Rapport d'information n° 39 (2009-2010) de M. Jean-Claude FRÉCON et Mme Fabienne KELLER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 14 octobre 2009

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N° 39

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 octobre 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom du groupe de travail (1) sur la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 et le régime d' indemnisation des catastrophes naturelles constitué par la commission des finances (2) ,

Par M. Jean-Claude FRÉCON et Mme Fabienne KELLER,

Sénateurs.

(1) Ce groupe de travail est composé de : M. Éric Doligé , président ; M. Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller , rapporteurs ; Mme Nicole Bricq, MM. Adrien Gouteyron, Jean-Jacques Jégou, Aymeri de Montesquiou, Bernard Vera .

(2) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Avant-propos

Mesdames, Messieurs,

Événement climatique exceptionnel par son intensité et par ses caractéristiques, la sécheresse de 2003 a causé des sinistres dans plus de 8.000 communes françaises. Pour des raisons aisément compréhensibles, les effets de la sécheresse sur les biens ont reçu moins d'écho médiatique que l'impact de la canicule sur la santé publique. Pour autant, en provoquant d'importants mouvements de terrains dans les zones argileuses, cet épisode climatique a porté atteinte à l'intégrité de nombreux logements individuels, parfois rendus totalement inhabitables. Devant l'ampleur du phénomène, l'Etat a progressivement adapté les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ouvrant droit aux indemnisations en application du régime dit « CAT-NAT ». Pour les communes non reconnues en état de catastrophe naturelle, le législateur a, en 2006, mis en place une procédure exceptionnelle d'indemnisation.

La discussion du premier projet de loi de finances rectificative pour 2009 a été l'occasion, pour le Sénat, de revenir sur les conséquences de la sécheresse de 2003. Devant la persistance de situations de détresse objective parmi les victimes, la commission des finances a constitué, au mois de février 2009, un groupe de travail spécifiquement consacré à cette question, ainsi qu'aux perspectives de réforme du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Sous la présidence de M. Eric Doligé, le groupe de travail a procédé à de nombreuses auditions des représentants des familles et des communes sinistrées, des administrations ayant eu à connaître de ce dossier, des professionnels des secteurs de l'assurance et de la construction, ainsi que des experts scientifiques dans les domaines de la météorologie et de la géologie.

Le groupe de travail a également effectué un déplacement dans l'Essonne, département particulièrement touché par la sécheresse de 2003. Ce déplacement lui a permis de constater sur place la persistance de dégâts importants sur certains pavillons, ainsi que de nouer de fructueux échanges avec les maires des communes frappées par la sécheresse et les services préfectoraux chargés de mettre en oeuvre la procédure exceptionnelle d'indemnisation.

Articulé en deux volets, le présent rapport revient sur les suites réservées à la sécheresse de 2003 et formule des préconisations de nature à solder définitivement un dossier complexe et douloureux. Il dresse également un état des lieux de notre régime d'indemnisation des catastrophes naturelles et en explore les voies d'amélioration, qu'il s'agisse du péril sécheresse ou de l'ensemble des agents naturels couverts.

PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

A. - La gestion des suites de la sécheresse de 2003

1. Entre 1989 et 2007, plus de 444.000 sinistres dus à la sécheresse ont été recensés, pour un coût total de 4,1 milliards d'euros, soit 9.200 euros en moyenne par sinistre. Ces sinistres sont liés au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (ou subsidence), qui affecte l'intégrité des bâtiments.

2. La sécheresse de 2003 fut exceptionnelle par son intensité et par ses caractéristiques. Cette sécheresse estivale a causé, à elle seule, environ 138.000 sinistres. Son coût est évalué à 1.018 millions d'euros par la Caisse centrale de réassurance.

3. La reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle imputable à la sécheresse repose sur des critères dont la pertinence est, à juste titre, contestée. Particulièrement inadaptés à l'épisode de 2003, ces critères ont fait l'objet de plusieurs ajustements, conduisant à classer en état de catastrophe naturelle 4.441 communes sur 8.022 ayant sollicité ce classement.

4. Les ajustements opérés des critères de reconnaissance ont, au moins en partie, reposé sur des considérations budgétaires. Ces critères ont notamment été « calibrés » afin d'éviter que le coût des indemnisations au titre du régime CAT-NAT n'entraîne l'appel en garantie de l'Etat.

5. Le zonage météorologique « Aurore », dont les données sont exploitées pour la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, présente un maillage très lâche. Ainsi, des communes aux caractéristiques géologiques similaires et ayant connu des conditions météorologiques identiques en 2003 ont pu subir des traitements différenciés au regard de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, et ce pour la seule raison qu'elles étaient rattachées à des zones « Aurore » différentes.

6. Dans le cadre de la loi de finances pour 2006, l'Etat a mis en oeuvre, sur l'invitation pressante du Parlement, une procédure exceptionnelle d'indemnisation au bénéfice des ressortissants des communes non reconnues en état de catastrophe naturelle. 218,5 millions d'euros ont été consacrés à ces aides complémentaires, dont l'attribution a reposé sur une instruction déconcentrée des dossiers.

7. En dépit de la mobilisation incontestable de la plupart des services préfectoraux, les modalités de mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle ont révélé plusieurs faiblesses, dont la plus importante a consisté à fonder l'instruction des dossiers sur de simples devis. Motivé par le souci d'indemniser rapidement les victimes, ce choix a toutefois conduit à octroyer des indemnisations dont le montant a pu se révéler très insuffisant au regard des travaux effectivement nécessaires.

8. La sécheresse de 2003 a causé un désarroi profond et durable chez les victimes insuffisamment ou pas indemnisées, ainsi que chez les élus des communes non reconnues en état de catastrophe naturelle. Le maintien de collectifs d'élus ou de sinistrés très actifs, les saisines fréquentes dont font l'objet les parlementaires, ou encore les recours intentés par les victimes ou les communes concourent à démontrer que la gestion de la sécheresse de 2003 n'est pas soldée.

9. Le groupe de travail souhaite que la totalité du reliquat de fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d'indemnisation soit exclusivement consacré au versement des aides aux victimes de la sécheresse. Il souhaite être régulièrement informé de l'état de ce reliquat et de son emploi par les services de l'Etat.

10. Le groupe de travail demande au Gouvernement de mettre en oeuvre une vague complémentaire d'indemnisations. Afin de circonscrire les effets d'aubaine et de limiter les demandes reconventionnelles, ces indemnisations pourraient être réservées aux personnes sinistrées ayant déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle et devraient être conditionnées par la réalisation d'une expertise préalable.

B. - Quelles leçons pour l'avenir ?

11. Après 2003, l'Etat a tardé à prendre toutes les mesures de nature à prévenir le risque de subsidence. En effet, tout porte à croire que le caractère lent et diffus du phénomène n'a pas incité les pouvoirs publics à le traiter avec célérité.

12. Une large gamme d'outils et de procédures favorise aujourd'hui, en théorie, l'information préventive du public sur le risque de subsidence. La portée réelle de ces outils et procédures est toutefois douteuse, et une sensibilisation accrue des services de l'Etat, des élus locaux et des populations est nécessaire, s'agissant d'un risque dont les implications commencent seulement à être appréhendées.

13. Les maires des communes situées en zone d'aléa argileux fort doivent être rapidement et systématiquement alertés des enjeux liés au phénomène de subsidence. En conséquence, le groupe de travail préconise la mise en oeuvre, avant la fin de l'année 2010, d'une procédure d'alerte spécifique de ces élus, assortie de recommandations leur permettant de mieux prendre en compte ce risque dans l'exercice de leurs compétences d'urbanisme et d'instruction et de délivrance des permis de construire.

14. Aucune adaptation significative des règles de construction au phénomène de retrait-gonflement n'est intervenue depuis 2003, ce qui apparaît d'autant plus regrettable que les conséquences de ce phénomène peuvent être circonscrites par des techniques relativement simples à mettre en oeuvre. Le groupe de travail préconise de rendre obligatoire la réalisation d'une étude de sol, à la charge des maîtres d'ouvrage, pour toute construction nouvelle en zone à risque argileux avéré.

15. En tant que préalable à l'édiction de nouvelles normes de construction, l'achèvement de la cartographie de l'aléa argileux doit constituer une mission prioritaire du Bureau de recherches géologiques et minières. Le cas échéant, les collectivités territoriales particulièrement exposées à cet aléa pourraient être aidées, via le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, à affiner cette cartographie, de manière à disposer d'une information fiable à l'échelle des parcelles.

16. La réforme envisagée du régime CAT-NAT doit s'accompagner du maintien des sinistres dus au retrait-gonflement au sein du périmètre d'indemnisation.

17. Les exclusions partielles de la couverture CAT-NAT, visant notamment les dégâts superficiels ou les bâtiments couverts par l'assurance décennale ou bien par la garantie dommages-ouvrages, ne doivent pas conduire à fragiliser la situation des sinistrés à l'égard des constructeurs ou des compagnies d'assurance.

18. Dans l'hypothèse où une évolution de la réglementation aboutirait à de nouvelles prescriptions en matière d'études de sol ou de profondeur minimale de fondations, le non-respect de ces prescriptions pourrait être sanctionné par une exclusion de la couverture CAT-NAT, sous réserve d'informer en amont et de façon très circonstanciée les maîtres d'ouvrage de la sanction encourue.

19. Les travaux de recherche pluridisciplinaire en cours pour objectiver les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle due à la sécheresse doivent trouver une traduction opérationnelle rapide et faire l'objet d'une large publicité et d'une présentation accessible et compréhensible pour les citoyens.

C. - Quelle réforme globale pour le régime CAT-NAT ?

20. Le groupe de travail juge que la réforme du régime CAT-NAT ne doit pas bouleverser son équilibre général. Ce régime a, en effet, largement fait ses preuves : le caractère solidaire du financement a donné globalement satisfaction aux assurés et le mécanisme d'indemnisation s'est avéré rentable pour le secteur assuranciel.

21. La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle doit être plus transparente. A cet égard, les critères et seuils élaborés par la commission interministérielle doivent faire l'objet d'une traduction normative et d'une présentation accessible aux assurés. Cette traduction permettrait également une meilleure anticipation des assureurs s'agissant de la charge de sinistralité à indemniser. Elle pourrait aussi conduire au développement d'une offre complémentaire de couverture pour les sinistres situés en deçà des seuils applicables dans le cadre du régime CAT-NAT.

22. La suppression de l'arrêté interministériel n'est pas souhaitable, l'absence d'intermédiation des pouvoirs publics étant susceptible de fragiliser la position des assurés face aux assureurs. Une telle mesure pourrait générer des contentieux en cas de refus d'indemnisation par l'assureur. Le dialogue qui s'instaure entre les acteurs publics et les assurés lors de la gestion des demandes d'indemnisation doit donc être préservé. En outre, la prise d'arrêtés interministériels constitue une manifestation de solidarité nationale dont la portée « symbolique » ne doit pas être négligée lors de la survenance de catastrophes majeures.

23. Il pourrait être opportun de renforcer la proximité du circuit de décision présidant à la déclaration de l'état de catastrophe naturelle, en décentralisant cette décision à l'échelon local pertinent. Assureurs et assurés seraient présents lors de l'examen des demandes et la cohérence de l'application des critères et des seuils sur l'ensemble du territoire serait garantie par un mécanisme d'appel devant la commission interministérielle, qui intervient au niveau national.

24. Le rythme de prescription et d'approbation des plans de prévention des risques naturels majeurs doit être accéléré. S'agissant des inondations, la transposition en cours d'une directive européenne devrait permettre une meilleure adaptation de ceux-ci à la réalité du risque en prévoyant la coordination des plans au niveau approprié, celui du bassin hydrographique.

25. La modulation de la surprime CAT-NAT en fonction de l'exposition aux risques est à exclure, s'agissant des particuliers, en tant qu'elle est incompatible avec le principe de solidarité qui fonde le régime. Sa mise en oeuvre est en revanche possible pour les professionnels, plus à même de recourir à l'expertise pour réduire leur exposition au risque. Faute d'étude d'impact, le groupe de travail juge inopportune, à ce stade, une modulation accrue des franchises applicables en cas de sinistre.

26. L'élargissement progressif du périmètre d'intervention du Fonds de prévention des risques naturels majeurs a conduit à un accroissement considérable de ses dépenses et a dégradé sa situation financière. L'indispensable augmentation de ses ressources, opérée à l'initiative de votre commission des finances, doit aujourd'hui s'accompagner d'une rationalisation et d'une mise en cohérence de ses missions.

27. La Caisse centrale de réassurance (CCR) joue un rôle stratégique dans la gestion de la couverture des risques de catastrophes naturelles, et plus largement dans celle des défaillances ponctuelles du marché de l'assurance. En dépit de l'incertitude sur l'augmentation éventuelle de la fréquence ou de l'intensité des aléas naturels, la charge de la sinistralité semble appelée à augmenter.

28. La capacité de la Caisse centrale de réassurance à faire face à des événements climatiques plus fréquents, plus intenses et donc plus coûteux doit être analysée dans les meilleurs délais. Dans l'hypothèse où sa solidité financière ne serait pas garantie à moyen terme, le groupe de travail estime nécessaire de relever le plafond des provisions qu'elle peut constituer en franchise d'impôt. Un tel arbitrage pèserait sur les recettes d'impôt prélevé sur les sociétés à court terme, mais diminuerait la probabilité d'appel en garantie de l'Etat face à une catastrophe majeure, dont le coût serait potentiellement très élevé.

PREMIÈRE PARTIE : SÉCHERESSE DE 2003 : QUELLES LEÇONS POUR L'AVENIR ?

I. LA SÉCHERESSE DE 2003 ET SES SUITES

A. UNE SÉCHERESSE ATYPIQUE

1. La sécheresse et sa prise en charge dans le cadre du régime CAT-NAT

Instauré par la loi du 13 juillet 1982 et codifié aux articles L. 125-1 à L. 125-6 du code des assurances, le régime français d'indemnisation des catastrophes naturelles 1 ( * ) - ou régime CAT-NAT - définit les effets de ces dernières comme « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises » .

La garantie qu'il offre suppose, pour s'appliquer :

1) qu'un arrêté soit pris, sur avis d'une commission interministérielle, déterminant les zones et périodes où s'est située la catastrophe, ainsi que la nature des dommages pris en charge.  ;

2) qu'un lien de causalité soit établi entre l'intensité anormale de l'agent naturel et les sinistres constatés. L'existence de ce lien de causalité est déterminée par les experts des compagnies d'assurance.

a) La subsidence : un phénomène peu spectaculaire...

Parmi les agents naturels d'intensité anormale susceptibles de donner lieu à indemnisation en application du régime CAT-NAT, figure le phénomène de « sécheresse-réhydratation des sols » . Ce phénomène a pour conséquence d'importants mouvements différentiels de terrain, susceptibles d'altérer gravement l'intégrité du bâti. Y sont particulièrement exposées les maisons individuelles, dont la structure est légère et peu rigide, et dont la profondeur de fondation est souvent peu importante.

Le phénomène de retrait-gonflement, également dit « de subsidence », est localisé dans les zones où le sol est essentiellement constitué d'argiles gonflantes , matériaux dont la consistance et le volume se modifient en fonction de leur teneur en eau. Outre la nature du sol, plusieurs facteurs, tels que le contexte hydrogéologique, la géomorphologie ou la végétation environnante, prédisposent le bâti à faire face à un phénomène de subsidence. Les facteurs de déclenchement d'un tel phénomène résident, quant à eux, dans les conditions climatiques et dans certains comportements humains, tels que la plantation de végétaux à proximité de l'habitation, ou l'aménagement de certains dispositifs drainants ( cf . annexe III). Les désordres occasionnés par la subsidence sont susceptibles d'affecter tant le gros-oeuvre (fissuration et déversement des structures, décollement des bâtiments annexes, désencastrement des éléments de charpente ou de chaînage...) que le second oeuvre (distorsions des ouvertures) ou les aménagements extérieurs (décollement, affaissement, fissuration des terrasses, dalles, escaliers...).

Le phénomène de subsidence présente un grand nombre de particularités, comparé aux autres types d'événements naturels d'intensité anormale couverts par le régime CAT-NAT. Il possède tout d'abord une cinétique lente , puisque les mouvements différentiels de terrains peuvent s'étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs années, et engendrer des dégâts très progressifs. Cette caractéristique n'est pas sans créer des difficultés pour imputer certains sinistres à tel ou tel épisode de sécheresse, et par conséquent pour déterminer le lien de causalité entre l'intensité anormale de l'agent naturel et les dégâts observés.

Par ailleurs, ce phénomène survient souvent sur une grande étendue surfacique , les sols argileux étant disséminés sur une partie importante du territoire national. Enfin, la subsidence ne cause pas directement d'atteinte aux personnes , contrairement à certains événements climatiques violents tels que les tempêtes ou les inondations.

L'ensemble de ces caractéristiques concourent à faire du retrait-gonflement un phénomène peu spectaculaire, ce qui a pu, selon le groupe de travail, favoriser une relative inertie dans le traitement dont il a fait l'objet par les pouvoirs publics ( cf. infra ).

b) ... mais aux conséquences potentiellement coûteuses

Pour peu « retentissante » qu'elle soit, la subsidence est relativement fréquente et susceptible d'occasionner des sinistres fort coûteux . Selon une brochure du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM), « le phénomène de retrait-gonflement des argiles, bien que non dangereux pour l'homme, engendre chaque année sur le territoire français des dégâts considérables aux bâtiments, pouvant dépasser 60 millions d'euros cumulés par département entre 1989 et 1998 » 2 ( * ) .

Le rapport produit en septembre 2005 par la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles indiquait que la première vague de sécheresse avait débuté en 1989, touchant environ 65 départements à raison d'une quarantaine de communes par département et pour un coût moyen par commune de l'ordre de 500.000 euros. Une deuxième vague a débuté en 1995, touchant 70 départements, à raison d'une quarantaine de communes par département et pour un coût moyen de l'ordre de 600.000 euros.

Au total, selon un récent document diffusé par la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA), plus de 444.000 sinistres avaient été recensés en rapport avec la sécheresse entre 1989 et fin 2007, pour un coût de 4,1 milliards d'euros ( cf . tableau), soit un coût moyen par sinistre de 9.200 euros.

Répartition des sinistres et du coût de la sécheresse
par année de survenance, vue à fin 2007

Année

Sinistres connus
(en milliers)

Coût
(en millions d'euros)

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004-2007*

12,5

36,8

24,5

23,0

23,0

8,6

18,0

37,7

32,2

44,1

12,2

6,0

3,5

24,0

138,0

0,0

230

355

250

180

190

70

130

360

280

320

110

60

30

230

1.305

0

Total

444,1

4.100

* Pour les années 2004 à 2007, l'estimation de la sécheresse est nulle car aucun arrêté concernant des sinistres sécheresse ayant débuté ces années-là n'est paru avant fin 2007. Cependant, vu au 4 décembre 2008, 2.860 arrêtés sécheresse supplémentaires sur des sinistres concernant les exercices 2004, 2005, 2006 et 2007 sont parus en 2008.

Source : FFSA - L'assurance des catastrophes naturelles en 2007

2. La sécheresse de 2003 et sa prise en compte par le régime CAT-NAT

La sécheresse de 2003 fut exceptionnelle à la fois dans son intensité et dans son calendrier, puisqu'elle s'est manifestée durant la période estivale .

a) Un événement d'une intensité exceptionnelle

Le rapport de la mission d'enquête 3 ( * ) sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles indique que, « d'après les éléments communiqués par la Caisse centrale de réassurance (CCR), si la totalité des communes demanderesses avaient été retenues, le risque financier global aurait pu atteindre près de 3,5 milliards d'euros , dont 60 % à 70 % auraient été supportés par la CCR elle-même (en raison des traités de réassurance en quote-part et en stop-loss ). Cette société aurait alors été amenée à faire appel en 2005 à la garantie de l'Etat pour des sommes pouvant atteindre un ordre de grandeur de 500 à 1.000 millions d'euros. Les mesures décidées et annoncées récemment par le gouvernement (...) auront cependant permis d'éviter cette situation ».

Alors que le nombre moyen de sinistres constatés au titre des sécheresses intervenues entre 1989 et 2002 s'établissait à environ 21.800 par an, la sécheresse de 2003 a occasionné, à elle seule, 138.000 sinistres . Ce caractère exceptionnel se reflète également dans le coût occasionné par l'événement pour le régime CAT-NAT. Les dernières données transmises par la Caisse centrale de réassurance au groupe de travail font ainsi état d'un coût total de 1.018 millions d'euros 4 ( * ) , contre un coût moyen annuel de 205 millions d'euros sur la période 1989-2002.

Evaluation du coût de la sécheresse 5 ( * )

(en millions d'euros)

Source : Caisse centrale de réassurance

b) Des critères scientifiquement fragiles et inadaptés à la sécheresse de 2003

Afin de déterminer l'intensité anormale des épisodes de sécheresse à l'origine des phénomènes de retrait-gonflement, la commission interministérielle chargée d'émettre les avis préalables à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle s'est longtemps fondée sur des critères à la pertinence scientifique contestable, critères qui se sont en outre révélés inadaptés à la sécheresse de 2003.

Dans les réponses au questionnaire que le groupe de travail leur a adressé, les représentants de Météo-France estiment que, dans le cas de la sécheresse, il est extrêmement difficile d'établir une relation de cause à effet robuste et opératoire entre l'aléa naturel (le retrait-gonflement) et les dommages. En effet, selon les experts de Météo-France, « cette relation de cause à effet est très complexe : elle lie, par des processus agissant sur de longues périodes, les conditions météorologiques, le bilan hydrique des sols jusqu'au niveau où puisent les racines les plus profondes, et la mécanique des sols. De plus, l'échelle visée est la plus locale possible, celle de la parcelle argileuse. Il s'agit donc d'un problème extrêmement difficile, d'autant plus qu'aucune base de données réellement statistiquement exploitable n'existe sur la sinistralité. Dans l'état de l'art, une relation qui soit à la fois scientifiquement robuste et opératoire au sens précédent reste donc encore à établir ».

En l'absence de fondement scientifique incontestable, les critères de reconnaissance de l'état de sécheresse ont donc été définis « de façon empirique » et ont évolué en fonction des moyens effectivement disponibles pour caractériser l'intensité anormale des événements climatiques constatés :

1) jusqu'en 1999, la sécheresse était appréhendée selon une approche strictement « météorologique » , c'est-à-dire comme un déficit de précipitations ;

2) à partir de 2000, les critères ont reposé sur une définition « agricole » de la sécheresse, comprise comme un déficit de l'humidité des sols superficiels. Du point de vue de l'appréhension du phénomène de retrait-gonflement, ces nouveaux critères ont constitué un indéniable progrès, puisqu'ils permettaient de prendre en compte la réserve en eau du sol, paramètre influençant directement la subsidence. Ce modèle a reposé sur 200 stations de référence, pour lesquelles les observations nécessaires au calcul sont disponibles sur plus de 20 ans, et chaque station étant choisie dans une zone homogène du point de vue de la climatologie des précipitations. Il s'agit du zonage dit « Aurore », sur lequel vos rapporteurs reviendront.

Si l'utilisation de ce critère semble avoir donné satisfaction jusqu'en 2002, il n'en a pas été de même pour la sécheresse de 2003. Cet épisode de sécheresse a en effet été atypique, en ce qu'il n'a pas été constaté de fort déficit hydrique lors de l'hiver 2002-2003, mais qu'une sécheresse estivale extrêmement marquée est survenue.

Dès lors, et ainsi que l'ont rappelé la plupart des interlocuteurs du groupe de travail, si le « critère 2000 » avait été appliqué sans discernement à la sécheresse de 2003, seules 200 communes auraient bénéficié d'un classement en état de catastrophe naturelle, sur les 8.000 qui l'avaient sollicité . Selon une « Note de Météo-France du 29 mars 2005 à la Mission interministérielle chargée de la réflexion sur le régime catastrophes naturelles », transmise au groupe de travail, la commission interministérielle a donc été conduite à adapter le critère 2000. Elle a « initialement retenu un double critère, dont la définition a été ajustée en tenant compte de la contrainte financière » 6 ( * ) .

Deux assouplissements de ces critères sont ensuite intervenus en janvier et juin 2005, conduisant au classement de 4.441 communes en état de catastrophe naturelle.

L'assouplissement progressif des critères de reconnaissance
à la suite de la sécheresse de 2003

Critères retenus

Nombre de communes classées en état de catastrophe naturelle

Critère adapté en 2004

(Présence avérée d'argile dans le sol + rapport de la moyenne de la réserve hydrique du 3 ème trimestre sur la moyenne hydrique normale inférieur à 20 % + nombre de décades pendant lequel le réservoir hydrique est égal à zéro compris entre le 1 er et le 2 ème rang sur la période 1989-2003) 7 ( * )

1.750

Assouplissement opéré en janvier 2005

(Présence avérée d'argile dans le sol + rapport de la moyenne de la réserve hydrique du 3 ème trimestre sur la moyenne hydrique normale inférieur à 21 % + nombre de décades pendant lequel le réservoir hydrique est égal à zéro compris entre le 1 er et le 3 ème rang sur la période 1989-2003)

1.703

Assouplissement opéré en juin 2005

Critère de janvier 2005

ou critère alternatif :

La durée de retour de la moyenne des réserves en eau du sol du troisième trimestre doit être supérieure à 25 ans.

988

Total

4.441

Source : groupe de travail de la commission des finances, d'après la Caisse centrale de réassurance et le rapport du Gouvernement au Parlement sur l'indemnisation des dommages aux bâtiments causés par la sécheresse survenue durant l'été 2003

Selon la Caisse centrale de réassurance, c'est « au fur et à mesure de l'évolution des connaissances » que les critères appliqués par la commission interministérielle pour l'examen des dossiers afférents à la sécheresse de l'année 2003 ont été revus. Ces élargissements successifs n'ont toutefois pas renforcé la pertinence scientifique des critères retenus, et le nouveau critère de sécheresse estivale dégagé en 2003 demeure, selon Météo-France , « très sensible aux seuils choisis (ces seuils ont d'ailleurs évolué dans le sens de l'assouplissement de 2003 à 2005), (...) peu robuste et inadapté ». De fait, il n'a pas permis de reconnaître de larges zones sinistrées dans le Nord, la Seine-et-Marne, les Yvelines, le Val-d'Oise, le sud de l'Essonne, une partie du Gers et de la Dordogne, et tout le quart sud-est de la France.

L'ensemble de ces éléments confirme largement les doutes qu'avait émis la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles dans son rapport de septembre 2005, quant à la pertinence des critères de reconnaissance employés ( cf . encadré).

Les critiques formulées en 2005 à l'encontre des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle due à la sécheresse

(...) la mission a considéré comme établi par les experts le fait que les phénomènes de subsidence liés à la sécheresse du sol et les dégâts qu'ils peuvent entraîner pour les bâtiments ne peuvent se produire que si deux conditions se trouvent conjointement remplies : d'une part une condition de nature météorologique (une sécheresse du sol d'intensité anormale) ; d'autre part une condition géotechnique (un sol d'assise des constructions constitué d'argile sensible aux phénomènes de retrait et/ou de gonflement). Chacune de ces conditions, prise séparément, est nécessaire mais non suffisante.

Mais en pratique, les critères retenus pour l'application à la sécheresse du régime des catastrophes naturelles n'ont que récemment, et de façon très partielle, cumulé les deux conditions : jusqu'à la fin des années 1990, le critère géotechnique a été appliqué de façon prédominante, voire exclusive. A partir de 2000, les critères météorologiques sont devenus prépondérants, le critère géotechnique n'étant appliqué - quand il l'est - qu'avec peu de rigueur (...). Ces critères météorologiques correspondent dans leur principe même, à une évidente nécessité mais ils n'en ont pas moins comporté certaines faiblesses quant à leur formulation : la plus importante est qu'ils correspondent à des « temps de retour » (c'est-à-dire à des périodicités de répétition mesurées, sauf exception, sur les 50 dernières années environ) des sécheresses réputées anormales extrêmement variables d'une région à l'autre, de 4 ans environ - voire moins - sur le pourtour méditerranéen à 50 ans ou plus dans d'autres régions.

Quoi qu'il en soit, la mission a estimé que la grande disparité qui a prévalu jusqu'à aujourd'hui en matière de « temps de retour » des sécheresses considérées comme d'une intensité anormale au regard du critère légal soulevait une réelle difficulté. En l'absence d'observation directe du phénomène de retrait-gonflement, ni même de mesure de la présence d'eau dans le sol, la commission interministérielle chargée de donner un avis sur la constatation de l'état de catastrophe naturelle a eu recours à un modèle utilisé par Météo-France pour fournir une évaluation de la variation de la teneur en eau des sols en fonction de critères météorologiques « amont » effectivement mesurés dans une centaine de stations du territoire métropolitain (température, rayonnement, vent, pluviométrie...).

Cette méthode, bien qu'elle demeure jusqu'à aujourd'hui la seule disponible, n'a pas été conçue spécifiquement pour modéliser le phénomène de retrait-gonflement. Sa précision est donc par nature limitée et son utilisation peut conduire à ignorer des phénomènes locaux d'assèchement exceptionnel des sols, ou au contraire à en reconnaître à tort. Au niveau global, l'équilibre atteint peut être satisfaisant mais il ne l'est pas nécessairement pour chaque particulier.

Par ailleurs, au fil des années, le critère géotechnique (la présence d'argiles sujettes à « retrait-gonflement ») a été, on l'a dit, progressivement affadi, voire plus ou moins ignoré, au profit du seul critère météorologique, lui-même adapté au gré des circonstances. De ce fait, et sans pouvoir quantifier cette affirmation, la mission a acquis la conviction qu'un certain nombre de communes ont été reconnues comme étant en état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse 2003, alors que la présence d'argiles gonflantes n'y était pas sérieusement démontrée ou même qu'il était probable qu'elles ne se situaient pas en zone fortement argileuse. Il est vrai toutefois que, au dire même des spécialistes, des poches ou lentilles argileuses très localisées mais susceptibles de créer ponctuellement des phénomènes de subsidence peuvent se rencontrer dans des zones ou des communes considérées par ailleurs comme non exposées.

Source : Rapport de synthèse de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles (septembre 2005)

Le groupe de travail tire plusieurs enseignements des éléments qui viennent d'être exposés :

1) il donne acte au Gouvernement d'avoir progressivement assoupli les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, afin de tenir compte du caractère atypique de la sécheresse de 2003 et de ne pas restreindre les indemnisations à une proportion infime des communes touchées ;

2) il observe toutefois que, faute de données exhaustives et incontestables de nature à établir un lien de causalité entre le phénomène de subsidence et les sinistres intervenus, les critères, même élargis, sont demeurés d'une scientificité sujette à caution ;

3) il regrette enfin que les adaptations successives des critères aient pu donner le sentiment aux communes et aux familles sinistrées d'une relative « improvisation », voire d'un certain arbitraire des pouvoirs publics face au phénomène, sentiment que venait conforter l'intelligibilité très limitée des règles de calcul retenues et le fonctionnement peu transparent de la commission interministérielle chargée de rendre les avis à l'appui des arrêtés de catastrophe naturelle 8 ( * ) .

c) Les limites propres au zonage Aurore

Le fait de disposer d'un critère - même imparfait - de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est une condition nécessaire mais non suffisante à une mise en oeuvre équitable des procédures d'indemnisation. Encore faut-il disposer d'instruments de mesure adaptés pour vérifier que ledit critère est rempli.

Le calcul du bilan hydrique est réalisé dans des stations de référence rattachées à 200 zones dites « Aurore ». L'application du critère se fonde, par conséquent, sur le rattachement de chaque commune à une station d'observation de référence de la zone Aurore à laquelle elle appartient. L'information relative au bilan hydrique, produite par le zonage Aurore, n'est ensuite exploitée par la commission interministérielle que sur les communes pour lesquelles la présence d'argile est confirmée par une expertise géologique indépendante.

Le mode de rattachement des communes aux stations de référence du zonage Aurore a fait l'objet de « contestations » dès 2003, et continue de soulever de nombreuses critiques de la part des sinistrés et des élus des communes touchées. Ainsi, au cours de leur audition par le groupe de travail :

- Mme Christine Desmond, présidente de l'Association essonnienne des sinistrés victimes de la sécheresse a remis en cause les critères du zonage, jugeant qu'une grande majorité des communes n'avaient pas été reconnues sinistrées au titre du régime des catastrophes naturelles parce que la réserve hydrique de leur sol avait été évaluée comme suffisante, « alors que des communes voisines rattachées à un autre centre météorologique avaient bénéficié de cette qualification » ;

- M. Michel Roméro, président de l'Association des sinistrés de la sécheresse pour les propriétés bâties dans les Yvelines, a relevé que « l'élargissement des critères d'indemnisation s'était appuyé sur le zonage "Aurore", aboutissant parfois à évaluer la situation des communes par rattachement à une station météorologique lointaine » ;

- M. Claude Naquin, président du Collectif national de défense des sinistrés de la sécheresse de 2003, a indiqué que « les seules communes du Loiret à avoir été reconnues en état de catastrophe naturelle ont été celles qui étaient rattachées à une station météorologique d'un département voisin 9 ( * ) » , situation qu'il a jugée « abracadabrante » ;

- M. Bernard Corneille, maire d'Othis (Seine-et-Marne) a rappelé que la situation météorologique d'Othis avait été évaluée au regard de données de la station de Bonneuil-en-France, dans le Val-d'Oise, alors même que des communes voisines avaient vu leur dossier étudié sur la base de données météorologiques recueillies à Paris. « Des critères différents ont donc été appliqués à des communes ayant connu des situations climatiques identiques. »

Il apparaît donc qu'en raison du maillage relativement « lâche » du territoire sur lequel repose le zonage Aurore, des communes aux caractéristiques géologiques similaires et ayant connu des conditions météorologiques identiques en 2003 ont pu subir des traitements différenciés au regard de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, et ce pour la seule raison qu'elles étaient rattachées à des stations de référence différentes .

Le rapport de décembre 2007 sur la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle 10 ( * ) a consacré des développements spécifiques à la « pertinence » et aux « limitations » du zonage Aurore. Selon ce rapport, « l'utilisation du zonage climatologique Aurore est pertinente pour traiter d'une problématique influencée au premier ordre par la distribution des précipitations et s'avère cohérent avec la densité du réseau de stations d'observation de référence disponible : dans une approche basée exclusivement sur les observations, l'apport d'un zonage très fin sans un nombre équivalent de points de mesure serait illusoire. En effet, dans une telle approche, le point sensible pour une caractérisation climatologique précise des conditions de sécheresse provient d'abord du nombre limité de longues séries climatologiques disposant de l'ensemble des paramètres nécessaires au calcul du bilan hydrique.

« Cette approche étant la seule possible dans les dernières années, le choix du zonage Aurore par la commission (interministérielle) s'avère aussi pertinent que possible et peu perfectible ».

Selon ce rapport, il faut donc comprendre par « pertinence » du zonage Aurore le fait qu'il ait constitué l'outil le moins inadapté possible , en l'état des techniques et des connaissances, pour fournir les données nécessaires à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE PROCÉDURE EXCEPTIONNELLE D'INDEMNISATION

Au total, 4.441 communes auront donc bénéficié d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, sur les 8.022 11 ( * ) l'ayant sollicitée. Compte tenu du nombre important de communes non reconnues et de la situation difficile dans laquelle demeuraient un grand nombre de personnes sinistrées, l'Etat a décidé de mettre en oeuvre une procédure exceptionnelle d'indemnisation, fondée sur la solidarité nationale.

1. Le dispositif prévu par l'article 110 de la loi de finances pour 2006

a) Un recours à une procédure exceptionnelle partiellement dicté par des considérations budgétaires

Le groupe de travail s'est demandé pourquoi l'Etat, plutôt que de procéder à une nouvelle adaptation des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, avait finalement opté pour la mise en oeuvre d'un mécanisme ad hoc . Il ressort de plusieurs éléments que cet arbitrage a, au moins en partie, été dicté par des considérations d'ordre budgétaire .

Le mardi 22 novembre 2005, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2006, M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget déclarait devant l'Assemblée nationale que « tout nouvel élargissement des critères risquerait d'entraîner immédiatement un appel en garantie , qui pèserait directement sur le budget de l'Etat ». Les propos du ministre laissent donc entendre que tout nouvel assouplissement des critères était exclu, dans la mesure où il aurait conduit à faire jouer la garantie illimitée de l'Etat dont bénéficie le régime CAT-NAT. Dans un courrier au Médiateur de la République du 12 octobre 2004, M. Copé indiquait déjà que le Gouvernement avait tenu « à élargir les critères pris en compte, dans les limites des contraintes financières du régime ».

De la même manière, dans la note qu'il adressait à la mission interministérielle chargée de la réflexion sur le régime catastrophes naturelles, le 29 mars 2005, l'établissement public Météo-France indiquait que la définition des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle avait, après 2003, « été ajustée en tenant compte de la contrainte financière » .

Plusieurs justifications ont pu être apportées à cet arbitrage :

1) la première a consisté à mettre en avant la hausse du coût de l'assurance multirisque habitation qui ne manquerait pas de se produire si l'équilibre financier du régime CAT-NAT venait à être durablement compromis par les indemnisations massives occasionnées par la sécheresse de 2003 ;

2) la seconde reposait sur l'idée que, la sécheresse de 2003 étant un événement à tous égards exceptionnels, il convenait d'en traiter les effets par une procédure spécifique et ponctuelle , alors que l'assouplissement des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle aurait engendré des coûts permanents pour les finances publiques .

Vos rapporteurs comprennent que le souci de l'équilibre financier du régime CAT-NAT et des conséquences potentielles d'un appel en garantie sur le budget de l'Etat ait animé les autorités pour « calibrer » l'ajustement progressif des critères de reconnaissance. Pour autant , ce choix n'a pu que renforcer la conviction des familles et des élus des communes sinistrées, selon laquelle le traitement qui leur était réservé ne reposait pas uniquement sur leur situation objective.

Dans un courrier en date du 28 octobre 2004, adressé à M. Dominique de Villepin, ministre de l'Intérieur, le Médiateur de la République relevait ce risque, affirmant que « l'Etat ne peut pas être fragilisé dans ses décisions par des critères qui semblent faire l'objet plus d'un souci de la préservation financière de l'outil , chose que l'on peut comprendre, que du traitement équitable de celles et ceux qui ont subi des conséquences dramatiques consécutives à la sécheresse et à la réhydratation des sols ». Il proposait, à cet égard, des expertises complémentaires afin de « gommer cette impression aujourd'hui extrêmement préoccupante d'un Etat qui cherche à habiller par des critères des considération budgétaires ou géographiques et donc de fait créer des injustices qui nourriront des contentieux lourds » .

b) 218,5 millions d'euros d'indemnisations dans le cadre de la solidarité nationale

La procédure exceptionnelle d'indemnisation a été mise en oeuvre par l'article 110 12 ( * ) de la loi de finances pour 2006 (n° 2005-1719 du 30 décembre 2005). Initialement dotée de 180 millions d'euros de crédits, ceux-ci ont été portés à 218,5 millions d'euros par la loi de finances rectificative pour 2006 (n° 2006-1771 du 30 décembre 2006). Au sein de cette enveloppe, 30 millions d'euros ont été réservés aux habitants des communes limitrophes de celles reconnues en état de catastrophe naturelle.

Cette procédure fut ciblée :

1) sur les dommages compromettant la solidité des bâtiments ou les rendant impropres à leur destination. Par conséquent, les aides devaient exclusivement porter « sur les mesures de confortement nécessaires au rétablissement de l'intégrité de la structure, du clos et du couvert » ;

2) sur les habitations principales situées dans les communes ayant formulé, avant le 1 er juin 2005, une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse de 2003, et ne l'ayant pas obtenue .

Ses modalités de mise en oeuvre furent décentralisées , le représentant de l'Etat dans le département étant chargé de collecter les demandes, de les instruire et de déclarer leur éligibilité au regard, principalement :

1) de la présence dans la commune concernée d'un type d'argile pouvant créer des mouvements différentiels de sol ;

2) de l'évaluation des travaux de confortement nécessaires au rétablissement de l'intégrité de la structure, du clos et du couvert.

Compte tenu de la technicité des expertises requises, le législateur avait prévu que le préfet s'assure le concours des services déconcentrés de l'Etat compétents et de représentants des professions d'assurance désignés par les organisations professionnelles représentatives du secteur. De même les entreprises d'assurances devaient exercer « un rôle de conseil auprès des propriétaires pour la constitution de leur dossier » .

Les demandes devaient être adressées aux préfectures dans un délai de cent vingt jours calendaires révolus à compter de la date de publication de l'arrêté définissant le dossier type à fournir.

Sur la base du recensement des demandes, les préfets devaient informer les ministres chargés de la sécurité civile, de l'économie et du budget du montant par dossier des dommages éligibles, à charge pour ces derniers d'arrêter des enveloppes d'aide par département, dans la limite du plafond de 218,5 millions d'euros.

Au titre des « mesures générales d'encadrement » prévues par l'article 110, les ministres chargés de l'intérieur, de l'économie et du budget prirent deux circulaires 13 ( * ) prévoyant :

1) l'application d'une franchise de 1.500 euros pour chaque dossier éligible, correspondant à la franchise applicable dans le cadre du régime CAT-NAT ;

2) la possibilité de consacrer 10 % de l'enveloppe départementale aux adaptations nécessaires « au profit des victimes les plus durement touchées » ;

3) la dispense de produire des factures pour toutes les indemnités inférieures à 20.000 euros.

Une mesure complémentaire d'application du taux réduit de TVA

En dehors du périmètre des indemnisations stricto sensu , les sinistrés ont bénéficié de l'application du taux de TVA à 5,5 % pour les travaux de confortement consécutifs à la sécheresse de 2003. Sur saisine de la Fédération française du bâtiment, et dans un rescrit 2007/21 du 22 mai 2007, l'administration fiscale a ainsi « admis que le taux réduit s'applique aux travaux confortatifs des fondations existantes, lorsque le preneur des travaux est en mesure de justifier par tous moyens (documents d'experts, d'assureurs, dossier déposé en Préfecture) que les prestations en cause sont directement liées au phénomène naturel ».

