en juillet 2010 : du connu ! Il est temps de passer à un niveau d'encadrement plus rigoureux.

Guy Fischer . - Voilà !

Alain Vasselle , rapporteur général . - Il faut corriger les écarts entre professionnels et établissements de manière à améliorer l'efficience du système et sa qualité. Souvent, les établissements les plus performants en termes de gestion le sont aussi en termes de qualité. Il faut créer une dynamique en mettant fin à l'inertie des dernières années. La Mecss devra s'y investir.

Jacky Le Menn . - Tout à fait.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Pour sécuriser les recettes, continuer à traquer les niches sociales ne suffira pas : il faudra mobiliser de nouvelles recettes pour résorber le socle de 20 milliards de déficit.

Guy Fischer . - Ce rapport sans surprises est loin de nous rassurer. Il n'annonce rien de bon pour notre système de protection sociale, ni pour les patients.

Deux nouveaux cadres s'imposent à nous : le pacte de stabilité européen et la loi de programmation des finances publiques. La majorité se refusant à taxer davantage ceux qui se repaissent de dividendes et stock-options, elle impose à tous les autres l'hyper-austérité. Celle-ci repose sur l'écrasement sans précédent des salaires et des retraites - même si la masse salariale a augmenté à la faveur de la reprise. Quelles seront les conséquences sociales de ces règles financières ?

L'accès aux droits sociaux est remis en cause, le reste à charge des patients augmente. On fait pression sur l'hôpital public, stigmatisé depuis des années. Or les hôpitaux sont en crise : le directeur général des Hospices de Lyon déclare qu'il ne pourra bientôt plus investir ! Quant au projet de loi sur la dépendance, loin de la grande loi annoncée, il se résumera à quelques articles au sein du PLFSS pour 2012... Sur les retraites, le Gouvernement a déjà lancé l'offensive : la réforme s'applique au 1er juillet. Pendant ce temps, le déficit cumulé s'accroît : il faudra, en effet, parler du FSV. Bref, il n'y a rien de bon dans ce qui nous est proposé : nous ne pouvons que voter contre.

Jacky Le Menn . - Nous nous réjouissons que l'Ondam soit respecté, mais il faut que la Mecss se penche sur le détail des éléments qui rentrent dans son élaboration, dont certains sont plus maîtrisés que d'autres. Dans peu de temps, les patients subiront les conséquences des difficultés de l'hôpital public. Il faut fixer l'Ondam à un niveau crédible, raisonnable.

La Mecss devra aussi se pencher sur l'évolution de la dette des hôpitaux, qui ne cesse de croître. La manière dont celle-ci se forme est encore opaque.

Sur les retraites, nous divergeons. Le système de lissage a été repoussé à plus tard. Plus grave, on limite tellement la notion de pénibilité que même sa lanterne à la main, un sage aurait le plus grand mal à la déceler ! Attendez-vous à ce que les gens qui travaillent se révoltent. On ne peut balayer la question du stress au travail, qu'entraînent notamment les nouvelles technologies et les nouveaux modes de gestion.

Les gens ne croient pas en cette réforme des retraites : ils ne pensent pas qu'elle résout le problème du financement et ils ont l'impression d'être leurrés sur la question de la pénibilité. Il faudra veiller à son application. Pour que les gens soient réceptifs à une réforme, il faut qu'ils y trouvent quelque chose !

Marie-Thérèse Hermange . - Je suis assez pessimiste quant à l'avenir de l'hôpital. Je crains, comme nos collègues du groupe CRC-SPG, que le développement des fondations hospitalières n'aboutisse à créer un système à deux vitesses au sein de l'hôpital. On le constate déjà à l'AP-HP, par exemple à l'hôpital Necker. La dualité de gouvernance, entre chefs de pôle d'une part et directeurs administratifs d'autre part, risque de se retrouver au sein de l'hôpital.

René Teulade . - Le système à deux vitesses existe déjà ! J'avais fait voter en mars 1993, après des années de travail et avec l'accord de toutes les professions de santé, une loi sur la maîtrise médicalisée des dépenses de santé : elle n'a jamais été appliquée ! Notre système repose sur deux démarches économiquement contradictoires : prescriptions libérales et prestations socialisées. Pour trouver un équilibre, il faut que prescripteurs et consommateurs aient un comportement responsable.

Les maires ruraux que nous sommes connaissent le rôle de l'hôpital. Le système français est un modèle : les Etats-Unis ont d'ailleurs tenté, non sans mal, de s'en rapprocher.

Il faut un débat avec tous les acteurs concernés, y compris à l'extérieur. Le Sénat m'a fait l'honneur de me désigner comme membre du Conseil d'orientation des retraites : j'irai demain, le débat sera riche, mais à quoi servira-t-il si les décisions sont déjà prises ?

Marie-Thérèse Hermange . - Il faut le supprimer !

René Teulade . - On remet progressivement en cause tout le système. Nous faisons pour notre part des propositions pour le sauver, à commencer, sur le plan du financement, par une réforme de la fiscalité.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Vous avez formulé des commentaires plutôt que des questions. Monsieur Le Menn, je partage vos préoccupations. La Mecss devra en effet analyser les éléments qui entrent dans le calcul de l'Ondam, ainsi que la manière dont se constitue la dette des hôpitaux. La question de la pénibilité dans la réforme des retraites, qui est du domaine de Dominique Leclerc, mérite également que la Mecss s'y intéresse. Les conditions de travail ont changé en trente ans, et la pénibilité d'un travail n'est pas seulement physique.

Guy Fischer . - Absolument.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Madame Hermange, l'hôpital reste un grand sujet. Les plans d'investissement de 2007 et 2012 ont donné des résultats, que nous avons pu constater lors de nos déplacements. Mais les établissements ont été conduits à s'endetter. Ils doivent désormais choisir entre investissement et fonctionnement. Il nous faut étudier la situation. Les crédits sont-ils utilisés de façon optimale ? Les fondations, théoriquement destinées à financer la recherche, n'ont pas à financer le fonctionnement : c'est un dévoiement, sur lequel il convient de se pencher. La nouvelle gouvernance perturbe-t-elle les conditions de fonctionnement ? Quelles sont les conséquences de la loi HPST ? Que vont faire les agences régionales de santé ? Il y un gros travail à conduire.

M. Teulade s'est ému que sa loi de 1993, qui recherchait un équilibre entre médecine libérale et socialisée, n'ait jamais été appliquée. En effet, d'autres directions ont été prises, mais il faudra sans doute revisiter ces propositions car il y a partout de bonnes idées à prendre ! A nous de rechercher un chemin commun, en suivant l'intérêt général.

Marie-Thérèse Hermange . - Un chef de service qui part à la retraite crée une fondation ou un institut au sein de son hôpital ! Le renouvellement des chefs de service est systématique, quand bien même l'hôpital compte deux services d'urologie qui ne fonctionnent pas à plein régime ! Des choses concrètes comme l'attribution des chefferies de service peuvent déstabiliser l'hôpital tout entier !

Alain Vasselle , rapporteur général . - Je comprends votre irritation. Ces questions sont de la responsabilité des nouveaux directeurs généraux d'ARS... mais elles peuvent intéresser la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss).

La commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

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