Source : commission des finances

2. Des conditions de mise en oeuvre perfectibles

Selon que l'on se réfère au rapport au Parlement sur la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle 14 ( * ) ou aux propos des représentants des communes et des personnes sinistrées, le bilan de cette procédure apparaît pour le moins contrasté.

Dans un dossier de presse édité le 23 février 2006, le Groupement des entreprises mutuelles d'assurances (GEMA) faisait part de ses appréhensions sur le déroulement de la procédure exceptionnelle : « Il est à craindre que cette procédure ne génère bien des déceptions. Ainsi, l'administration a décidé d'encadrer cette procédure par des conditions très strictes de forme et de délai. Les victimes vont devoir se dépêcher pour chercher les dossiers, les remplir et les faire parvenir aux préfectures dans les délais impartis (...). Les services de l'Etat ne semblent pas être tous au même niveau d'information et de sensibilisation pour gérer cette opération. Enfin, on peut se demander comment l'Etat pourra, avec 180 millions d'euros, donner satisfaction à des victimes dont les dommages s'élèvent au moins à 1 milliard d'euros ».

Un examen attentif des conditions de mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle valide, a posteriori , bon nombre de ces observations.

a) La définition de l'enveloppe d'indemnisations et la couverture des demandes

Ainsi qu'il a été évoqué plus haut, l'enveloppe de fonds consacrée à la procédure exceptionnelle a été définie en deux temps .

Lors de l'institution de la procédure, par la loi de finances pour 2006, 180 millions d'euros ont été dégagés, principalement imputés sur le fonds de compensation des risques de l'assurance de la construction (FCAC). Ce montant était de 150 millions d'euros dans la rédaction initiale de l'amendement du Gouvernement, amendement rectifié pour majorer la somme de 30 millions d'euros au profit des communes limitrophes. Le vote de la loi intervenant avant tout recensement des demandes d'indemnisation, il semble que cette enveloppe ait tout d'abord été délimitée, non en fonction d'une estimation des aides à servir, mais des crédits disponibles sur le FCAC . Ainsi le ministre délégué au budget déclarait-il, à l'Assemblée nationale, que l'adoption de l'amendement permettrait « d'utiliser les reliquats du fonds de compensation de l'assurance construction » 15 ( * ) .

Un an après, et donc postérieurement au recensement des demandes d'aides , le montant de l'enveloppe a été ajusté en loi de finances rectificative pour 2006, et porté à 218,5 millions d'euros, par majoration de 38,5 millions d'euros des crédits de la mission « Sécurité civile » 16 ( * ) .

Au total, selon le rapport au Parlement précité, 12.079 dossiers ont été déclarés éligibles sur les 18.764 déposés , soit un taux de rejet de 36 %. La demande des préfectures atteignait un montant total de 338.028.875 euros, montant arrêté par les préfectures au vu des devis présentés par les particuliers . Selon le ministère de l'intérieur, ce chiffre :

1) constitue un « ordre de grandeur 17 ( * ) , dans la mesure ou chaque préfecture a pu, au vu des pièces fournies par les demandeurs, retenir le devis le moins disant ou une moyenne des deux devis ou encore le seul devis jugé le plus crédible » ;

2) ne concerne, « sauf exceptions, (...) que les seuls dossiers jugés éligibles (...) et uniquement pour les dégâts les plus importants, conformément aux termes de la loi » .

Notamment en raison de la difficulté que présente la consolidation des données relatives à une procédure déconcentrée, vos rapporteurs n'ont pas obtenu des services de l'Etat la clé de passage précise entre les 338 millions d'euros sollicités et les 218,5 millions d'euros effectivement alloués. Ils en déduisent donc que la différence entre « l'ordre de grandeur » des demandes éligibles recensées et le montant ajusté de l'enveloppe - soit 119,5 millions d'euros - a résulté :

1) de l'application de la franchise de 1.500 euros aux dossiers éligibles 18 ( * ) ;

2) au sein des dossiers éligibles, de l'exclusion des dépenses de travaux ne répondant pas à la définition des « mesures de confortement nécessaires au rétablissement de l'intégrité de la structure, du clos et du couvert » ;

3) éventuellement, d'une indemnisation seulement partielle de certains dossiers, ce que corroborent les déclarations du ministère de l'intérieur, aux termes desquelles « les taux d'indemnisation ont avoisiné (...) 60 % dans les communes non limitrophes » 19 ( * ) .

180 millions d'euros ont été mis à la disposition des préfets le 9 octobre 2006, les 38,5 millions d'euros supplémentaires ayant été abondés le 27 février 2007. Au début du mois de juin 2009, les représentants du ministère de l'intérieur indiquaient que, sur 3,646 millions d'euros de reliquat disponible, 152.116 euros avaient d'ores et déjà été reversés pour les Alpes de Haute-Provence, 1,316 million d'euros pour les Bouches-du-Rhône, 180.000 euros pour l'Indre, et 164.000 euros pour le Loiret. 1,833 million d'euros demeuraient donc encore disponibles, sous réserve d'autres « remontées » de fonds de la part des préfectures, consécutivement à des dossiers classés sans suite ou à des abandons en cours de procédure. Le groupe de travail a obtenu l'assurance que l'ensemble des fonds non consommés au titre de la procédure exceptionnelle seraient réattribués aux sinistrés .

b) Des appréciations nuancées sur les conditions de mise en oeuvre

Au cours des débats sur le projet de loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, nos collègues députés ont adopté un article additionnel, devenu l'article 68 de la loi, prévoyant que « le Gouvernement dépose au Parlement, avant le 1 er décembre 2007, un rapport sur l'indemnisation des dommages aux bâtiments causés par la sécheresse survenue durant l'été 2003 ».

Selon ce rapport, la mise en oeuvre déconcentrée de la procédure a reposé sur les services interministériels de défense et de protection civiles (SIDPC) des préfectures, avec l'appui des services déconcentrés de l'Etat et des représentants des assureurs. Les principaux facteurs de réussite relevés par le rapport ont été :

1) l'effort particulier d'information déployé en direction des élus et des particuliers , qui a pu prendre la forme de réunions, de communiqués de presse, de mise en ligne de brochures, de courriers ou de contacts directs avec les maires. Certaines préfectures 20 ( * ) ont, en outre, mis en place une assistance téléphonique au bénéfice des sinistrés ;

2) la mise en place de groupes de travail associant l'ensemble des services déconcentrés compétents et, parfois, les représentants des sinistrés, des assureurs et des professionnels du bâtiment. Sur ce point, le rapport évoque toutefois un « engagement inégal des services de l'Etat (...) mentionné par les préfectures du Loir-et-Cher, des Landes et des Pyrénées-Orientales ». Pour sa part, le Groupement des entreprises mutuelles d'assurances a indiqué au groupe de travail que, s'il ne lui appartenait pas « de donner le palmarès des bonnes ou mauvaises préfectures (...), il (était) évident que les modalités d'examen n'ont pas été de même qualité dans toutes les préfectures » . Interrogé sur la signification de ces réserves, le représentant du cabinet du ministre chargé de l'intérieur a fait valoir que « certains préfets avaient rencontré des problèmes d'organisation, de frictions entre services, ou avaient dû embaucher des vacataires. Ces problèmes sont toutefois demeurés marginaux ».

Les informations contenues dans le rapport de décembre 2007 ( cf. encadré), confrontées aux témoignages recueillis auprès des représentants des sinistrés et des services de la préfecture de l'Essonne conduisent le groupe de travail à la conclusion que la mobilisation des services de l'Etat, pour la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle, fut réelle .

La mobilisation des services de l'Etat pour la
mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle

Evaluation de la charge de travail et difficultés rencontrées

Beaucoup de préfectures ont fait part de l'importance des tâches liées à l'article 110 : envoi des dossiers, tâches d'enregistrement, relances pour obtenir des pièces complémentaires, préparation des réunions, études des devis, renseignements téléphoniques, etc. (...). Les services interministériels de défense et de protection civiles, qui ont joué un rôle essentiel dans l'animation du travail au plan local, ont dû faire face à ce surcroît d'activité en sus de leurs activités habituelles. Les Bouches-du-Rhône signalent que 2 vacataires et 2 cadres B ont travaillé trois mois sur ce sujet et 12 agents de la préfecture ont apporté une aide ponctuelle (pour 2.493 dossiers déposés). Le Gers, la Dordogne (appel à des vacataires), l'Indre, le Loir-et-Cher, le Pas-de-Calais, le Loiret (6 personnes pendant plusieurs semaines), le Puy-de-Dôme, les Yvelines, la Seine-et-Marne, l'Essonne (6 agents pour enregistrer et contrôler les dossiers), le Val d'Oise (9 personnes pendant 10 jours avec l'aide de 22 instructeurs de la DDE), les Pyrénées-Atlantiques font état de l'effort nécessité par le traitement des dossiers. Les catégories A (chefs de SIDPC notamment) ont consacré une part non négligeable de leur temps à aider leurs collaborateurs.

L'appui fourni par les centres d'études techniques de l'équipement (CETE) et les directions départementales de l'équipement (DDE)

Dans le cadre de l'examen des dossiers, la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction (DGUHC) et la direction de la recherche et de l'animation scientifique et technique (DRAST) ont dégagé une enveloppe de 250.000 € pour financer l'intervention des CETE en appui technique des DDEC. Sept des dix-sept unités des CETE sont ainsi intervenues avec une réactivité et un soutien technique important. L'examen des rapports d'intervention permet de dresser une typologie des différents protocoles d'organisation DDE/CETE :

- une prestation d'examen systématique des dossiers : la DDE a transmis au CETE l'ensemble des dossiers techniques, lui laissant la charge de prononcer un avis quant à leur recevabilité ;

- une prestation de méthodologie et d'appui : la DDE a sollicité le CETE pour construire une méthodologie d'instruction. Les dossiers sont ensuite instruits directement par la DDE sur la base de la méthode et des outils proposés par le CETE. Seuls les dossiers présentant une difficulté particulière sont remontés au cas par cas directement au CETE. Cette procédure n'a été appliquée qu'en Ile de France ;

- la participation aux commissions : le CETE a été sollicité pour une présence en commission préfectorale, au même titre que celle du représentant des assurances, sans travail préalable. Ce mode de fonctionnement a souvent été choisi par les préfectures n'ayant pas beaucoup de dossiers à examiner ;

- l'instruction directe par la DDE sans soutien du CETE : la DDE a répondu à la sollicitation de la préfecture par son service des constructions publiques qui compte des spécialistes en bâtiment. Ces agents ont donc participé aux commissions préfectorales au côté des représentants des assurances et des services préfectoraux.

Source : rapport remis au Parlement en application de l'article 68 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Pour autant, le groupe de travail a identifié plusieurs faiblesses dans les modalités de mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle, qui expliquent en partie le mécontentement qu'elle continue de susciter auprès de nombreux sinistrés.

La première de ces faiblesses a résidé dans le hiatus entre la complexité des dossiers à constituer par les sinistrés et la quasi absence d'assistance technique dont ceux-ci ont pu bénéficier . De fait, l'instruction des demandes d'aides requérait de fournir de nombreuses pièces et reposait sur des questionnaires relativement circonstanciés dont le renseignement a pu causer des difficultés à certains particuliers 21 ( * ) . Des représentants d'associations ont, par exemple, indiqué que « le caractère probant des dossiers dépendait (...) de la qualité des photographies 22 ( * ) des dégâts fournies, alors que les sinistrés ne pouvaient pas toujours recourir à des professionnels, ou de certaines tournures techniques employées pour décrire les désordres ». Ainsi, « un dossier ayant fait l'objet de deux rejets successifs pour avoir qualifié la partie de bâtiment endommagée d'"auvent" ou de "terrasse couverte" (...) a été accepté à la troisième reprise en employant le terme d'"avancée de toit" ».

Dans de telles circonstances, l'assistance des experts des compagnies d'assurance aurait pu se révéler précieuse, mais il semble que l'engagement des compagnies auprès des assurés ait été inégal . Ainsi, selon les représentants du ministère de l'intérieur auditionnés par le groupe de travail, « l'implication des assureurs dans la mise en oeuvre de la procédure a varié en fonction des départements, et a pu dépendre de la qualité des relations qu'ils entretenaient avec leur clientèle ». Les associations de sinistrés se sont donc efforcées de mettre en place par elles-mêmes des outils d'appui, de type « mémento », contenant notamment un glossaire technique, des adresses et contacts utiles, ou suggérant des conduites à tenir pour la réalisation des devis ou des travaux.

Outre la technicité des dossiers à constituer, deux facteurs supplémentaires ont contribué à compliquer la tâche des sinistrés :

1) la transmission des dossiers aux préfectures était enfermée dans un délai relativement court , initialement fixé à deux mois. Devant les difficultés rencontrées par les candidats à l'indemnisation, le législateur a toutefois prolongé ce délai de deux mois supplémentaires 23 ( * ) . Selon le ministère de l'intérieur, 16.402 dossiers ont ainsi été reçus dans les deux premiers mois, et 2.362 au cours des deux mois supplémentaires ;

2) censés produire deux devis 24 ( * ) à l'appui de leur demande d'indemnisation, les candidats à l'aide financière se sont parfois heurtés à l'indisponibilité des professionnels , qui ont dû faire face à un afflux soudain de demandes. Selon certains représentants d'associations entendus par le groupe de travail 25 ( * ) , « l'engorgement des demandes de devis ou d'études auprès des professionnels a conduit certains sinistrés à procéder à des évaluations par téléphone ». Le rapport de décembre 2007 mentionne également que « les sinistrés ont souvent eu des difficultés pour obtenir les deux devis réclamés auprès d'entreprises débordées, étant entendu que les préfectures soulignent le nombre parfois faible d'entreprises spécialisées dans leurs départements ».

En dernier lieu, l'efficacité de la procédure exceptionnelle d'indemnisation a pu pâtir du fait que les services de l'Etat, pour instruire les demandes, n'ont disposé que de devis, voire de simples estimations, parfois établis dans l'urgence, et non de comptes rendus d'expertises réalisées sur place . Or, le recours au devis était susceptible de fragiliser la procédure à un double titre :

1) la représentativité d'un devis est conditionnée exclusivement par la compétence technique et l'honnêteté du professionnel du bâtiment l'établissant, sans aucun engagement réel de sa part sur l'importance et la nature des travaux à mettre effectivement en oeuvre et, par conséquent, sur l'enveloppe financière finale à la charge des sinistrés ;

2) un devis peut être établi sur la base de simples constatations visuelles , et en l'absence d'autres éléments techniques. S'agissant de désordres affectant les fondations, certains interlocuteurs du groupe de travail ont considéré qu'une approche aussi rudimentaire revenait à s'en remettre à la « science divinatoire » 26 ( * ) pour évaluer les travaux à réaliser.

Ces analyses semblent avoir été partagées par les services de l'Etat. Selon le rapport précité, certaines préfectures 27 ( * ) « regrettent l'absence de visites d'experts sur place. Les devis fournis par les particuliers font l'objet d'appréciations divergentes, sur le degré de sur- ou de sous-évaluation (en Dordogne, les visites sur place ont permis de constater que les devis sous-évaluaient plutôt les dégâts) » . L'absence d'expertise sème d'autant plus le doute sur la qualité de l'évaluation des travaux à réaliser que des divergences très fortes ont pu être relevées entre des devis intéressant une même habitation . Le rapport indique, ainsi, des « écarts aberrants entre les devis transmis par la même personne (...) : de 600 à 170.000 euros (Calvados) ou 464 à 155.000 euros (Vaucluse) » et conclut que « la ligne de partage entre les travaux de confortement et ceux qui n'en sont pas a posé parfois de délicats problèmes d'arbitrage aux préfectures » .

Le caractère potentiellement insuffisant d'un devis n'a, enfin, pas échappé aux professionnels du bâtiment . Ainsi, dans une note d'information du 10 février 2006, la Fédération française du bâtiment (FFB) attirait-elle l'attention de son réseau sur la nécessité de ne pas « perdre de vue les risques liés à des réparations qui pourraient ensuite s'avérer insuffisantes ». La FFB - au demeurant assez critique sur la procédure exceptionnelle ( cf . encadré) - recommandait donc aux professionnels de « tenir compte de la nature du sol et du type des fondations existantes pour déterminer les solutions de réparations nécessaires » , de « ne pas hésiter à intégrer le coût d'une étude de sol et des sondages nécessaires pour connaître l'état des fondations » et de faire figurer dans les devis « des réserves quant aux types de renforcements et des reprises en sous oeuvre nécessaires en fonction des résultats de l'étude de sol, dès lors que l'entreprise n'en dispos(ait) pas au moment de l'établissement du devis » .

Le regard critique de la Fédération française du bâtiment
sur la procédure exceptionnelle d'indemnisation

La FFB a une position plus que réservée sur le processus mis en place dans le cadre de la procédure exceptionnelle de 2006. Ces réserves portent sur les aspects suivants de la procédure :

- défaut d'information des victimes, dont certaines n'ont même pas su qu'une telle procédure existait ;

- délai d'établissement et de remise des dossiers incompatibles avec l'obligation de fournir au moins deux devis d'entreprises et la nécessité préalablement à l'établissement du devis de réaliser un sondage de sol qui constitue un élément indispensable au diagnostic et au choix de la méthodologie de confortation ;

- consultation réduite des organisations professionnelles en amont de la mise en place de la procédure exceptionnelle, plaçant les entreprises dans une situation délicate eu égard aux difficultés pour les entreprises d'établir un devis sur la base du seul diagnostic visuel et de leur devoir de conseil en tant que sachant. Il n'a pas été fait appel à l'expertise de la FFB dans le cadre de la gestion de la sécheresse de 2003. Et elle n'a même pas été informée de l'existence de cette procédure, sauf incidemment et par hasard ;

- enveloppe budgétaire de la procédure exceptionnelle plus que réduite au regard du nombre de communes (plus de 4.000) et de sinistrés concernés ;

- gestion technique et financière réalisée par les sinistrés seuls. Cet élément a placé les entreprises dans une situation de conseil très délicate, en tant que « sachant », tant pour l'établissement du diagnostic que pour l'établissement de devis fiables ce qui a entraîné pour certaines un refus d'intervenir ;

Le délai complémentaire de deux mois offert aux sinistrés pour la remise de leur dossier ainsi que la latitude offerte aux entreprises d'établir pendant ce délai non pas des « devis » mais des « estimations » basées sur un diagnostic visuel a sûrement permis de débloquer la situation de nombreux sinistrés. Cet assouplissement a cependant pu placer certains sinistrés dans une situation très délicate lorsque l' « estimation » initiale a du être revue par un « devis » en fonction d'investigations complémentaires réalisées après attribution de l'indemnité.

Il n'en demeure pas moins que la procédure exceptionnelle a constitué une réponse (même partielle) à l'attente de nombreux sinistrés.

Source : réponses au questionnaire du groupe de travail

Au total, l'instruction sur simple devis ou estimation a résulté de la volonté des pouvoirs publics d'indemniser rapidement les sinistrés et de ne pas amputer l'enveloppe de fonds disponibles pour la réalisation d'expertises. Ainsi les représentants du ministère de l'intérieur ont-ils indiqué au groupe de travail que « les capacités d'expertise mobilisables étaient limitées et que des expertises systématiques sur place auraient considérablement rallongé les délais d'indemnisation. Elles auraient également représenté un surcoût financier imputable sur l'enveloppe globale, et entamé les fonds disponibles pour indemniser les sinistrés ».

Cette option constitue néanmoins, pour vos rapporteurs, la faiblesse majeure de la procédure exceptionnelle d'indemnisation.

II. SOLDER LE PASSÉ, PRÉPARER L'AVENIR

Au cours de sa mission, le groupe de travail a pu constater que la gestion de la sécheresse de 2003 avait suscité, chez les personnes sinistrées comme chez beaucoup d'élus locaux, un désarroi profond et durable. La persistance et la vivacité de certaines revendications imposent désormais de solder un passé qui ne « passe » pas et de ne plus différer l'adaptation d'un cadre législatif et réglementaire dont l'insuffisance est patente.

A. SÉCHERESSE DE 2003 : UN PASSÉ QUI NE « PASSE » PAS

1. Un désarroi profond et durable

L'ampleur exceptionnelle du phénomène climatique observé en 2003, associée aux modifications successives des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, ont suscité un profond désarroi chez les familles sinistrées comme chez les élus des communes et départements particulièrement touchés.

a) Une sollicitation sans précédent du Médiateur de la République

Les requêtes adressées au Médiateur de la République constituent une mesure révélatrice du « malaise » créé par cet événement. Au cours de son audition par le groupe de travail, M. Bernard Dreyfus, directeur général des services du Médiateur, a indiqué que cette autorité administrative avait été saisie à 374 reprises dans le cadre de la sécheresse de 2003 ( cf . tableau) 28 ( * ) .

Selon les services du Médiateur, « très peu de dossiers CAT-NAT arrivent en général chez le Médiateur (de l'ordre de 3 ou 4 par an). (...) Même si le nombre de 374 dossiers est très limité au regard de la totalité des communes sinistrées en 2003, il est représentatif d'une difficile gestion de cette courte période de sécheresse, étant entendu que le Médiateur reçoit habituellement des litiges individuels. Lorsqu'ils sont récurrents sur le même domaine, on peut facilement identifier un problème de réglementation ou de mise en oeuvre d'une réglementation ».

Saisines du Médiateur de la République à la suite de la sécheresse de 2003

Départements

Dossiers

Communes concernées

Ariège

Alpes-Maritimes

Eure-et-Loir

Loire-Atlantique

Loiret

Nord

Pas-de-Calais

Seine-et-Marne

Yvelines

Vendée

Val-de-Marne

Essonne

1

24

1

1

15

3

7

137

29

1

64

81

1

24

1

1

7

1

7

100

37

1

49

53

Total

374

282

Source : Médiateur de la République

Ces saisines, particulièrement nombreuses en Ile-de-France, ont émané de maires, d'associations ou de particuliers et ont avant tout porté sur l'absence de lisibilité des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ou sur le caractère très sommaire des explications fournies par les autorités.

Ainsi qu'il a été évoqué plus haut, ont notamment suscité l'incompréhension les traitements différenciés dont faisaient l'objet certaines communes placées dans des situations apparemment identiques. A titre d'exemple, en Seine-et-Marne, les communes de Quincy-Voisins et de Condé-Sainte-Libiaire, toutes deux situées sur le même plateau argileux, n'ont pas bénéficié du même traitement, la commune de Quincy-Voisins se voyant refuser la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Dans le même département, et selon les éléments fournis par les services du Médiateur, « la commune d'Esbly, qui signalait au moins 90 habitations sinistrées, n'avait pas été retenue alors que plusieurs communes limitrophes l'avaient été. La nature des sols argileux ne pouvait cependant pas être contestée puisque l'état de catastrophe naturelle pour cette même raison y avait été décrété en 1992, 1993, 1997, 1999. Pour le maire de cette commune il ne semblait pas possible que le bilan hydrique puisse être très différent de celui des communes limitrophes retenues » .

b) Un soupçon persistant d'iniquité

Au gré de ses auditions et de ses déplacements, le groupe de travail a pu constater combien le soupçon d'iniquité persistait dans l'esprit des victimes et de certains élus, à l'égard du traitement de la sécheresse de 2003. Plusieurs indices en témoignent, au premier rang desquels la pérennité des collectifs et associations de sinistrés , six ans après l'événement.

Cette situation n'a naturellement pas échappé aux parlementaires qui, depuis six ans, ont régulièrement saisi le Gouvernement du traitement de la sécheresse de 2003, au moyen de questions écrites ou orales, d'amendements ou de propositions de loi.

Non clos pour les sinistrés, le dossier de la sécheresse de 2003 ne l'est pas davantage pour plusieurs collectivités , dont certaines se sont engagées dans des procédures juridictionnelles au long cours. Le groupe de travail a ainsi entendu les maires des communes d'Othis (Seine-et-Marne) et Cabestany (Pyrénées-Orientales), qui ont pour point commun d'avoir contesté leur non-reconnaissance en état de catastrophe naturelle.

M. Bernard Corneille, maire d'Othis, a souligné devant le groupe de travail le profond sentiment d'injustice éprouvé par les sinistrés face au manque d'équité et de transparence des procédures, ainsi qu'aux retards accumulés dans le traitement des dossiers, y compris devant le juge administratif. Sur les 136 communes de Seine-et-Marne non reconnues en état de catastrophe naturelle, 40 ont donc formé une coordination afin de déposer des recours au Conseil d'Etat .

Particulièrement instructive pour le groupe de travail, la requête de la commune de Cabestany - similaire à un recours formé par la ville de Perpignan - a porté sur l'exploitation des données météorologiques à l'appui des décisions de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, l'ultime élargissement des critères de reconnaissance a consisté à établir un critère alternatif dit « fréquentiel » . Etaient ainsi reconnues en état de catastrophe naturelle les communes où l'occurrence statistique du phénomène climatique constaté était supérieure ou égale à 25 ans .

Perpignan et Cabestany ont ainsi obtenu, en première instance, l'annulation de l'arrêté ministériel les écartant de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, au motif qu'il était fondé sur des données météorologiques partiellement manquantes, et sans que l'exclusion de ces données soit justifiée 29 ( * ) . Le groupe de travail n'est pas en mesure d'apprécier si le cas des communes de Perpignan et Cabestany demeure isolé, ou si de tels problèmes de mesure ont été rencontrés pour d'autres communes. Pour autant, et sous réserve du jugement définitif à venir, ces éléments indiquent que les données utilisées n'ont pas toujours été suffisantes pour asseoir incontestablement des décisions de rejet de classement en état de catastrophe naturelle.

2. Les suites à donner

a) Un dossier manifestement clos pour le Gouvernement

Le rapport précité remis au Parlement sur la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle d'indemnisation souligne, dans sa conclusion, que « la prise en compte des dommages liés à la sécheresse 2003 a donné lieu à un double effort du Gouvernement . D'une part, les élargissements successifs ont permis de reconnaître le plus grand nombre de communes en état de catastrophe naturelle depuis 1982, à l'exception des tempêtes de 1999. D'autre part, a été mis en oeuvre, par l'article 110 de la loi de finances pour 2006, un dispositif de solidarité nationale, au plus près des réalités locales. Au total, ce sont plus de 83 % des communes demanderesses qui ont pu être indemnisées à un titre ou à un autre. »

Assortie de recommandations pour améliorer le fonctionnement du régime CAT-NAT et développer les mesures de prévention, cette conclusion n'ouvre cependant nullement la voie à l'octroi d'indemnisations complémentaires.

Confirmant cette orientation, les représentants du ministère de l'intérieur auditionnés par le groupe de travail ont jugé que la procédure exceptionnelle d'indemnisation avait été mise en oeuvre dans des conditions satisfaisantes, puisque seuls 356 recours avaient été intentés, recours pour lesquels les décisions du juge administratif étaient en général favorables aux intérêts de l'Etat 30 ( * ) . Il semble donc que, pour le Gouvernement, « 97 % des dossiers (sont) à tout le moins "stabilisés", à défaut d'avoir pu donner entière satisfaction aux familles concernées ».

b) Un complément d'indemnisation nécessaire, selon le groupe de travail

Faute de disposer d'un recensement des familles insuffisamment indemnisées ou ayant vu leurs requêtes rejetées - recensement qui serait particulièrement complexe à réaliser - le groupe de travail n'est en mesure de quantifier ni les publics objectivement lésés par la gestion de la sécheresse de 2003, ni les aides complémentaires qu'il conviendrait de leur allouer.

Ses auditions et déplacements lui ont néanmoins permis de constater que certaines familles font, encore aujourd'hui, face à d'importants désordres affectant leur habitation, et sans avoir les moyens d'y remédier.

Vos rapporteurs considèrent donc que la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 doit faire l'objet d'un réexamen et, le cas échéant, d'indemnisations complémentaires. Conscients des effets d'aubaine ou de la multiplication des demandes reconventionnelles qu'une telle décision pourrait susciter, ils proposent de limiter le bénéfice de ces indemnisations complémentaires aux seuls personnes sinistrées ayant déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle. Par ailleurs, les indemnisations complémentaires pourraient être conditionnées à la réalisation d'une expertise sur place des pavillons endommagés, ce qui permettrait de calibrer au plus juste les aides nécessaires et de ne pas s'exposer aux évaluations approximatives pouvant résulter de simples devis.

B. QUELLES LEÇONS POUR L'AVENIR ?

Comme le montrera la seconde partie du présent rapport pour l'ensemble des risques naturels, l'amélioration de la politique de prévention et l'ajustement du régime CAT-NAT au risque de sécheresse apparaissent d'autant plus cruciaux que, selon la FFSA, une augmentation de 10 % de la fréquence des épisodes de sécheresse entre 2007 et 2030 n'est pas à exclure 31 ( * ) .

De même, et selon Météo-France, l'augmentation du risque de canicule en France constitue un phénomène probable, au moins à long terme ( cf . encadré).

La probabilité d'une augmentation du risque de canicule en France

Des projections climatiques à long terme ont été réalisées à partir des scénarios de poursuite des émissions de gaz à effet de serre (dont le CO 2 ) à des rythmes variables selon le développement économique et la démographie, mais qui ne tiennent pas compte des décisions de réduction des émissions (protocole de Kyoto et ses suites). Ces projections permettent d'apprécier l'évolution des événements climatiques extrêmes qu'à la fin du siècle prochain, et à l'échelle de grandes régions, et seulement pour des événements pertinents pour le seul risque de « sécheresse météorologique ».

Ainsi, selon ces scénarios, l'augmentation du risque de canicule en France est très probable, les scénarios les plus pessimistes faisant de l'été 2003 un été moyen après 2070. Même pour les scénarios les plus optimistes, le nombre de jours de canicule serait multiplié par un facteur supérieur à 5 à cet horizon, par rapport à ce que nous connaissons aujourd'hui. Le risque de « sécheresse météorologique », c'est-à-dire de précipitations déficitaires, serait aussi très probablement aggravé. Typiquement, la durée moyenne des sécheresses estivales les plus longues, de l'ordre de 20 jours sous les conditions climatiques actuelles, passerait à près de 30 jours pour les scénarios pessimistes et à près de 24 pour les scénarios optimistes. D'autre part, le déplacement du rail des dépressions hivernales vers le nord de l'Europe, pourrait conduire à des déficits de précipitations hivernales dans la partie sud est de la France.

A un horizon temporel plus court, de l'ordre de 20 à 30 ans, les projections climatiques actuelles n'apportent pas d'information pertinente car la variabilité naturelle du climat est du même ordre que les effets anthropiques. C'est à partir de l'analyse des observations dans les dernières 50 années que l'on peut penser que le risque d'augmentation de la fréquence de canicules et de l'allongement des périodes de sécheresse est probable : on a observé une augmentation du nombre de jours de forte chaleur et de la durée des sécheresses estivales en France, de façon plus marquée dans le sud ouest et le sud est du pays.

Cependant, là encore, la variabilité climatique naturelle masque le signal climatique de long terme et il ne faut pas s'étonner du fait qu'on ne puisse pas affirmer par exemple que nous connaîtrons plus de canicules au cours des 10 prochaines années qu'au cours des 10 précédentes. L'évolution climatique se mesure à l'échelle de temps « intergénérationnelle », et c'est à cette échelle que l'on peut espérer progresser dans l'évaluation de l'évolution du risque.

Source : réponses de Météo-France au questionnaire du groupe de travail

1. Les mesures de prévention : un bilan contrasté

D'une manière générale, le groupe de travail a constaté, au cours de ses auditions, que peu de leçons avaient été tirées de la sécheresse de 2003, dans le domaine de la prévention du risque de subsidence . En effet, si le déploiement de plans de prévention des risques naturels (PPRN) « sécheresse » constitue une réponse adaptée, les réflexions en matière d'adaptation des règles d'urbanisme et de construction demeurent, à ce stade, inabouties.

A cet égard, tout porte à croire que le caractère diffus et peu spectaculaire des dégâts liés au retrait-gonflement des argiles n'a pas incité les pouvoirs publics à le traiter avec autant de célérité que les événements tels que les tempêtes ou les inondations, plus concentrés dans l'espace et dans le temps, et susceptibles de porter atteinte, non seulement aux biens, mais également aux personnes.

a) L'information préventive et les plans de prévention des risques naturels
(1) Une information préventive à rapprocher des usagers et à mettre en cohérence

Plusieurs dispositifs existent actuellement, ayant pour objet d'améliorer l'information disponible sur le risque de subsidence.

Outre diverses brochures d'information mises à disposition du public par les services déconcentrés, ou les publications du ministère chargé du développement durable sur la prévention des désordres dans l'habitat individuel, des dossiers départementaux des risques majeurs (DDRM) recensent, à l'échelle de chaque département, l'ensemble des risques par commune, explique les phénomènes susceptibles de se produire et détaille les mesures de sauvegarde. Sur la base de ces dossiers, le préfet porte à la connaissance des maires les risques affectant leur commune et les mesures mises en oeuvre par l'Etat. Les maires élaborent, à leur tout, des documents d'information communaux sur les risques majeurs (DICRIM) , qui précisent les dispositions préventives et de protection prises au plan local.

Vos rapporteurs s'interrogent toutefois sur la portée réelle de ce type d'outils et sur les effets concrets que leur diffusion peut avoir sur les comportements des particuliers et sur les actions mises en oeuvre par les élus locaux. Le cas a ainsi été rapporté au groupe de travail d'une commune de l'Essonne particulièrement exposée à l'aléa retrait-gonflement, mais dont le plan local d'urbanisme prescrivait des plantations d'arbres à haute tige à proximité des habitations, alors même que ce type de plantation favorise la survenance du phénomène de subsidence. En dépit des procédures existantes de porter à connaissance des risques majeurs par le préfet, malgré l'articulation prévue par la loi des documents d'urbanisme avec les plans de prévention des risques naturels 32 ( * ) et nonobstant les DDRM et DICRIM précités, il apparaît donc que de larges progrès restent à accomplir dans la diffusion de l'information sur le risque sécheresse. A cet égard, le problème n'est pas tant l'absence de procédures que l'acclimatation insuffisante des services déconcentrés de l'Etat, et par conséquent des élus locaux et des populations, à un phénomène dont les implications commencent à peine à être appréhendées dans toute leur ampleur.

Dans ces conditions, les maires des communes situées en zone d'aléa argileux fort doivent être rapidement et systématiquement alertés des enjeux liés au phénomène de subsidence. Le groupe de travail préconise donc la mise en oeuvre, avant la fin de l'année 2010, d'une procédure d'alerte spécifique de ces élus, assortie de recommandations leur permettant de mieux prendre en compte ce risque dans l'exercice de leurs compétences d'urbanisme et d'instruction et de délivrance des permis de construire.

Il est également douteux que les citoyens, si soucieux soient-ils de s'informer des risques naturels auxquels ils s'exposent, aient systématiquement le réflexe de consulter les documents publics mis à leur disposition. Selon le groupe de travail, et s'agissant spécifiquement du risque de subsidence, le message préventif ne sera jamais mieux reçu qu'au moment où les usagers choisissent leur logement . Il convient de saluer, à cet égard, la création du dispositif d'information acquéreur-locataire (IAL) qui permet, depuis le 1 er juin 2006, d'informer les acquéreurs et les locataires de biens immobiliers sur les risques naturels et technologiques majeurs, dès lors qu'un plan de prévention des risques a été prescrit ou approuvé dans leur commune de résidence. Une réforme opportune pourrait consister à élargir l'application de ce dispositif au-delà du seul périmètre des communes dotées d'un plan de prévention des risques prescrit ou approuvé.

Le groupe de travail souhaite enfin qu'une attention particulière soit portée à la cohérence de l'information délivrée aux particuliers . Il lui a en effet été fourni des exemples de brochures publiées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), recommandant la plantation d'écrans végétaux à proximité des façades à des fins d'économies d'énergie, et ce sans avertissement spécifique à destination des foyers exposés à l'aléa argileux. Pour anecdotique qu'il puisse paraître, ce cas démontre qu'un opérateur du ministère en charge du développement durable peut diffuser une information environnementale de portée générale, mais contradictoire avec celle que les services du même ministère font circuler sur le risque de subsidence .

(2) Les PPRN « sécheresse »

Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, « l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain , les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones ». Ces plans ont notamment pour objet de délimiter des zonages de danger ou de précaution, et d'y réglementer, de façon plus ou moins prescriptive, les constructions ou activités.

En application de cet article, l'administration a conçu un outil spécifique de prévention du risque de subsidence que sont les « PPRN retrait-gonflement des argiles ». Selon les réponses fournies au groupe de travail par la direction générale de la prévention des risques du MEEDM, ces plans ne rendent pas inconstructibles les zones argileuses . Pour les projets de construction dans des zones à risque, le choix est laissé au maître d'ouvrage entre la réalisation d'une étude géotechnique permettant un dimensionnement adapté des fondations ou la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures forfaitaires défini dans le règlement du PPRN. Ces mesures s'appliquent aux fondations et à la structure du bâtiment, ainsi qu'à son environnement proche 33 ( * ) . S'agissant du bâti existant , le PPRN peut imposer des travaux , dans la limite de 10 % de la valeur vénale du bien concerné 34 ( * ) . Le PPRN peut enfin rendre obligatoires des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde de portée générale , telles que l'élagage des arbres proches des habitations. L'ensemble de ces mesures sont regroupées dans un modèle de règlement à la disposition des services déconcentrés de l'Etat, et ont vocation à être adaptées en fonction du contexte local et des résultats de la concertation présidant à la mise en application des PPRN.

Le groupe de travail prend acte du fait que, depuis la sécheresse de 2003, les services de l'Etat se sont attachés à renforcer la politique de prévention du risque associé au retrait-gonflement des argiles . L'Etat a ainsi relancé le programme en cours de cartographie de l'aléa argileux par le Bureau de recherche géologiques et minières (BRGM), avec pour objectif de couvrir la totalité du territoire métropolitain d'ici à 2010 35 ( * ) . De même, après 2003, le nombre de PPRN retrait-gonflement a fortement augmenté et un effort significatif a été réalisé par les services déconcentrés des zones les plus sinistrées pour accélérer leur approbation. Ainsi, selon M. Laurent Michel, directeur général de la prévention des risques au ministère chargé du développement durable, 996 communes disposaient d'un plan approuvé et 1.217 d'un plan prescrit au 19 juin 2009.

b) Les règles de construction

Si les pouvoirs publics ont mis en place une large gamme d'outils à même de favoriser la diffusion de l'information préventive, l'adaptation des règles de construction au phénomène de subsidence reste largement à opérer.

Ainsi que l'a indiqué au groupe de travail Mme Anne Voeltzel, chef du bureau des partenariats et des actions territoriales au ministère chargé du développement durable, seul le risque sismique est actuellement pris en compte par la réglementation en matière de construction. Il n'existe donc pas de réglementation spécifique au risque sécheresse , l'article R. 111-11 du code de la construction et de l'habitation se bornant à préciser que « La construction doit être telle qu'elle résiste dans son ensemble et dans chacun de ses éléments à l'effet combiné de son propre poids, des charges climatiques extrêmes et des surcharges correspondant à son usage normal » 36 ( * ) .

Depuis 2008, des travaux visent à identifier les éventuelles modifications de la réglementation rendues nécessaires par la prise en compte du risque de subsidence. Selon les représentants du ministère chargé du développement durable, cinq groupes de travail à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages étudient actuellement cette question, avec pour objectif de définir un nouveau corpus réglementaire. Vos rapporteurs regrettent qu'il fait fallu attendre l'année 2008 pour amorcer ces réflexions, dont l'aboutissement n'est attendu qu'à la fin de 2010 ou au début de 2011. Ce délai s'explique, selon les représentants du ministère, par le fait que des études techniques approfondies sont nécessaires, par exemple pour définir les prescriptions entourant les études de sol (contenu, qualifications des professionnels habilités à la réaliser...).

Un obstacle majeur réside dans les dispositions applicables au montage des contrats de construction de maisons individuelles qui, en leur état actuel, ne favorisent pas la réalisation d'une étude de sol. En effet, au moment de la signature du contrat, le propriétaire de la maison n'est pas toujours propriétaire du terrain et ne peut donc faire procéder à une telle étude. Une fois le contrat de construction signé, il comporte un engagement sur le coût global de l'opération, et toute étude de sol impliquant un redimensionnement des fondations serait à la charge du constructeur. De fait, ce dernier n'est pas incité à exiger du propriétaire ce type d'étude, car une telle contrainte le désavantagerait à l'égard de ses concurrents.

Plusieurs solutions pourraient être mises en oeuvre :

1) la première consisterait à imposer une première évaluation des risques de présence d'argile dans le sol lors de la vente d'un terrain, à la charge du vendeur. Une telle obligation offre l'avantage d'une adaptation du prix du terrain au risque. Elle permettrait également au constructeur, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, de dimensionner son offre en connaissance de cause 37 ( * ) ;

2) la deuxième consisterait à rendre obligatoire une étude de sol plus complète, attachée au projet définitif de construction, dans les zones à risque ;

3) il pourrait enfin être institué une obligation réglementaire de respecter, pour les constructions neuves, une profondeur minimale de fondation dans les zones ainsi à risque, sauf à démontrer, par une étude géotechnique, qu'une telle mesure n'est pas nécessaire. Cette préconisation a toutefois suscité les réserves de certains professionnels du bâtiment, qui l'ont jugée de portée trop générale.

Dans la mesure où il serait opportun de limiter l'application de ces contraintes supplémentaires aux seules zones où l'aléa argileux est avéré, l'achèvement de la cartographie de l'aléa argileux doit constituer une mission prioritaire du BRGM ( cf . encadré). L'affinement de cette cartographie est parfois réalisé par des bureaux d'études mandatés par certaines collectivités territoriales, mais aucune politique nationale et systématisée n'est aujourd'hui mise en oeuvre pour améliorer le degré de connaissance des sols où l'aléa est jugé fort ou moyen.

Afin de disposer d'une information pertinente à l'échelle de la parcelle, il conviendrait donc d'aider les collectivités territoriales particulièrement exposées à se doter de cartographies complémentaires à celle du BRGM, opérations potentiellement éligibles au Fonds de prévention des risques naturels majeurs 38 ( * ) .

La cartographie des formations argileuses réalisée
par le Bureau de recherches géologiques et minières

La cartographie de l'aléa argileux a été initiée par le BRGM au début des années 2000, en lien avec la numérisation de la carte géologique française. Cette cartographie est réalisée au niveau départemental. Le rythme de réalisation a été de 3 à 5 départements par an de 2000 à 2004, soit une progression relativement lente. A la suite de la sécheresse de 2003, les moyens ont été accrus par la mobilisation des crédits du Fonds Barnier et, à partir de 2005, 20 nouveaux départements ont été couverts chaque année, avec pour objectif une couverture intégrale du territoire à fin 2010. La carte est mise à disposition du public sur internet et, à ce jour, 57 départements sont couverts et publiés, et 4 départements sont terminés en cours de validation. L'échéance de fin 2010 sera donc respectée. Le BRGM a d'abord travaillé au niveau communal, à une échelle de l'ordre du 5/1.000ème, soit une précision proche de celle du cadastre. Toutefois, réaliser ce type de cartes nécessite un grand nombre de sondages et d'études géotechniques, longs et coûteux. En revanche, le fait de travailler au niveau départemental permet de s'appuyer sur les données de la carte géologique existante. Ces données de base, complétées par des données nouvelles, permettent de réaliser des cartes d'aléas suffisamment précises pour servir de fondement à une politique de prévention.

Superposer la carte de la sinistralité à la carte géologique traduit une forte corrélation entre les sinistres et les zones argileuses. Les cartes géologiques sont levées au 1/25.000ème, éditées au 1/50.000ème, harmonisées et numérisées. Puis toutes les formations argileuses sont caractérisées selon la nature des minéraux, la proportion d'argile présente, les données d'essais géotechniques disponibles et les données de sinistres constatés dans chaque département. A l'échelle de la parcelle, il peut exister un décalage entre l'information issue de la carte et les caractéristiques réelles du terrain. Chaque parcelle peut en effet présenter des caractéristiques propres impossibles à répertorier, telles que la présence d'arbres à proximité d'un bâtiment, ou certains aménagements drainants... La carte ne peut donc fournir d'information sur l'aléa argileux à l'échelle de la parcelle.

Trois niveaux d'aléa sont aujourd'hui distingués : faible, moyen et fort. Une zone d'aléa faible peut, par exemple, correspondre à une région alluvionnaire où a été détectée la présence ponctuelle de lentilles d'argile. 40 % du territoire est considéré comme étant en zone d'aléa faible. L'aléa moyen, soit 17 % à 18 % du territoire, correspond à des zones hétérogènes mais à forte dominante argileuse. L'aléa fort, qui couvre 2 % à 3 % du territoire, concerne des zones essentiellement argileuses et aux argiles très réactives. Il serait possible d'affiner la cartographie sur les zones d'aléa fort, mais cela présenterait un intérêt limité, car ces zones sont presque intégralement argileuses. L'affinement de la démarche serait plus utile sur les zones hétérogènes. Cela a été réalisé sur des zones très urbanisées, par exemple à la demande de la ville de Toulouse. 3.600 sondages ont été interprétés et extrapolés, le résultat obtenu étant très proche de la cartographie opérée au niveau départemental. En tout état de cause, le BRGM peut et souhaite affiner sa cartographie pour les zones très denses.

L'affinement de la cartographie requiert la collecte de beaucoup de données complémentaires. Il est donc plus aisé d'y procéder dans les zones urbanisées, où sont traditionnellement opérés plus de sondages et d'études géotechniques. Deux ans sont en général nécessaires pour cartographier la totalité d'un département, car un important travail de numérisation et d'harmonisation est nécessaire et parce que le BRGM est tributaire de partenaires extérieurs, tels que les bureaux d'études, les assureurs ou les communes.

Source : audition des représentants du BRGM

Enfin, une évaluation, indisponible à ce stade, des nouvelles règles sur le coût de la construction devrait être conduite. A cet égard, le groupe de travail observe que le renchérissement du coût de la construction initiale sera toujours inférieur au prix d'une reprise en sous-oeuvre une fois les dégâts survenus 39 ( * ) . En outre, ce renchérissement pourrait être partiellement compensé par une diminution des tarifs des assurances pour dommages-ouvrages .

2. Quelle prise en compte pour le risque de subsidence dans le régime CAT-NAT ?

Le groupe de travail s'est enfin interrogé sur les améliorations à apporter à la prise en compte du risque de subsidence au sein du régime CAT-NAT. Une analyse globale des évolutions souhaitables de ce régime étant développée en seconde partie du présent rapport, ne seront ici abordées que les modalités de prise en charge des dommages liés au retrait-gonflement des argiles et la question de l'adaptation des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle liée à la sécheresse.

a) Faut-il restreindre le périmètre de couverture ?

Dans son rapport particulier précité sur les risques de subsidence liés à la sécheresse, la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles avait relevé que le phénomène de retrait-gonflement des argiles était, dans ne nombreux pays, exclu de ce régime et renvoyé au marché assuranciel 40 ( * ) . Telle n'était cependant pas la préconisation de la mission, qui recommandait de maintenir la subsidence au sein du régime, tout en lui réservant un « traitement spécifique » de nature à endiguer le coût et les effets d'aubaine. Ce traitement spécifique se justifiait :

1) par le fait que le risque associé à la subsidence « ne résulte pas nécessairement du caractère anormal d'un aléa (certaines communes sont de façon très fréquente, voire quasi permanente, en situation de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse depuis le début des années 1990) » ;

2) que la subsidence « est un risque qui peut être presque supprimé par le recours à des techniques de construction adaptées ».

Au cours de ses auditions, le groupe de travail a observé qu'aucune des parties prenantes au régime CAT-NAT ne sollicitait l'exclusion totale du risque de subsidence. Ainsi, le Groupement des entreprises mutuelles d'assurances considère que « si le risque de subsidence était sorti du régime, les assureurs ne pourraient proposer de garanties contractuelles faute de réassurance. Si certains réassureurs se déclarent prêts à se substituer à la Caisse centrale de réassurance pour les inondations, aucun ne se déclare prêt à réassurer en illimité la sécheresse » . De son côté, la caisse Centrale de réassurance observe que « le risque de subsidence ne pourrait être exclu du champ d'application du régime que dans la mesure où il serait couvert contractuellement par les assureurs. Or, force est de constater que ceux-ci n'y sont pas prêts . En outre, les rares couvertures contractuelles existant dans d'autres pays (Grande Bretagne, par exemple) comportent des prix élevés et des franchises hautes ». De surcroît, une exclusion totale du risque de subsidence pénaliserait gravement l'ensemble des assurés occupant des bâtiments existants.

Pour autant, certaines exclusions partielles sont aujourd'hui évoquées, dont le groupe de travail estime qu'elles doivent être examinées avec soin, et « calibrées » de manière à ne pas remettre en cause le caractère protecteur et fondé sur la solidarité du régime actuellement applicable.

La première hypothèse d'exclusion partielle concerne les bâtiments couverts par la garantie décennale , particulièrement promue par le secteur assuranciel. Ainsi, l'Association des professionnels de la réassurance en France (APREF) propose-t-elle d'exclure « clairement de la couverture CAT-NAT les dommages dus à la subsidence affectant les ouvrages de moins de 10 ans et soumis à l'obligation d'assurance décennale, et de les faire prendre en charge par l'assurance construction » . L'APREF motive cette position en soulignant :

1) que le risque de subsidence « ne comporte pas un aléa similaire aux autres catastrophes naturelles car des techniques de construction appropriées permettent de l'éviter » ;

2) que les « dommages de subsidence proviennent majoritairement des erreurs de conception des fondations et relèvent donc bien de l'assurance construction » . Il resterait toutefois possible pour les assureurs construction de s'exonérer de l'indemnisation d'un sinistre en cas de force majeure .

Il convient de préciser que les assureurs ont d'ores et déjà la possibilité, lorsqu'une indemnisation a été servie en application du régime CAT-NAT, d'exercer une action récursoire visant à mettre en jeu la responsabilité décennale du constructeur. Exclure du régime CAT-NAT les constructions couvertes par la garantie décennale reviendrait donc à confier à l'assuré le soin de mettre lui-même en jeu la responsabilité du constructeur, et par conséquent à fragiliser la situation de l'assuré .

Une autre option consisterait à exclure de la couverture CAT-NAT les constructions neuves, au motif qu'elles doivent être couvertes par une garantie dommages-ouvrage . Bien qu'elle soit obligatoire, le défaut de souscription d'une telle garantie n'est toutefois pas sanctionné pénalement. Or, compte tenu du coût de la garantie, qui peut avoisiner les 5.000 euros, ce défaut de sanction effective conduit 40 % des maîtres d'ouvrage à s'en dispenser . Ainsi que l'a fait valoir Mme Catherine Emon, chef du service des assurances à la Fédération française du bâtiment, lors de son audition devant le groupe de travail, « une exclusion systématique du régime CAT-NAT pourrait donc priver totalement certains particuliers d'indemnisation en cas de dégâts ». Exclure du régime CAT-NAT les bâtiments de moins de dix ans ne serait donc envisageable qu'à condition de généraliser la souscription effective de la garantie dommages-ouvrage, en y conditionnant par exemple l'octroi du permis de construire ou du prêt immobilier.

Une troisième hypothèse d'exclusion partielle du régime CAT-NAT concerne les dégâts superficiels occasionnés par la subsidence, le régime ne couvrant désormais que les dommages mettant en cause la solidité de la structure . Cette modification impliquerait toutefois :

1) de pouvoir différencier avec fiabilité, au plan technique, les dégâts superficiels des dégâts majeurs. Sur ce point, la plupart des interlocuteurs du groupe de travail considère que l'état des connaissances et des techniques permet d'opérer aisément ce distinguo . Selon la Caisse centrale de réassurance, « les experts d'assurance ont beaucoup travaillé sur la question de l'identification et de la réparation des dommages causés par la sécheresse. Des organismes comme la Compagnie des experts agréés ont acquis une grande expérience dans ce domaine. Les experts sont donc en mesure de discriminer les dommages superficiels et les atteintes à la structure » ;

2) de s'assurer que les experts mandatés par les compagnies d'assurance ne considèrent pas la prise d'un arrêté de catastrophe naturelle comme valant présomption de droit à indemnisation, et procèdent à une discrimination fine des dommages superficiels ou de structure.

Se pose enfin la question d'une exclusion pure et simple de la garantie CAT-NAT pour les ouvrages construits en violation des règles de prévention ou de construction . Le groupe de travail observe que des sanctions assurancielles de ce type sont déjà prévues par la législation. D'une part, l'article L.125-6 du code des assurances dispose qu'un assureur n'est pas tenu de garantir son assuré contre les effets des catastrophes naturelles s'agissant des biens et activités situés sur des terrains classés inconstructibles par un PPRN . Cette disposition n'est toutefois pas applicable aux PPRN sécheresse, puisque ceux-ci ne prévoient jamais l'inconstructibilité des terrains. Une exclusion est également prévue pour les biens construits et les activités exercées en violation des règles administratives en vigueur lors de leur implantation et tendant à prévenir les dommages causés par une catastrophe naturelle.

D'autre part, la garantie obligatoire due par l'assureur peut, de façon exceptionnelle, et sur décision du bureau central de tarification, excepter certains biens mentionnés au contrat d'assurance ou opérer des abattements différents de ceux fixés dans les clauses types lorsque deux conditions sont réunies : 1) les biens et activités doivent être situés sur des terrains couverts par un PPRN et 2) le propriétaire ou l'exploitant ne se conforme pas, dans un délai de cinq ans, aux mesures de prévention, de précaution et de sauvegarde prescrites par un PPRN pour les biens et activités existants à la date d'approbation du plan.

A ce stade, il semble prématuré de prévoir de nouveaux cas d'exclusion du régime CAT-NAT résultant d'une violation des règles de prévention ou de construction . En revanche, si les réflexions en cours sur l'adaptation des règles de construction aboutissaient à de nouvelles prescriptions en matière d'études de sol ou de profondeur minimale de fondations, vos rapporteurs ne jugeraient pas anormal de sanctionner le non-respect de ces prescriptions par une exclusion de la couverture CAT-NAT. Il conviendrait, dans ce cas, d'informer en amont et de façon très circonstanciée les maîtres d'ouvrage de la sanction encourue.

b) L'adaptation des critères de reconnaissance et la question du zonage

Le présent rapport a été l'occasion de démontrer que les adaptations successives des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle liées à la sécheresse n'avaient pas permis d'aboutir à un dispositif stabilisé et présentant un haut degré de fiabilité .

Dans son rapport précité de septembre 2005 sur les risques de subsidence liés à la sécheresse, la mission d'enquête préconisait un travail d'objectivation du risque de subsidence, « c'est-à-dire sa définition et sa mesure par un organe collégial incontestable et sur la base de critères aussi scientifiques et stables que possible (...) et la publication de ces critères ».

Cette préconisation semble être restée lettre morte , puisque les critères pour les sécheresses hivernales et estivales restent en vigueur, sous réserve de précisions apportées par deux circulaires du ministère chargé de l'intérieur, en date du 23 janvier et du 21 avril 2008 41 ( * ) .

De fait, l'adaptation des critères de reconnaissance de l'état de sécheresse est tributaire de l'avancée de travaux scientifiques complexes , ayant pour objet de modéliser de manière plus pertinente les interactions entre le sol et l'atmosphère. Un projet de recherche interdisciplinaire dit « AGIRC » 42 ( * ) a donc été lancé, sous l'égide de l'Agence nationale de la recherche et associant notamment le Bureau de recherches géologiques et minières, l'Institut national de recherche agronomique, Météo-France, le Laboratoire central des ponts et chaussées et l'Ecole nationale des ponts et chaussées 43 ( * ) .

Le rapport de synthèse final du projet, que le groupe de travail s'est procuré, précise que, « concernant l'objectivation des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sécheresse, des éléments très concrets ont été produits dans le cadre du projet ARGIC (...). Il reste à poursuivre l'acquisition (des) données expérimentales in situ sur de multiples sites et à développer une base de données nationale sur les sinistres déclarés, afin de caler les modélisations ainsi élaborées et déterminer des critères de reconnaissance plus adaptés que ceux actuellement utilisés ».

Plus précisément, et selon Météo-France, les premières conclusions tirées de ces travaux confirment ou établissent :

1) que la démarche actuelle, fondée sur la vérification de la présence de sols argileux et sur l'identification d'un état hydrique anormalement sec du sol, en fonction des conditions météorologiques, reste la seule possible à court terme au plan opérationnel ;

2) que la méthode utilisée d'estimation du bilan hydrique des sols 44 ( * ) intègre une profondeur de sol probablement trop superficielle et n'exploite que les données météorologiques d'une centaine de stations de référence dispersées, ce qui pose le problème du rattachement des communes ;

3) qu'en l'état actuel des connaissances sur le déclenchement du phénomène, les critères en vigueur souffraient de deux défauts principaux , compte tenu des exigences imposées aux demandes de reconnaissance par la circulaire du 23 janvier 2008. Les périodes déterminées par les critères en vigueur (janvier à mars ou juillet à septembre) sont, en premier lieu, trop courtes et ne correspondent pas à la réalité du phénomène de subsidence, qui fait souvent apparaître les dommages avec un décalage significatif par rapport aux conditions météorologiques défavorables, ce qui ne permet donc pas toujours d'associer un sinistre à une des deux périodes. En second lieu, le critère de sécheresse hivernale apparaît peu pertinent car il semble que, même lorsque l'hiver est anormalement sec, la plupart des sinistres sont constatés beaucoup plus tard, dans la période la plus sèche de l'année.

Les représentants de Météo-France ont indiqué au groupe de travail que des discussions étaient actuellement en cours avec la commission interministérielle pour une exploitation opérationnelle, dès 2010, d'un nouvel outil de calcul du réservoir hydrique, spécifiquement adapté à la problématique du retrait-gonflement 45 ( * ) . Selon Météo-France, ce modèle « exploite au mieux toutes les observations climatologiques disponibles sur le territoire » , en ce qu'il repose sur un maillage beaucoup plus resserré que le zonage Aurore (soit 8 kilomètres, cf . figure ci-après), le sol de chaque maille étant constitué exclusivement d'argile et de sable et uniformément couvert de gazon afin de le rendre « représentatif du cas d'une parcelle argileuse ». Par ailleurs, l'établissement prévoit de perfectionner cet outil dans le cadre d'un projet communautaire INTERREG 46 ( * ) , s'appuyant sur les conclusions du projet AGIRC. Ce projet pourrait, en fonction des résultats obtenus, permettre l'élaboration d'outils opérationnels à partir de 2012 .

Conscients des contraintes propres à la recherche scientifique, vos rapporteurs forment le voeu que les travaux en cours pour objectiver les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle due à la sécheresse trouvent une traduction opérationnelle rapide et fassent ensuite l'objet d'une présentation accessible pour les citoyens.

Superposition des limites départementales (en rouge) du zonage Aurore (en vert) avec pointage des stations de référence (en bleu) et des points de la grille SIM à mailles de 8×8 km (en gris)

Source : Météo-France

SECONDE PARTIE : QUELLES ORIENTATIONS POUR LA RÉFORME DU RÉGIME CAT-NAT ?

Le groupe de travail a procédé à une évaluation des différentes pistes de réflexion susceptibles de moderniser le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, afin d'en améliorer l'efficience, tant pour les assurés et les assureurs que pour l'Etat, garant du système.

A titre liminaire, il souhaite insister sur l' enjeu sociétal que représente le régime CAT-NAT. Il a observé qu'au-delà de toute question financière évoquée lors des auditions et de son déplacement dans l'Essonne, la réforme du régime doit répondre à un problème humain : celui de la sécurité des personnes. Si l'aléa naturel peut être, dans une certaine mesure, quantifié et probabilisé, le régime CAT-NAT est avant tout une solution solidaire à l'exposition d'un risque inassurable .

I. UN SYSTÈME D'INDEMNISATION DES ALÉAS NATURELS FACE À DE NOUVEAUX DÉFIS

A. UN FONCTIONNEMENT SATISFAISANT DU SYSTÈME ASSURANCIEL DEPUIS SA CRÉATION

Le système français d'indemnisation des catastrophes naturelles constitue un régime original qui fonctionne depuis 1982. L'indemnisation reposant sur le contrat d'assurance intègre trois éléments de solidarité nationale :

- l'obligation légale d'assurance des catastrophes naturelles ;

- la surprime CAT-NAT payée par tous les assurés à un taux uniforme ;

- la garantie in fine de l'Etat au bénéfice de la Caisse centrale de réassurance (CCR).

1. Un régime hybride original alliant solidarité et assurance

a) Un régime original

L'examen comparatif des régimes de couverture des catastrophes naturelles des principaux pays étrangers, mené par quatre inspections générales 47 ( * ) mandatées en 2005, a révélé l'existence de trois modèles 48 ( * ) .

Le premier, à l'image du dispositif de la Grande Bretagne, repose entièrement sur les assurances et réassurances privées.

S'agissant du deuxième modèle, illustré par l'Italie, l'absence de marché assuranciel conduit à des interventions publiques ponctuelles, soit au coup par coup, soit dans le cadre de mécanismes permanents.

Enfin, le troisième modèle repose sur un dispositif public monopolistique, en droit ou en pratique. Il est illustré par le Consorcio de compensacion de seguros espagnol.

Le système français, mi-public, mi-privé se rapproche de cette dernière catégorie. Il associe le système d'indemnisation par les assureurs à une couverture obligatoire, ainsi qu'à une garantie de l'État en termes de réassurance. Il présente également la particularité d'être à péril non-dénommé , contrairement aux autres systèmes.

b) Un régime répondant à un risque non assurable

La garantie contre le risque de catastrophes naturelles a été mise en oeuvre par la loi du 13 juillet 1982 49 ( * ) . Son régime est codifié aux articles L. 125-1 à L. 125-6 et L. 431-9 du code des assurances. La loi de 1982 a fait suite à de nombreuses réflexions initiées dans les années soixante-dix et quatre-vingt, s'orientant alors vers un projet de prise en charge sur fonds public. Les inondations dans les vallées de la Saône et du Rhône ainsi que dans le Sud-ouest de la France ont conduit à privilégier un système mixte reposant sur l'Etat et le marché assuranciel.

Le régime prévu en 1982 a été modifié à plusieurs reprises . Les lois du 25 juin 1990 50 ( * ) et du 27 février 2002 51 ( * ) ont respectivement modifié le champ d'intervention du régime CAT-NAT relativement à la nature des risques couverts, ainsi qu'à l'étendue géographique du régime 52 ( * ) .

La procédure a été également révisée par les lois du 16 juillet 1992 53 ( * ) , du 13 août 2004 54 ( * ) ainsi que par la loi de finances rectificative 55 ( * ) pour 2007.

c) Un périmètre large

La couverture CAT-NAT offre une garantie au périmètre large tant sur le plan des périls que des dommages.

En premier lieu, la garantie couvre les périls non assurables à l'intensité anormale . Il s'agit, notamment, des aléas naturels suivants :

- les inondations (de plaine, crue torrentielle, ruissellement en secteur urbain, coulées de boue et remontées de nappe phréatique) ;

- les phénomènes liés à l'action de la mer ;

- les mouvements de terrain (effondrement, affaissement, éboulement et chute de blocs et de pierres, glissement et coulée boueuse associée, lave torrentielle) ;

- la sécheresse (mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation du sol) ;

- les avalanches ;

- les séismes ;

- les effets du vent dû à un événement cyclonique pour lequel les vents maximaux de surface enregistrés ou estimés sur la zone sinistrée ont atteint ou dépassé 145 km/h en moyenne sur dix minutes ou 215 km/h en rafale.

Il convient de souligner que cette énumération n'est pas exhaustive car le législateur n'a pas établi de liste des catastrophes naturelles. L'agent naturel doit cependant avoir revêtu une « intensité anormale » aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances, afin de permettre l'indemnisation des dommages au titre du régime CAT-NAT.

En revanche, certains risques sont considérés comme assurables et ne relèvent pas de la couverture CAT-NAT, mais des garanties contractuelles . Il s'agit des dommages causés par le vent (tempête), et la grêle , et liés au poids de la neige sur les toitures, (qui sont assurables en fonction des garanties contractuelles ordinaires 56 ( * ) ). Les infiltrations d'eau sous les éléments des toitures causées par le vent, sans dommage aux toitures, sont couvertes par la garantie « dégâts des eaux ». Enfin, les dommages causés par la foudre sont, soit couverts par la garantie « incendie » si la foudre crée un incendie, soit par la garantie « dommages électriques », dans le cas contraire.

En second lieu , le régime CAT-NAT indemnise les dommages matériels directs .

L'étendue de la garantie CAT-NAT aux termes de l'article L. 125-1 précité concerne « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l ' intensité anormale d ' un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n ' ont pu être prises . »

La garantie porte donc sur les dommages subis par les biens, et non les personnes dans les limites et conditions prévues par le contrat d'assurance « dommages ».

A titre d'illustration, elle couvre généralement les habitations et leur contenu, les installations industrielles et leur contenu, les bâtiments appartenant aux collectivités territoriales et leur contenu, les bâtiments agricoles et les récoltes, machines ou animaux qui y sont localisés, les véhicules, les clôtures 57 ( * ) , murs de soutènement ou fondations, les forêts lorsqu'elles sont assurées par un contrat « dommages aux biens », les frais de déblai, de démolition, de pompage et de nettoyage.

A contrario , ne sont pas couverts par le régime CAT-NAT, les biens non assurés, les dommages corporels, les dommages indirects 58 ( * ) ainsi que les biens exclus par l'assureur, par autorisation du bureau central de tarification.

Ne sont pas davantage indemnisables les récoltes non engrangées, cultures, sols, cheptel vif hors bâtiment qui peuvent éventuellement relever de la procédure de calamités agricoles, les corps de véhicules aériens, maritimes, lacustres, fluviaux et marchandises transportées.

d) Une extension de garantie obligatoire pour tout contrat d'assurance « dommages »

L'originalité de ce système se fonde sur l'extension obligatoire de la garantie contre le risque de survenance d'une catastrophe naturelle dans le cadre d'un contrat de dommages aux biens : multirisques habitation, multirisques entreprise, pertes d'exploitation, assurance automobile comprenant une garantie dommages.

Aux termes de l'article L. 125-1 précité, toute personne qui a souscrit un contrat d'assurance garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages affectant des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, est automatiquement couverte en cas de dommages causés à ces biens par une catastrophe naturelle 59 ( * ) . Cette garantie est étendue aux pertes d'exploitation 60 ( * ) , si elles sont couvertes par le contrat de l'assuré.

L'assurance des risques naturels, hors risque agricole, est dans plus de 98 % des cas prévue dans les contrats multirisques habitation qui comprend ainsi l'assurance incendie (feu de forêt, foudre...), une assurance tempête-grêle-neige, le régime CAT-NAT, l'assurance dommages électriques pour la foudre qui ne crée pas d'incendie et l'assurance « dégât des eaux ».

Ainsi que l'illustre le graphique ci-dessous, les garanties portant spécifiquement sur les risques naturels (CAT-NAT et tempête-grêle-neige) représentent 19 % de l'ensemble des garanties offertes par le contrat multirisques.

Répartition des garanties au sein des contrats multirisques habitation en 2007

Source : FFSA

e) Un principe de solidarité : la prime

Le financement du régime CAT-NAT repose sur une « surprime » ou prime additionnelle, s'appliquant à toutes les primes afférentes aux contrats d'assurance « dommages » aux biens. En conséquence, chaque assuré acquitte cette prime additionnelle, indépendamment de son exposition à un risque de catastrophe naturelle .

Le produit de cette surprime est réparti entre les assureurs et la CCR au titre de la réassurance. 12 % du montant des surprimes sont affectés au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, afin de financer des actions de prévention.

Les taux de la prime additionnelle, identiques pour tous les assurés, sont fixés par l'État, au moyen d'un arrêté. Ils ont varié dans le temps afin d'assurer la solidité financière du régime.

S'agissant des biens autres que les véhicules terrestres à moteur , la prime s'est tout d'abord établie à 5,5 % des primes ou cotisations afférentes aux contrats de base, de 1982 à 1983, puis à 9 % du 1 er octobre 1983 au 31 août 1999, pour enfin atteindre, depuis le 1 er septembre 1999, 12 % des primes ou cotisations afférentes aux contrats de base d'assurance « dommages » aux biens.

Il convient toutefois de noter que depuis le 1 er janvier 2001, ce taux de prime additionnelle ne s'applique plus aux primes ou cotisations afférentes aux garanties de responsabilité civile générale, de protection juridique, d'assistance et de dommages corporels.

Cette surprime demeure néanmoins applicable aux primes ou cotisations afférentes aux garanties de responsabilité civile contractuelle de l'assuré en sa qualité de propriétaire, de locataire ou d'occupant des biens désignés aux contrats et aux garanties de la responsabilité civile qu'il encourt en cette qualité à l'égard des tiers, du fait d'un incendie, d'une explosion ou d'un dégât des eaux 61 ( * ) .

En ce qui concerne les véhicules terrestres à moteur , la surprime a tout d'abord été fixée à 9 % des primes ou cotisations Vol et Incendie ou, à défaut, 0,8 % de la prime ou cotisation dommage, de 1982 à 1985. Elle s'élève depuis 1986, à 6 % des primes ou, à défaut, 0,5 % de la prime ou cotisation dommage.

f) Des axes de prévention : le fonds de prévention des risques naturels majeurs et les plans de prévention des risques naturels

Le groupe de travail a examiné, parmi les diverses mesures contribuant à la prévention contre les aléas naturels, deux dispositifs particuliers que sont le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) et les plans de prévention de risques naturels (PPRN).

(1) Le fonds « Barnier »

Le FPRNM dit « fonds Barnier » a été créé par la loi du 2 février 1995 62 ( * ) . Ses missions ont évolué depuis sa création. Il était initialement dédié à l'indemnisation des expropriations des biens exposés à certains risques naturels.

Puis, il est intervenu dans le financement d'actions de prévention afin d'assurer la sécurité des personnes et de réduire les dommages aux biens exposés à un risque naturel majeur. Ses bénéficiaires sont, à l'exception des cas d'expropriation, des personnes qui ont assuré leurs biens et se sont elles-mêmes engagées dans une démarche de prévention.

Missions du Fonds Barnier

- Acquisition amiable par une collectivité publique d'un bien exposé lorsqu'il y a danger pour la vie humaine. Cette possibilité s'ajoute à l'expropriation pour cause d'utilité publique prévue par ailleurs.

- Acquisition amiable par une collectivité publique d'un bien endommagé même en l'absence de danger pour l'homme.

- Prise en charge des opérations de reconnaissance et des travaux (traitement, comblement) relatifs à des cavités souterraines ou des marnières.

- Prise en charge des études et travaux de prévention définis et rendus obligatoires par un PPRN approuvé en application du 4° du II de l'article L.562-1 du code de l'environnement sur des biens à usage d'habitation ou sur des biens utilisés dans le cadre d'activités professionnelles.

Source : Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer

Le FPRNM est financé par un prélèvement, établi par arrêté des ministres chargés de l'environnement et du budget , dans la limite d'un plafond fixé par l'article L. 561-3 du code de l'environnement. Ce prélèvement est opéré sur le produit des primes additionnelles CAT-NAT. Ce dernier a été accru en août 2008 lorsque le taux de prélèvement a été relevé de 2 % à 4 %, puis à 8 % et enfin à 12 % 63 ( * ) .

En effet, l'année 2007 a fait apparaître un solde de trésorerie de 10 millions d'euros 64 ( * ) , le plus bas depuis 1996. Ainsi que le rapporte le Commissariat général au développement durable 65 ( * ) , les dépenses destinées à la prévention des risques naturels ont progressé plus rapidement que les recettes. D'un montant de 36 millions d'euros en 2005, celles-ci s'élevaient à 100 millions en 2007.

A l'initiative de votre co-rapporteure, Mme Fabienne KELLER, la commission des finances a pris acte, à l'époque, du caractère non soutenable à court terme de cette situation. Elle a donc inscrit dans le projet de loi de finances pour 2008 66 ( * ) le relèvement de 4 % à 8 % du taux maximal de prélèvement 67 ( * ) au profit du Fonds Barnier.

Cette hausse a assaini la situation du Fonds. Cependant, elle ne pouvait pas permettre de financer l'ensemble de ses missions, à horizon 2012 68 ( * ) . En conséquence, la loi de finances pour 2009 a prévu l'augmentation du prélèvement de 8 % à 12 % 69 ( * ) .

(2) Les plans de prévention des risques naturels (PPRN)

Les PPRN ont été institués en 1995 70 ( * ) . Élaborés par les préfets, les PPRN règlementent l'utilisation des sols à l'échelle communale, compte-tenu des risques affectant la commune.

Le PPRN a pour objet de maîtriser l'urbanisation dans les zones à risques. Il vise à réduire la vulnérabilité des populations et des biens existants. Servitude d'utilité publique annexée au document d'urbanisme, le PPRN peut, en tant que de besoin :

- interdire les constructions nouvelles dans les espaces d'aléas très forts non urbanisés ou les zones susceptibles d'aggraver les risques comme les champs d'expansion de crue ;

- définir des règles de construction pour diminuer la vulnérabilité des constructions nouvelles ;

- définir des mesures pour adapter les constructions existantes dans la limite des 10 % de la valeur vénale ou estimée du bien à la date d'approbation du plan ;

- définir des mesures générales de prévention, de protection et de sauvegarde à la charge des collectivités et des particuliers.

g) Un principe de responsabilisation : la franchise

Le régime CAT-NAT a prévu qu'une franchise reste à la charge de l'administré . Elle est déduite de l'indemnité pour chaque contrat. Le niveau des franchises a été fixé par l'arrêté du 10 août 1982. Révisé à plusieurs reprises 71 ( * ) , il s'établit depuis le 1 er janvier 2002 comme suit :

- 380 euros pour les biens à usage d'habitation , véhicules terrestres à moteur et autres biens à usage non professionnel, à l'exception des dommages imputables aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et/ou à la réhydratation des sols ( subsidence ) pour lesquels le montant est de 1.520 euros ;

- 380 euros pour chaque véhicule terrestre à moteur endommagé (même si le contrat en couvre plusieurs) 72 ( * ) ;

- 10 % du montant des dommages matériels directs aux biens à usage professionnel par établissement et par événement avec un minimum de 1.140 euros. Cependant, s'agissant des dommages imputables aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et/ou à la réhydratation des sols, le montant est de 3.050 euros 73 ( * ) ;

- trois jours ouvrés avec un minimum de 1.140 euros en matière de pertes d'exploitation 74 ( * ) .

Afin d'encourager les communes à se doter de plans de prévention des risques, ces franchises sont soumises à des modulations pour celles qui en sont dépourvues.

La franchise est alors modulée en fonction du nombre de constatations de l'état de catastrophe naturelle intervenues pour le même risque au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation. Le dispositif en vigueur prévoit le doublement de la franchise dès la troisième reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour le même risque, puis son triplement dès le quatrième arrêté de reconnaissance et enfin le quadruplement pour la cinquième reconnaissance et les suivantes (cf. tableau).

La modulation des franchises

Type de contrat

Biens concernés

Communes dotées d'un PPRN*

Communes non dotées d'un PPRN

Franchise pour dommages liés à un risque autre que sécheresse

Montant concernant le risque sécheresse

Modulation de la franchise en fonction du nombre d'arrêtés de catastrophe naturelle

Contrat « dommage »

Habitations

380 euros

1.520 euros

1-2 arrêtés : × 1

3 arrêtés : × 2

4 arrêtés : × 3

5 et plus : × 4

Usage professionnel

10 % du montant des dommages matériels (minimum 1.140 euros)

3.050 euros

Contrat « perte d'exploitation »

Recettes liées à l'exploitation

Franchise équivalente à 3 jours ouvrés (minimum 1.140 euros)

Idem

* Communes qui ont un PPRN prescrit depuis moins de 4 ans et communes ayant un document valant PPRN

Source : Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer

La modulation cesse de s'appliquer dès la prescription d'un PPRN pour le risque visé. Il est à nouveau applicable si ce PPRN n'est pas approuvé dans un délai de quatre ans à compter de sa date de prescription.

2. Un système garanti : la réassurance par la CCR adossée à la garantie de l'Etat

La réassurance, en tant qu'« assurance des assureurs », constitue la pierre angulaire du régime car elle fonde la solidité financière de ce dernier . Le réassureur s'engage à contribuer à l'indemnisation des sinistres moyennant rétribution de ses services.

Aux termes de l'article L. 431-9 du code des assurances, la Caisse centrale de réassurance « est habilitée à pratiquer les opérations de réassurance des risques résultant de catastrophes naturelles, avec la garantie de l'Etat ».

Cette garantie de l'Etat fait l'objet d'une convention passée avec les pouvoirs publics. La CCR ne dispose cependant pas d'un monopole de la réassurance . Sa solidité financière et ses conditions commerciales en font un acteur prédominant du marché de la réassurance en matière de catastrophes naturelles puisqu'elle est, en ce domaine, le premier réassureur face à d'autres compagnies privées telles que SCOR ou Swiss Re.

Intervention de la CCR dans le cadre du régime CAT NAT

Source : CCR

La CCR offre deux types de couverture aux assureurs : en quote-part et, éventuellement, en excédent de pertes annuelles , ou « stop loss ».

a) La couverture en quote-part

En premier lieu, l'assureur peut recourir à la réassurance auprès de la CCR afin de partager proportionnellement les risques. Ainsi, la CCR propose aux assureurs une couverture en quote-part. Ce programme de réassurance conduit l'assureur à céder exactement la moitié de ses primes 75 ( * ) , en contrepartie de la prise en charge par la CCR de la moitié des indemnisations.

b) La couverture en « stop-loss »

En second lieu, l'assureur peut compléter sa couverture en quote-part par un traité en excédent annuel de pertes dit stop-loss afin de limiter ses pertes dans le cas d'une forte pointe de sinistralité.

Schéma de réassurance de la CCR

Source : CCR

Cet excédent maximal de pertes annuelles est généralement fixé au delà de 200 % des primes conservées . Il est déterminé de manière contractuelle.

Schéma de réassurance

Dans l'hypothèse d'un pourcentage de cession en quote-part de 50 % et d'une franchise de stop-loss de 200 %, la rétention de l'assureur est de 500.000 76 ( * ) euros pour un encaissement d'un montant total de primes de 1.000.000 euros. La franchise en stop-loss est alors de 1.000.000 77 ( * ) d'euros.

Si la sinistralité s'élève à 50.000 euros, la répartition de l'indemnisation entre assureur et CCR au titre de la quote-part est de 25.000 euros pour chacun des deux. La garantie au titre du stop-loss n'intervient pas car la partie restant à la charge de l'assureur est inférieure à la franchise du stop-loss .

En revanche, cette garantie serait déclenchée dans le cas d'une sinistralité d'un montant de 10.000.000 d'euros. La répartition entre l'assureur et la CCR au titre de la quote part serait de 5.000.000 78 ( * ) d'euros chacun. Ce montant, à la charge de l'assureur, étant supérieur à la franchise de 1.000.000 d'euros, le stop-loss se déclenche. L'assureur garde alors à sa charge 1.000.000 d'euros, montant de la franchise, alors que la CCR prend en charge les 4.000.000 d'euros supplémentaires. En conséquence, le montant total du sinistre de 10.000.000 d'euros aura été réparti entre la CCR, à hauteur de 9.000.000 d'euros, et l'assureur, à hauteur d'un million d'euros. La perte pour l'assureur sera en conséquence de 500.000 euros.

Source : CCR

Dans le cadre de ce mécanisme, le stop-loss s'applique donc sans limite car la CCR bénéficie de la garantie de l'Etat. La perte de l'assureur en cas de réalisation du risque est limitée au montant des primes conservées .

En effet, dans le cas d'une sinistralité de 10 millions d'euros et de primes encaissées à hauteur d'un million d'euros, l'assureur prendra à sa charge 1 million d'euros, soit une perte de 500.000 euros, montant de la totalité des primes qu'il a conservées ( cf. encadré ci-dessus). Les 9 millions d'euros restant sont pris en charge par la CCR.

c) Les provisions d'égalisation et la garantie de l'Etat

La CCR, comme n'importe quelle société d'assurance et de réassurance, peut placer en franchise d'impôt 79 ( * ) jusqu'à 75 % des bénéfices de chaque exercice dans une provision dite d'égalisation . Le montant de celle-ci est plafonné. Il ne doit pas excéder 300 % de l'encaissement annuel des primes.

La constitution d'une provision spéciale, en plus des provisions techniques ordinaires, permet ainsi de lisser les résultats entre les « bonnes » et les « mauvaises » années .

Cependant, si la CCR ne dispose pas de réserves financières suffisantes pour faire face à une charge de la sinistralité particulièrement importante, l'Etat est appelé en garantie.

Le seuil d'intervention de l'Etat est égal à 90 % de la somme des provisions d'égalisation et de la réserve spéciale, constituées au titre du régime CAT-NAT.

3. Une procédure souple : l'arrêté de la commission interministérielle

L'article L.125-1 du code des assurances précité dispose que l'état de catastrophe naturelle doit être constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes d'occurrence de l'aléa naturel ainsi que la nature des dommages couverts par la garantie.

L'arrêté est pris après avis consultatif de la commission interministérielle , saisie par le préfet, sur demande de la commune.

L'article L.125-1 ajoute que « cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation ».

L'administré doit tout d'abord déclarer le sinistre à sa compagnie d'assurance. Puis, il contacte la mairie de sa commune afin que la procédure de catastrophe naturelle soit engagée.

Schéma de la procédure d'indemnisation d'un dommage causé par une catastrophe naturelle

Source : Ministère de l'intérieur- Direction de la défense et de la sécurité civiles

Les services municipaux constituent un dossier de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle qui comprend notamment la demande communale ainsi qu'une étude géotechnique en cas de mouvements de terrain.

Le dossier est ensuite adressé à la préfecture du département qui rassemble l'ensemble des demandes des communes affectées par un même phénomène. Une circulaire du 19 mai 1998 encadre la constitution des dossiers relatifs aux demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Pièces du rapport établi par le Préfet en vue de la reconnaissance
de l'état de catastrophe naturelle

a - Cas général

Pièces obligatoires :


un rapport circonstancié sur la nature et l'intensité de la catastrophe, et les mesures de prévention prises ou envisagées ;


le rapport météorologique établi par Météo-France ;


le(s) rapport(s) spécifique(s) selon l'événement (géotechnique, hydrologique, hydrogéologique, sismologique) ;


la demande de reconnaissance de classement à remplir par le maire suivant modèle ;


une carte administrative du département délimitant la zone géographique touchée par l'événement ;


la liste des communes atteintes, classées par ordre alphabétique dans chaque arrondissement et canton ;


la liste des communes ayant déjà bénéficié d'un arrêté interministériel au titre de la sécheresse et des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols ;


Pièces facultatives


les rapports et messages de police, de gendarmerie ou de sapeurs-pompiers ;


un dossier photographique.

b - Sécheresse

Afin de permettre la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, deux situations doivent être envisagées :

- si la commune n'a jamais été reconnue sinistrée au titre des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols :


la demande doit être accompagnée d'une étude géotechnique fournie par la commune, réalisée postérieurement à la période de reconnaissance sollicitée et d'un rapport météorologique, sollicité par la préfecture auprès des services de Météo-France, couvrant la période de reconnaissance demandée ;


la reconnaissance est accordée à compter de la date demandée par la commune, jusqu'à la date de réalisation de l'étude géotechnique.

- Si la commune a déjà fait l'objet d'une reconnaissance antérieure au titre de ces mouvements de terrain (prorogation) :


il n'est pas nécessaire de joindre un nouveau rapport géotechnique ;


la reconnaissance est prorogée jusqu'à la date sollicitée par la commune et confirmée par le rapport météorologique.

Source : Circulaire du 19 mai 1998 relative à la constitution des dossiers concernant des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Puis le préfet transmet ces dossiers à la direction de la défense et de la sécurité civiles du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Composée de représentants des ministres 80 ( * ) et de la CCR ainsi que des experts 81 ( * ) , la commission interministérielle est le fruit d'une pratique . Aucun texte ne prévoit sa création et son fonctionnement 82 ( * ) . Elle instruit et formule un avis sur la recevabilité des demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle. Ce dernier peut être favorable ou défavorable. La commission peut également proposer l'ajournement.

Dans l'hypothèse d'un avis favorable de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle d'une commune, un arrêté interministériel est pris et publié au Journal officiel. La décision est notifiée aux maires par les préfets. Les administrés sinistrés disposent alors d'un délai de dix jours à compter de la parution de l'arrêté interministériel au Journal officiel pour faire parvenir à l'assureur l'état estimatif de leurs pertes. Après vérification du lien de causalité entre les dommages et l'aléa naturel, l'assureur procède à l'indemnisation dans les trois mois de la déclaration ou de la publication de l'arrêté. Cette dernière s'effectue sur la base de la garantie du contrat couvrant les biens sinistrés.

Si la commission interministérielle n'a pas retenu l'intensité anormale de l'agent naturel, elle rend alors un avis défavorable. La demande pourra être à nouveau examinée en cas de nouveaux éléments démontrant cette intensité anormale.

Enfin, elle peut décider d'ajourner et de ne statuer définitivement qu'après examen d'informations complémentaires.

B. DES FAIBLESSES ANALYSÉES DÈS LA FIN DES ANNÉES 1990 ET PLAIDANT POUR LA MODERNISATION DU RÉGIME

De nombreuses réflexions ont été menées depuis les années 1990 sur l'efficience du régime CAT-NAT, par différents organismes tels que l'Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles (AFPCN) en 1998 ou bien encore plus récemment par les quatre inspections générales précitées. Leurs travaux ont établi un état des lieux du régime CAT-NAT, suivi de préconisations.

Parmi les critiques les plus récurrentes, votre groupe de travail a relevé la remise en cause du mode de fonctionnement de la procédure, l'absence d'encouragement aux comportements vertueux ainsi que la crainte de l'incapacité du régime à faire face aux défis climatiques.

1. Une remise en question du mode de fonctionnement

Certains sinistrés déplorent le manque de transparence du fonctionnement du régime d'indemnisation CAT-NAT. Les critères et les seuils établis par la commission interministérielle n'ont pas jusqu'à présent donné lieu à une publication officielle qui permette aux assurés ainsi qu'aux assureurs d'anticiper la décision finale de reconnaissance.

Si l'adaptation des critères a permis une certaine souplesse, elle a créé cependant un sentiment d'incompréhension chez certains sinistrés. La mesure de l'intensité anormale de l'aléa et le manque de simplicité des critères, jugés contestables, ont été maintes fois abordés lors des auditions.

La constante évolution du régime ainsi que la mise en place progressive d'un cadre juridique « foisonnant », selon les termes de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, apparaît plus comme une réponse circonstancielle d'urgence que comme la consolidation d'un système d'indemnisation. De surcroît, le traitement de la sécheresse de 2003 a clairement mis en lumière son incapacité à faire face à l'ensemble des demandes d'indemnisation.

Il est également reproché au régime de fonctionner, à certains égards, de manière trop systématique. Certains déplorent le manque d'implication des assureurs dans le régime actuel. Ces derniers assurent les biens et procèdent à l'indemnisation en cas de sinistre, sans s'interroger sur les mesures éventuelles de prévention qui auraient pu être prises.

La prévention reste donc le point faible du système actuel . A titre d'illustration, la modulation de la franchise n'a pas eu les effets escomptés .

Le groupe de travail constate ainsi qu' elle est demeurée peu appliquée. 516 communes ont vu leur franchise doubler, 173 l'ont vu tripler et 45 quadrupler fin 2008.

Application de la modulation des franchises aux communes

Franchise applicable

Nombre de communes

Inondation

Sécheresse

2006

2007

2006

2007

Doublée

516

527

79

169

Triplée

173

175

32

88

Quadruplée

45

44

8

40

Source : FFSA. Fichier arrêté le 4 décembre 2008

En outre, lorsqu'elle est appliquée, elle peut apparaître « inéquitable » , selon les termes de la mission de l'inspection générale. Les franchises ne dépendent ni du risque subi, ni des efforts consentis par l'assuré pour adopter des mesures de prévention ou de réduction de la vulnérabilité aux risques. L'assuré peut se trouver pénalisé par les lenteurs administratives dans la prescription de PPRN dont il n'est pas responsable.

Le groupe de travail s'est également interrogé sur la portée préventive de la modulation de franchise ainsi que sur ses effets paradoxaux.

Il adhère au constat de l'Association des Professionnels de la Réassurance en France (APREF), selon lequel la modulation des franchises s'est avérée peu incitative 83 ( * ) . En effet, l'APREF relève que peu de communes disposent d'une couverture des risques satisfaisante, comme l'indique la carte ci-dessous. Les zones grises représentent le territoire des communes qui bien qu'exposées à un risque naturel, ne sont couvertes par aucune mesure de prévention. Or, moins de 7.600 communes sont couvertes par un PPRN approuvé. Moins de 4.500 procédures engagées sont en attente de validation 84 ( * ) .

Prévention des risques naturels au 20 août 2009

Commune avec PPRn approuvé (hors PSS) (7558)

Commune avec PPRn appliqué par anticipation (241)

Commune avec PPRn prescrit (4418)

Commune avec PSS (876) 2

Commune à risque(s) naturel(s) (23393)

Source : Direction générale de la prévention des risques (DGPR), ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer 85 ( * )

En outre, la tentative d'articuler l'indemnisation et la prévention par la modulation de la franchise a conduit, dans certains cas, à des résultats paradoxaux . Certains PPRN apparaissent n'avoir été prescrits que dans la perspective exclusive d'éviter une augmentation de la franchise, comme le mentionne le commissariat général au développement durable 86 ( * ) dans l'étude précitée.

L'augmentation du montant de la franchise en tant que réponse conjoncturelle à la survenance ponctuelle d'aléas ne peut donc pas résoudre les problèmes plus structurels de prévention et de solidité financière du régime, que pose l'augmentation de l'exposition aux risques sous l'effet de la pression urbaine.

2. Des défis socio-économiques et climatiques ignorés

Il convient enfin de s'interroger sur le risque de remise en cause de la pérennité financière du système en raison de la probabilité de l'augmentation de la sinistralité et de ses coûts. Cette dernière tient tant aux transformations socioéconomiques qu'aux évolutions climatiques constatées.

Une étude de la FFSA relative à l'impact du changement climatique 87 ( * ) a analysé les tendances socioéconomiques de la société française au cours des vingt dernières années, afin d'anticiper les conséquences en matière de gestion du risque de catastrophe naturelle. L'accroissement de la population dans les zones urbaines exposées, l'augmentation de la masse assurable dans ces mêmes zones à risque, les flux migratoires peuvent, dans une certaine mesure, modifier, en l'aggravant, l'impact des catastrophes naturelles. Ainsi, cette étude relève que si les inondations de 1988 survenaient aujourd'hui, elles auraient probablement un coût supérieur à celui constaté à l'époque, en raison de la croissance économique des territoires concernés.

En outre, vos rapporteurs observent que l'environnement du système présidant à l'indemnisation CAT-NAT a considérablement évolué alors que les fondamentaux du régime actuel ont été peu modifiés depuis 1982. Des avancées significatives ont pourtant été réalisées en matière de connaissance des périls, ainsi que dans le domaine des outils informatiques permettant la création de cartographies 88 ( * ) et de modélisations des risques. La modernisation du régime CAT-NAT doit prendre en compte ce nouvel environnement.

S'agissant des évolutions climatiques, vos rapporteurs constatent à titre liminaire qu'il n'existe aucune certitude quant à l'augmentation des aléas en termes de fréquence ou d'intensité .

Cependant, en tout état de cause, le coût d'indemnisation CAT-NAT pourrait croître en raison , d'une part, de l'augmentation de l'exposition au risque et , d'autre part, de celle de la masse assurable.

Évolution des indemnités versées en France en millions d'euros par type d'indemnisation CAT-NAT et garantie tempêtes, grêle et neige sur les toitures

Source : APREF 89 ( * )

Ainsi s'agissant des inondations, l'APREF fait valoir qu'entre 1999 et 2009, la construction en zone inondable a augmenté de 7 % parce que « moins chère et plus agréable » 90 ( * ) alors que celle en zone non inondable n'a crû que de 6 %. En conséquence, le coût annuel moyen des sinistres croît, comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Coût annuel moyen par période (en millions d'euros, après actualisation)

1983-1987

1988-1992

1993-1997

1988-2002

2003-2006

115

178

310

392

581

Source : CCR

En 2003, ce coût moyen annuel a atteint un pic de 900 millions d'euros.

Le groupe de travail s'est appuyé sur les études du Centre européen de prévention des risques d'inondation ( CEPRI ). Il relève que le risque d'inondation est le premier risque naturel en France tant par l'importance des dommages que par l'étendue des zones inondables, soit près de 27.000 km². On dénombre plus de cinq millions d'habitants en zone inondable en France, et plus d'une commune sur trois est exposée à ce risque. Près de 400.000 établissements d'entreprises sont concernés par l'aléa en France métropolitaine, soit 8 % du nombre total recensé.

Part des logements individuels exposés au risque d'inondation par bassins versants en France en 2007 91 ( * )

Source : Mission des Risques Naturels

Le constat d'une tendance de l'augmentation du coût de la sinistralité s'impose également en matière de sécheresse , compte tenu de la fréquence des événements ainsi que du coût d'indemnisation .

6.999 communes ont été reconnues en état de catastrophes naturelles. Près de 20 % d'entre elles l'ont été deux fois et 7 % plus de cinq fois de 1988 à 2007. Or, il est à craindre une montée en charge de cette sinistralité 92 ( * ) dans l'attente de la mise en oeuvre d'une politique de prévention ciblée et efficace.

Répartition en pourcentage des 6.999 communes touchées
par un sinistre sécheresse de 1988 à fin septembre 2007

Source : FFSA

D'une manière plus générale, l'étude précitée de la FFSA tend à mettre en évidence un surcoût de 16 milliards d'euros en termes de dommages qui seraient causés par l'ensemble des aléas naturels (tempêtes inclues) dans les vingt prochaines années. Cette étude se fonde sur les tendances enregistrées entre 1988 et 2007. Ce montant se décomposerait, selon la FFSA, en 14 milliards de coût supplémentaire généré par l'augmentation de la masse assurable et 2 milliards correspondant à la croissance des zones exposées au risque.

Cette projection, réalisée à sinistralité constante, conduirait à un surcoût de trente milliards d'euros à horizon 2030 , selon la FFSA, si l'augmentation de la fréquence des aléas localisés et de l'intensité des évènements extrêmes était prise en compte.

En effet, l'étude projette une augmentation de la fréquence de :

- la sécheresse de 10 % entre 2007 et 2030 s'agissant des départements identifiés en zone argileuse ;

- des inondations de 15 % affectant plus particulièrement les régions exposées aux risques de débordement de cours, de remontées de nappes phréatiques ou de ruissellement urbain ;

- des tempêtes de 10 % dans les départements du tiers Nord de la France.

II. QUELLE RÉFORME POUR LE RÉGIME CAT-NAT ? MODERNISER, RESPONSABILISER ET ANTICIPER

Le régime d'indemnisation CAT-NAT a été modifié à plusieurs reprises afin d'adapter la couverture de la garantie ou sa procédure à la gestion des aléas naturels.

Le passé , le traitement de la subsidence, comme l'avenir , les défis des changements climatiques, commandent aujourd'hui de s'interroger sur la modernisation du régime . Souhaitée par l'ensemble des acteurs, il reste à définir le périmètre de cette modernisation. Cet mission conduit à se livrer à un exercice prospectif, si ce n'est « prophétique ». A quand le séisme de la côte d'Azur ou la crue de la Seine, ou tout simplement une accumulation des aléas, inondations et sécheresse, touchant plus d'un quart des communes ? Comment assurer l'inassurable ?

Comment allier une approche en termes de fréquence des catastrophes naturelles avec une vision également axée sur l'intensité , dans un cadre hybride associant solidarité et assurance ?

En premier lieu, il convient de relever que l'approche axée sur la fréquence des aléas a pu fonctionner de manière satisfaisante, en termes d'indemnisation. La sinistralité a été globalement modérée. Assureurs et assurés en sont satisfaits sur ce point. En revanche, vos rapporteurs s'interrogent sur la capacité du régime à gérer un aléa naturel à l'intensité exceptionnelle.

En second lieu, le groupe de travail regrette que la prévention des aléas, ainsi que la réduction de l'exposition aux risques, n'aient pas été suffisamment développées. Elles constituent pourtant la réponse la plus adéquate à la pérennité financière du régime .

L'effort de prévention ne se pose cependant pas dans les mêmes termes, selon qu'il s'agit d'un phénomène de faible ou forte intensité. Il est plus facile de supprimer les conséquences dommageables d'un risque de faible ampleur qu'un séisme.

Lors du cycle d'auditions, les représentants de la Direction générale du trésor et des politiques économiques (DGTPE) ont indiqué que le Gouvernement souhaite faire évoluer le régime sans remettre en cause la solidarité nationale. Partant du cas emblématique de la sécheresse de 2003, votre groupe de travail s'est livré à sa propre réflexion tout en observant que la plupart des points examinés relèvent du domaine réglementaire et non législatif comme cela est exposé dans la première partie du présent rapport.

C'est pourquoi vos rapporteurs ont tenté d'identifier, de manière non exhaustive, les voies et moyens de la modernisation du régime , de la prévention des aléas et de l'anticipation de la charge de la sinistralité , tous risques confondus. Le risque de subsidence a fait l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre en première partie.

A. LA NÉCESSITÉ DE CONSERVER LES CARACTÉRISTIQUES FONDAMENTALES DU RÉGIME TOUT EN LES AMÉNAGEANT

Le régime CAT-NAT fonctionne dans son ensemble de manière satisfaisante. La DGTPE a ainsi fait valoir, lors de son audition devant le groupe de travail 93 ( * ) , que le régime actuel offrait une « couverture qui satisfait globalement aussi bien les consommateurs, les représentants d'associations de consommateurs que les assureurs . » .

1. Un régime protecteur des assurés

Comme l'a souligné l'ACAM, lors de son audition devant le groupe de travail 94 ( * ) , seul un système de solidarité, à l'instar du régime CAT-NAT, permet d'offrir aux assurés une meilleure couverture des catastrophes naturelles à un coût modéré.

D'une part, un régime strictement assuranciel excluant la solidarité conduirait à un coût élevé pour l'assuré, comme en témoigne le dispositif britannique. Ce dernier est contraint de recourir à des primes élevées avec une franchise très importante et n'offre qu'un régime d'indemnisation restreint, ne concernant que les dommages aux structures du bâtiment, à l'exclusion de ceux provenant d'un défaut préalable de conception.

D'autre part, un recours au seul marché de l'assurance ne serait pas efficient en ce domaine, en raison de l'importance des montants en jeu et de la difficulté d'évaluer par avance le risque.

Le groupe de travail rappelle que plus de 99 % des communes de France ont été un jour indemnisé, une ou plusieurs fois, au titre du régime CAT-NAT depuis 1982. C'est ainsi qu'on dénombre au total 156.537 communes sinistrées répertoriées 95 ( * ) , sur une période allant de 1982 à 2008. 413 arrêtés ont été pris depuis 1982, tous types de périls confondus.

Nombre d'arrêtés depuis 1982

Années

Nombre d'arrêtés

1982

4

1983

22

1984

10

1985

6

1986

11

1987

11

1988

16

1989

13

1990

13

1991

9

1992

12

1993

18

1994

18

1995

15

1996

13

1997

11

1998

12

1999

17

2000

18

2001

22

2002

15

2003

18

2004

23

2005

30

2006

18

2007

13

2008

16

2009 (p)

9

Total

413

(p) provisoire

Source : CCR

Les graphiques ci-dessous retracent le pourcentage de communes reconnues en état de catastrophe naturelle depuis 1982 ainsi que leur répartition par type de périls.

Evolution du nombre de communes soumises de 1982 à 2008

réparties par exercices de survenance des événements

(en milliers sur l'échelle de gauche et en pourcentage sur l'échelle de droite)

Source : CCR

Les inondations représentent le risque majeur affectant le plus grand nombre de communes.

Répartition des communes sinistrées par type de périls (cumul 1982-2008)

Source : CCR, Journal Officiel, situation du fichier des arrêtés catastrophes naturelles au 21/09/2009 96 ( * )

Ventilation des autres périls

Source : CCR, Journal Officiel, situation du fichier des arrêtés catastrophes naturelles au 21/09/2009

Protecteur des assurés, le régime CAT-NAT donne également satisfaction au secteur assuranciel, tant aux assureurs qu'à la CCR.

2. Un régime globalement équilibré pour le secteur assuranciel

a) Une gestion bénéficiaire du régime au profit du secteur de l'assurance

Selon les données de la FFSA, le coût des aléas naturels indemnisés au titre du régime CAT-NAT par les assureurs français, s'est élevé approximativement à 17,2 milliards d'euros 97 ( * ) , hors DOM-TOM 98 ( * ) , de 1988 à 2007.

L'étude relative à l'impact du changement climatique précitée de la FFSA a tenté de répartir l'ensemble des aléas naturels en deux catégories 99 ( * ) :

- d'une part, les événements localisés , fréquents et d'une intensité relative ;

- d'autre part, les événements extrêmes dévastateurs mais peu fréquents. Il convient de noter que l'ensemble de ces aléas sont couverts par le régime CAT-NAT ainsi que par le régime « tempêtes » 100 ( * ) .

Poids relatif des principaux événements relatifs indemnisés par les assureurs entre 1988 et 2007

Source : FFSA

Les événements extrêmes représentent 40 % des indemnités versées par les assureurs 101 ( * ) . Ces derniers sont particulièrement dévastateurs. 55 % du coût de ces aléas est dû aux tempêtes extrêmes contre 25 % pour la sécheresse et de 20 % pour les inondations.

Catastrophes naturelles « extrêmes » en France

Année

Evénements

Coût en millions d'euros

Période de retour estimée (1)

1988

Inondations dans le Gard

521

50 ans

1990

La tempête Daria balaye une grande partie de l'Europe occidentale

1 500

18 ans

1992

Inondations à Vaison-la-Romaine

381

50 ans

1999

Les tempêtes Lothar et Martin

6 900

120 ans

2002

Inondations dans le Gard

810

75 ans

2003

Inondations allant de la Loire aux Pyrénées, en passant par le sud-est et plus particulièrement Arles

769

100 ans

2003

Canicule entraînant de nombreux dégâts aux bâtiments sur l'ensemble de la France

1 300

20 ans

Source : FFSA

S'agissant des aléas naturels localisés 102 ( * ) , l'inondation constitue, selon la FFSA 103 ( * ) , le risque majeur en France sur les vingt dernières années. Elle représente approximativement 60 % du coût des sinistres de cette catégorie sur la période 1982-2006 . La sécheresse et les événements cycloniques en constituent respectivement 34 % et 7 %. La FFSA observe une hausse de la sinistralité due à la sécheresse puisque fin 2007, 32 % des indemnités catastrophes naturelles depuis 1982 concernaient des sinistres causés par la sécheresse, contre 12 % fin 1993.

En dépit de la volatilité de la sinistralité, les données financières du régime CAT-NAT sont aujourd'hui équilibrées , voire bénéficiaires certaines années, ainsi que le démontre le graphique ci-dessous.

Evolution des primes et sinistres hors automobile pour le marché de l'assurance
par exercice de survenance

(en millions sur l'échelle de gauche et en pourcentage sur l'échelle de droite)

Source : CCR comptabilité cédante à fin 2008

Le chiffre d'affaires CAT-NAT représente, dans l'ensemble des comptes des assureurs, 3 % du chiffre d'affaires direct de l'ensemble des assurances de biens et de responsabilité ( cf . graphique ci-dessous).

Structure du chiffre d'affaires directes en assurances de biens en responsabilité en 2008.

Source : FFSA

Le résultat technique des assureurs sur la période allant de 1995 à 2007 s'élève à environ 21 % avant réassurance du montant total des 13,6 milliards d'euros 104 ( * ) de primes acquises, soit 2,88 milliards d'euros. Après réassurance, le résultat ne représente plus que 5,5 % soit , au total, 744 millions d'euros sur la période .

En l'absence de données définitives sur 2007 et 2008, en raison d'une évolution de la sinistralité 105 ( * ) , vos rapporteurs observent que le résultat du compte technique pour 2007 pour les assureurs s'est élevé à 134 millions d'euros . Les primes, avant cession à la CCR ont représenté 1,348 milliard d'euros. Les primes cédées aux réassureurs se sont établies à 806 millions d'euros en 2007 dont 685 millions d'euros au bénéfice de la CCR. Parmi les charges les plus importantes, on relève le paiement des prestations pour 690 millions d'euros ainsi qu'une charge de réassurance de 391 millions d'euros.

Synthèse du compte du résultat technique des assureurs

Poste

2006

2007

En millions d'euros

%

En millions d'euros

%

Primes nettes

1.322

100

1.348

100

Dotations aux provisions de primes

-1

-0,1

-7

-0,5

Produits financiers alloués

102

7,8

93

6,9

Charges des prestations *

386

29,2

690

51,2

dont Sin. payés (nets de recours)*

494

37,4

630

46,8

dont Dot. aux provisions pour sinistres

-135

-10,2

81

6,0

dont Dot. aux provisions techniques

24

1,8

-14

-1,1

Frais d'acquisition

135

10,2

143

10,6

Frais d'administration

74

5,6

67

5,0

Charges de la réassurance

591

44,7

391

29,0

Résultat technique

227

17,2

134

9,9

* Y compris les frais de gestion des sinistres.

Source : FFSA

Examiné sur la période des vingt-trois dernières années, ce résultat, peut être considéré comme proche de la moyenne des exercices précédents. Il correspond à 9,9 % des cotisations de l'année, comme l'indique le graphique ci-dessous.

Evolution du solde d'exploitation depuis 1984 en % des primes nettes

Source : FFSA

L'exposition financière des assureurs au risque des catastrophes naturelles est donc réelle . Leur solde net peut être négatif dès que le ratio sinistre rapporté à primes dépasse 100 %, comme cela a été le cas, notamment, avec la sécheresse de 2003.

b) Une amélioration sensible de la capacité de réassurance de la CCR depuis 2004.

La réassurance joue un rôle essentiel dans la gestion des risques ainsi que dans l'équilibre financier du régime CAT-NAT. La CCR offre aux assureurs la possibilité de lisser la charge de la sinistralité , comme en témoigne le graphique ci-dessous.

Impact de la réassurance sur le résultat technique

Source : FFSA

En effet, la moitié des primes perçues par les assureurs sont en fait reversées aux réassureurs qui supportent les risques des catastrophes majeures. Les dommages causés par la sécheresse 2003 ont ainsi été largement pris en charge par la CCR.

Le groupe de travail se félicite du rétablissement financier de la CCR après 2004 dans un contexte de crise financière. Son chiffre d'affaires brut, qui s'élève à 1.207,9 millions d'euros, est en augmentation de 4 % en 2008.

La répartition de ce chiffre est de 64 % pour les activités de réassurance avec garantie de l'Etat et de 36 % pour celles de réassurance de marché. La part des réassurances avec garantie de l'Etat progresse, en 2008, de 1,2 %, à 774 millions d'euros contre 765,2 millions en 2007 106 ( * ) .

Les encaissements afférents aux risques de catastrophes naturelles en France représentent 91 % de l'ensemble des activités 107 ( * ) , avec garantie de l'Etat, de la CCR. Ils s'élèvent à 709,3 millions d'euros en 2008.

Chiffres d'affaires par types de risques (en millions d'euros)

Source : CCR

Le bénéfice net de l'exercice 2008 pour l'ensemble des activités de la CCR a progressé de près de 18 % et s'est établi à 288,8 millions d'euros. La part attribuable à la réassurance CAT-NAT est approximativement de 220 millions d'euros dans ce total.

Données financières de la CCR en millions d'euros

2007

2008

Chiffre d'affaires (brut de rétrocessions)

1.157

1.208

Sinistres de l'exercice (brut de rétrocessions)

480

535

Revenus financiers (nets de charges)

202

222

Frais généraux et impôts (autres que celui sur les sociétés)

40

42

Résultat net (pour l'ensemble de ces activités)

245

289

Actifs gérés (placements et banques)

5.722

6.173

Capitaux propres après répartition du résultat

1.237

1.439

Provisions techniques brutes

4.767

5.086

Total du bilan

6.227

6.747

Effectif moyen

238

234

Source : CCR

Après affectation du résultat, les fonds propres atteignent, en 2008, 1.439 millions d'euros. Cette amélioration de la situation financière de la CCR depuis 2005 108 ( * ) lui confère une marge de solvabilité représentant, compte tenu des plus-values latentes sur actifs 109 ( * ) , 156,2 % des primes nettes. Les provisions techniques nettes s'élèvent à 5.086 millions d'euros, soit 433,4 % des primes nettes.

Ce résultat est dépendant de la charge de la sinistralité.

Le résultat net CAT-NAT de la CCR a été ainsi nul en 1999, année des deux grandes tempêtes des 26 et 27 décembre. Celui pour l'ensemble des activités de la CCR n'était que de 24 millions d'euros. La garantie de l'Etat ayant joué, la CCR a dû reprendre 75 millions d'euros sur ses provisions d'égalisation qui ont ainsi historiquement atteint le niveau le plus bas, soit 155 millions d'euros.

Le résultat net CAT-NAT a été à nouveau nul en 2003 , année de la sécheresse, alors que le résultat net de la CCR pour l'ensemble de ces activités s'est élevé à 51 millions d'euros.

*

* *

Votre groupe de travail conclut donc à la nécessité de moderniser le régime CAT-NAT sans remettre en cause ses fondements : la solidarité face à un risque inassurable et l'indemnisation par les assureurs. Il souhaite non seulement tenir compte des leçons du passé mais anticiper le risque d'augmentation du coût de la sinistralité.

Il a pris connaissance des orientations principales du projet de réforme du gouvernement lors de l'audition des représentants de la DGTPE. Cette dernière a présenté succinctement lors de son audition les préconisations à l'étude qui comportent notamment une « objectivation de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle », ainsi que la « promotion des comportements de prévention dans un contexte de changement climatique ».

B. LA MODERNISATION : ACCROÎTRE LA TRANSPARENCE ET LA PROXIMITÉ DE LA PROCÉDURE

Les critiques exprimées au sujet du manque de transparence de la procédure CAT-NAT ont conduit le groupe de travail à examiner les pistes de réflexion tracées en matière de traduction normative des critères et de définition des seuils de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

1. Une gestion plus transparente : la traduction normative des critères et des seuils

En l'absence de texte normatif portant application des dispositions de l'article L.125-1 du code des assurances relatives à l'arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe naturelle, la commission interministérielle a défini la notion d'intensité anormale à partir de critères et de seuils que reproduit le tableau ci-dessous.

Critères et seuils retenus par la commission interministérielle
pour définir la notion d'intensité anormale

Phénomène naturel

Critère

Seuil

Organisme scientifique chargé de la mesure

Vents cycloniques

Vitesse des vents

145 km/h en moyenne sur 10 min

215 km/h en rafales

Météo France

Séismes

Intensité macrosismique

> VI

BCSF

Inondations par ruissellement

Durée de retour des précipitations

DR > 10 ans

Météo France

Inondations par débordement de cours d'eau

Durée de retour des débits de pointe ou des hauteurs d'eau

DR > 10 ans

Météo France

Source : DGTPE

Cette élaboration, en dehors de tout cadre réglementaire, a permis dans une certaine mesure de mettre en place un régime souple par souci d'équité .

Lors de son audition, la CCR, qui assure le secrétariat de la commission interministérielle, a tenu à souligner que celle-ci se livrait à un examen rigoureux lors de l'élaboration de son avis sur la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Les modalités de transmission des dossiers par les préfets telles que prévues par la circulaire du 19 mai 1998 110 ( * ) illustrent l'objectivité de la procédure.

Extrait de la circulaire du 19 mai 1998 à l'attention des préfets

C - TRANSMISSION DES DOSSIERS

« En premier lieu, il importe, comme cela a souvent été rappelé, que les délais d'envoi des dossiers au ministère de l'intérieur, direction de la défense et de la sécurité civiles, soient les plus réduits possibles. Le délai d'un mois, généralement respecté constitue une bonne mesure.

« En effet, des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle font parfois référence à des événements datant de plusieurs mois. Ceci complique inévitablement la tâche des experts sollicités dans le cadre des procédures d'indemnisation, compte-tenu de la difficulté évidente au-delà d'un certain temps, de constater « les dommages matériels directs » causés par l'intensité anormale d'un agent naturel.

« Par ailleurs, nous vous demandons de veiller à ce que les dossiers constitués par vos services soient complets. La commission interministérielle ne peut statuer sur des dossiers incomplets, qui sont donc source de retards préjudiciables aux intérêts des sinistrés.

« En outre, il vous est demandé, dans la mesure du possible, de regrouper les demandes relatives à un même événement et d'éviter ainsi plusieurs saisines de la commission.

« Lorsque vous êtes saisi de demandes de reconnaissance manifestement hors du champ d'application de la loi, il vous appartient d'en faire retour aux communes dont elles émanent. »

Source : Circulaire relative à la constitution des dossiers relatifs aux demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

En outre, depuis la loi du 13 août 2004 111 ( * ) , la décision interministérielle assortie d'une motivation est notifiée aux maires par les préfets, y compris en cas de refus de reconnaissance de l'état de catastrophes naturelles.

Vos rapporteurs relèvent néanmoins que ce système a généré un sentiment d'incompréhension de la part des assurés puisque ces derniers jugent les critères le plus souvent comme inintelligibles, voire contestables . Des groupes de travail ont été mis en place afin de répondre à ces critiques. A ce sujet, vos rapporteurs appellent de leurs voeux une simplification et une formulation pédagogiques de ceux-ci.

De surcroît, face au défaut de publicité de ces critères, votre groupe de travail juge que leur traduction normative 112 ( * ) au niveau national constituerait une avancée en termes de transparence.

En effet, d'une part, les assureurs seraient en mesure d'évaluer de manière plus appropriée les coûts d'assurance et de réassurance. Ils pourraient éventuellement développer une couverture complémentaire au régime CAT-NAT. D'autre part, les assurés disposeraient d'une grille de lecture claire leur permettant non seulement d'anticiper ou non une indemnisation en cas de sinistre, mais également de se prémunir contre un tel risque en souscrivant une assurance complémentaire.

En outre, il a été rapporté, dans certains cas, au groupe de travail que les refus de reconnaissance n'étaient pas motivés ou l'étaient de manière jugée trop sommaire . Ce dernier déplore ces lacunes et estime que la mise à disposition des motivations fondant le refus de reconnaissance sur un portail Internet permettrait une pleine mise en oeuvre des dispositions de la loi du 13 août 2004.

Si la publicité des critères devrait accroître la transparence du régime CAT-NAT, elle ne constitue cependant qu' une réponse partielle aux différentes critiques. Elle n'apporte pas de solution adéquate à la question de la prévention. Elle ignore également le traitement des catastrophes naturelles d'une intensité extrême. Elle ne permet donc pas « de trancher tous les cas de figure, particulièrement en cas d'événement atypique ou de circonstances singulières » ainsi que l'a fait valoir la CCR 113 ( * ) .

2. Une suppression des arrêtés contraire à la protection des assurés

L'une des pistes de réflexion envisagées, dans le prolongement du principe d'une « traduction normative » des critères, consisterait à supprimer la prise de l'arrêté interministériel de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Le Gouvernement propose ainsi de renvoyer le constat de cet état à des organes disposant d'une expertise scientifique. Il se fonde pour cela sur l'objectivation et la publicité des critères et des seuils qu'il compte établir dans un cadre réglementaire. Ces organismes auraient pour mission de mesurer les aléas naturels puis de publier leurs observations. Celles-ci permettraient, selon le Gouvernement, d'évaluer le caractère exceptionnel des aléas naturels en se référant aux seuils ainsi définis. Ce dernier propose, en conséquence, de supprimer les arrêtés interministériels.

Vos rapporteurs ne se déclarent pas favorables à cette simplification « radicale » de la procédure, pour plusieurs motifs.

En premier lieu, la suppression de la prise d'arrêté repose sur le postulat d'une objectivation parfaite des critères. Or si le groupe de travail considère souhaitable de simplifier et de rendre publics ces critères, il émet des réserves quant à la réalisation d'une objectivation totale de ceux-ci.

Le cas des inondations illustre ces réserves. La commission interministérielle a interprété la notion d'intensité anormale en fixant une durée de retour. Cette « objectivation » est plus ou moins complexe, en fonction du type d'inondations.

S'agissant du ruissellement pluvial, le groupe de travail convient que la localisation des points de mesure du phénomène apparaît satisfaisant. En revanche, les critères et seuils objectifs concernant la formation de crues torrentielles ainsi que la montée lente des eaux par remontée des nappes phréatiques sont plus difficiles à établir, comme le souligne l'Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles (AFPCN). De surcroît, les mises à jour des mesures et statistiques des nouveaux phénomènes constituent des processus permanents d'évaluation de ces seuils et critères.

Le constat vaut également pour les vents cycloniques. La détermination des vitesses locales et instantanées de ceux-ci est particulièrement délicate à établir comme en témoignent les changements de classement des cyclones.

En conséquence, le manque d'objectivation parfaite des critères pourrait être source de contestation de la part de l'assuré face à un refus de reconnaissance. Vos rapporteurs craignent alors que la simplification de la procédure de reconnaissance par la suppression des arrêtés interministériels ne favorise la judiciarisation du système d'indemnisation CAT-NAT. Les assurés, sans intermédiation du préfet et des maires, se trouveraient seuls face à l'assureur. Ils pourraient être incités à faire « arbitrer » le refus d'indemnisation de l'assureur par un juge.

En second lieu, s'agissant du rôle dévolu à un ou des collèges à vocation scientifique dans la constatation de l'état de catastrophe naturelle, vos rapporteurs estiment que ces organismes ne devraient pas être placés dans une position telle que la décision in fine de reconnaissance se fonde uniquement sur leurs observations.

S'il est envisageable qu'un tel organisme scientifique, autorité administrative indépendante, ait pour mission de mesurer les aléas naturels, de publier ses constats et éventuellement de poursuivre une réflexion sur l'évolution scientifique des critères et des seuils, il convient de souligner que l'arrêté interministériel revêt, quant à lui, une portée symbolique , dont est dépourvu un constat scientifique. La puissance publique reconnaît par la prise de cet arrêté non seulement l'état de catastrophes naturelles, mais également la situation tragique des citoyens sinistrés.

3. Une gestion plus proche à l'échelon local

D'autres pistes de réflexion ont été avancées notamment par l'AFPCN qui préconise que la déclaration de l'état de catastrophe naturelle soit prise à l'échelon départemental, sur la base de critères définis au niveau national. Elle propose que la commission départementale de prévention des risques naturels majeurs prévue par la loi sur les risques de 2003 114 ( * ) émette l'avis de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Si vos rapporteurs se déclarent favorables à l'instruction et à la formulation de l'avis de reconnaissance CAT-NAT à un niveau infra-national , ils craignent cependant que l'échelon départemental ne conduise à des inégalités de traitement entre départements pour un même sinistre. C'est pourquoi ils proposent que cet avis soit pris au niveau local pertinent , au regard des compétences administratives.

En cas de contestation de l'avis formulé par la « commission locale », un recours pourrait être prévu au niveau national, devant la commission interministérielle. Cette dernière veillerait à harmoniser les avis locaux.

Cette mesure permettrait donc d'introduire la proximité dans la procédure souhaitée par les sinistrés. L'opportunité d'un tel dispositif ainsi que ses modalités devraient néanmoins être étudiées de manière approfondie. Il convient de s'assurer qu'il ne conduise pas à un allongement des délais. La composition d'une telle commission locale pourrait être plus large que celle de la commission interministérielle afin que tous les acteurs du circuit soient représentés, avec ou non voix consultative.

4. L'offre d'une couverture privée infra CAT-NAT

L'objectivation des critères ne pouvant être parfaite, vos rapporteurs se sont interrogés sur la capacité des assureurs à développer une couverture complémentaire en deçà des seuils retenus pour constater l'état de catastrophe naturelle.

A titre liminaire, il convient de souligner que l'assurabilité ainsi que le seuil d'assurabilité sont des concepts complexes à définir. Ils dépendent de la connaissance du risque, de la capacité de modélisation des aléas et de mutualisation des risques.

Or, la localisation des aléas , tels que les inondations, peut être de nature à réduire l'intérêt d'une telle mutualisation . Elle entraîne le plus souvent une augmentation du coût de la couverture pour l'assuré.

C'est pourquoi, vos rapporteurs rappellent que le fondement du régime CAT-NAT est de proposer une couverture solidaire pour ce genre d'aléas naturels à l'intensité anormale non assurables .

Cependant, dans la mesure où des critères et seuils ont été définis avec suffisamment de précision afin de permettre aux assureurs de déterminer l'exposition au risque, un marché complémentaire des aléas localisables assurables, hors couverture CAT-NAT, devrait être en mesure de se développer.

C. LA PRÉVENTION : RESPONSABILISER LES ACTEURS

Votre groupe de travail a jugé que la prévention des catastrophes naturelles devait, au regard de la solidarité nationale, mobiliser l'ensemble des acteurs du circuit d'indemnisation, pouvoirs publics, administrés et assureurs.

1. La prévention à la charge des pouvoirs publics

En premier lieu , vos rapporteurs ont jugé que le volet préventif du régime CAT-NAT ne pouvait être envisagé indépendamment du cadre de la politique d'aménagement du territoire . Ce constat présenté dans la première partie vaut pour tous les risques.

Il est, en effet, essentiel d' orienter l'urbanisation en fonction de l'exposition aux risques d'aléas naturels attachés à chaque territoire , tant sur un plan opérationnel (celui de la gestion des territoires) que sur un plan institutionnel (par une meilleure collaboration entre les différents services impliqués).

La gestion des aléas naturels a vocation à être traitée, à la base, dans les dispositions des documents d'urbanisme, communaux et intercommunaux, cartes communales, plans locaux d'urbanisme (PLU) et schéma de cohérence territoriale (SCOT) ainsi que leur articulation avec celles des PPRN. Les PLU jouent notamment un rôle préventif par le biais de l'interdiction ou l'acceptation sous certaines conditions notamment un permis de construire en zone inondable.

L'outil majeur de cette prévention réside cependant dans la prescription et l'approbation des PPRN. Ces derniers doivent tenir compte des risques naturels dans l'aménagement, la construction et la gestion des territoires. Leur prescription doit constituer pour l'Etat une priorité, tant au titre de la protection des biens que de l'environnement.

Cependant, vos rapporteurs tiennent à exprimer des réserves contre toute accélération d'une production quantitative de PPRN « vides » de dispositions concrètes de prévention .

De surcroît, ils s'interrogent sur la pertinence de l'échelle d'élaboration de ces plans . Prescrits par le préfet qui détermine le périmètre et la nature des risques, les PPRN réglementent l'utilisation des sols à l'échelle communale. Or, il existe un risque éventuel d'hétérogénéité entre les différents plans .

Ce risque a bien été cerné par les instances communautaires. Les dispositions de la directive « inondation » 115 ( * ) énoncent ainsi « les mesures de réduction [des risques d'inondation] devraient, dans la mesure du possible, être coordonnées à l'échelle d'un bassin hydrographique pour être efficaces » 116 ( * ) . En conséquence, l'article 7 de la directive précise que « les États membres établissent des plans de gestion des risques d'inondation coordonnés à l'échelon du district hydrographique ».

A l'instar des dispositions de la directive en matière d'inondation, vos rapporteurs estiment qu'une conception des PPRN à un niveau adapté à la réalité de l'exposition au risque, à définir selon les aléas, aurait un double effet. Elle inciterait à l'adoption de tels plans. Elle en favoriserait la cohérence et renforcerait le pilotage global des risques. En outre, l'adoption d'une approche plus générale en matière de conception des PPRN n'est pas incompatible avec une traduction et une mise en application locales.

La directive « inondation » est en cours de transposition 117 ( * ) par la voie du dépôt d'un amendement du Gouvernement portant article additionnel après article 81 du projet de loi portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II). Vos rapporteurs se félicitent que cet amendement requière que les PPRN soient compatibles avec les documents d'urbanisme 118 ( * ) .

En deuxième lieu , votre groupe de travail souhaite que soit mise en place une action plus globale et coordonnée, moins sectorielle entre les différentes directions et services des ministères et organes déconcentrés. Les problèmes posés par les événements climatiques sont par définition transversaux. Leurs conséquences socio-économiques ne peuvent se réduire à une seule initiative. Vos rapporteurs préconisent également le renforcement d'une gouvernance plus active des risques, exercée conjointement par les préfets et les présidents de conseils généraux qui financent les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

Ils se déclarent favorables à la proposition formulée par la DGTPE lors de son audition, de créer un observatoire public chargé notamment de recenser l'ensemble des efforts de prévention des risques.

En dernier lieu , vos rapporteurs jugent que l'information préventive relative aux risques de catastrophes naturelles doit être renforcée, tout en la simplifiant cependant.

Les dossiers départementaux des risques majeurs ( DDRM ) et les plans communaux de sauvegarde ( PCS ) témoignent d'avancées certaines en matière d'information. Ces derniers devraient constituer, pour les maires, un véritable document de référence pour les différents types de risques, ainsi que pour la gestion de crise mais également pour la prévention. Vos rapporteurs conviennent que leur emploi est variable selon les territoires mais appellent de leurs voeux à une utilisation plus fréquente de ces plans.

2. La prévention à la charge des assurés

Outre les préconisations particulières au traitement du risque de subsidence, développées dans la première partie , votre groupe de travail a examiné les effets d'une modulation de la prime et de la franchise sur la prévention des risques.

Les représentants de la DGTPE lors de leur audition par le groupe de travail ont évoqué la possibilité de permettre aux assureurs de moduler les primes et les franchises applicables dans le cadre du régime CAT-NAT, en fonction du risque encouru.

A titre liminaire, votre groupe de travail observe que la modulation de la prime constitue un enjeu financier certain. Les cotisations au titre de l'assurance CAT-NAT se sont élevées en 2007 à 1.348 millions d'euros 119 ( * ) , soit 3,1 % des cotisations de l'ensemble des assurances de biens et de responsabilité.

De surcroît, vos rapporteurs rappellent que la prime additionnelle CAT-NAT a, dans le passé, été augmentée, afin de faire face à une baisse sensible des provisions d'égalisation de la CCR.

Cependant, ils considèrent que l'impact sur la prévention attendu par cette modulation doit être nuancé . Il doit être envisagé différemment selon qu'il s'agit des particuliers ou des professionnels.

S'agissant des particuliers, cette option soulève des objections, tant du point de vue des principes que sous l'aspect technique . Les mutuelles du GEMA se déclarent ainsi « opposées au principe de cette proposition. (...) . Nous sommes dans un système de solidarité : les assurés habitants au sixième étage d'un immeuble situé rive droite de la Seine, non exposés en matière de risques naturels, paient la même surprime que ceux habitant dans les départements d'outre-mer. Aucune association de consommateurs, aujourd'hui, ne conteste ce principe de solidarité ».

De surcroît trois réserves doivent être mentionnées sur un plan purement technique :

- la modulation de la surprime d'un particulier n'aurait vraisemblablement que peu d'effet incitatif à la prévention, en raison de la modicité de son montant . La prime d'un contrat multirisques habitation s'élève approximativement à 200 euros. La prime additionnelle CAT-NAT représente donc environ 24 euros pour un particulier ;

- en outre, l'application équitable d'une modulation accrue des primes supposerait une connaissance relativement fine de l'exposition au risque de chaque assuré, dont les pouvoirs publics ne disposent pas, à ce stade, pour l'ensemble des aléas naturels ;

- enfin, une telle modulation conduirait à accroître les coûts de gestion de la surprime. Elle nécessiterait un dialogue particulièrement pédagogique entre l'assureur et les assurés afin d'expliquer les différences de taux.

En revanche, vos rapporteurs relèvent que la modulation de la surprime due par les professionnels pourrait constituer un facteur plus incitatif à la prévention, sans contrevenir au principe d'équité :

- en effet, le montant de la prime d'un contrat d'assurance « dommages » est par nature beaucoup plus important dans le cas d'une entreprise, en raison de sa taille et de la valeur des biens à assurer ;

- en outre, les entreprises peuvent disposer de l'expertise nécessaire afin de réduire leur exposition aux risques d'aléas naturels et d'adapter leurs outils de production. Les assureurs envoient généralement des experts sur leurs sites. Ceux-ci établissent un diagnostic afin de fixer le montant de la prime.

Cependant, vos rapporteurs s'interrogent sur les effets potentiellement négatifs de la mise en oeuvre d'une telle mesure car le montant de la surprime varie en fonction de la prime du contrat « dommages » qui est établie librement.

Une liberté de tarification de la modulation pourrait éventuellement conduire, dans certains cas, à une baisse du taux de la surprime CAT-NAT non seulement en cas de faible exposition au risque de l'entreprise, mais également, paradoxalement en cas d'exposition forte . En effet, la négociation de la prime CAT-NAT est « fongible » dans le contrat « assurance-dommages ». Puisque la réassurance offerte par la CCR permet de limiter les pertes de l'assureur en matière d'indemnisation CAT-NAT, un assureur pourrait donc être tenté de proposer le plus bas taux de surprime CAT-NAT de la fourchette et corrélativement augmenter la prime générale pour les autres risques auxquels son exposition est plus importante. Il en résulterait un moindre montant des primes offertes en cession à la réassurance et donc un moindre financement global du système si la fourchette des taux modulés commence à un taux inférieur à 12 %. La définition d'une fourchette entre 12 % et 30 % 120 ( * ) permettrait, en revanche, de limiter les effets de cet aléa moral. Cependant votre groupe de travail précise qu'il n'a pas disposé des données économiques nécessaires à l'évaluation d'un tel aléa.

Enfin, il n'estime pas opportun de mettre en place une modulation de la franchise des assurés, en l'absence d'étude d'impact démontrant l'effet d'une telle mesure. Cette modulation remettrait en cause le caractère solidaire du régime CAT-NAT. Elle serait en outre complexe à mettre en oeuvre.

3. Une clarification des missions du Fonds Barnier

Votre groupe de travail a examiné de manière non exhaustive les différentes sources de financement de la prévention . Outre les crédits budgétaires, la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les communes, les programmes d'urbanisme, les contrats de projet Etat-région etc, il s'est particulièrement intéressé aux missions ainsi qu'au mode de fonctionnement du Fonds Barnier.

Historiquement, le Fonds devait indemniser les personnes expropriées en raison d'une catastrophe naturelle. Ses missions ont considérablement évoluées.

L'élargissement progressif du champ des opérations finançables
par le fonds de prévention des risques naturels majeurs
(FPRNM) ou fonds « Barnier »

1) Loi n° 97-1239 du 29 décembre 1997 de finances rectificative pour 1997 : financement, à titre exceptionnel et sous certaines conditions, des études et travaux réalisés dans le cadre de la prévention des risques liés aux glissements de terrain de grande ampleur des Ruines de Séchilienne (Isère) et de La Clapière (Alpes-Maritimes).

2) Loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 : financement, du 1 er janvier 2000 au 1 er septembre 2006, de 50 % des dépenses de l'Etat afférentes aux études nécessaires à la préparation et à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles.

3) Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité : contribution possible du fonds au financement des opérations de reconnaissance des cavités souterraines et des marnières dont les dangers pour les constructions ou les vies humaines sont avérés, à l'acquisition amiable d'un immeuble exposé à des risques d'effondrement du sol qui menace gravement des vies humaines, et à des travaux de mise en sécurité relatifs à ces risques dès lors que ces travaux sont moins coûteux que l'expropriation prévue à l'article L. 561-1 du code de l'environnement.

4) Loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages : extension, sous certaines conditions, de la contribution du fonds :

a) à l'acquisition amiable, par l'Etat, par une commune ou un groupement de communes, de biens menacés par l'un des risques éligibles à l'expropriation pour risque naturel majeur, lorsque les travaux de prévention sont plus coûteux ;

b) à l'acquisition amiable de biens d'habitation et des biens liés à une activité économique de taille modeste fortement sinistrés à la suite d'une catastrophe naturelle ainsi que de leurs terrains d'assiette ;

c) aux études et travaux de prévention à maîtrise d'ouvrage privée sur les biens couverts par la garantie contre les catastrophes naturelles, réalisés en application de plans de prévention des risques approuvés ;

d) aux actions d'information des populations en ce qui concerne les conditions générales de leur indemnisation au titre de la garantie d'assurance.

5) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 : financement, dans la limite de 10 millions d'euros par an et jusqu'au 31 décembre 2008, des études et travaux de prévention des collectivités locales dans les communes dotées d'un plan de prévention des risques.

6) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 : financement, pour les risques majeurs :

a) de 75 % des dépenses afférentes à la préparation et à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles et aux actions d'information préventive sur les risques (dans la limite de 16 millions d'euros par an, du 1 er janvier 2006 au 31 décembre 2012) ;

b) de 50 % du coût des études et 25 % du coût des travaux de prévention contre les risques naturels dont les collectivités territoriales ou leurs groupements assurent la maîtrise d'ouvrage, dans les communes couvertes par un plan de prévention des risques prescrit ou approuvé (dans la limite de 33 millions d'euros par an et jusqu'au 31 décembre 2012) ;

c) de 50 % du coût des études et 25 % du coût des travaux de prévention des conséquences dommageables qui résulteraient du glissement de terrain du site des Ruines de Séchilienne dans la vallée de la Romanche (dans la limite de 35 millions d'euros par an et jusqu'au 31 décembre 2012).

7) Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques :

a) contribution, sous forme de fonds de concours à l'Etat, au financement des études et travaux de prévention contre les risques naturels majeurs et de protection des lieux habités contre les inondations, réalisés ou subventionnés par l'Etat (dans la limite de 40 millions d'euros et pour les seules dépenses engagées par l'Etat avant le 1 er janvier 2007) ;

b) contribution au financement d'études et travaux de prévention ou de protection contre les risques naturels dont les collectivités territoriales ou leurs groupements assurent la maîtrise d'ouvrage, dans les communes couvertes par un plan de prévention des risques prescrit ou approuvé (dans la limite de 55 millions d'euros par an et jusqu'au 31 décembre 2012, avec taux maximum d'intervention de 50 % pour les études, 40 % pour les travaux de prévention et 25 % pour les travaux de protection).

8) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 : augmentation du plafond de prélèvement opéré sur le produit des primes ou cotisations additionnelles CAT-NAT de 8 % à 12 %.

Source : MEDDAT

Corrélativement, son financement a été augmenté. Comme on l'a vu plus haut, le prélèvement CAT-NAT au bénéfice du Fonds est passé de 2 % à 12 %. Il constitue désormais 90 % de ses ressources.

Ce constat conduit à s'interroger sur l'imputation de ses dépenses ainsi que sur la nature de sa participation à la politique de prévention. Selon la FFSA, le Fonds tend à se substituer aux crédits budgétaires alloués à la politique publique de prévention des risques naturels. Il diminue les ressources du régime CAT-NAT par le prélèvement opéré sur les primes.

Cependant, force est de constater qu'il participe activement à des actions en matière de prévention des aléas naturels coûteuses. Les mesures de prévention, hors étude, se sont élevées à 95,5 millions d'euros entre 2003 et 2008.

Dépenses à la charge du FPRNM au cours de la période 2003-2008

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Cumul 2003-2008

Montant

%

Indemnités d'expropriation

3,1

1,7

8

4,3

10,6

1,4

29,1

9,2

Evacuations temporaires et relogement

-

-

0,1

0,1

0,2

0,1

0,5

0

Financement des PPR

8,4

3,5

7

15,8

9,5

10,7

54,9

17,3

Mesures de prévention des risques naturels

5

-

14,8

31,8

23,5

20,4

95,5

30

Etudes et travaux de prévention des collectivités territoriales

-

-

6,4

33

33,8

30,1

103,3

32,5

Autres dépenses

1,8

1,2

1,2

1,3

25,1

4

34,6

10,9

TOTAL

18,3

6,4

37,5

86,3

102,7

66,7

317,9

100

Source : CCR

Une prévision de ces dépenses du MEEDDAT pour les trois prochaines années les évalue à 66 millions d'euros pour les seules mesures de prévention, hors études.

Recettes et dépenses du FPRNM de 2009 à 2012

(en millions d'euros)

Dépenses

2009

2010

2011

2012

Expropriation

12

12

8

6

PPRN

16

16

14

14

Mesures de prévention

36

30

20

16

Etudes/travaux des collectivités

96

92

93

89

Séchilienne

3

7

12

11

TOTAL

164

157

148

135

Source : MEEDDAT

En revanche, vos rapporteurs relèvent que l'augmentation des ressources ainsi que des interventions du FPRNM devrait s'accompagner d'une réforme de sa gouvernance , ainsi que d'une clarification de ses missions.

Les élargissements successifs des interventions du Fonds ont brouillé sa lisibilité. A titre d'illustration, le Fonds intervient en matière d'études rendues obligatoires 121 ( * ) par un PPRN ainsi que pour celles liées aux risques naturels dans les collectivités territoriales assurant la maîtrise d'ouvrage dans les communes couvertes par les PPRN 122 ( * ) .

D. L'ANTICIPATION : ASSURER À MOYEN TERME LA SOLIDITÉ FINANCIÈRE DU RÉGIME FACE AU RISQUE D'AUGMENTATION DE LA CHARGE DE LA SINISTRALITÉ

En dépit de l'absence d'événement extrême ou d'une accumulation de sinistres depuis 2003 menaçant l'équilibre financier du système, le groupe de travail s'est néanmoins interrogé sur la pérennité de ce dernier.

En amont , la consolidation financière du régime trouve une première réponse dans le renforcement du volet préventif, tel qu'examiné ci-dessus. En aval , elle pose le débat de la nécessité par la CCR de provisionner plus de primes pour faire face à une charge de la sinistralité éventuellement plus lourde à terme.

Le financement de l'indemnisation des sinistres repose sur un provisionnement par la CCR d'une partie des primes. Celle-ci prend en charge l'excédent de pertes annuelles des assureurs. Or, la détermination du montant adéquat de provisions constitue un exercice difficile en raison de l'imprévisibilité de la fréquence et de l'ampleur des phénomènes climatiques. Ainsi que l'ont souligné les représentants de l'APREF, lors du cycle d'auditions du groupe de travail, l'approche financière du régime CAT-NAT a jusqu'à présent été essentiellement formulée en termes de fréquence. Votre groupe de travail s'est donc interrogé sur la pertinence d'anticiper également des phénomènes qui, bien qu'ayant une fréquence faible, puissent avoir une intensité telle que cette dernière risquerait de menacer financièrement le régime.

1. Un seuil de garantie de l'Etat mis en jeu dans le passé

Vos rapporteurs souhaitent rappeler que la CCR a fait jouer la garantie de l'Etat en septembre 2000 pour un montant de 262,8 millions d'euros . L'année 1999 a représenté une charge particulièrement lourde en termes de sinistralité, en raison des intempéries de décembre 1999 mais également de la sécheresse ainsi que des inondations du Sud de la France du 12 au 14 novembre.

Lors de l'audition des représentants de la CCR devant le groupe de travail 123 ( * ) , il a été également souligné qu'en 2003, la perte nette , soit le montant des sinistres déduction faite du montant des primes, de la CCR avait été cette année là, très proche du seuil d'intervention de l'Etat 124 ( * ) . Les phénomènes de sécheresse et d'inondations avaient été très nombreux.

Vos rapporteurs relèvent que la situation financière de la CCR n'est plus la même qu'en 2003 . Le seuil d'intervention de la garantie de l'Etat est de 2,350 milliards d'euros au 1 er janvier 2009 contre 654 millions d'euros fin 2004.

Depuis 2003, la part des catastrophes naturelles dans le chiffre d'affaires ainsi que la part des cotisations cédées à la CCR ont été très stables . L'année 2008 a néanmoins été marquée par une recrudescence d'inondations dues à la survenance en métropole d'orages de mai à août, d'un épisode de pluies cévenoles du 1 er au 6 novembre dans le Centre-Est et du cyclone Omar aux Antilles. Des inondations sont survenues en 2009 dans l'Aisne, la Marne et dans le Sud-ouest. Il est également probable que la sécheresse de l'été dernier conduise à une vague de reconnaissance de l'état de catastrophes naturelles si les pluies automnales provoquent un gonflement puis un retrait des argiles.

C'est pourquoi, au regard de la forte volatilité de la charge de la sinistralité, la question de la capacité financière à moyen et long terme du système à faire face à une catastrophe majeure ou une sinistralité cumulée demeure pertinente .

2. La CCR, pierre angulaire du régime CAT-NAT

Plus de 90 % du marché de la réassurance CAT-NAT revient à la CCR, non pas parce qu'elle exerce un monopole, mais en raison de ses prestations financières .

Vos rapporteurs relèvent que le recours à la CCR est stratégique tant pour les assureurs que pour l'Etat. Sa couverture de réassurance est illimitée . Sa solvabilité est certaine.

Elle offre un mécanisme de lissage nécessaire . Le résultat technique de l'assurance CAT-NAT subit, en effet, une fluctuation importante en matière de sinistralité , contrairement à l'assurance des automobiles dont les ratios sont beaucoup plus stables. Grâce au provisionnement, ses tarifs varient peu d'une année sur l'autre alors que les capacités et les prix du marché de la réassurance sont particulièrement volatiles, en fonction des catastrophes naturelles au niveau mondial

La CCR constitue également une source d'information nécessaire à l'action des pouvoirs publics. Elle collecte les données recueillies auprès des assureurs à l'occasion de la réassurance de leur risque.

Votre groupe de travail observe que la situation constatée en 2005 par les quatre inspections générales a considérablement évolué 125 ( * ) . La CCR dispose de provisions supérieures à celles de 2004.

Les provisions d'égalisation de la CCR ont été reconstituées, notamment en raison d'une sinistralité modérée et du relèvement de la surprime. Le coût de la sécheresse de 2005 a été deux fois moindre que celle de l'année 2003 126 ( * ) .

Evolution comparée du chiffre d'affaires et de la provision d'égalisation de la CCR

(en millions d'euros)

Source : CCR

Trois raisons plaident cependant pour un renforcement à terme de la capacité financière de réassurance de la CCR :

- la stabilité financière du régime s'est inscrite depuis 2004 dans un cadre de sinistralité modérée. Or, le coût de la sinistralité tend à croître ces deux dernières années ;

- le mécanisme de provisionnement est essentiel car il est non seulement impossible d'anticiper la survenance d'un risque, mais il est également très difficile de déterminer immédiatement le coût d'une catastrophe 127 ( * ) ;

- le financement du régime repose essentiellement sur l'encaissement des primes. Or, si la cotisation CAT-NAT correspond à un taux unique, sa collecte est variable car elle dépend des branches d'assurances, comme en témoigne le tableau ci-dessous.

Année

Catastrophes naturelles

Cotisations (en millions d'euros)

Variation (en %)

2003

1242

+ 8,9

2004

1292

+ 3,7

2005

1323

+ 2,4

2006

1322

- 0,2

2007

1348

+ 2,0

Source : FFSA

De surcroît, la CCR constitue le dernier échelon avant la mise en jeu de la garantie de l'Etat. Elle offre également une sécurité, d'une part, pour les assurés d'être indemnisés et d'autre part, pour les assureurs, de ne pas être exposés à un risque de pertes trop lourd.

En conséquence, si le besoin de réformer le volet assuranciel se fait moins pressant aujourd'hui , la nécessité de renforcer la solidité financière de la CCR demeure posée à plus ou moins long terme.

3. Les modalités éventuelles à terme de l'augmentation de la capacité de réassurance de la CCR

Vos rapporteurs ont donc examiné les différentes propositions du rapport des quatre inspections générales.

Conclusions des inspections générales sur le renforcement de la solidité financière de la CCR

- Augmentation du plafonnement de la dotation annuelle de la provision d'égalisation à 90 % voire 100 % du résultat technique et modification du délai de réintégration de dix à vingt ans.

- Relèvement du seuil des garanties stop-loss de 300 % des primes conservées au lieu de 200 % actuellement en moyenne.

- Renoncement temporaire de l'Etat à tout ou partie des dividendes servis par la CCR.

- Institution au profit de la CCR d'un prélèvement général et obligatoire « à la source » sur les primes CATNAT de l'ordre d'1% permettant l'augmentation rapide des recettes de la CCR.

Source : Rapport particulier sur les aspects assuranciels et institutionnels du régime CAT-NAT de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.

S'agissant de l'assouplissement des limitations à la provision d'égalisation pour la CCR, accordant des garanties illimitées en stop loss , trois modalités principales sont envisageables :

- permettre à la CCR de provisionner plus, en franchise d'impôt, que les 75 % des bénéfices de chaque exercice autorisés ;

- augmenter le plafond de la provision globale au-delà des trois années de chiffres d'affaires, en franchise d'impôt ;

- augmenter la limite de reprise obligatoire de la provision, au-delà de dix ans.

En ce qui concerne la constitution de la provision d'égalisation en franchise d'impôt, vos rapporteurs constatent que la CCR dispose d'une provision d'égalisation globale, d'environ 1,7 milliard d'euros.

Dans les hypothèses indiquées par le rapport de synthèse des inspections générales, soit une crue de la Seine ou encore une sécheresse frappant le quart des communes françaises, leur coût avait été estimé respectivement à cinq et quatre milliards d'euros. C'est pourquoi la mission d'enquête préconisait de reconstituer les réserves de la CCR dans une fourchette de 3,5 à 4 milliards d'euros, afin de ne pas faire appel à la garantie de l'Etat. Or, la somme des provisions d'égalisation 128 ( * ) et de la réserve spéciale 129 ( * ) s'élève en 2009 à approximativement 2,3 milliards d'euros.

Ce montant est inférieur à celui constitué par le Consorcio de Compensacion de Seguros en Espagne. Celui-ci a atteint environ 4,4 milliards d'euros à la fin de l'année 2008. Il est alimenté par une dotation de 100 % du résultat positif de l'exercice avant impôts. Cependant, il convient de souligner que l'intervention du Consorcio n'est pas limitée aux seuls risques naturels. Sa provision se rapporte également au terrorisme, à l'automobile et à quelques autres risques marginaux.

Si la problématique centrale du régime consiste à déterminer le montant approprié de provisions de la CCR afin qu'elle puisse indemniser les dommages causés par les aléas naturels sans appel à la garantie de l'Etat, cette appréciation renvoie, en fait, à un arbitrage entre court terme et long terme .

A court terme , le constat n'est pas alarmant. Le montant des provisions est probablement suffisant pour faire face à un coût de la sinistralité d'approximativement trois milliards, compte tenu du montant des primes 130 ( * ) et de celui des provisions de la CCR 131 ( * ) . En outre, permettre aujourd'hui à la CCR de provisionner plus de 75 % 132 ( * ) de ses excédents générés par les comptes de résultats en franchise d'impôt aurait un coût certain et immédiat pour les finances publiques.

En revanche à long terme , la capacité financière de la CCR à faire face à une accumulation des sinistres ou à un péril majeur semble moins évidente. L'assouplissement des limites de la constitution des provisions demeure pertinent afin d'éviter tout appel en garantie de l'Etat.

S'agissant du relèvement du plafond de la provision globale au-delà des trois années de chiffre d'affaires , vos rapporteurs constatent que le provisionnement maximum autorisé en franchise d'impôts sera probablement atteint dans les deux prochaines années. En effet, les primes de l'année 2009 perçues par la CCR s'élèvent à plus de 709 millions d'euros. Il lui est donc possible de provisionner au total jusqu'à 2,127 milliards d'euros 133 ( * ) .

Cependant, une telle mesure, à l'instar de la préconisation précédente ou bien encore de l'allongement de la durée de réintégration de la provision dans le bénéfice fiscal, renvoie aux mêmes questions d'arbitrage et d'opportunité dans un contexte de finances publiques dégradées.

S'agissant du seuil de déclenchement moyen de la couverture de réassurance en excédent de pertes annuelles ( stop-loss ), il convient de souligner que celle-ci, négociée avec la compagnie de réassurance, a fait l'objet d'un relèvement progressif depuis plusieurs années. Ce seuil est en moyenne de 260 %. L'assureur doit en conséquence conserver 1,3 fois le montant des primes encaissées et en assumer le risque correspondant. Augmenter ce seuil pourrait fragiliser les sociétés d'assurance de taille modeste.

Quant aux pistes de réflexion sur la diminution du dividende de l'Etat versé par la CCR ou l'institution au profit de cette dernière d'un prélèvement général et obligatoire sur les primes CATNAT , ces mesures répondent au problème de financement de la CCR de manière moins ciblée et appropriée que le provisionnement des primes qui est fonction de l'exposition au risque.

De surcroît, s'agissant de la réduction du dividende de l'Etat, celle-ci peut s'avérer difficile à mettre en oeuvre. En effet, le dividende concerne l'ensemble des activités de la CCR. Il n'est pas uniquement fondé sur la réassurance du secteur CAT-NAT.

En conséquence, vos rapporteurs reconnaissent le caractère stratégique de la CCR dans la gestion de la couverture des risques CAT-NAT et plus largement dans celle des défaillances ponctuelles du marché de l'assurance. Le renforcement de la capacité de réassurance de la CCR doit être mise en oeuvre, à plus ou moins long terme, quand les finances publiques le permettront.

TRAVAUX DE LA COMMISSION DES FINANCES

I. 21 JUILLET 2009 : BILAN D'ÉTAPE DES TRAVAUX MENÉS

La commission a tout d'abord entendu les conclusions du groupe de travail sur la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 et le régime d' indemnisation des catastrophes naturelles .

Après avoir rappelé les circonstances de la création du groupe de travail, M. Jean-Claude Frécon , co-rapporteur du groupe de travail , a précisé que le point d'étape vise à présenter à la commission les travaux menés et les principaux constats et interrogations qu'ils suscitent. Des recommandations précises seront formulées en septembre, sur la base d'une étude approfondie des informations recueillies au cours des derniers mois.

Le groupe de travail a procédé à quinze auditions, associant l'ensemble des parties prenantes à la gestion des suites de la sécheresse de 2003 et aux problématiques de la prévention et de l'indemnisation des risques naturels majeurs. Ont été entendus les représentants des sinistrés, les services des ministères chargés de l'intérieur, du budget, de l'économie et de l'écologie, du Médiateur de la République, les experts de Météo France, du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et du Laboratoire central des ponts et chaussées, ainsi que les professionnels des secteurs de l'assurance et de la construction.

M. Jean-Claude Frécon a indiqu é que le groupe de travail a complété ses auditions par un déplacement dans l'Essonne, département particulièrement touché par la sécheresse de 2003, en raison de la présence de nombreuses zones argileuses. Ce déplacement a permis de visiter deux pavillons endommagés et de tenir une réunion de travail à la préfecture d'Evry, afin d'établir un diagnostic de la mise en oeuvre des procédures d'indemnisation.

Revenant sur les circonstances de la sécheresse de 2003, M. Jean-Claude Frécon a rappel é qu'elle avait constitué un événement atypique et d'ampleur exceptionnelle. Cette sécheresse estivale a touché plus de 8 000 communes et les dégâts qu'elle a occasionnés aux bâtiments ont résulté d'un phénomène de retrait-gonflement des argiles, également appelé subsidence. Cet événement a révélé l'inadaptation partielle du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles à ce type de risque. En effet, si les critères traditionnels de reconnaissance d'une catastrophe liée à la sécheresse avaient été appliqués, seules 200 communes sur 8 000 auraient bénéficié d'un arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Bien que les critères aient été progressivement assouplis, les décisions de reconnaissance ont pu reposer sur des données scientifiques trop peu précises pour traiter de façon équitable l'ensemble des sinistres. L'analyse des demandes de classement des communes a en effet reposé sur le zonage Aurore de Météo France, zonage très lâche qui a pu conduire à ce que des communes limitrophes et présentant les mêmes sinistres ne fassent pas l'objet d'un traitement identique parce qu'elles dépendaient d'une station météorologique différente. Ces circonstances ont alimenté, auprès des sinistrés, une impression générale d'improvisation des pouvoirs publics et d'arbitraire des décisions.

M. Jean-Claude Frécon a rappel é que les communes n'ayant pas bénéficié d'un classement en état de catastrophe naturelle ont fait l'objet d'une procédure exceptionnelle d'indemnisation dotée de 218,5 millions d'euros. 2 370 communes réparties sur 71 départements ont perçu des indemnisations complémentaires au titre de cette procédure, dont la mise en oeuvre a toutefois révélé plusieurs défauts importants. Il semble tout d'abord qu'elle ait obéi à une logique d'enveloppe fermée ; en conséquence, ce sont les fonds disponibles et non les besoins réels qui ont commandé le montant des indemnisations. Par ailleurs, les délais dans lesquels les sinistrés ont dû se manifester auprès des préfectures étaient très courts, alors même qu'il était demandé aux sinistrés de produire deux devis de travaux. D'une manière générale, les victimes ont pu se sentir livrées à elles-mêmes pour l'établissement des dossiers, ne pouvant que rarement compter sur les assureurs et ne disposant pas toujours des moyens et compétences techniques nécessaires pour établir des dossiers convaincants pour les services de l'Etat. Enfin, les préfectures n'ont pu statuer que sur la base de devis, et non d'expertises approfondies incluant des études de sols.

Cette situation conduit le groupe de travail à se demander si une nouvelle vague d'indemnisations doit être lancée, au risque d'encourager une multitude de demandes reconventionnelles potentiellement coûteuses pour les finances publiques et de susciter de nouveaux cas d'insatisfaction pour les dossiers rejetés.

M. Jean-Claude Frécon a regrett é que la sécheresse de 2003 n'ait pas incité les pouvoirs publics à prendre des mesures susceptibles de prévenir la survenue de nouveaux sinistres. En effet, le risque de subsidence peut être éliminé, en adaptant les fondations, en respectant quelques règles en matière de plantation aux abords des maisons, ou en évitant la réalisation de certains ouvrages drainants. L'ensemble de ces mesures de précaution peut être favorisé par des campagnes d'information adéquates ou par des aménagements aux règles d'urbanisme et de construction dans les zones où l'aléa argileux est avéré.

Pour autant, le groupe de travail a constaté qu'aucune évolution réglementaire substantielle n'a eu lieu depuis 2003 pour prévenir le risque « sécheresse » et que l'information des particuliers ou des élus locaux demeure insuffisante. Sur l'ensemble de ces points, les échanges fructueux que le groupe de travail a eus avec les professionnels de la construction le conduiront à formuler des recommandations précises pour faire évoluer la réglementation et l'information sur le risque « sécheresse ».

Mme Fabienne Keller , co-rapporteur du groupe de travail , a ensuite présenté le fonctionnement du régime d'assurance permettant l'indemnisation des catastrophes naturelles, avant d'en décrire les limites et d'en envisager les améliorations.

Créé en 1982, ce régime offre une garantie contre les dommages causés aux biens, conditionnée par la prise d'un arrêté interministériel constatant « l'intensité anormale » de la catastrophe naturelle. En outre, un lien de causalité doit être établi par l'assureur entre le phénomène naturel et le dommage subi. Cette garantie, contractée lors de l'extension obligatoire des contrats d'assurance dommages, est soumise à une prime additionnelle de 6 % pour les véhicules terrestres à moteur et de 12 % pour les autres biens.

Mme Fabienne Keller a alors expos é le mécanisme de la réassurance. En effet, les assureurs ont, la possibilité de se réassurer auprès de la caisse centrale de réassurance (CCR) en lui cédant la moitié des primes qu'ils encaissent. Ils peuvent également lui verser une prime spéciale afin de limiter leur perte. Ils ont, dans ce cas, la garantie que leur charge de paiement de sinistres ne dépassera pas le montant des primes conservées.

Afin de faire face à son activité de réassurance, la CCR peut placer jusqu'à 75 % de ses bénéfices annuels dans une provision spéciale dite « provision d'égalisation ».

Mme Fabienne Keller a ensuite insist é sur la qualité de réassureur en dernier ressort de l'Etat. Ce dernier accorde une garantie illimitée à la CCR en contrepartie d'une rémunération de 1,8 % des primes qui sont cédées par les assureurs à la CCR.

Dressant un bilan du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, elle a constaté que celui-ci est perçu positivement par l'ensemble des acteurs. Les assurés disposent d'une large couverture à un prix relativement bas. Quant aux assureurs, ils sont bénéficiaires du régime, depuis l'origine.

Cependant, relayant les propos de M. Jean-Claude Frécon , elle a relev é les différentes lacunes mises en lumière lors du traitement de la sécheresse de 2003. S'agissant tout d'abord de la définition de la catastrophe naturelle, la notion « d'intensité anormale » a été qualifiée par le rapport de l'inspection générale des finances de 2005 « d'exception française qui place les agents économiques dans une situation d'incertitude ». La reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle relève, selon le rapport, « d'une procédure fragile d'un point de vue juridique comme scientifique ».

La solidité financière du régime est également remise en cause par le rapport précité qui souligne la possibilité d'une augmentation de la sinistralité. Or, le fonctionnement du régime actuel est indifférent à la probabilité ainsi qu'à la prévention du risque. En effet, s'agissant des assurés, les primes ne dépendent ni du risque ni de l'effort de prévention consenti. S'agissant des assureurs, la réassurance illimitée (en excédent de perte annuelle) accordée par la CCR ne les incite pas à provisionner davantage.

Puis Mme Fabienne Keller a pr ésenté les pistes de réformes éventuelles, soulignant la nécessité de prendre en compte l'ensemble des intérêts des acteurs du régime, à savoir, d'abord, celui des assurés qui, parce qu'ayant cotisé, doivent être indemnisés, ensuite, celui de l'Etat, garant de l'équilibre financier du régime et, enfin, celui des assureurs.

Elle a fait valoir que, à l'issue du cycle d'auditions, un certain consensus est apparu afin de maintenir un régime obligatoire faisant appel à la solidarité. Elle a précisé que le travail technique accompli par les différents services et entités de l'Etat devrait permettre de résoudre certaines difficultés liées à la procédure de reconnaissance du régime de catastrophes naturelles. A titre d'illustration, il est ainsi possible de rendre objectifs les critères de reconnaissance grâce à une définition plus globale et exhaustive de l'état de sécheresse. Une telle objectivation devrait également conduire à renforcer la transparence de la procédure.

S'agissant du volet de la prévention, les techniques de construction peuvent, de manière significative, réduire l'impact de cet aléa sur l'habitat. Sans préjuger les recommandations finales du groupe de travail, Mme Fabienne Keller a relev é que ces techniques peuvent reposer sur le risque de la sinistralité, tel que cartographié par le Bureau de recherches géologiques et minières, ainsi que sur l'étude des sols.

Puis elle a évoqué la modulation de la prime d'assurance, la qualifiant de piste moins consensuelle. S'interrogeant sur son impact préventif, notamment sur les particuliers, elle a insisté sur la nécessité de conserver, en tout état de cause, le principe de solidarité du régime.

Enfin, elle a souhaité que soient étudiées les conditions de viabilité financière du régime, rappelant que la charge de sinistre progresse approximativement de 5,6 % par an en moyenne alors que le montant des primes augmente de 4,1 %. Constatant que le régime a pu fonctionner grâce à plusieurs années de sinistralité modérée, Mme Fabienne Keller s 'est interrogée sur la capacité financière de la CCR à faire face à un sinistre majeur tel que l'occurrence de l'inondation centennale de la Seine dont les dommages probables sont évalués à cinq milliards d'euros ou un état de sécheresse frappant un quart des communes françaises dont le coût est estimé à quatre milliards d'euros.

Puis M. Éric Doligé , président du groupe de travail , a relayé les propos de Mme Fabienne Keller et M. Jean-Claude Frécon en insistant sur la nécessité de préconiser des mesures de prévention.

A l'issue de cette présentation, un large débat s'est engagé, d'une part, sur l'opportunité de revoir la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 ainsi que, d'autre part, sur les préconisations à formuler dans la perspective d'une réforme du régime des catastrophes naturelles.

A titre liminaire, Mmes Nicole Bricq et Marie-France Beaufils , MM. Jean Arthuis président , Jean-Jacques Jégou et Bernard Vera ont tenu à rappeler la détresse de certains des sinistrés, dont l'habitat a été gravement endommagé par la sécheresse de 2003 alors qu'ils n'ont pas été indemnisés au titre du régime de catastrophes naturelles, ni même dans le cadre de la procédure exceptionnelle.

M. Jean-Jacques Jégou a ajout é que, au-delà de l'amélioration nécessaire des conditions d'indemnisation, il revient aux élus locaux de s'assurer du respect des normes de construction et éventuellement de l'édiction de nouvelles règles, afin de prévenir les risques de sinistralité dans leur circonscription.

En réponse aux souhaits d'une nouvelle procédure d'indemnisation de certains sinistrés résidents d'une commune non reconnue en état de catastrophe naturelle en 2003, M. Jean-Claude Frécon a jug é nécessaire d'en étudier toutes les conséquences financières, en raison des contraintes budgétaires pesant sur l'Etat ainsi que du risque d'effet d'aubaine d'une telle mesure.

S'associant aux propos de M. Jean-Claude Frécon , M. Éric Doligé a ensuite insist é sur le traitement à venir des catastrophes naturelles afin que ne se reproduise pas le drame qu'ont vécu certains sinistrés auditionnés dans le cadre du groupe de travail.

S'agissant de la réforme du régime des catastrophes naturelles, Mme Nicole Bricq a pr ésenté le choix qui s'ouvre au groupe de travail entre, d'une part, la préservation d'un système original fondé sur la solidarité nationale et, d'autre part, celui d'une prise en charge plus importante du régime par le marché assurantiel. Se déclarant favorable à la première option, elle a fait valoir la réticence des compagnies d'assurance quant à la seconde.

Puis Mme Marie-France Beaufils a insist é sur l'importance des mesures de prévention qui seront préconisées dans le cadre du rapport final. Elle a néanmoins observé la difficulté de formuler de telles préconisations, eu égard à la complexité technique du dossier ainsi qu'aux divergences de vues des experts sur les solutions à proposer.

En réponse aux différents intervenants, Mme Fabienne Keller a convenu qu 'une assurance exclusivement fondée sur le risque entrainerait des surprimes contraires à l'esprit de solidarité du régime. Elle a déploré que rien n'ait été proposé depuis 2003, le « perfectionnisme administratif » conduisant à une certaine inertie. Elle en a conclu que, dans l'attente de règles améliorant le régime, il est peut-être souhaitable d'émettre des recommandations, afin de prévenir dès maintenant des risques prévisibles.

M. Jean-Claude Frécon a ajout é que le système de reconnaissance est perfectible en matière de zonage hydrométrique.

S'agissant du passé, Mme Fabienne Keller s 'est fait l'écho de la détresse de certains sinistrés ainsi que de l'espoir créé par la mise en place du groupe de travail. Elle a toutefois relevé la complexité d'un « nouveau tour d'indemnisation », eu égard aux enjeux financiers, aux problèmes de causalité ainsi qu'aux ruptures éventuelles de l'égalité entre les sinistrés.

II. 14 OCTOBRE 2009 : PRÉSENTATION DES CONCLUSIONS DÉFINITIVES DU GROUPE DE TRAVAIL

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport du groupe de travail sur la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 et le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (CAT-NAT).

M. Éric Doligé , pr ésident du groupe de travail, a brièvement présenté le contexte dans lequel avait pris place la mission du groupe de travail et insisté sur la nécessité de trouver un débouché concret et rapide à ses recommandations.

Après avoir rappelé les circonstances de la création du groupe de travail et détaillé les auditions et déplacements auxquels il a procédé, Mme Fabienne Keller , rapporteur, a rappel é que plus de 444 000 sinistres dus à la sécheresse avaient été recensés entre 1989 et 2007, occasionnant des dégâts dont le coût est estimé à 4,1 milliards d'euros. Ces sinistres sont liés au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux - ou subsidence - qui affecte l'intégrité des bâtiments. La sécheresse de 2003 a été exceptionnelle par son intensité et par ses caractéristiques. Cet épisode climatique a en effet causé, à lui seul, environ 138 000 sinistres, pour un coût évalué à 1 018 millions d'euros par la Caisse centrale de réassurance (CCR). Cette sécheresse a également été atypique, car non précédée d'un fort déficit hydrique lors de l'hiver 2002-2003.

En raison de ces caractéristiques, les critères scientifiques traditionnellement employés pour reconnaître l'état de catastrophe naturelle se sont révélés peu opérants pour traiter le phénomène constaté en 2003. Ces critères ont donc été progressivement assouplis, aboutissant à classer 4 441 communes en état de catastrophe naturelle. Ces ajustements ont néanmoins partiellement reposé sur des considérations budgétaires, dans la mesure où ils ont été calibrés afin d'éviter que le coût des indemnisations au titre du régime CAT-NAT entraîne l'appel en garantie de l'Etat.

Selon le rapporteur, l'inadaptation des critères s'est doublée des imperfections du zonage météorologique utilisé à l'appui des décisions de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Le zonage « Aurore » présente en effet un maillage très lâche, de sorte que des communes aux caractéristiques géologiques similaires et ayant connu des conditions météorologiques identiques en 2003 ont pu subir des traitements différenciés au regard de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, pour la seule raison qu'elles étaient rattachées administrativement à des zones différentes.

De l'ensemble de ces éléments, le groupe de travail a conclu que, faute de données exhaustives et incontestables de nature à établir un lien de causalité entre le phénomène de subsidence et les sinistres intervenus, les critères de reconnaissance de la sécheresse sont demeurés d'une scientificité sujette à caution. Par ailleurs, les adaptations successives des critères ont pu donner le sentiment aux communes et aux familles sinistrées d'une relative « improvisation », voire d'un certain arbitraire des pouvoirs publics face au phénomène, sentiment que sont venus conforter l'intelligibilité très limitée des règles de calcul retenues et le fonctionnement peu transparent de la commission interministérielle chargée de rendre les avis à l'appui des arrêtés de catastrophe naturelle.

Mme Fabienne Keller , rapporteur, a rappel é que 4 441 communes ont bénéficié d'un classement en état de catastrophe naturelle, sur 8 022 l'ayant sollicité. Sur l'invitation pressante du Parlement, le Gouvernement a mis en place une procédure exceptionnelle d'indemnisation, dotée de 218,5 millions d'euros, devant bénéficier aux communes non reconnues ; 2 370 communes réparties sur 71 départements ont reçu des indemnisations complémentaires au titre de cette procédure.

Sans que la mobilisation de la plupart des services déconcentrés de l'Etat soit à mettre en cause, le rapporteur a relevé que la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle a révélé plusieurs défauts. En premier lieu, les délais dans lesquels les sinistrés ont dû adresser leur dossier aux préfectures étaient très courts, compte tenu du fait qu'il leur était demandé de produire deux devis de travaux. De surcroît, les victimes ont pu se sentir livrées à elles-mêmes pour l'établissement des dossiers, ne pouvant que rarement compter sur les assureurs et ne disposant pas toujours des moyens et compétences techniques nécessaires pour échafauder des dossiers convaincants pour les services de l'Etat. Par ailleurs, l'afflux de demandes de devis adressées aux professionnels a pu créer des situations d'engorgement dans certains départements. Enfin, les préfectures ont statué sur la base de devis, et non d'expertises approfondies incluant des sondages de sol. Ce choix a résulté de la volonté de ne pas retarder les indemnisations, mais, en matière de dégâts affectant les fondations, de simples constatations visuelles ne suffisent pas toujours à prendre la mesure des dégâts effectivement survenus.

Mme Fabienne Keller , rappor teur, a indiqué que les auditions et déplacements du groupe de travail lui ont permis de constater la persistance de situations difficiles. A ce jour, plusieurs familles vivent encore dans des pavillons potentiellement condamnés, invendables, et sans disposer des moyens de les réparer. Par ailleurs, le maintien de collectifs d'élus ou de sinistrés très actifs, les saisines fréquentes dont font l'objet les parlementaires, ou encore les recours intentés par les victimes ou les communes concourent à démontrer que la gestion de la sécheresse de 2003 n'est pas soldée.

Faute de disposer d'un recensement des familles insuffisamment indemnisées ou ayant vu leurs requêtes rejetées, le groupe de travail n'est en mesure de quantifier ni les publics objectivement lésés par la gestion de la sécheresse de 2003, ni les aides complémentaires qu'il conviendrait de leur allouer. Il souhaite néanmoins que la totalité du reliquat de fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d'indemnisation soit exclusivement consacré au versement des aides aux victimes de la sécheresse et demandera au Gouvernement de mettre en oeuvre une vague complémentaire d'indemnisations. Afin de circonscrire les effets d'aubaine et de limiter les demandes reconventionnelles, ces indemnisations pourraient être réservées aux personnes sinistrées ayant déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle et devraient être conditionnées par la réalisation d'une expertise préalable.

Mme Fabienne Keller , rapporteur, est ensuite revenue sur les le çons tirées de la sécheresse de 2003 par les pouvoirs publics. Plusieurs dispositifs existent actuellement, ayant pour objet d'améliorer l'information disponible sur le risque de subsidence. Le groupe de travail s'interroge toutefois sur la portée réelle de ces outils et sur les effets concrets que leur diffusion peut avoir sur les comportements des particuliers et sur les actions mises en oeuvre par les élus locaux. Dans ces conditions, il préconise :

- de mettre en oeuvre, avant la fin de l'année 2010, une procédure d'alerte spécifique des élus des communes exposées au risque argileux, assortie de recommandations leur permettant de mieux prendre en compte ce risque dans l'exercice de leurs compétences d'urbanisme et d'instruction et de délivrance des permis de construire ;

- d'élargir l'application du dispositif d'information acquéreur-locataire, qui permet d'informer les acquéreurs et les locataires de biens immobiliers sur les risques naturels et technologiques majeurs auxquels ils s'exposent ;

- de mettre en cohérence l'information délivrée aux particuliers. Il lui a en effet été fourni des exemples de brochures publiées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), recommandant la plantation d'écrans végétaux à proximité des façades à des fins d'économies d'énergie, et ce sans avertissement spécifique à destination des foyers exposés à l'aléa argileux. Pour anecdotique qu'il puisse paraître, ce cas démontre qu'un opérateur du ministère en charge du développement durable peut diffuser une information environnementale de portée générale, mais contradictoire avec celle que les services du même ministère font circuler sur le risque de subsidence.

S'agissant de l'adaptation des normes de construction, Mme Fabienne Keller , rapporteur, a rappel é qu'aucune règle spécifique n'existe, à l'heure actuelle, concernant l'aléa retrait-gonflement des argiles. En outre, les dispositions applicables au montage des contrats de construction de maisons individuelles ne favorisent pas la mise en oeuvre de mesures de prévention, et notamment la réalisation d'une étude de sol. Sur ces points, le groupe de travail recommande la réalisation d'études de sol dans les zones à risque ou la prescription d'une profondeur minimale de fondations. Dans la mesure où il serait opportun de limiter l'application de ces contraintes supplémentaires aux seules zones où l'aléa argileux est avéré, l'achèvement de la cartographie de l'aléa argileux doit constituer une mission prioritaire du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). En outre, l'affinement de cette cartographie est parfois réalisé par des bureaux d'études mandatés par certaines collectivités territoriales, mais aucune politique nationale et systématisée n'est aujourd'hui mise en oeuvre pour améliorer le degré de connaissance des sols où l'aléa est jugé fort ou moyen. Afin de disposer d'une information pertinente à l'échelle de la parcelle, il conviendrait donc d'aider les collectivités territoriales particulièrement exposées à se doter de cartographies complémentaires à celle du BRGM, et de rendre éligibles de telles opérations au Fonds de prévention des risques naturels majeurs.

Mme Fabienne Keller , rapporteur, a enfin abord é les perspectives de réforme du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Si le risque sécheresse doit rester couvert par ce régime, des exclusions partielles peuvent néanmoins être envisagées, concernant les ouvrages couverts par les garanties décennale ou dommages-ouvrage, les dégâts superficiels ou les bâtiments construits en violation des règles de prévention et de construction. L'ensemble de ces adaptations ne doivent toutefois pas conduire à fragiliser la situation des assurés, et devraient s'accompagner d'une information préventive renforcée. Par ailleurs, le groupe de travail recommande que les travaux de recherche pluridisciplinaires en cours pour objectiver les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle due à la sécheresse trouvent rapidement une traduction opérationnelle et que les nouveaux critères fassent l'objet d'une large publicité et d'une présentation accessible et compréhensible pour les citoyens.

S'agissant du régime CAT-NAT dans son ensemble, le groupe de travail juge opportun de renforcer la transparence de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. A cet égard, les critères et seuils élaborés par la commission interministérielle doivent faire l'objet d'une traduction normative et d'une présentation accessible aux assurés. Cette traduction permettrait également une meilleure anticipation des assureurs s'agissant de la charge de sinistralité à indemniser. Elle pourrait aussi conduire au développement d'une offre complémentaire de couverture pour les sinistres situés en deçà des seuils applicables dans le cadre du régime CAT-NAT. La suppression de l'arrêté interministériel n'est en revanche pas souhaitable, l'absence d'intermédiation des pouvoirs publics étant susceptible de fragiliser la position des assurés face aux assureurs. En outre, la prise d'arrêtés interministériels constitue une manifestation de solidarité nationale dont la portée « symbolique » ne doit pas être négligée lors de la survenance de catastrophes majeures. Il pourrait enfin être opportun de renforcer la proximité du circuit de décision présidant à la déclaration de l'état de catastrophe naturelle, en décentralisant cette décision à l'échelon local pertinent.

En matière de prévention, Mme Fabienne Keller , rapporteur, a pr écisé que le groupe de travail invite à une accélération du rythme de prescription et d'approbation des plans de prévention des risques naturels. La modulation de la surprime CAT-NAT en fonction de l'exposition aux risques est en revanche à exclure, s'agissant des particuliers, en tant qu'elle est incompatible avec le principe de solidarité qui fonde le régime. Sa mise en oeuvre est toutefois possible pour les professionnels, plus à même de recourir à l'expertise pour réduire leur exposition au risque. L'élargissement progressif du périmètre d'intervention du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (fonds « Barnier ») ayant conduit à un accroissement considérable de ses dépenses et à une dégradation de sa situation financière, l'augmentation de ses ressources, déjà opérée à l'initiative de la commission, doit aujourd'hui s'accompagner d'une rationalisation et d'une mise en cohérence de ses missions.

Mme Fabienne Keller , rapporteur, est ensuite revenue sur les enjeux li és à l'équilibre financier du régime CAT-NAT. En dépit de l'incertitude sur l'augmentation éventuelle de la fréquence ou de l'intensité des aléas naturels, la charge de la sinistralité semble appelée à augmenter. A ce titre, la capacité de la Caisse centrale de réassurance à faire face à des événements climatiques plus fréquents, plus intenses et donc plus coûteux doit être analysée dans les meilleurs délais. Dans l'hypothèse où sa solidité financière ne serait pas garantie à moyen terme, le groupe de travail estime nécessaire de relever le plafond des provisions qu'elle peut constituer en franchise d'impôt. Un tel arbitrage pèserait sur les recettes d'impôt prélevé sur les sociétés à court terme, mais diminuerait la probabilité d'appel en garantie de l'Etat face à une catastrophe majeure, dont le coût serait potentiellement très élevé.

Le rapporteur a conclu en rappelant que la prévention et le traitement des catastrophes naturelles font l'objet d'une approche interministérielle. Dans ces conditions, le groupe de travail souhaite qu'un débat d'initiative sénatoriale soit organisé, en présence des ministres chargés du développement durable, de l'intérieur et de l'économie, afin d'envisager les solutions permettant de solder définitivement le dossier de la sécheresse de 2003 et d'analyser les évolutions normatives de nature à améliorer la prévention du risque de subsidence et le fonctionnement du régime CAT-NAT.

M. Denis Badré a sugg éré de sensibiliser les architectes au risque de subsidence. Il a également jugé opportun de permettre à la Caisse centrale de réassurance de constituer des provisions suffisantes pour faire face aux risques à venir et d'en assurer une gestion financière profitable.

Mme Nicole Bricq s 'est félicitée du fait que, pour la première fois, un bilan exhaustif de la sécheresse de 2003 ait été réalisé. Les propositions qui en résultent sont les bienvenues, à l'heure où les assureurs s'interrogent sur les évolutions possibles du régime CAT-NAT. En tout état de cause, le groupe de travail a affirmé son attachement à ce régime solidaire, dont l'économie générale doit être préservée.

En réponse à M. Yann Gaillard , vice-pr ésident, qui s'interrogeait sur la fréquence d'un phénomène de l'ampleur de la sécheresse de 2003, Mme Nicole Bricq a pr écisé que des épisodes climatiques similaires se sont déjà produits, mais que la densification de l'urbanisation en aggrave considérablement l'impact.

M. Éric Doligé , pr ésident du groupe de travail, a abondé dans ce sens, ajoutant que les risques associés aux inondations et à la sécheresse sont encore insuffisamment appréhendés par l'opinion et par les autorités.

En réponse à M. Joël Bourdin , qui s 'interrogeait sur la possibilité de localiser précisément le risque lié à la sécheresse, M. Éric Doligé , pr ésident du groupe de travail, a indiqué qu'une cartographie « argiles » est en cours d'achèvement par le BRGM, cartographie qu'il est possible d'affiner par des sondages de sol complémentaires.

M. Denis Badré a pr écisé que l'appellation communément employée de « sécheresse » est en réalité impropre, la survenue du phénomène de subsidence résultant à la fois de l'assèchement et de la réhydratation des sols.

M. Bernard Vera a souhait é que les recommandations du groupe de travail soient suivies d'initiatives concrètes, s'agissant notamment de l'objectivation des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, de la mise en oeuvre d'une vague complémentaire d'indemnisations et du lancement rapide d'une alerte à destination des maires de communes situées en zone argileuse. Il s'est enfin félicité que le rapport préconise la préservation du régime CAT-NAT.

En réponse à Mme Marie-France Beaufils , qui s 'interrogeait sur la possibilité d'inclure l'information sur le risque de subsidence aux procédures de porter à connaissance relevant des préfets, M. Éric Doligé , pr ésident du groupe de travail, a précisé que le problème ne réside pas tant dans l'absence de procédures d'information que dans leur manque d'effectivité.

S'agissant des suites concrètes à donner au rapport, M. Éric Doligé , pr ésident du groupe de travail, a rappelé que les travaux de recherche en cours sur l'objectivation des critères pourraient donner lieu à une traduction opérationnelle en 2010. S'agissant des indemnisations complémentaires, une première étape doit consister à en évaluer le montant, sur la base d'expertises fiables.

Puis la commission a, à l'unanimité, adopté les conclusions du groupe de travail et autorisé leur publication sous la forme d'un rapport d'information.

M. Jean Arthuis , pr ésident, a conclu en souhaitant que le futur débat d'initiative sénatoriale permette de définir les conditions dans lesquelles de nouvelles indemnisations pourraient clore le dossier de la sécheresse de 2003. Il a suggéré que les montants nécessaires soient gagés sur d'autres dépenses, afin que la mise en oeuvre des préconisations du groupe de travail demeure conforme aux principes de la commission des finances en matière de préservation du solde budgétaire.

ANNEXES

I. LISTE DES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES

Associations de victimes de la sécheresse ou oeuvrant dans le domaine de la prévention des catastrophes naturelles

M. Guy DENEUFBOURG, membre de l'Association française de prévention des catastrophes naturelles (AFPCN).

Mme Christine DESMOND, présidente de l'Association essonnienne des sinistrés victimes de la sécheresse (AESVS).

M. Claude NAQUIN, vice-président de l'Association de défense des sinistrés de la sécheresse 2003 du Loiret (ASSPB45).

M. René DESPRÉS, président de l'Association des maisons sinistrées de Saint-Saturnin lès Apt (ADMSS).

M. Michel BORDE, de l'Association des maisons sinistrées de Saint-Saturnin lès Apt (ADMSS).

M. Michel ROMÉRO, président de l'Association des sinistrés de la sécheresse pour les propriétés bâties dans les Yvelines (ASSPB 78).

MM. Jacques AVRILLON, Co-président de l'Union nationale des associations de lutte contre les inondations (UNALCI).

M. Pierre DEMONCHY, Co-président (UNALCI).

Mme Odile MEREL, Trésorière (UNALCI).

Professionnels de l'assurance

M. Stéphane PÉNET, directeur des assurances de biens et de responsabilité à la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA).

M. Bernard PAUL, directeur de la Société Carpenter, courtier.

M. Jean-Luc de BOISSIEU, secrétaire général du Groupement des entreprises mutuelles d'assurances (GEMA).

Mme Catherine TRACA, secrétaire général adjoint (GEMA).

Mme Barbara BERREBI, chargée d'études (GEMA).

Autorité de contrôle des assurances et mutuelles

M. Antoine MANTEL, secrétaire général.

M. Cyril ROUX, secrétaire général adjoint.

Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

M. Fabrice PESIN, sous-directeur des assurances, à la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE).

Caisse centrale de réassurance

M. René VANDAMME, directeur général adjoint.

M. Pierre MICHEL, directeur du département des catastrophes naturelles et des fonds publics.

Professionnels de la réassurance

M. François VILNET, président de l'Association des professionnels de la réassurance (APREF).

M. Philippe TRAINAR, économiste en chef à la SCOR.

M. Jean TUCCELLA, directeur réassurance construction à SCOR Global P and C.

Professionnels de la construction

M. Marc DUCOURNEAU, directeur général de l'Agence Qualité Construction (AQC).

M. Frédéric HENRY, directeur adjoint (AQC).

M. Jean-Pierre DUPRÉ, Géoxia Maisons individuelles, directeur de la Société française de travaux et services (SFTS)

Mme Catherine EMON, chef du service assurances à la direction juridique et financière de la Fédération française du bâtiment (FFB).

M. Didier VALEM, ingénieur à la direction des affaires techniques (FFB).

Mme Cécile ROUX-BELEC, juriste, direction des affaires juridiques et fiscales (FFB).

Maires de communes sinistrés

M. Jean VILA, maire de Cabestany

M. Bernard CORNEILLE, maire d'Othis, président du Collectif d'élus locaux pour la défense des intérêts des communes et des habitants.

M. Pierre PERTUS, directeur de cabinet de M. le Maire d'Othis.

Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

M. Thierry QUEFFELEC, conseiller technique au cabinet de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Hervé ADEUX, adjoint au directeur de cabinet de la direction de la sécurité civile.

Ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

M. Eric QUERENET de BREVILLE, sous-directeur, 5 ème sous-direction, à la direction du budget.

M. Romuald GILET, chef du bureau de l'intérieur et de l'action gouvernementale à la direction du budget.

Médiateur de la République

M. Bernard DREYFUS, directeur général des services.

Mme Anne OLIVIER, chargée de mission au secteur des affaires générales.

Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer

M. Laurent MICHEL, directeur général de la prévention des risques.

Mme Anne VOELTZEL, chef du bureau des partenariats et des actions territoriales (Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages).

M. François AMIOT, chef du bureau de la planification urbaine et rurale et du cadre de vie (Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages).

M. François HEDOU, chargé de mission risques mouvements de terrain à la direction générale de la prévention des risques.

Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

M. Loïc BEROUD, directeur du service public.

M. Marc VINCENT, responsable du programme « prévention du risque sécheresse des sols ».

Laboratoire central des Ponts et chaussées (LCPC)

M. Jean-Pierre MAGNAN, directeur de la direction technique géotechnique.

Météo-France

M. Alain RATIER, directeur général adjoint (missions institutionnelles et affaires internationales).

M. Patrick CHASSAGNEUX, chef des missions institutionnelles.

M. Philippe DANDIN, directeur de la climatologie.

Déplacement dans le département de l'Essonne

Sénateurs de l'Essonne

M. Laurent BÉTEILLE.

Mme Claire-Lise CAMPION.

Services préfectoraux et déconcentrés

M. Jean-Martin DELORME, directeur départemental de l'équipement et de l'agriculture.

Mme Muriel CHAUVEAU, chargée d'étude au bureau de l'écologie et du développement durable, service de l'environnement de la préfecture.

M. Claude FLEUTIAUX, directeur de cabinet du préfet

M. Thierry COSTES, chef du bureau du service interministériel de défense et de protection civile (SIDPC).

Mme Virginie MOLES, chef du bureau adjointe du SIDPC.

Mme Laetitia MAUPIED, chef de section de la prévention (SIDPC).

Familles sinistrées

M. Dominique FUSIER, domicilié à Saint-Michel-sur-Orge.

M. Paul LOZANO, domicilié à Brétigny-sur-Orge.

Elus de communes sinistrées

M. Bernard DECAUX, maire de Brétigny-sur-Orge.

M. Bernard ZUNINO, maire de Saint-Michel-sur-Orge.

M. Bertrand GUILLERM, directeur de cabinet.

II. COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

1. Audition du 17 mars 2009 - Représentants des associations de victimes de la sécheresse ou oeuvrant dans le domaine de la prévention des catastrophes naturelles

M. Eric Doligé, président , a rappelé le contexte dans lequel avait été créé le groupe de travail et précisé ses modalités de fonctionnement. Il a ensuite interrogé les personnes auditionnées sur la pertinence des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Mme Christine Desmond, présidente de l'Association essonnienne des sinistrés victimes de la sécheresse (AESVS 91) , a jugé ces critères insatisfaisants, peu transparents et considéré qu'ils avaient été établis pour évincer plus de la moitié des communes du processus d'indemnisation, sans considération de justice et d'équité. Elle a remis en cause les critères du zonage : une grande majorité des communes n'ont pas été reconnues sinistrées au titre du régime des catastrophes naturelles parce que la réserve hydrique de leur sol avait été évaluée comme suffisante, alors que des communes voisines rattachées à un autre centre météorologique avaient bénéficié de cette qualification.

M. Michel Roméro, président de l'Association des sinistrés de la sécheresse pour les propriétés bâties dans les Yvelines (ASSPB 78) , a confirmé ces propos en prenant l'exemple de Rambouillet, commune systématiquement reconnue en état de catastrophe naturelle au titre des sécheresses, sauf pour l'année 2003 où le phénomène avait pourtant été d'une intensité exceptionnelle. L'élargissement des critères d'indemnisation s'est appuyé sur le zonage « Aurore », aboutissant parfois à évaluer la situation des communes par rattachement à une station météorologique lointaine. Il a rappelé que le rapport d'inspection de 2005 avait conclu à la nécessité d'objectiver les critères de reconnaissance.

M. Claude Naquin, président du Collectif national de défense des sinistrés de la sécheresse de 2003 , a déploré qu'aucune explication n'ait été fournie aux associations sur la méthodologie conduisant à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ou à l'ouverture de la procédure exceptionnelle d'indemnisation. Les seules communes du Loiret à avoir été reconnues en état de catastrophe naturelle ont été celles qui étaient rattachées à une station météorologique d'un département voisin, situation jugée « abracadabrante ». De même, dans le cadre de la procédure exceptionnelle, les critères d'indemnisation des communes limitrophes ne sont pas apparus clairement.

M. René Després, président de l'Association des maisons sinistrées de Saint-Saturnin-lès-Apt (ADMSS) , a rappelé que les critères présidant à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle reposaient sur un modèle hydrique conçu par Météo France en 2000 et modifié à trois reprises entre 2000 et 2004 pour moduler les critères d'éligibilité. Ce modèle, emprunté à l'INRA et fondé sur la pluviométrie, est pertinent afin de déterminer l'existence d'une sécheresse agricole, temporaire et réversible, mais en aucun cas pour les sécheresses affectant les bâtiments par phénomènes de retrait-gonflement. En excluant totalement les conséquences géologiques des phénomènes de sécheresse, le modèle de Météo France est inadapté à l'analyse du risque de subsidence.

Les études du laboratoire de mécanique des sols de l'Ecole centrale démontrent que la notion de « millésime » ne fait pas sens en matière de sécheresse. En effet, la sécheresse affectant le bâti consiste en un mouvement différentiel du terrain dû à une alternance de retraits et de gonflements des sols se déroulant sur plusieurs années. Le critère pluviométrique actuel qui permet de déterminer la sécheresse agricole devrait être, en conséquence, associé à un critère géologique et géotechnique afin de qualifier l'état de sécheresse du bâti. M. René Després a conclu son propos par la nécessité de réformer le régime « CAT-NAT ».

Confirmant cette analyse, M. Michel Borde, membre de l'Association des maisons sinistrées de Saint-Saturnin-lès-Apt (ADMSS) , a mis en exergue une baisse importante de la pluviométrie ces dix dernières années. Il existe une évidente corrélation entre les déficits cumulés de pluie et l'augmentation des sinistres dus à la sécheresse.

M. Michel Roméro a rappelé que la réforme du régime « CAT- NAT » ne devait pas occulter la situation concrète des sinistrés de 2003, situation dont M. Eric Doligé, président , a confirmé qu'elle constituait un aspect à part entière des travaux du groupe constitué par la commission des finances.

A la question de M. Bernard Vera et de Mme Nicole Bricq sur la disponibilité de statistiques relatives à la sécheresse de 2003, Mme Christine Desmond a souligné la difficulté de recenser le nombre de sinistrés. A Saint-Michel-sur-Orge, commune de plus de 20.000 habitants située dans l'Essonne, 95 personnes avaient constaté de graves dommages sur leur habitation liés à la sécheresse, et avaient signalé leur cas en mairie dès la fin de l'été 2003. Dans le cadre de la procédure exceptionnelle, 575 dossiers seulement ont été déposés dans l'Essonne. De nombreuses personnes n'ont déposé aucun dossier faute d'information, parce qu'elles étaient âgées, isolées ou découragées par les procédures à accomplir. 256 dossiers ont été retenus. Elle a déploré le manque d'information ainsi que la complexité des pièces à fournir dans un délai jugé trop court.

M. Michel Roméro a tenu à comparer le coût de la sécheresse de 2003 au montant des indemnisations accordées. Se référant à une étude d'AXA, la sécheresse 2003 aurait coûté entre 1,5 milliard et 2,5 milliards d'euros, alors qu'elle n'a donné lieu qu'à 218 millions d'euros d'indemnisations au titre de la procédure exceptionnelle. Il en ressort une moyenne de 65.000 euros par commune à partager entre les différents sinistrés, à rapporter au coût effectif des travaux par habitation, de loin supérieur. Dans les Yvelines, 451 dossiers de demandes d'indemnisation avaient été déclarés éligibles sur plus de 2.000 déposés.

M. Claude Naquin a évoqué les 652 dossiers éligibles sur 1.829 dossiers présentés dans son département, dans le cadre de la procédure exceptionnelle. Il se confirme que les difficultés tenant aux formalités à accomplir et aux délais très courts imposés n'ont pas permis à tous les sinistrés d'obtenir une juste indemnisation.

A M. Eric Doligé, président, qui s'étonnait de la discordance de certains chiffrages selon les sources consultées, M. Michel Roméro a répondu que les associations peinaient à obtenir des informations de la part des préfectures. Mme Nicole Bricq a indiqué que les mêmes difficultés avaient pu être rencontrées par les parlementaires.

A une question de M. Bernard Vera sur la complexité de la procédure et sur les abandons qu'elle entraînait, Mme Christine Desmond a insisté sur la difficulté pour les personnes âgées ou isolées de constituer un dossier de nature très technique. Par ailleurs, certaines communes n'ont que peu ou pas communiqué sur l'ouverture de la procédure exceptionnelle. Les sinistrés ont disposé d'environ un mois et demi, à compter du 15 février 2006, pour établir un dossier complet. Or, il est impossible de réaliser une étude de sol et deux devis dans un tel délai. Certains professionnels ont refusé d'établir des devis aléatoires, en dépit du fait que certaines préfectures aient accepté, voire recommandé, pour des motifs de rapidité, de fournir des devis surévalués. Pour ces motifs, certains sinistrés n'ont pas été en mesure d'établir un dossier complet. Un délai de deux mois supplémentaires a été octroyé en mai, dont certaines victimes, découragées, n'ont pas souhaité profiter. Le caractère probant des dossiers dépendait également de la qualité des photographies des dégâts fournies, alors que les sinistrés ne pouvaient pas toujours recourir à des professionnels, ou de certaines tournures techniques employées pour décrire les désordres. Mme Christine Desmond a notamment cité un dossier ayant fait l'objet de deux rejets successifs pour avoir qualifié la partie de bâtiment endommagée d'« auvent » ou de « terrasse couverte ». Ce dossier a été accepté à la troisième reprise en employant le terme d'« avancée de toit ». Au total, la technicité des dossiers à constituer laissait sans espoir une personne isolée ou ne bénéficiant pas de l'appui d'un professionnel ou d'une association.

M. Michel Borde a ajouté qu'eu égard aux conditions techniques requises pour élaborer un dossier de demande d'indemnisation au titre de la procédure exceptionnelle, les sinistrés étaient, de fait, placés dans une situation comparable à celle des assureurs lors de la constitution de ces dossiers. En outre, la difficulté pour obtenir un devis dans un bref délai était accrue par le grand nombre de demandes formulées auprès des quelques entrepreneurs situés au sein d'une même commune.

M. Michel Roméro a considéré que la procédure exceptionnelle avait requis des sinistrés qu'ils se substituent aux assureurs dans un temps record. L'engorgement des demandes de devis ou d'études auprès professionnels a conduit certains sinistrés à procéder à des évaluations par téléphone.

En réponse à Mme Nicole Bricq , Mme Christine Desmond a précisé que les commissions constituées par les préfectures dans le cadre de la procédure exceptionnelle n'associaient que très rarement, et à titre consultatif, les représentants des sinistrés. Cela été le cas dans les Yvelines ou le Loiret.

Mme Christine Desmond a estimé qu'en dépit du travail « admirable » des préfectures, de grandes disparités de traitement ont été constatées entre les communes, compte tenu notamment de l'absence d'expertise des victimes ayant constitué les dossiers ou du caractère approximatif de certains devis. Les traitements ont également été différents entre les départements (prise en compte ou non du ravalement ou des fissures...). Par ailleurs, le prix moyen pour une reprise en sous-oeuvre étant d'environ 1.000 euros par mètre carré, et l'atteinte à l'intégrité du clos et du couvert étant une condition nécessaire pour l'octroi de l'indemnisation, on peut s'étonner que certaines indemnités aient pu être inférieures à 5.000 euros, pour s'établir, par exemple, à 630 euros. L'arrêt de la procédure exceptionnelle est programmé au 30 avril 2009. Les 218 millions d'euros n'ayant pas été intégralement consommés, les sommes non distribuées devront alors être restituées.

M. Claude Naquin a cité des exemples de sinistrés qui seront contraints de restituer des acomptes d'indemnités faute d'avoir obtenu un financement pour procéder aux travaux. Les préfectures ne sont toutefois pas responsables des disparités de traitement.

Mme Nicole Bricq a suggéré que le groupe de travail interroge le gouvernement sur le solde des crédits disponibles.

En réponse à la question de Mme Fabienne Keller sur la mise en oeuvre de plans de prévention des risques naturels, M. Michel Roméro a déploré l'absence de mesures destinées à améliorer cette dernière. En revanche, les associations de sinistrés informent, dans la mesure du possible, les habitants ainsi que les personnes dont l'intention est de s'installer dans le département, des risques encourus. Elles souhaitent également que les départements réalisent des études relatives à la prévention des risques.

Mme Fabienne Keller a suggéré que le reliquat des fonds disponibles soit consacré à des études préventives sur les sites les plus exposés.

Mme Christine Desmond a particulièrement insisté sur la détresse des victimes de la sécheresse de 2003. Celle-ci a non seulement détruit des habitations, symboles de la sécurité d'un foyer et fruits de l'investissement de toute une vie, mais elle a également suscité des troubles dans les familles.

Mme Fabienne Keller a salué le travail accompli par les associations et rappelé que le groupe de travail avait souhaité les entendre prioritairement en raison de leur connaissance approfondie des situations vécues par les sinistrés.

A la question de Mme Nicole Bricq sur la teneur de la réforme à venir du régime « CAT-NAT », Mme Odile Mérel , trésorière de l'Union nationale des associations de lutte contre les inondations (UNALCI), a fait état d'un document de travail remis en février 2008 par la direction générale du Trésor et de la politique économique du ministère de l'économie et des finances. Sur le fondement de ce document, il apparaît que le projet du gouvernement introduit une discrimination entre assurés exposés ou non aux risques naturels, et en différenciant les risques inévitables de ceux résultant du comportement des victimes. Le projet envisage en effet une modulation de la franchise et des surprimes en fonction du risque encouru. La prime additionnelle pourrait ainsi varier entre 6 et 18 % selon la zone habitée. Ces évolutions sont graves et contraires au principe d'égalité et de solidarité des citoyens devant les charges résultant des calamités nationales. En général, les victimes n'ont pas choisi de s'installer dans une zone exposée aux risques et peuvent éprouver des difficultés à la quitter, ne serait-ce qu'en raison de la dévaluation du bien concerné, qu'il est alors délicat de revendre.

La réforme va mettre les assureurs au coeur du dispositif et « figer », dans un décret en Conseil d'Etat, les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle qui sont par nature évolutifs ou aléatoires. Les compagnies d'assurance appliqueront ces critères sans intervention de l'Etat, qui renonce à ses attributions régaliennes, ou des élus locaux. Les litiges relèveront de la juridiction civile et non du tribunal administratif. En cas de contentieux, l'assuré se retournera contre son assureur, dont on imagine mal comment il fera bénéficier, de façon impartiale, celui qui l'attaque de la garantie « protection juridique ». La solution aux problèmes actuels ne peut résider dans une diminution des pouvoirs du préfet mais doit conduire à la réduction des délais et à l'amélioration de la transparence de la procédure d'indemnisation.

Selon Mme Nicole Bricq , le caractère évolutif du phénomène de sécheresse laisse les assureurs démunis. Dès lors, le régime CAT-NAT est-il réformable pour toutes les catégories de catastrophes naturelles ?

Mme Odile Mérel a confirmé que les instruments de mesure de l'intensité des phénomènes naturels n'étaient pas répartis de façon égale sur l'ensemble du territoire.

M. Jacques Avrillon , co-président de l'UNALCI-France-Inondations, a rappelé tout d'abord que seules 600 communes, sur l'ensemble du territoire, n'avaient pas été concernées jusqu'à présent par une inondation ou un dégât des eaux. Par ailleurs, 100.000 logements ont été construits en zone inondable entre 1999 et 2006. D'une manière générale, la dimension humaine doit être prise en compte dans la gestion des sinistres, quelle que soit la nature de ceux-ci. Les associations de victimes doivent donc être présentes à titre délibératif dans l'ensemble des instances qui auront à élaborer la réforme du régime d'indemnisation et les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

M. Pierre Demonchy , co-président de l'UNALCI-France-Inondations, a insisté sur l'importance du préfet dans l'instruction des dossiers d'indemnisation, qui doit continuer à jouer un rôle d'arbitre entre assureurs et sinistrés.

Mme Odile Mérel a souligné l'importance du volet « prévention » des catastrophes naturelles. Elle a déploré que les pistes de réforme n'évoquent pas le rôle des organismes qui ont vocation à prévenir les sinistres. Par ailleurs, les agissements de ceux qui aggravent les risques ne semblent pas devoir être pénalisés par la réforme (notamment l'octroi de permis de construire dans des zones inondables). Enfin, aucune incitation fiscale n'encourage les citoyens à se prémunir contre les risques naturels. Les compagnies d'assurance pourraient devenir des acteurs de la prévention et être encouragées fiscalement à financer des travaux d'amélioration de la qualité de l'habitat, au-delà du seul remboursement à hauteur des dommages causés.

M. Guy Deneufbourg s'est exprimé en qualité de membre de l'Association française de prévention des catastrophes naturelles (AFPCN) et d'ancien chef du bureau des risques majeurs au ministère chargé de l'environnement. Au moment de l'élaboration de la loi de 1982, le risque de subsidence a été rattaché in extremis au régime d'indemnisation, sans examen approfondi de sa spécificité. De même, la politique de prévention en ce domaine est apparue tardivement, s'agissant particulièrement de la cartographie du risque.

Dès les premières sécheresses, les assureurs se sont d'ailleurs inquiétés des conséquences potentielles en matière d'indemnisation. De fait, le régime « CAT-NAT », fondé sur la survenue de phénomènes d'intensité anormale à un moment déterminé, est inapproprié en cas de sécheresse affectant le bâti, phénomène qui ne connait ni début, ni fin aisément identifiables.

Il est indispensable d'associer indemnisation et prévention dans la perspective de la prochaine réforme. La responsabilité des sinistrés n'est pas à mettre en cause s'agissant du bâti préexistant à la délimitation des zones à risques et à la mise en oeuvre des premières mesures de prévention. En revanche, il conviendra désormais d'éviter de construire dans les zones exposées et de moduler les indemnisations lorsque les victimes de sinistres n'auront pas respecté certaines prescriptions de nature à éviter la survenue de phénomènes de subsidence (sollicitation du bedrock , drainage, éloignement des plantations...).

En réponse à Mme Nicole Bricq , Mme Odile Mérel s'est déclarée défavorable à la modulation des primes en fonction du risque. Il serait inéquitable de pénaliser les assurés auxquels l'administration a accordé un permis de construire, nonobstant leur exposition à un risque qu'ils ne connaissaient pas au moment de leur installation.

Répondant à M. Adrien Gouteyron sur la faisabilité d'actions préventives dans une commune argileuse, M. Guy Deneufbourg a confirmé qu'il était possible de construire de manière appropriée sur de tels sols afin d'éviter tout futur sinistre.

Mme Christine Desmond a relevé que les programmes de construction à coût modéré vantés par le gouvernement n'étaient guère compatibles avec le respect de normes exigeantes en matière de sécurité et de solidité du bâti.

M. Jacques Avrillon a insisté pour que les victimes ne soient pas considérées comme des coupables dans le cadre de la prochaine réforme, faisant observer que certaines zones pouvaient être qualifiées de zones à risque après l'installation des assurés. Les plans d'aménagement territoriaux doivent intégrer les impératifs de prévention. Il serait, à cet égard, opportun de recenser les zones humides ou zones d'expansion des eaux remblayées afin d'être transformées en zones industrielles et d'habitat.

M. René Després a souhaité que le phénomène de subsidence fasse l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre de la réforme du régime « CAT-NAT » et que les zones argileuses soient prises en compte dans les plans de prévention des risques et dans les plans locaux d'urbanisme. Bien que coûteux, une étude géotechnique préalable et un contrôle au moment du coulage de la dalle doivent être obligatoires en zone à risque.

A M. Jean-Luc Roméro , qui relevait que les travaux de confortement des fondations nécessaires en zone argileuse étaient également coûteux, M. Michel Borde a répondu qu'en tout état de cause, les procédures et travaux préventifs à mettre en oeuvre seraient toujours moins onéreux qu'une indemnisation a posteriori .

2. Audition du 8 avril 2009 - Représentants des professionnels de l'assurance

M. Eric Doligé, président , a rappelé le contexte dans lequel avait été créé le groupe de travail et précisé ses modalités de fonctionnement. Il a ensuite interrogé les personnes auditionnées sur leur appréciation de la gestion du régime.

M. Stéphane Pénet , directeur des assurances de biens et responsabilité à la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) a fait valoir que le régime « Catastrophes naturelles » (Cat-Nat) avait fonctionné de manière satisfaisante depuis sa création. Il a donné lieu à des indemnisations de l'ordre d'un milliard d'euros par an. Il a qualifié le régime de « partenariat public/privé intelligent ».

Revenant sur le coût de la sécheresse de 2003, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, il a avancé le montant d'1,2 milliard d'euros à 2 milliards d'euros comme coût global pour l'ensemble des assureurs et des réassureurs et caisse centrale de réassurance (CCR). Il a comparé ce montant aux encaissements moyens annuels des primes Cat-Nat de l'ordre d'1,3 milliard d'euros ainsi que du coût de la tempête Klaus de l'ordre d'1,2 milliards d'euros.

Il a ensuite rappelé qu'il y a encore environ six mois, des arrêtés constatant l'état de catastrophe naturelle étaient pris. Puis, il a fait observer que la procédure exceptionnelle d'indemnisation mise en oeuvre après celle du régime Cat-Nat avait été financée en partie par le fonds de compensation de l'assurance construction, ce qui n'avait en conséquence pas obéré les finances publiques. En outre, les sommes indemnisées avaient atteint le niveau de stop loss ce qui aurait déclenché la garantie de l'Etat.

Contrairement aux pouvoirs publics affichant une réforme du régime Cat-Nat ambitieuse, la FFSA souhaite ne réformer que deux points spécifiques du régime : le péril sécheresse ainsi que la prévention.

S'agissant du péril sécheresse ou de subsidence il convient de le distinguer des autres périls au sein du régime Cat-Nat. En effet, il n'affiche aucune unité de temps, de lieu ou d'action contrairement aux autres catastrophes naturelles. Cela a pour conséquence de complexifier la constatation du dommage ainsi que l'établissement du rapport de causalité.

D'autre part, il est regrettable qu'il n'existe aucune liste des catastrophes naturelles couvertes par le régime. Seul en est exclu le vent. En conséquence, tout phénomène naturel avec une intensité anormale est couvert par le régime Cat-Nat.

La FSSA préconise donc que s'appliquent des règles particulières à la sécheresse au sein du régime Cat-Nat.

M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, a cité deux mesures.

Premièrement, il convient de traiter différemment le péril sécheresse au sein du régime Cat-Nat en indemnisant que les dommages mettant en cause la structure et la solidité du bâtiment ou rendant impropre son usage. Le dommage serait de nature décennale. A la question de Mme Nicole Bricq sur le périmètre d'indemnisation d'une telle mesure, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, a fait valoir que si les dommages de nature décennale ne constituaient que 20 % des occurrences, ils représentaient 80 % des montants indemnisés.

En second lieu, il conviendrait d'une part d'informer l'acquéreur du terrain du risque qui obère ce terrain ainsi que des coûts éventuels de construction qui en découlent. D'autre part, l'édiction d'une réglementation visant à rendre obligatoire l'adaptation des fondations à la nature des sous-sols est nécessaire. A titre d'illustration, il a cité le DTU 13-12, indicateur de la profondeur minimale des fondations. Il a regretté que l'on continue à construire dans des zones à risques en dépit de l'existence d'une cartographie de ces zones établie par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Aux questions de Mmes Fabienne Keller et Nicole Bricq sur l'inertie des pouvoirs publics à édicter cette réglementation de nature préventive, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, a indiqué que la cartographie était disponible sur le site du BRGM.

S'agissant du deuxième point d'amélioration du régime Cat-Nat, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, a déploré l'absence de plan de prévention des risques dans le plus grand nombre de communes. Les sinistrés souffrent de cette absence puisqu'ils supportent une franchise plus élevée lors de l'indemnisation.

Il a émis des réserves quant à l'effet d'incitation à la prévention de la modulation de la prime Cat-Nat en fonction de la vulnérabilité des lieux. La modicité de l'augmentation ne saurait avoir un effet incitatif à la mise en oeuvre de mesures de prévention par les particuliers. Il a cependant tenu à nuancer ces propos s'agissant des professionnels dont les moyens disponibles et le montant plus important de la prime peuvent conduire les entreprises à prévoir des mesures de gestion des catastrophes naturelles.

En revanche, s'il s'est déclaré plus favorable à la modulation de la franchise tout en en soulignant le caractère inéquitable, il a insisté sur la nécessité pour les pouvoirs publics de mettre en oeuvre une politique de prévention des catastrophes naturelles notamment par une réforme du code de la construction et par la mise en oeuvre de plans de prévention des risques. Ces obligations devraient peser tant sur les constructions à venir que sur celles existantes afin d'en améliorer la résistance aux catastrophes naturelles.

A l'interrogation de Mme Fabienne Keller sur les plans de prévention des risques, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, a convenu qu'il était difficile de déterminer l'effet de l'urbanisation sur le risque de subsidence.

Répondant à M. Eric Doligé, président, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, s'est déclaré non seulement défavorable à la modulation de la prime Cat-Nat mais également à la suppression de l'arrêté Cat-Nat. Il a souligné la nécessité de renforcer l'objectivité des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle face à l'incompréhension de la plupart des sinistrés. Cependant, la décision d'indemnisation ne saurait revenir aux seuls assureurs ou à un collège scientifique. La suppression de l'arrêté Cat-Nat pourrait avoir pour conséquence négative de multiplier les contentieux devant les tribunaux judiciaires.

A l'inquiétude de Mme Nicole Bricq et de M. Jean-Jacques Jégou sur la possible exclusion du régime Cat-Nat des dommages non décennaux, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, a rappelé que 80 % des dommages concernaient la structure. Un marché assuranciel libre pourrait se développer sur le segment des dommages n'étant pas indemnisés dans le régime Cat-Nat. La garantie décennale en cas de mauvaise construction joue également.

Répondant à la réserve de Mme Fabienne Keller sur le coût d'une assurance pour les dommages ne portant pas sur la structure, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, a convenu que le développement d'un tel marché est complexe.

A la demande de précisions de Mme Nicole Bricq sur les régimes de catastrophe naturelle mis en place par nos partenaires étrangers, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, a indiqué que l'Espagne disposait d'un système similaire au notre dans lequel tout dommage y compris terroriste était indemnisé. Les pouvoirs publics aux Pays-Bas couvrent totalement les risques d'inondation. Le système d'assurance libre anglais a conduit selon lui à une culture de la prévention plus importante en raison de la crainte de l'absence d'indemnisation en cas de réalisation du risque.

A la question de Mme Nicole Bricq sur l'efficience de la procédure d'indemnisation du régime Cat-Nat, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, a fait valoir que celle-ci n'avait posé de problème que dans le cadre de la sécheresse de 2003. Il s'est dit favorable à l'indemnisation de tous dommages de nature décennale créés par un mouvement de terrain nonobstant la sécheresse.

A titre de conclusion, M. Stéphane Pénet , directeur à la FFSA, a appelé de ses voeux à une externalisation du financement du fonds Barnier, hors le régime Cat-Nat. Les prélèvements sur les fonds ont augmenté de 600 % entre 2006 et 2009, il a déploré que les politiques de prévention soient financées sur ce fonds dédié aux indemnisations.

Il a enfin évoqué l'étude des conséquences du réchauffement climatique qui sera transmise dès que possible aux membres du groupe de travail.

Mme Nicole Bricq a souhaité connaître la part des indemnisations Cat-Nat dans le bilan des assureurs.

Puis les membres du groupe de travail ont entendu M. Bernard Paul , directeur de la Société Carpenter, courtier en réassurance.

A titre liminaire, il a insisté sur le caractère sensible de la question de la réforme du régime Cat-Nat le conduisant à un devoir de réserve en raison de sa clientèle.

A la question de M. Eric Doligé, président, sur les orientations du futur projet de loi Cat-Nat, M. Bernard Paul , directeur de la Société Carpenter, a insisté sur l'absence de liste des catastrophes naturelles couvertes par le régime contrairement à nos partenaires étrangers. Ce n'est pas la nature ou l'ampleur de ces périls qui soulèvent un problème, mais le fait qu'ils ne soient pas expressément dénommés. Une telle carence est contraire à la modélisation du risque par les réassureurs puisqu'il existe une incertitude sur le périmètre de couverture par le régime.

Il a également évoqué le problème de l'absence de libre choix de l'assureur qu'il a qualifié de mineur. L'assureur ne peut exercer son rôle du choix du risque et de sa tarification. En contrepartie un tel système présente l'avantage de ne pas conduire à un effet d'anti-sélection dans les portefeuilles des assureurs et des réassurés.

La question centrale du réassureur réside dans la modélisation du péril aux fins de le tarifer. Il conduit à la réalisation d'une courbe d'exposition, rapport entre l'intensité et la durée. M. Bernard Paul , directeur de la Société Carpenter , a souligné que dans le cadre de l'inondation et de la sécheresse, il existait un vide relatif en termes de modélisation. C'est pourquoi la Société Carpenter s'est attachée à créer un tel modèle en incorporant les données géologiques, climatiques d'urbanisation et de phénomène du bâti. Les données politiques ont été en revanche exclues d'un tel modèle.

A la question de M. Adrien Gouteyron sur la réalisation de la courbe d'exposition pour le marché français, M. Bernard Paul , directeur de la Société Carpenter , a indiqué que celle-ci était communiquée aux clients de la société. Elle est également en cours d'enrichissement progressif.

Il a tenu à distinguer le risque de subsidence de celui des inondations et des tremblements de terre. Alors que la clé de la modélisation consiste en cas de tremblements de terre a déterminé la mesure haute de l'évènement, la période de retour est plus faible et l'intensité forte en cas d'inondation, et la période de retour basse et la fréquence moyenne en cas de sécheresse.

A la question de Mme Nicole Bricq sur le « caractère politique non modélisable » du régime Cat-Nat, M. Bernard Paul , directeur de la Société Carpenter , a précisé que ce caractère ne constituait pas un évènement pertinent pour le réassureur, seul compte l'évènement naturel dont il mesure l'impact et le coût. Le régime juridique ne constitue pas l'aléa principal.

A titre de conclusions, M. Bernard Paul , directeur de la Société Carpenter , a insisté sur la pertinence du modèle français en termes de réassurance. En effet, le marché mondial est actuellement saturé en raison de trois zones fragilisées que sont la Californie avec les tremblements de terre, le Japon et la Côte est des Etats-Unis exposés aux risques de tempêtes. Le système français en plafonnant l'engagement de l'assureur au-delà d'un certain montant et en faisant jouer la garantie de l'Etat évite d'avoir recours à une capacité mondiale de réassurance chère et rare.

Les membres du groupe de travail ont enfin entendu M. Jean-Luc de Boissieu, secrétaire général du Groupement des entreprises mutuelles d'assurances (GEMA), Mme Catherine Traca, secrétaire général adjoint, et Mme Barbara Berrebi, chargée d'études .

A titre liminaire, M. Jean-Luc de Boissieu , secrétaire général du Groupement des entreprises mutuelles d'assurances (GEMA), a indiqué que l'ensemble des mutuelles d'assurances géraient 50 millions de contrats, réalisaient 20 milliards d'euros de chiffre d'affaire et disposaient de 20 millions de souscripteurs.

Mme Catherine Traca, secrétaire général adjoint de GEMA, a reconnu que la gestion de la sécheresse 2003 n'avait pas été satisfaisante. Elle a constaté un grand nombre de retards dans la prise de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

A la question de Mme Bricq sur les marges de manoeuvre éventuelles afin de résoudre les dossiers rejetés, Mme Catherine Traca a convenu de l'insatisfaction des sinistrés en raison de la mise en oeuvre des franchises et du nombre de rejets de dossiers.

Au constat d'insatisfaction des sinistrés dressé par MM. Eric Doligé, président et Adrien Gouteyron, s'agissant de la procédure exceptionnelle, Mme Catherine Traca , tout en convenant que le pourcentage de rejet de dossiers était comparable à celui habituel, a regretté qu'il n'y ait pas eu de recours systématique à une expertise.

Répondant à M. Eric Doligé, président, M. Jean-Luc de Boissieu a tout d'abord tenu à insister sur le fait que le régime Cat-Nat donnait satisfaction à ses sociétaires. La GEMA ne souhaite pas particulièrement que le régime soit réformé contrairement au gouvernement. En effet, la gestion du régime Cat-Nat est souple en raison de la prise de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ce régime a servi à maintes reprises. Il s'est interrogé sur la pertinence de « privatiser » le régime. Accentuer le caractère assuranciel du régime par un désengagement de l'Etat risque d'entraîner des augmentations de tarifs. En outre, la position des compagnies d'assurance sera fragilisée face aux réassureurs qui pourraient augmenter la garantie ou exclure certains risques. En effet, il a estimé le marché de la réassurance incapable d'assurer le risque de catastrophe naturelle de manière illimitée, tel que le fait l'Etat aujourd'hui.

Mme Catherine Traca a insisté sur la nécessité d'établir des critères objectifs et scientifiques sur la base d'une cartographie afin de raccourcir les délais de prise d'arrêtés de reconnaissance.

Elle a appelé de ses voeux à la constitution d'une commission interministérielle plus indépendante regroupant éventuellement des personnes compétentes dans le domaine scientifique et ayant recours à une base de données. Elle n'est cependant pas favorable à la suppression d'une telle commission.

Elle a déploré que la réforme de 1999 du régime Cat-Nat n'ait pas pris en compte le volet préventif. Elle a donc estimé nécessaire la mise en place de mesures de prévention telles que :

- la création d'un zonage de zones argileuses plus précis que celui actuel ;

- l'obligation de réalisation d'étude du sol pour les nouvelles constructions ;

- la mise en oeuvre de fondations appropriées au sous-sol ;

- l'information de l'acquéreur du bien du risque de la zone et des normes de construction en découlant.

Elle s'est déclarée favorable à la prise en charge de tous les dommages, y compris les fissures, quand il existe une atteinte à la structure, cette dernière constituerait le critère déclencheur de l'indemnisation au titre du régime Cat-Nat. En revanche, le marché assuranciel pourrait couvrir les dommages qui ne constituent pas une atteinte à la structure.

S'agissant de la modulation de la surprime, la GEMA n'y est pas favorable à l'instar de la FFSA. Elle conteste son effet préventif.

Mme Catherine Traca a souhaité que soit supprimée la modulation de la franchise. En effet, cette dernière a, certes, favorisé la création de PPR, mais on peut s'interroger sur la qualité de certains PPR. En revanche, elle constitue aujourd'hui un élément incompris de la part des sinistrés.

M. Jean-Luc de Boissieu a tenu à insister sur les contraintes financières pesant sur les assureurs. Sur une surprime de 100 euros, 36 en reviennent à la compagnie d'assurance.

Il a fait valoir que la CCR disposait, au 31 décembre 2008, d'une provision d'égalisation de Cat-Nat de 1,8 milliard d'euros, soit deux ans de chiffre d'affaires. Il a jugé ce montant suffisant.

A la remarque de Jean-Jacques Jégou sur l'inopposabilité de la cartographie du BRGM, M. Jean-Luc de Boissieu a considéré que celle-ci n'était pas achevée car elle ne prend pas en compte l'ensemble des communes.

En réponse à Adrien Gouteyron sur l'exemple d'un PLU intégrant cette cartographie dans son règlement, Mme Catherine Traca a salué cette initiative tout en soulignant son caractère non obligatoire. Elle a souhaité que l'étude de sol ainsi que la construction de fondations appropriée deviennent obligatoires. Nombre de constructions sont actuellement mal construites en toute légalité.

A l'interrogation d'Adrien Gouteyron sur le rôle des coordinateurs de la GEMA dans le département, Mme Catherine Traca a indiqué que ces personnes se mettaient à la disposition des préfets en cas d'événement majeur de catastrophe naturelle.

3. Auditions du 9 avril 2009 - Représentants de l'Autorité de contrôle des assurances et mutuelles, du ministère chargé de l'économie, de la Caisse centrale de réassurance et du secteur de la réassurance

a) Audition des représentants de l'Autorité de contrôle des assurances et mutuelles (ACAM)

M. Jean-Claude Frécon, co-rapporteur, a rappelé que ces auditions ont pour objet, d'une part, de faire le point sur les indemnisations des conséquences de la sécheresse 2003 et leurs insuffisances et, d'autre part, d'élaborer une réforme du système d'indemnisation.

M. Antoine Mantel, secrétaire général de l'ACAM , a tout d'abord souhaité rappeler le champ d'intervention de l'Autorité de contrôle des assurances et mutuelles (ACAM). L'ACAM est une autorité publique indépendante relevant de deux ministères, celui de l'économie, de l'industrie et de l'emploi s'agissant du secteur de l'assurance ainsi que celui de la santé dans le cadre de l'assurance complémentaire santé. Il s'agit d'une autorité de contrôle prudentiel du secteur de l'assurance (l'assurance vie et l'assurance dommages) et des mutuelles dont le mandat est de faire respecter la réglementation prudentielle mais également la réglementation du contrat.

S'agissant du rôle prudentiel, l'ACAM exerçe ainsi un contrôle direct sur tous les assureurs qui travaillent en France ainsi que sur la caisse centrale de réassurance. Insistant sur la nature prudentielle du mandat de l'ACAM, M. Antoine Mantel a souligné que le rôle de cette Autorité ne consiste ni en un suivi du marché ni en une évaluation des bénéfices des assureurs. En revanche, l'Autorité doit veiller à ce que les assureurs disposent des sommes nécessaires pour régler les assurés au titre de leur contrat d'assurance.

Concernant le respect de la réglementation du droit du contrat, M. Antoine Mantel a estimé que cette mission concernait plus l'assurance vie que l'assurance dommages. Il est la plupart du temps question de mauvaises informations données sur des contrats en unités de compte. Puis il a précisé que, sans se substituer au pouvoir judiciaire, l'ACAM dispose d'un département « droit du contrat et relations avec les assurés » qui traite un certain nombre de réclamations des assurés. Cette mission lui permet d'apprécier le fonctionnement du contrat d'assurance sous un angle différent de celui du contrôle sur place des entreprises. Elle peut exercer des pouvoirs de sanction lorsque l'attitude générale d'un assureur entraîne le non-respect d'une réglementation relative au contrat. M. Antoine Mantel s'est félicité qu'en matière de contrats de catastrophes naturelles, il existe un faible nombre de réclamations, soit 1.500 réclamations d'assurés chaque année.

Enfin, il a tenu à faire savoir que l'ACAM est une organisation où les assurés disposent de la possibilité d'être entendu, en raison des systèmes de médiation professionnelle, en cas de conflit entre un assuré et son assureur. L'ACAM reçoit environ 1.500 réclamations, les catastrophes naturelles ne constituant qu'une quinzaine d'entre elles par an en moyenne, soit 1 %. Observant qu'il était difficile de tirer des enseignements de ce faible pourcentage, il a cependant relevé que pour l'ensemble de ces cas, la critique la plus fréquente porte sur l'expertise, l'expert estimant que le dommage n'est, en effet, pas dû à la catastrophe naturelle mais lui est antérieur. Dans de tels cas, l'ACAM demande de faire réaliser une contre-expertise.

Puis M. Antoine Mantel a indiqué que le second type de réclamations liées aux contentieux des catastrophes naturelles réside dans la lenteur de certaines indemnisations. Il a rappelé que celle-ci doit intervenir dans un délai de trois mois, aux termes de l'article L.125-2 du code des assurances. Il a déclaré cependant que ces retards ne peuvent justifier une intervention de procédure de sanction à l'égard de l'intervenant du marché.

Revenant sur les aspects techniques du contrôle prudentiel, il a souligné que l'assurance de catastrophes naturelles bénéficie d'un régime très spécifique. Elle consiste en une garantie qui est nécessairement associée à l'assurance des dommages dont le tarif fixé.

Il a précisé que cette garantie représente approximativement 3 % du chiffre d'affaires d'assurances de biens « responsabilité », c'est-à-dire assurances de biens hors dommages corporels. Ceci correspond sur la période 1995-2007 à 13 milliards d'euros de primes. Ces 13 milliards d'euros ont permis d'indemniser des sinistres causés par des catastrophes naturelles à hauteur de 9 milliards, soit 70 % de primes qui servent à payer des prestations ou leurs frais de gestion. Il a ajouté que les primes s'étaient élevées à 1,3 milliard d'euros en 2007 alors que le total des charges de sinistres était de 600 millions.

Il a souhaité souligner que cette branche d'assurance subit une fluctuation importante en matière de sinistralité contrairement à l'assurance des automobiles dont les ratios sont beaucoup plus stables. En conséquence, des mécanismes de lissage sont nécessaires. Ils sont au nombre de deux. L'un concerne la réassurance et plus particulièrement l'intervention de la caisse centrale de réassurance.

Le second mécanisme de lissage fiscal est la provision d'égalisation. Les sociétés d'assurance et de réassurance ont la faculté de placer en franchise d'impôt jusqu'à 75 % des bénéfices de chaque exercice dans cette provision dont le montant total ne doit toutefois pas excéder 300 % de leur encaissement annuel. La constitution d'une provision spéciale en plus des provisions techniques ordinaires permet de lisser les résultats entre « bonnes » et « mauvaises » années.

Puis, M. Antoine Mantel a développé certains aspects financiers du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles en relevant que les frais d'acquisition et d'administration de ce type de contrat sont de 17 %, ce qu'il a qualifié de raisonnables. Les résultats des assureurs sur la période allant de 1995 à 2007 s'élèvent à 5 % du montant total des 13 milliards d'euros de primes, soit au total 700 millions d'euros.

Il a alors poursuivi son propos en insistant sur la part de la réassurance dans ce marché. En effet, la moitié des primes perçues par les assureurs sont en fait reversées aux réassureurs qui supportent les risques catastrophes majeures. Il a ainsi illustré son propos par la sécheresse 2003 qui a été largement prise en charge par la Caisse centrale de réassurance (CCR).

En réponse à la demande de précision de calcul de ce résultat de Mme Fabienne Keller, M. Antoine Mantel a confirmé que la part de 5 % des primes était ainsi calculé après réassurance en précisant que les bénéfices des assureurs sur la période est de 21 % des primes perçues, soit 2,7 milliards après réassurance. La différence, soit deux milliards, représente le résultat transféré aux réassureurs et plus particulièrement à la CCR afin de lui permettre notamment de se constituer une provision d'égalisation.

M. Antoine Mantel a insisté sur la difficulté de connaître immédiatement le coût de la sinistralité en raison de sa fluctuation d'une année sur l'autre. A titre d'illustration, il a observé que, dans le cadre des décomptes de l'ACAM, la charge de sinistres pour l'exercice 2003 avait été évaluée à 1,3 milliard d'euros à la fin de l'année 2003 par les assureurs, ce qui représentait 110 % des primes. Ce coût a été révisé fin 2007 à 2 milliards d'euros, soit 700 millions de plus que la première évaluation réalisée fin 2003. Constatant que l'estimation finale est donc supérieure de 50 % à celle d'origine, M. Antoine Mantel a souhaité que soit prise en compte la difficulté d'estimation du coût d'une catastrophe naturelle à l'avenir, notamment dans le cas d'un sinistre majeur causé par la sécheresse.

En réponse au constat de Mme Nicole Bricq sur le retard observé dans la prise des arrêtés en 2003, M. Antoine Mantel a jugé que les questions de sécheresse sont extrêmement délicates à appréhender puisque ses effets n'apparaissent qu'au cours du temps. Le recensement de tels dommages est plus complexe que celui réalisé lors d'une inondation. Contrairement aux cas d'inondation, où l'évaluation des dommages suit immédiatement le retrait de l'eau, la sécheresse entraîne de lents mouvements de terrain, qui conduisent le plus souvent à des « dépassements » de coûts. Il a estimé que les difficultés liées à l'estimation de dommages risquent de subsister dans la mesure où il est délicat d'évaluer si ces sinistres sont liés à la sécheresse ou à une mauvaise construction d'un bâtiment, laquelle relève de l'assurance de construction décennale. Il a jugé souhaitable que les normes de construction tiennent compte du type de sécheresse.

Il a jugé indispensable la tarification obligatoire solidaire en matière d'assurance contre les catastrophes naturelles. Il a ajouté que seul un système de solidarité permet d'indemniser des catastrophes majeures. Un recours au seul marché de l'assurance ne serait pas efficient en ce domaine en raison de l'importance des montants et de la difficulté d'évaluer par avance le risque.

Il s'est félicité du système mixte français, associant un mécanisme assuranciel à la garantie de l'Etat. Il a illustré son propos par le sinistre de Kobé pour lequel le marché de l'assurance a peu contribué au coût des réparations. Il a fait valoir qu'en France tous les assureurs sont obligés de participer à un système dépourvu de risque prudentiel en raison de la réassurance et de la garantie de l'Etat.

Il a également jugé essentiel le mécanisme de provisions d'égalisation. Les assureurs peuvent ainsi présenter des résultats lisses sur la durée ce qui permet d'uniformiser le tarif dans le temps. En l'absence d'un tel mécanisme de lissage, le montant des primes pourrait varier à la hausse afin de compenser des années antérieures défavorables.

En réponse à Mme Fabienne Keller sur la mission de l'ACAM par rapport à la mission du Trésor dans le domaine des assurances, M. Antoine Mantel a rappelé que l'ACAM était une autorité de supervision et de contrôle et non de régulation. Il a précisé que la direction du Trésor édictait la réglementation dont l'ACAM contrôle l'application. S'agissant du respect du droit du contrat, l'ACAM n'a pas relevé de comportements généraux d'assureurs non conformes. Aucune mesure coercitive n'a été prise. Si l'ACAM traite les réclamations des assurés en organisant un contrôle sur pièce et sur place, il a ajouté que la garantie obligatoire contre les catastrophes naturelles n'entraîne pas de contestation puisque les assureurs exécutent le contrat d'assurance « dommages » qui comprend cette garantie.

Répondant à la question de Mme Nicole Bricq sur d'éventuels audits réalisés sur les catastrophes naturelles et sur la sécheresse, M. Antoine Mantel a indiqué qu'un seul audit a été réalisé sur la sécheresse. Il a ajouté que cette branche assurancielle ne génère pas de problème particulier en raison de la garantie de l'Etat. En outre la CCR veille à l'équilibre du régime.

Puis M. Jean-Claude Frécon s'est interrogé sur la solidité de l'équilibre financier du régime. M. Antoine Mantel a fait observer que les comptes sont équilibrés puisque les assureurs ont réalisé 700 millions de bénéfices sur la période 1995-2007 sur 13 milliards de primes perçues.

A la question de M. Jean-Claude Frécon sur la légitimité de ce bénéfice, M. Antoine Mantel a qualifié celui-ci de normal puisqu'il s'agit d'assureurs capitalistes.

Répondant à Mme Nicole Bricq sur le niveau des sommes actuellement « provisionnées » au regard de l'expérience de la couverture financière des dommages causés par la sécheresse de 2003, M. Antoine Mantel a rappelé que le montant des indemnisations s'élevaient, fin 2007, à 2 milliards d'euros, montant qu'il estimait supportable par le système.

M. Jean-Claude Frécon a, alors, précisé que la mission inter-inspections de 2005 avait considéré que les mécanismes actuels régissant les provisions d'égalisation ne permettaient pas d'aboutir à l'équilibre financier. Elle avait en conséquence préconisé d'augmenter de façon considérable les réserves de la CCR.

En réponse, M. Antoine Mantel a déclaré que la problématique centrale du régime consistait à déterminer la capacité du système à préfinancer des catastrophes majeures sans menacer les finances publiques. Si les provisions d'égalisation, constituées sur une période de 10 ans, sont prévues à cet effet, il a fait remarquer que la CCR ne dispose que d'1,7 milliard de provisions d'égalisation. Il a convenu que le régime en vigueur avait été soutenable en raison d'une sinistralité jusqu'à présent moyenne. Dans l'hypothèse d'une hausse de la sinistralité telle qu'une inondation à Paris ou un tremblement de terre à Nice, l'Etat devrait, le jour venu, en l'absence de réforme, faire jouer sa garantie et émettre des OAT. En effet, il a jugé qu'il était possible de supporter un coût de 3 milliards pour une seule année eu égard au montant des primes de 1,3 milliard d'euros par an, de celui des provisions de la CCR de l'ordre de 1,7 milliard d'euros par an ainsi que des frais de gestion de 17 %.

A l'interrogation de M. Jean-Claude Frécon si l'ACAM avait pris connaissance du projet de texte de loi élaboré par le gouvernement concernant les catastrophes naturelles, M. Antoine Mantel a indiqué qu'il ne lui appartenait pas de prendre position sur les dispositions gouvernementales.

M. Jean-Claude Frécon a mentionné le mécontentement d'un certain nombre de particuliers et de communes en raison du retard de publication de certains arrêtés de reconnaissance de catastrophes naturelles imputé, selon ces derniers, au manque de financements. M. Antoine Mantel a déclaré n'avoir pas eu connaissance de ce problème.

b) Audition des représentants de la Direction générale du Trésor et de la politique économique (MINEI)

Puis M. Jean-Claude Frécon a remercié M. Mantel et a accueilli M. Fabrice Pesin, sous-directeur des assurances, à la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) ainsi que celle de Mme Tyvaert.

M. Fabrice Pesin, sous-directeur des assurances, à la Direction générale du Trésor et de la politique économique, à titre liminaire, a rappelé que le sujet des catastrophes naturelles et plus particulièrement celui de la sécheresse est régulièrement abordé au ministère des finances. Il a précisé qu'il y a eu de nombreuses réflexions sur la sécheresse de 2003. Un rapport interinspections a été publié en 2005. Un projet de réforme a été élaboré en 2006 mais n'a pas été présenté au Parlement en raison des échéances électorales.

M. Fabrice Pesin a dans un premier temps, présenté le régime en vigueur. Commentant la diapositive relative à la surprime concernant les catastrophes naturelles, il a rappelé que son montant était, conformément à un principe de solidarité, uniforme sur tout le territoire. Cette caractéristique constitue une spécificité dans le domaine de l'assurance où les primes sont modulées en fonction des risques.

Analysant les raisons justifiant une réforme du régime, il a indiqué que le régime actuel datant de 1982, offrait une couverture à coût modéré qui satisfait globalement aussi bien les consommateurs, les représentants d'associations de consommateurs que les assureurs.

Toutefois, il a convenu que certains points étaient perfectibles, tels que la fiabilité économique du système selon l'augmentation du nombre de catastrophes naturelles, les délais de remboursement jugés trop longs par les assurés et le manque d'information encouru par les assurés par une prévention des risques insuffisante ainsi que le manque de transparence en termes de reconnaissance.

Puis il a développé ce dernier point en précisant qu'il était essentiel de « rendre la procédure plus transparente, objective, de réduire les délais d'indemnisation et de développer une offre de produits assuranciels complémentaires pour mieux protéger les assurés». A ce titre, il a relevé qu'en l'absence d'une reconnaissance par arrêté de la catastrophe naturelle, le sinistré ne pouvait être indemnisé. L'absence de définition claire de critères et de seuils de la reconnaissance du caractère exceptionnel de catastrophe naturelle constituait un obstacle au développement d'une couverture complémentaire du risque de catastrophe naturelle par les assureurs. Il s'est déclaré favorable à l'inscription de ces critères dans le code des assurances.

Il a également ajouté qu'il serait souhaitable de développer des politiques de prévention afin d'inciter les comportements vertueux face aux changements climatiques. Il a illustré son propos par la prise de conscience de ne pas installer sa maison au bord d'un torrent qui déborde régulièrement ou, s'agissant des entreprises par la pose de circuits électriques en hauteur et non pas dans le sol. Il a déploré que le système actuel ne permette pas d'avoir ce type de comportements de prévention.

Revenant sur la nécessité d'« objectiver » la reconnaissance de l'état de catastrophes naturelles, il a précisé qu'il serait souhaitable d'établir une liste, dans la loi, des phénomènes de catastrophes naturelles couverts par le régime, de définir des critères et des seuils qui n'existent pas aujourd'hui et peut-être éventuellement d'avoir recours à des organismes scientifiques qui seraient chargés d'effectuer les mesures et de les rendre publiques. Ces organismes seraient dépourvus de pouvoir de décision. Il a jugé qu'il conviendrait, comme il l'a indiqué précédemment, d'inciter les assureurs à développer des produits intermédiaires destinés à couvrir les risques en-dessous des seuils.

S'agissant de la promotion des comportements de prévention, M. Fabrice Pesin a indiqué que la multiplication des franchises n'incite pas les Français à prendre plus de mesures de prévention. Il a en revanche insisté sur le retard pris dans la mise en place d'un système de cartographie des risques qui permettrait, par exemple, d'éviter la construction d'habitation dépourvue de fondations appropriées sur des terrains argileux. Il a déploré que l'application du tarif unique des risques n'ait pas incité les assureurs à investir dans l'établissement d'une cartographie pour les risques d'inondations, de séisme... Il a insisté sur l'équilibre à trouver entre le principe de solidarité au niveau national et la modulation des primes. Il a ensuite évoqué la possibilité de ne pas rembourser les dommages pour les bâtiments neufs construits dans des zones clairement à risques.

Puis M. Fabrice Pesin a abordé la classification de la sécheresse en tant que catastrophe naturelle. Il a constaté que cette couverture constituait une spécificité française. Il a indiqué que le dispositif britannique reposait sur des primes élevées avec une franchise très importante et une indemnisation uniquement si les structures du bâtiment sont touchées et si aucun défaut de conception n'est révélé.

Abordant la réforme du régime des catastrophes naturelles, dans un second temps, il a fait valoir que la couverture du risque « sécheresse » pouvait être maintenue mais en limitant les garanties aux dégâts majeurs qui remettent en cause les fondations des édifices. Il a, en conséquence, proposé que les dégâts survenant aux constructions très récentes puissent être couverts par l'assurance construction et la garantie décennale. Il a évoqué l'utilité de l'étude de sol préalable.

Dans le cadre du nouveau régime, il a suggéré que l'Etat reste garant, d'une part, par la mise en oeuvre de sa garantie limitée et, d'autre part, au travers des organismes publics scientifiques. Il a également estimé qu'il serait souhaitable de renforcer le dispositif de prévention et de constituer un observatoire public chargé de surveiller le bon fonctionnement du nouveau régime en recensant tous les efforts de prévention des risques et en établissant une cartographie appropriée.

Pour résumer, il a précisé que le nouveau régime de catastrophes naturelles devrait conserver le niveau de garanties des assurés qui les satisfait, la part de solidarité nationale avec incitation aux bons comportements pour les entreprises et les ménages, la transparence du régime, développer des offres complémentaires et accélérer les délais d'indemnisation et surtout intensifier la politique de prévention.

Mme Nicole Bricq évoquant la sécheresse de 2003, a noté que le montant dévolu aux mesures exceptionnelles était de 218,5 millions d'euros inscrits en lois de finances initiale et rectificative.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur les facteurs déclencheurs de l'aide exceptionnelle. Elle a souhaité connaître si cette aide avait été destinée à prendre le relais du financement de la sécheresse de 2003 par la CCR dont la capacité à faire face à l'événement avait atteint ses limites. Elle a demandé quel était le montant de l'appel en garantie de l'Etat. Elle s'est émue du fait que le rapport sorti en 2004 sur l'aide exceptionnelle accordée pour la sécheresse 2003 ait fait l'objet d'articles dans la presse sans être adressé aux parlementaires et plus particulièrement aux membres de la commission des finances. Elle a souhaité connaître les sommes versées par la Caisse centrale de réassurance et le montant exact des sommes dépensées.

Puis elle est revenue sur les différents volets de la réforme envisagée à savoir :

- la proposition par les compagnies d'assurance de produits complémentaires garantissant les biens si dorénavant seuls seraient pris en compte les dégâts sur les structures ;

- la réduction des délais d'indemnisation ;

- l'adoption de bons comportements de prévention qui lui semblent entraîner une dérive arbitraire de la charge sur les assurés. Elle a rappelé qu'il suffisait de rendre opposable la cartographie rendue publique sur le site du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGMP) pour qu'un arrêté ministériel soit pris.

M. Fabrice Pesin a rappelé que les critères de reconnaissance de la sécheresse en 2003 étaient très mal adaptés. La sécheresse devait être hivernale et non estivale. L'application stricte des critères auraient conduit à reconnaître uniquement 200 communes sinistrées. Il n'y avait donc pas eu lieu d'appeler la CCR en garantie. Pour répondre à Mme Nicole Bricq, il a précisé que le coût final des indemnisations s'élevait à 1 milliard pour la CCR et 600 millions pour les assureurs de dettes.

Relayant les propos de Mme Nicole Bricq, M. le Président a souhaité d'une part savoir si « l'arrêt des arrêtés » de reconnaissance au titre de la procédure de catastrophe naturelle avait été déclenché lorsque la garantie de la CCR aurait pu jouer et non celle de l'Etat et d'autre part connaître les origines du financement de la garantie exceptionnelle complémentaire.

M. Fabrice Pesin précisant qu'il n'était pas en fonction, a insisté sur l'assouplissement des critères de reconnaissance de catastrophe naturelle afin de permettre une meilleure indemnisation. Cette adaptation n'a pas été aisée.

Mme Fabienne Keller a souhaité connaître quel est l'avenir du fonds « Barnier » et quelle sera la nature de la surprime envisagée.

M. Fabrice Pesin a convenu que la surprime envisagée ne serait pas très élevée. Le problème, selon lui, se pose en termes différents selon la cible concernée. S'agissant des entreprises, un tel dispositif peut avoir un effet préventif. En effet, le montant de la prime sera plus conséquent. Une entreprise est en mesure de s'équiper de façon à minimiser l'aléa de catastrophe naturel sur la base d'une analyse de l'assureur. S'agissant des assurés, la modulation de la prime constituerait néanmoins un signal quant à la nécessité d'agir à titre préventif. S'il a convenu qu'en informer les assurés serait délicat, il a cependant évoqué la possibilité d'attirer leur attention sur le surcoût de la prime généré par l'absence de mesure de prévention par un message libellé sur leur facture.

En réponse à la question de Mme Bricq sur les produits complémentaires, il a estimé que dans la mesure où des seuils définissant les catastrophes naturelles seraient clairement définis et que ces seuils sont généralement hauts, il conviendrait que pusse se développer une offre de produits complémentaires afin de couvrir les dommages en deçà de ces seuils.

Mme Nicole Bricq a émis des réserves sur la pertinence d'établir des seuils en matière de sécheresse et en conséquence sur la création d'une offre de produits complémentaires, eu égard à la réaction des assureurs. Ces derniers ont fait part de la difficulté de créer un tel produit pour répondre à des phénomènes de sécheresse extrêmes qui n'interviennent qu'une fois tous les vingt ans et dont les conséquences ne peuvent apparaître qu'au fil des mois. Elle a évoqué alors l'idée de recourir à un seuil financier plutôt qu'à celui relatif à la largeur de la fissure.

Répondant à Mme Nicole Bricq, M. Fabrice Pesin a noté que le problème n'était pas de nature financière mais relevait de la causalité. Il a convenu de la complexité de définir le risque sécheresse, condition pourtant nécessaire à son assurance.

En réponse à la demande de M. Jean-Claude Frécon et Mme Fabienne Keller d'obtenir des documents plus complets afin de connaître plus en détail les grandes lignes du futur projet de texte, M. Fabrice Pesin a indiqué qu'une concertation avait eu lieu avec la DGTPE, menée à la demande du cabinet du ministre à l'époque, Nicolas Sarkozy. Il a relevé que les pistes de réflexion concernent une définition plus précise des seuils de risque, le maintien du phénomène de sécheresse dans le risque « catastrophes naturelles », l'exclusion des dégâts ne concernant pas les structures, la sensibilisation des assurés face aux risques, la modulation des primes. Sur ce dernier point, il a insisté sur l'effet d'une telle mesure sur le secteur professionnel en termes de prévention.

Mme Nicole Bricq s'est interrogé sur l'avenir de ce projet eu égard au manque d'enthousiasme des assureurs face aux nouvelles propositions.

M. Fabrice Pesin a déclaré avoir étudié les différents points de réforme du régime des catastrophes naturelles, le régime mis en place en 1982 devant être modernisé. Il a précisé, à cet égard, que le principe de solidarité nationale serait maintenu, que l'Etat serait toujours au centre du nouveau dispositif garantissant les catastrophes naturelles. Il n'est pas envisagé de réassurance privée. Il a tenu à insister sur les importants travaux qui ont été menés avec les différents acteurs du régime. Puis, il a ajouté que des travaux complémentaires devraient encore avoir lieu avec les organismes scientifiques avant d'élaborer un texte de loi.

En conclusion, M. Fabrice Pesin a indiqué que la plupart des mesures relèveraient du domaine réglementaire. Il a précisé que les progrès accomplis notamment en matière de cartographie des aléas permettaient de créer un contexte favorable à la mise en place de cette réforme qui concernera tous les acteurs du secteur.

c) Audition des représentants de la Caisse centrale de réassurance

Puis , M. Eric Doligé, président, a accueilli M. René Vandamme, directeur général adjoint à la Caisse centrale de réassurance (CCR), ainsi que M. Pierre Michel, directeur du département des catastrophes naturelles et des fonds publics. Sa première question a porté sur le traitement financier de la sécheresse de 2003.

M. René Vandamme , directeur général adjoint de la CCR a tout d'abord fait valoir à titre liminaire qu'un peu plus de la moitié des communes sinistrées par la sécheresse en 2003 n'avaient pas été admises à bénéficier de l'indemnisation au titre du régime des catastrophes naturelles. La CCR ne dispose donc que des données issues de la prise en charge des assureurs. Le coût qui en a résulté pour l'ensemble des communes reconnues sinistrée au titre des catastrophes naturelles est évalué à un milliard d'euros en valeur 2003.

A l'interrogation de Mme Fabienne Keller sur le coût global précédemment avancé de 1,6 milliards d'euros. M. René Vandamme a relevé que ce chiffre ne constituait qu'une évaluation établie il y a plus de deux ans, sur la base du coût des précédentes sécheresses et non sur les sommes effectivement versées en indemnisation du sinistre. Ce montant a été réévalué à la baisse. Il est aujourd'hui de un milliard d'euros en valeur de 2003. M. Pierre Michel, directeur du département des catastrophes naturelles et des fonds publics à la CCR a précisé que le coût global de la sécheresse de 2003 pris en charge par l'assurance catastrophes naturelles s'élevait à 1,276 milliard d'euros courants, indexé sur le coût de la construction. Cela correspond à un milliard d'euros en valeur 2003.

En réponse à Mme Fabienne Keller sur la répartition de coût, M. René Vandamme a indiqué que 60 % en revenait à la CCR soit approximativement 600 millions et 40 % était pris en charge par les assureurs soit approximativement 400 millions d'euros.

S'agissant des communes non reconnues au titre du régime des catastrophes naturelles, une procédure d'indemnisation exceptionnelle a été mise en place.

Mme Nicole Bricq a alors fait observer que ce montant de 1,2 milliard d'euros correspondait au chiffre dévoilé dans la presse.

Puis M. René Vandamme a expliqué la fonction de réassurance de la CCR. Elle propose aux assureurs une réassurance en quote-part associée à un excédent de perte sur conservation. Il s'agit d'une formule de réassurance de leurs risques fondée sur la cession :

- d'une quote-part (50 %) de la sinistralité annuelle de l'assureur à la CCR. En conséquence le risque est partagé pour moitié entre la CCR et le marché ;

- et de l'excédent de la perte annuelle de l'assureur, appelé « stop-loss ». L'assureur est protégé pour le montant de risque qu'il prend en charge par un excédent de perte annuel. Au-delà d'un certain seuil, la CCR intervient en totalité. La perte de l'assureur est limitée par la prise en charge par la CCR de l'indemnisation correspondant à l'excédent de ce seuil.

Répondant à M. Eric Doligé, président, sur le seuil d'intervention de la garantie de l'Etat, M. René Vandamme a indiqué que le seuil était de :

- 2,350 milliards d'euros au 1 er janvier 2009 ;

- 1,8 milliards d'euros au 1 er janvier 2008 ;

M. Pierre Michel a alors ajouté qu'en 2003 la garantie de l'Etat aurait été déclenchée si la perte nette pour la CCR, soit le montant des sinistres moins le montant des primes, s'était élevée à 850 millions d'euros. Or, la prise en charge par la CCR des différents sinistres de l'année, notamment en raison d'inondations coûteuses, avait été considérablement alourdie en 2003. Il a alors fait observer que la perte nette de la CCR avait été cette année là très proche du seuil d'intervention de l'Etat en raison de la sinistralité totale, sécheresse et inondations.

Aux interrogations de Mme Fabienne Keller sur l'évolution du régime, M. René Vandamme a évoqué la piste de réflexion que la garantie actuelle fondée sur des périls non dénommés le soit sur des sinistres clairement définis. La première sécheresse prise en charge par le régime de catastrophes naturelles en 1989 l'a été sans en connaître les conséquences. M. Pierre Michel a précisé que le risque sécheresse représentait exactement 50 % de l'indemnisation de l'ensemble des sinistres couverts par le régime des catastrophes naturelles entre 1989 et 2008 en euros courants.

Le groupe de travail s'est interrogé sur la pérennité du financement du régime. Mentionnant les conclusions du rapport interinspections de 2005 sur l'insuffisance de la provision d'égalisation de la CCR, il a évoqué les différentes pistes de réflexion tendant à y remédier telles qu'un prélèvement au profit de la CCR, l'assouplissement du plafond d'égalisation.... M. René Vandamme confirme l'existence d'évaluations de sinistres majeurs tels qu'un tremblement de terre sur la côte d'Azur ou la crue de la Seine. De telles éventualités ne permettent pas d'évaluer avec certitude si la provision d'égalisation de la CCR est suffisante.

Il a fait valoir que les provisions d'égalisation sont constituées par 75 % des excédents générés par les comptes de résultats de l'exercice N dans la limite de trois fois les primes de l'année. Les primes de l'année s'élèvent à 700 millions d'euros. Il est donc possible de provisionner jusqu'à 2,1 milliards d'euros. Au delà la CCR ne peut pas constituer de provision pour égalisation en franchise d'impôt. Elles sont réintégrées au bout de dix ans dans le bénéfice fiscal. D'aucuns ont évoqué la possibilité de provisionner plus de 75 % ou de réintégrer ces provisions au bout de 15 ou 20 ans.

En réponse à Mme Fabienne Keller sur une appréciation du traitement de la sécheresse de 2003, M. Pierre Michel fait valoir que le retard constaté dans la prise des arrêtés de reconnaissance était en partie imputable au fait que le phénomène n'avait pas été prévu. La définition des périls ainsi que la codification des critères seraient susceptibles de favoriser un raccourcissement des délais d'indemnisation ainsi qu'une meilleure évaluation des coûts d'assurance et de réassurance. S'il a relevé que des critères avaient été élaborés en 2003 en dehors de toute intervention législative, il a convenu qu'une telle résolution avait été longue.

Répondant à Mme Nicole Bricq sur l'objectivité des critères et la différence de traitement de communes limitrophes, M. Pierre Michel a souligné l'examen rigoureux auquel se livrait la commission interministérielle dans le cadre de son avis sur la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ses décisions sont cohérentes et sont fondées sur des critères objectifs, tant pour une sécheresse estivale qu'hivernale. En revanche, il a convenu que ces critères étaient complexes. La disparité des traitements de communes limitrophes est liée au zonage aurore.

d) Audition des représentants du secteur de la réassurance

Puis M. Eric Doligé, président, a accueilli M. François Vilnet, président de l'Association des professionnels de réassurance (APREF) .

M. François Vilnet a indiqué tout d'abord que l'APREF était l'association professionnelle des réassureurs qui exercent en France. Elle est représentative en raison du grand nombre d'adhérents. Il a toutefois fait valoir qu'en matière de gestion du risque des catastrophes naturelles, l'APREF était plus observatrice qu'actrice.

À la question de Mme Fabienne Keller sur la mission de la réassurance et la position de la CCR au sein de l'APREF, M. François Vilnet a tout d'abord précisé que la réassurance avait pour objet de protéger les réassureurs quant à leurs résultats ou leurs engagements de prise en charge des risques industriels de transports. Puis il a rappelé que la CCR membre de l'APREF, ainsi que l'Etat couvraient 98 % du montant des risques « catastrophes naturelles », la réassurance privée les 2 % restants. S'agissant des autres catastrophes tels que les tempêtes, les accidents d'avions, de navires, risques nucléaires, etc., la situation est inversée. Le marché privé de la réassurance prend en charge plus de 90 % de ces risques. Le terrorisme sur les centrales nucléaires est également couvert par ce marché. Il constitue le risque le plus important aujourd'hui.

Rappelant que l'APREF a été peu concernée par la sécheresse 2003, il a relevé toutefois que celle-ci avait marqué un « tournant circonstanciel » dans le régime des critères d'indemnisations. Une dotation complémentaire exceptionnelle de 220 millions avait du être mise en oeuvre. Au total, le coût final de la sécheresse de 2003 s'élève à 1,35 milliard d'euros. Évoquant les divers rapports publics relevant d'un certain nombre de disparités dans l'appréciation de prise des arrêtés de catastrophes naturelles ainsi que dans les indemnisations, M. François Vilnet a fait valoir que les missions d'inspection et les réassureurs menaient un travail de réflexion sur les conditions de prises d'arrêtés, la variabilité possible selon les régimes ainsi que la définition des périls.

Disposant d'une vision globale des marchés, il a présenté les différents systèmes existants dans les pays voisins. Il a relevé que le risque de subsidence n'est pas couvert par le consorcio de compensacion de seguros en Espagne, alors qu'il fait l'objet d'une couverture mixte en Suisse et d'une couverture exclusivement privée en Grande Bretagne. M. François Vilnet a estimé que la France, dont les caractéristiques des sols sont similaires à celles de l'Angleterre, pourrait s'inspirer du régime anglais qui repose sur les dégâts aux structures et non sur les causes.

M. Jean Tucella, responsable du comité technique construction , a estimé que les conséquences de la sécheresse devraient pouvoir être évitées sur les logements neufs à condition que les mesures de prévention aient été prises, que la qualité des constructions soit bonne et qu'une étude préalable ait été effectuée préconisant le type de fondations à concevoir. Il a également indiqué qu'un contrôle par un géotechnicien devrait avoir lieu ensuite pour valider la conformité. Il a ajouté que les Italiens devaient, d'une part, souscrire obligatoirement une assurance décennale et étaient, d'autre part, soumis à une étude obligatoire préalable au permis de construire quel que soit le type de bâtiment. Depuis 1999, l'Espagne, extrêmement sensible aux problèmes de sécheresse, applique également le régime de l'assurance décennale. L'étude préalable a été imposée par les assureurs espagnols et le marché. Depuis l'application de ce régime, l'APREF ne constate pas de déclarations de sinistres liés à la sécheresse en Espagne et en déduit que l'étude de sol en France devrait être rendue obligatoire. Il a tenu à insister sur le caractère technique de la résolution du risque sécheresse.

Répondant à M. Eric Doligé, président , sur le coût d'une étude de sol, M. Jean Tucella a indiqué que celle-ci ne serait pas d'un coût exorbitant. Il a ajouté qu'en Espagne, l'étude de sol qui n'avait pas été imposée par les Pouvoirs publics mais par les assureurs avait été acceptée par les promoteurs et les particuliers. Il a également convenu que si cette disposition était transposable en France, elle nécessiterait une certaine démarche pédagogique en raison de la pratique existante de marché en garantie décennale.

Le groupe de travail a souhaité connaître quelle était la nature des 2 % de la réassurance privée en matière de catastrophes naturelles. Qu'en est-il de la préconisation du rapport de l'inspection générale des finances de 2005 sur le seuil d'intervention de l'Etat en garantie de la CCR ainsi que de la création d'une tranche de réassurance privée entre la CCR et l'Etat. Il s'est ensuite demandé si l'APREF serait amenée à réassurer les assureurs si ceux-ci étaient amenés à proposer une offre assurancielle complémentaire pour les petits dégâts conformément au souhait émis par le gouvernement dans son projet de réforme.

M. François Vilnet a tout d'abord indiqué que le pourcentage de 2 % cité correspondait à une estimation. Les compagnies d'assurance ont une rétention approximative de 50 % du risque puisque la CCR les réassure à 50 % sur cette protection. Il existe des couvertures de réassurance, appelées sous-jacentes, qui protègent la rétention des primes jusqu'au point d'attachement de la garantie d'Etat.

S'agissant de la tranche privée de réassurance, il a estimé que cela pose le problème de l'évolution du régime.

Puis il a indiqué que le produit complémentaire appelé par les assureurs « infra CAT NAT » serait pertinent si le régime était objectivé. Il pourrait être couvert par les réassureurs.

Par ailleurs, il a tenu à mettre en garde les commissaires contre la fragilisation financière du régime. Il a ainsi fait valoir que la CCR et donc l'Etat avaient couvert jusqu'à présent de petits sinistres. Cependant en cas de catastrophes importantes s'élevant à plusieurs dizaines de milliards d'euros, les réserves seraient insuffisantes pour faire face à ces sinistres. A cela s'ajoute le rôle d'autoassureur que joue l'Etat en couvrant ses infrastructures, les bâtiments dont il est propriétaire, les communes. Ces derniers représentent 40 % des dommages potentiels en France.

En résumé, M. François Vilnet a rappelé qu'il conviendrait d'introduire de la flexibilité tarifaire, développer la prévention sur la construction tant sur le plan du risque de la sécheresse que celui des risques d'inondations, supprimer les arrêtés dont le côté administratif ne semble pas compatible avec le fonctionnement assuranciel du régime et définir les périls de façon objective.

Puis M. Philippe Trainar , Economiste en chef à la SCOR, a poursuivi le propos de M. François Vilnet en analysant l'avenir du régime à l'aune de la question du changement climatique. Il a ainsi fait valoir que les risques de « CAT-NAT » changeront de dimension et de nature en fonction des changements climatiques annoncés. Selon lui, le premier risque sera la tempête qui fait de plus en plus de ravages et est de plus en plus meurtrière dans le monde entier. Elle relève du régime des catastrophes naturelles lorsque les vents atteignent 145 km/h en moyenne pendant 10 minutes ou 215 km/h en rafales. Il a jugé que les tempêtes constituent pour l'avenir les risques les plus coûteux du régime. S'agissant des autres risques proprement liés au territoire français tels que les inondations, il a insisté sur la prévention afin de baisser le risque plutôt que le coût. Il a jugé que ce risque était susceptible de croître de 50 % dans les vingt prochaines années.

Quant aux conséquences de telles catastrophes en termes de destructions de richesses, elle devrait conduire à une augmentation des frais du régime de 50 % sur les vingt prochaines années. S'agissant du troisième défi de l'évolution du régime, il réside dans la concentration urbaine et l'implantation dans les zones à risque. Le quatrième défi est lié à l'harmonisation de notre régime avec ceux existant en Europe. La conformité du régime avec les règles de l'Union européenne devrait conduire à renforcer l'objectivité des critères, l'efficacité du système tout en conservant une justice contributive.

Puis M. Philippe Trainar a évoqué les possibles évolutions du régime « CAT-NAT ». Il a jugé que si la répartition des risques entre le secteur public et le secteur privé ne devait pas être modifiée, elle manquait de cohérence économique. En outre, le « statu quo » pose le problème de :

- la faible modulation des franchises, peu incitative pour les assureurs. En outre, il a relevé que peu de communes disposaient d'une couverture des risques satisfaisante, seules 516 avaient doublé leur franchise, 170 l'avaient triplé et 45 l'avaient quadruplé fin septembre dernier ;

- l'aléa moral qui conduit parfois à une incitation de construire en zones inondables ; Il a ainsi constaté qu'entre 1999 et 2009, la construction en zone inondable avait augmenté de 7 %, « moins cher et plus agréable », alors que celui en zone non inondable avait cru de 6 %.

- la nature mixte du régime. L'assurance doit viser les personnes qui peuvent se prémunir or la prévention demeure très faible dans le cadre de ce régime. Quant à la solidarité, ses effets sont parfois paradoxaux. Elle met sur un même plan celui qui peut se prémunir et celui qui ne le peut pas, celui qui habite au dixième étage dans un HLM et celui qui a construit une résidence secondaire au bord de l'eau dans une zone inondable.

- les arrêtés « CAT-NAT » qui, selon lui, nuit à l'innovation. Sa définition ne dépend pas de la liberté contractuelle mais d'un arrêté. Elle ne permet pas aux assureurs de développer des offres couvrant ce type de risque ;

- les mobilisations étatiques : 1,1 milliard pour l'Etat en matière de provisions et un hors bilan difficile à chiffrer, où l'Etat se trouve en première ligne.

Puis il a évoqué trois types de réforme qui pourraient être envisagées. La première piste de réflexion qui consisterait à maintenir la couverture publique « CAT-NAT » ainsi que la CCR tout en redessinant le cadre du risque afin de moduler la franchise et la prime en fonction du risque. Il a jugé ce point nécessaire à l'essor de la prévention. La difficulté réside dans les voies et moyens de dessiner la modulation.

La deuxième piste serait plus axée sur l'européanisation du système. Il a jugé le régime en vigueur « discriminatoire » par rapport aux exigences européennes. Ce dernier n'est pas suffisamment ouvert aux différents acteurs européens.

La troisième viserait à supprimer les arrêtés « CAT-NAT » et la mise du risque « CAT-NAT » entièrement sur le marché. Ce renvoi au marché conduirait à une modulation tarifaire mieux proportionnée au risque. Il limiterait l'engagement de l'Etat et favoriserait l'innovation en termes de couverture. Il a regretté que la culture française soit plus orientée vers « l'addiction au risque plutôt que celle de la prévention ». La solidarité, selon lui, n'atténue pas les risques.

M. Eric Doligé , président , a insisté sur la nécessité de maintenir la solidarité.

M. François Vilnet a convenu que l'APREF préconisait une solution moyenne conservant le caractère solidaire du régime en introduisant plus de flexibilité.

M. Eric Doligé, président, a remercié les représentants de l'APREF pour leur intervention et leur fait part de son souhait d'obtenir des documents complémentaires.

4. Auditions du 7 mai 2009 - Représentants des professionnels de la construction et maires de communes sinistrés

a) Audition des représentants des professionnels de la construction

M. Eric Doligé, président , a rappelé le contexte dans lequel avait été créé le groupe de travail et précisé ses modalités de fonctionnement.

M. Marc Ducourneau, directeur général de l'Agence Qualité-Construction (AQC) , a rappelé que de nombreuses actions avaient été mises en oeuvre avec les professionnels du bâtiment, à la suite de la sécheresse de 2003 (manuels, mémos chantiers, réunions, plaquettes de sensibilisation à la destination des élus et du grand public...), afin de mieux prévenir les conséquences pour le bâti du phénomène de subsidence. Parallèlement, le BRGM a mis en place une cartographie des sols qui constitue désormais un des éléments-clés du dispositif de prévention. Cette cartographie, qui doit être régulièrement mise à jour, n'est toutefois pas suffisamment précise. Il serait donc opportun de procéder systématiquement à des études de sols dans les zones à risques. Ces études présentent toutefois un coût, dont les modalités de prise en charge devraient être précisées lors de la signature du contrat de construction.

M. Jean-Jacques Jégou a relevé que le coût d'une étude de sol et des mesures à prendre, lors de la construction, pour prévenir le risque de subsidence serait toujours inférieur au coût des réparations rendues nécessaires par les dégâts constatés.

M. Marc Ducourneau a souscrit à cette analyse, notant que les assureurs étaient plus réticents à indemniser les dégâts dus au retrait-gonflement des argiles depuis que le nombre de sinistres augmentait. En tout état de cause, une reprise en sous-oeuvre est beaucoup plus chère que la réalisation d'une étude de sol et de fondations plus épaisses au moment de la construction. Ces mesures devraient toutefois être obligatoires pour tous les constructeurs, car il est peu vraisemblable que ces derniers s'engagent volontairement dans une démarche qui renchérirait le coût de la construction et affaiblirait leur compétitivité face à leurs concurrents.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné la difficulté que pouvait présenter la distinction à opérer entre dégâts superficiels et dégâts majeurs, ainsi que le caractère fluctuant de la prise en compte de certains dégâts au titre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Le fait de limiter les indemnisations aux dégâts affectant la pérennité du bâti ne risque-t-il pas de réduire drastiquement les indemnisations versées ?

M. Marc Ducourneau a indiqué que l'expertise d'une fissure était un exercice complexe et requérait des experts bien formés. L'AQC travaille à améliorer cette formation, notamment par le biais de réunions régionales.

M. Eric Doligé, président , a estimé que les dégâts n'étaient pas toujours dus à l'intensité du phénomène naturel, mais pouvaient également résulter de la mauvaise qualité initiale de l'ouvrage. Dans ces conditions, quelles actions l'AQC met-elle en oeuvre pour améliorer la qualité du bâti ?

M. Marc Ducourneau a répondu que la mission de l'AQC n'était pas de certifier des constructions ou des compétences, mais de mener des actions de prévention et d'émettre des recommandations pour favoriser la qualité de la construction.

M. Didier Valem, ingénieur à la direction des affaires techniques de la Fédération française du bâtiment (FFB), a précisé que la qualité du sol n'était pas seule en cause dans la survenue du phénomène de subsidence. Des facteurs climatiques interviennent également, de même que la configuration des plantations autour de la maison. Bien que reconnue à trois reprises en état de catastrophe naturelle au titre de la subsidence et identifiée par le BRGM comme située en zone d'aléa fort ou moyen, la commune d'Arpajon s'est dotée d'un plan local d'urbanisme imposant la plantation d'arbres à haute tige qui aggravent les risques sur la construction.

M. Jean-Jacques Jégou a estimé que de telles dispositions pouvaient résulter de la méconnaissance, par les élus locaux, desdits effets aggravants.

M. Didier Valem a estimé que les actions de sensibilisation ne devaient pas se limiter aux particuliers et aux professionnels, mais devait également viser les administrations et services instructeurs. A titre d'exemple, certaines délivrances de permis de construire dans des zones argileuses s'accompagnent de l'obligation de réaliser un puisard, alors même que ce type d'équipement accroît l'humidité différentielle du sol et aggrave le risque de subsidence. Des plaquettes « grand public » de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) promeuvent, dans un objectif environnemental, des plantations d'arbres à proximité des façades, sans considération de la typologie du sol.

M. Eric Doligé, président , a souligné l'importance de mettre en cohérence les objectifs de développement durable et de sécurité du bâti et M. Marc Ducourneau a fait observer que les contradictions internes à la réglementation du bâti étaient fréquentes.

Mme Catherine Emon, chef du service assurances à la direction juridique et financière de la FFB , a relevé le manque d'objectivité et de transparence des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Il ne faut pas pour autant exclure le risque de subsidence du régime CAT-NAT, mais renforcer la prévention. Or, la définition actuelle du contrat de construction de maison individuelle emporte pour conséquence que, si une étude de sol était payée par le client, les travaux qui en résulteraient seraient à la charge du constructeur. Par ailleurs, un terrain en compromis de vente n'est pas accessible si le propriétaire cédant s'y oppose. Il peut donc se révéler impossible de réaliser une étude de sol, alors même que le contrat de construction est signé.

M. Jean-Jacques Jégou s'est dit favorable au fait de rendre obligatoires les études de sols dans les zones à risque, au moment de la délivrance du permis de construire.

Mme Cécile Roux-Belec, juriste à la direction des affaires juridiques et fiscales de la FFB, a indiqué que le particulier qui contracte avec un constructeur peut recourir à une étude de sol. Toutefois, lorsque cette étude révèle que des travaux lourds sont rendus nécessaires par l'état du sol, le contrat avec le constructeur est souvent déjà signé. Le marché étant à prix global et total, le surcoût engendré par ces travaux est donc à la charge du constructeur, qui ne sera pas toujours disposé à y pourvoir. L'étude de sol doit donc intervenir le plus tôt possible, au moment de la vente du terrain.

M. Jean-Pierre Dupré, directeur de la Société française de travaux et services (SFTS) , a fait observer que les nombreuses obligations prévues en cas d'achat d'un logement bâti étaient inexistantes en cas d'achat d'un terrain à bâtir. Actuellement, pour le non-bâti, le prix est définitif avant même que ne soit connue la qualité du sol. Il conviendrait de mettre à la charge du vendeur la réalisation d'une « carte d'identité » du terrain sur le fondement de laquelle l'acheteur pourrait négocier le prix de vente. Cette procédure permettrait d'éviter certaines manoeuvres dolosives. Par ailleurs, il faut maîtriser l'environnement de la maison en sensibilisant les propriétaires aux risques engendrés par certains aménagements (plantations...).

M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur l'action que pourraient mener les collectivités territoriales dans ce domaine et sur les prescriptions qu'elles pourraient édicter pour maîtriser le risque.

M. Jean-Pierre Dupré a indiqué que, dès le début des années 90, une abondante littérature technique a été élaborée à destination des experts. Il a toutefois jugé nécessaire de former des experts spécialisés dans le risque sécheresse.

M. Jean-Jacques Jégou a acquiescé et considéré que les indemnisations suivant les épisodes importants de sécheresse pouvaient susciter des effets d'aubaine ou, au contraire, priver d'indemnité des particuliers sévèrement touchés, en raison de l'insuffisance de l'expertise.

M. Frédéric Henry, directeur adjoint de l'AQC , a précisé que les experts construction se distinguaient des experts multirisques habitation, compétents en matière de catastrophes naturelles sans pour autant être spécialistes des problématiques liées à la construction.

M. Eric Doligé, président , a pris acte de la nécessité d'adapter la réglementation de l'urbanisme et de la construction pour mettre en adéquation les règles de construction et d'aménagement avec les contraintes propres aux sols argileux.

M. Jean-Jacques Jégou a estimé que la commune pourrait constituer un interlocuteur privilégié des particuliers dans le cadre des mesures de prévention nécessaires. Pour ce faire, elle doit, en tant qu'autorité instructrice des permis de construire, disposer de l'ensemble des informations disponibles, de nature à favoriser un bon usage du sol.

M. Frédéric Henry a considéré que la bonne connaissance du sol devait être complétée par un contrôle efficace du respect des prescriptions, au moment de la construction.

M. Didier Valem a précisé qu'un colloque du Laboratoire central des ponts et chaussées, tenu en 2008 sur le thème « Sécheresse et construction », avait mis en évidence que dans 30 ou 50 ans, les sécheresses de l'ampleur de celle de 2003 deviendraient courantes. Même si les mesures de prévention sont rapidement renforcées, les conséquences seront importantes et inévitables sur le bâti existant.

Mme Catherine Emon a suggéré que les communes soient destinataires des études de sols.

M. Jean-Pierre Dupré a estimé que la « mise hors sécheresse » d'une maison à construire en zone à risque, consistant à épaissir les fondations, pouvait représenter un surcoût de 1.000 à 2.000 euros.

Mme Catherine Emon a évoqué l'exclusion du régime CAT-NAT des maisons couvertes par la garantie décennale et la garantie dommage-ouvrage. 50 % d'entre elles ne sont toutefois pas couvertes par ces garanties. En effet, bien que cette couverture soit obligatoire, elle n'est parfois pas souscrite, faute de contrôles et de sanctions. Une exclusion systématique du régime CAT-NAT pourrait donc priver totalement certains particuliers d'indemnisation en cas de dégâts.

M. Frédéric Henry a rappelé qu'en accord avec les assureurs, la base du BRGM serait alimentée par les études de sols consécutives aux sinistres constatés.

M. Didier Valem a jugé que le retard dans la sensibilisation au risque « argile » était illustré dans le faible nombre de plans de prévention des risques prescrits et approuvés en la matière.

b) Audition des maires de communes sinistrées

M. Eric Doligé, président , a indiqué que la présente audition avait pour objet de recueillir les observations d'élus locaux ayant intenté des recours contre l'absence de classement de leur commune en état de catastrophe naturelle.

M. Jean Vila, maire de Cabestany , a rappelé que la commune de Cabestany, non reconnue en état de catastrophe naturelle, avait obtenu l'annulation de cette décision par le tribunal administratif de Montpellier et qu'une procédure d'appel était en cours, à l'initiative de l'Etat. Dans l'intervalle, un nouvel arrêté de non-classement en état de catastrophe naturelle a été pris, en tous points identique au premier. La commune de Cabestany entend contester le nouvel arrêté devant la juridiction administrative.

Les sinistrés de Cabestany ont, en revanche, été indemnisés au titre de la procédure exceptionnelle. La répartition des indemnisations s'est toutefois opérée dans des conditions aberrantes, dans la mesure où aucun justificatif de dépenses n'a été demandé aux sinistrés percevant des indemnisations inférieures à 20.000 euros, et que certains devis retenus étaient très éloignés des dégâts effectivement constatés. Enfin, certains sinistrés ont perçu leur premier acompte de subvention sans solliciter le second, raison pour laquelle une partie des sommes mobilisées n'a pas été distribuée.

M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur l'objectivité technique des conditions de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

M. Jean Vila, maire de Cabestany , a abondé dans ce sens, jugeant que les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle n'étaient ni transparents, ni objectifs. Il a par ailleurs fait valoir que 1,883 million d'euros avaient été alloués aux sinistrés de sa commune.

Mme Nicole Bricq a relevé que la mise en oeuvre décentralisée de la procédure exceptionnelle avait pu susciter des disparités de traitement entre départements. En tout état de cause, il conviendra de s'assurer de l'existence d'un éventuel reliquat de fonds disponibles et de leur emploi.

A l'appui d'un dossier remis au groupe de travail, M. Jean Vila, maire de Cabestany , a ensuite détaillé les données météorologiques propres à la situation de Cabestany, considérant que ceux-ci auraient dû conduire au classement de la commune en situation de catastrophe naturelle. Certaines données semblent avoir manqué pour établir que les critères de reconnaissance de l'état de sécheresse étaient remplis.

A une question de M. Jean-Jacques Jégou , relative au rôle des services instructeurs des permis de construire, il a enfin précisé que la mairie de Cabestany préconisait des études de sols et formulait des recommandations très précises aux administrés afin de les prémunir contre le risque de subsidence.

M. Bernard Corneille, maire d'Othis , est revenu sur le profond sentiment d'injustice éprouvé par les sinistrés face au manque d'équité et de transparence des procédures, ainsi qu'aux retards accumulés dans le traitement des dossiers, y compris devant le juge administratif. 196 communes de Seine-et-Marne ont été concernées par la sécheresse, dont 136 n'ont pas été classées et état de catastrophe naturelle. Une coordination de communes s'est créée, et 40 d'entre elles ont déposé des recours au Conseil d'Etat.

Pour la commune d'Othis, le critère géologique était rempli, mais non le critère météorologique. Or, la situation météorologique d'Othis a été évaluée au regard de données de la station de Bonneuil-en-France, dans le Val-d'Oise, alors même que des communes voisines ont vu leur dossier étudié sur la base de données météorologiques recueillies à Paris. Des critères différents ont donc été appliqués à des communes ayant connu des situations climatiques identiques. Ainsi, à titre d'exemple, deux communes mitoyennes telles que Villeparisis et Claye-Souilly ont subi un traitement différent à l'égard de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

M. Bernard Corneille a également fait valoir que le critère météorologique était d'une technicité seule qu'il devenait totalement inintelligible pour les élus et les citoyens.

A la demande de M. Eric Doligé, président , M. Pierre Pertus, directeur de cabinet du maire d'Othis , a précisé que 78 sinistrés avaient déposé un dossier d'indemnisation dans la commune d'Othis, pour un coût moyen de travaux compris entre 20.000 et 40.000 euros. Mais de grandes disparités ont été constatées entre les différents types de sinistres.

M. Bernard Corneille a considéré que l'ouverture de la procédure exceptionnelle valait reconnaissance de l'état de sécheresse pour sa commune. Othis avait, au demeurant, été reconnue en état de catastrophe naturelle due à la sécheresse à deux reprises dans le courant des années 90, et pour des phénomènes climatiques de moindre ampleur que celui de 2003. Il y a donc lieu de considérer que la décision prise en 2003 était motivée par des considérations d'ordre financier davantage que techniques.

S'agissant de la possibilité de conditionner les indemnisations au respect de certaines règles de prévention, MM. Bernard Corneille et Pierre Pertus ont considéré qu'elle ne saurait concerner que les constructions futures, et que les problèmes liés au bâti existant demeureraient entiers.

M. Jean-Jacques Jégou a souhaité connaître l'appréciation des personnalités auditionnées sur la qualité de l'expertise mobilisée dans le cadre de la procédure exceptionnelle d'indemnisation.

M. Pierre Pertus a fait valoir que les contraintes propres à cette procédure ont découragé plusieurs sinistrés de déposer des dossiers. Il a, en particulier, été difficile de respecter l'obligation de fournir deux ou trois devis dans les délais requis. La préfecture de Seine-et-Marne a toutefois procédé un examen bienveillant de certains dossiers parfois incomplets. Par ailleurs, la mobilisation des experts, quand elle a eu lieu, a été insuffisante. En atteste le fait que des sinistrés n'ayant subi que des dégâts superficiels ont bénéficié d'indemnisations, alors même que seuls les dégâts majeurs devaient être pris en charge.

Mme Nicole Bricq a considéré que les indemnisations versées ont obéi, à quelques exceptions près, à une logique de saupoudrage.

5. Auditions du 4 juin 2009 - Représentants des ministères chargés de l'intérieur et du budget, représentants du Médiateur de la République

a) Audition des représentants des ministères chargés de l'intérieur et du budget

M. Eric Doligé, président , a rappelé que de nombreux problèmes persistaient à la suite de la sécheresse de 2003, sur lesquels la commission des finances souhaitait faire la lumière. Il a invité les personnalités auditionnées à exposer leur point de vue, sur la base des questionnaires préalablement adressés par le groupe de travail.

M. Thierry Queffélec, conseiller technique pour la sécurité civile au cabinet de la ministre chargée de l'intérieur , a rappelé la complexité du phénomène de sécheresse, dont l'appréhension pose un difficile problème, étant observé que la France est un des seuls pays à la recenser parmi les catastrophes naturelles. La sécheresse de 2003 était de surcroît estivale, alors qu'il s'agissait habituellement d'un phénomène hivernal. Cette sécheresse a surpris les populations et a conduit les pouvoirs publics à adapter les critères mis en oeuvre auparavant. En effet, si les critères traditionnels avaient été appliqués, seules 200 communes sur 8.000 auraient été déclarées en état de catastrophe naturelle. L'administration a donc été contrainte de réagir rapidement et d'adapter progressivement les critères applicables, ce qui a pu donner aux particuliers l'impression d'un traitement à géométrie variable des dossiers. En tout état de cause il a été décidé, pour les sécheresses ultérieures  de retenir à la fois  le critère de 2003 (sécheresse « estivale ») et le critère « traditionnel » utilisé avant 2003 pour les sécheresses de type « hivernal ». Cette option permet de couvrir au mieux toutes les situations rencontrées par les communes tout en respectant la notion clé de la loi du 13 juillet 1982, fondement du régime d'indemnisation, qui subordonne la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au caractère « anormal de l'agent naturel ».

Ce régime peut être amélioré, dans le sens d'une plus grande transparence et d'une plus grande objectivité des critères. On relève toutefois que, dans le cadre de la procédure CAT-NAT, les préfets notifient systématiquement aux maires la motivation des décisions prises de classement ou de non-classement en état de catastrophe naturelle. Il convient également de promouvoir les comportements de prévention du risque sécheresse, en approfondissant la connaissance des sols et en adaptant les règles de construction dans les zones argileuses, à l'instar de ce qui peut se pratiquer en zone sismique.

La reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle due à la sécheresse pourrait faire l'objet d'une approche « technocratique », assise sur des critères bruts, appliqués sans discernement. La position du ministère de l'intérieur est de privilégier une approche plus nuancée, certes fondée sur un algorithme compliqué, mais permettant d'adapter le champ des indemnisations à la situation réelle des sinistrés. C'est cette approche évolutive qui a été choisie en 2003, et qui a permis de passer de 200 à plus de 4.000 communes reconnues en état de catastrophe naturelle.

Pour les communes non reconnues, le Parlement a prévu une procédure exceptionnelle d'indemnisation. L'enveloppe consacrée à cette procédure a été évaluée au moyen de « retours terrains » en provenance des préfectures. En deux temps, ce sont 218,5 millions d'euros qui ont été dégagés au profit de 71 départements. L'option a été retenue de mettre en oeuvre cette procédure de manière déconcentrée, afin de privilégier la proximité et la rapidité dans le traitement des dossiers. Chaque préfecture a formé des groupes de travail constitués par les services déconcentrés de l'Etat, et parfois des représentants du monde de l'assurance et des collectifs de sinistrés.

La procédure a été mise en oeuvre de façon satisfaisante, comme en témoigne la faiblesse du nombre de recours constatés, soit 356 sur 18.764 dossiers traités. Au total, plus de 80 % des communes ont fait l'objet d'une indemnisation. Certes, des associations continuent de manifester leur mécontentement, par exemple à l'égard des délais très courts imposés aux sinistrés pour déposer leurs dossiers. On relève pourtant que 80 % des dossiers déposés l'ont été dans les deux mois initialement prévus, et que seuls 20 % ont été déposés dans la période de deux mois complémentaires accordée par les pouvoirs publics pour tenir compte des difficultés des sinistrés, signalées par les préfectures, à rassembler les pièces de leurs dossiers. Les préfectures ont également communiqué via la presse locale ou organisé des réunions d'information associant les élus. En définitive, les taux d'indemnisation ont avoisiné 100 % dans les communes limitrophes et 60 % dans les communes non limitrophes des communes déclarées en état de catastrophe naturelle. Sur 18.764 dossiers déposés, 12.079 ont donné lieu à des indemnisations. D'autres n'ont pas été déclarés éligibles, soit parce qu'ils étaient déposés par des ressortissants de communes reconnues en état de catastrophe naturelle, soit parce qu'ils résultaient d'un effet d'aubaine, soit encore parce que la procédure était limitée aux résidences principales.

Le rapport adressé au Parlement sur la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle a fait état, dans certains départements, d'un engagement inégal des services de l'Etat. Il faut entendre par là que certains préfets ont rencontré des problèmes d'organisation, de frictions entre services, ou ont dû embaucher des vacataires. Ces problèmes sont toutefois demeurés marginaux. L'implication des assureurs dans la mise en oeuvre de la procédure a varié en fonction des départements, et a pu dépendre de la qualité des relations qu'ils entretenaient avec leur clientèle.

S'agissant des 356 recours constatés, les décisions du juge administratif sont en général favorables aux intérêts de l'Etat. Lorsqu'elles ne le sont pas, c'est le plus souvent en raison de questions de forme. Il convient de rappeler que la procédure exceptionnelle ne couvrait que les dommages affectant l'intégrité du clos et du couvert, et non les travaux d'embellissement. Cette nuance a pu créer des problèmes d'interprétation à l'origine de certains contentieux.

Les crédits ont été mis en oeuvre au moyen d'une circulaire du 8 septembre 2006. Pour faciliter le traitement rapide des dossiers, les indemnisations inférieures à 20.000 euros ont été assorties d'une dispense de produire les factures et justificatifs des travaux. Au-delà de 20.000 euros, des avances fractionnées étaient consenties au gré de l'avancement des travaux. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a veillé à ce que l'octroi des indemnisations d'induise pas de comportements de hausses excessives des tarifs de la part des professionnels du bâtiment. Des effets d'aubaine se sont vraisemblablement produits lorsque le montant des indemnisations n'a pas excédé 20.000 euros, mais aussi en raison de l'absence de déplacement d'experts sur le terrain, absence motivée par la volonté d'indemniser rapidement les sinistrés.

Un reliquat d'un peu plus de 3 millions d'euros existe, partiellement réparti entre les départements des Alpes de Haute-Provence, des Bouches-du-Rhône, de l'Indre et du Loiret, en raison de contentieux perdus ou potentiellement perdus par l'Etat.

M. Eric Doligé, président , a admis que le nombre de recours était faible, mais indiqué que de nombreux sinistrés rencontraient encore des difficultés substantielles, qui méritaient d'être prises en considération. Par ailleurs, le fait que 97 % des dossiers n'aient donné lieu à aucun recours ne signifie pas que 97 % des sinistrés aient vu leur situation totalement réglée.

M. Thierry Queffélec a admis que ces 97 % de dossiers étaient à tout le moins « stabilisés », à défaut d'avoir pu donner entière satisfaction aux familles concernées.

A Mme Nicole Bricq , qui a souhaité connaître précisément l'emploi des fonds encore disponibles au titre de la procédure exceptionnelle, M. Hervé ADEUX, adjoint au directeur de cabinet de la sécurité civile , a indiqué que, sur 3,646 millions d'euros de reliquat, avaient été versés 152.116 euros pour les Alpes de Haute-Provence, 1,316 million d'euros pour les Bouches-du-Rhône, 180.000 euros pour l'Indre, et 164.000 euros pour le Loiret. 1,833 million d'euros demeurent donc encore disponibles, sous réserve d'autres « remontées » de fonds de la part des préfectures, consécutivement à des dossiers classés sans suite ou à des abandons en cours de procédure.

M. Thierry Queffélec a précisé que le reliquat était réattribué selon les mêmes critères que ceux qui ont été appliqués pour l'ensemble de la procédure exceptionnelle.

M. Jean-Jacques Jégou est revenu sur l'absence d'expertise sur place à l'appui des indemnisations dans le cadre de la procédure exceptionnelle, jugeant qu'elle favorisait les effets d'aubaine.

M. Thierry Queffélec a fait valoir que les capacités d'expertise mobilisables étaient limitées et que des expertises systématiques sur place auraient considérablement rallongé les délais d'indemnisation. Elles auraient également représenté un surcoût financier imputable sur l'enveloppe globale, et entamé les fonds disponibles pour indemniser les sinistrés.

M. Jean-Jacques Jégou a regretté que la motivation de certaines décisions de non-classement en état de catastrophe naturelle soit très sommaire.

Mme Nicole Bricq a considéré que les départements d'Île-de-France avaient été globalement maltraités dans le cadre de la sécheresse de 2003, raison pour laquelle des collectifs d'élus ou de sinistrés s'y étaient constitués et avaient intenté des recours. A sa demande, M. Thierry Queffélec a indiqué que le ministère de l'intérieur accorderait une attention particulière aux départements concernés.

Mme Nicole Bricq et M. Jean-Jacques Jégou ont insisté sur la nécessité d'améliorer la prévention du risque sécheresse et ont invité les ministères chargés de l'intérieur et de l'environnement à oeuvrer en ce sens. Bien qu'elle soit susceptible de renchérir le coût de la construction, une évolution de la réglementation est indispensable à court terme.

S'agissant du bilan financier global de la sécheresse de 2003, M. Eric Quérénet de Bréville, sous-directeur à la direction du budget , a ensuite indiqué que 4.600 communes sur 8.000 avaient bénéficié d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. 2.400 communes ont, quant à elles, été concernées par des indemnisations au titre de la procédure exceptionnelle. S'agissant des 3 % de dossiers ayant donné lieu à des recours, il a considéré que ceux-ci représenteraient un coût marginal très important pour les finances publiques, compte tenu du fort aléa moral et du risque important d'effet d'aubaine qui y étaient associés. Au titre du régime CAT-NAT, 1,55 milliard d'euros ont été alloués suite à la sécheresse de 2003, dont 1 milliard d'euros supportés par la Caisse centrale de réassurance et 550 millions d'euros par les assureurs. 218,5 millions d'euros ont été ouverts au titre de la procédure exceptionnelle. Ce montant était initialement de 180 millions d'euros, dont 150 pour les communes non limitrophes et 30 pour les communes limitrophes, et avait permis de répondre à 54 % des dossiers déposés. Une « rallonge » de 38,5 millions d'euros a été accordée en loi de finances rectificative pour 2006, permettant de donner satisfaction à 64 % des dossiers recevables.

Les demandes consolidées au titre de la procédure exceptionnelle s'étaient élevées à 335 millions d'euros. Elles ont donc été couvertes à 65 % par les crédits successivement ouverts en lois de finances. L'écart s'explique, pour 18 millions d'euros, à la franchise de 1.500 euros applicable à chaque dossier et, pour le reliquat, aux effets d'aubaine ou aux dossiers déjà éligibles au titre de CAT-NAT. Globalement, les indemnisations ont été proches de 100 % des factures estimées ou présentées aux préfectures et aucune proratisation n'a été appliquée. Le reliquat a déjà été en partie réalloué, selon les modalités évoquées plus haut, et la totalité des crédits disponible a vocation à être utilisée au bénéfice des indemnisations.

S'agissant de la réforme du régime CAT-NAT, il convient d'en améliorer le volet préventif et de responsabiliser les acteurs. L'aménagement des règles d'urbanisme et de construction ou la modulation de la prime CAT-NAT en fonction du risque encouru font partie des pistes à explorer. L'hypothèse d'une exclusion de la sécheresse du régime CAT-NAT a été écartée, mais les indemnisations peuvent être limitées aux dégâts majeurs, et il est également envisageable de faire jouer prioritairement la garantie décennale ou de rendre obligatoires les études géotechniques préalables pour les constructions nouvelles. En tout état de cause, la prévention sera toujours moins coûteuse que l'indemnisation.

A la demande de M. Jean-Jacques Jégou, M. Eric Quérénet de Bréville a précisé qu'1,486 milliard d'euros de primes avaient été collectées en 2008 au titre du régime CAT-NAT. 12 % de ces primes sont alloués au Fonds de prévention des risques naturels majeurs et 44 % vont respectivement à la Caisse centrale de réassurance et aux assureurs.

b) Audition des représentants du Médiateur de la République

M. Eric Doligé, président , a souhaité connaître l'implication des services du Médiateur de la République dans le traitement des conséquences de la sécheresse de 2003.

M. Bernard Dreyfus, directeur général des services du Médiateur de la République , a indiqué que le Médiateur de la République avait été saisi d'un grand nombre de dossiers à la suite de la sécheresse de 2003, phénomène qui pouvait partiellement s'expliquer par le fait que M. Jean-Paul Delevoye, nouvellement nommé, exerçait auparavant le mandat de président de l'Association des maires de France. Ses collègues maires l'ont donc saisi en nombre. Le Médiateur a été saisi de 374 dossiers au titre de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle consécutive à la sécheresse de 2003, contre une vingtaine ou une trentaine pour les précédents phénomènes climatiques. En revanche, seuls 14 saisines ont été enregistrées en lien avec la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle d'indemnisation.

Les saisines ont émané de maires, d'associations ou de particuliers et ont avant tout porté sur l'absence de lisibilité des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ou sur le caractère très sommaire des explications fournies par les autorités. Ainsi, en Seine-et-Marne, d'où sont issues près de la moitié des saisines, la commune d'Esbly n'a pas été reconnue en état de catastrophe naturelle, alors même qu'elle l'avait été en 1992, en 1993, en 1997 et en 1999, que 90 habitations y étaient sinistrées en 2003, et que plusieurs communes limitrophes avaient bénéficié d'un tel classement.

Le Médiateur a tout d'abord saisi le ministre compétent d'un certain nombre de situations qui lui semblaient inéquitables. Puis il a, en février 2005, saisi le Premier ministre, afin de lui demander de diligenter une mission interministérielle sur les conditions de classement en état de catastrophe naturelle, sur la redéfinition des critères géologiques et météorologiques, et sur les normes géotechniques à imposer aux constructeurs. Il a par ailleurs recommandé que les travaux de cette mission interministérielle se déroulent dans la plus grande transparence possible.

S'agissant de la procédure exceptionnelle, les saisines mettaient en cause le caractère très rapproché des délais, qui empêchait les sinistrés de produire plusieurs devis.

Le Médiateur n'a officiellement formulé aucune proposition de réforme. Il a été saisi pour avis de certaines propositions de modulation des tarifs ou des franchises, mais ce dans un cadre interministériel informel. L'analyse des dossiers enseigne toutefois qu'une mesure prioritaire devrait consister à imposer des normes aux constructeurs dans les zones où l'aléa argileux est avéré.

Mme Anne Olivier, chargée de mission au secteur des affaires générales , a précisé qu'une partie des 374 dossiers ayant suivi la sécheresse ont trouvé une issue favorable au gré de l'assouplissement des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Au total, plus de 50 % des communes ayant saisi le Médiateur ont finalement été reconnues en état de catastrophe naturelle.

Mme Nicole Bricq a souligné que les citoyens comprenaient mal que le paiement de la prime CAT-NAT n'ouvre pas automatiquement et systématiquement aux indemnisations.

6. Auditions du 23 juin 2009 - Représentants du ministère chargé du développement durable et experts scientifiques

a) Audition des représentants de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer

Après avoir présenté la mission du groupe de travail, M. Eric Doligé, président , a interrogé les représentants du ministère chargé de l'environnement sur la prise en compte des risques naturels majeurs par la réglementation d'urbanisme et de construction.

Mme Anne Voeltzel, chef du bureau des partenariats et des actions territoriales , a indiqué que seul le risque sismique était actuellement pris en compte par la réglementation en matière de construction. Il n'existe donc pas de réglementation spécifique au risque sécheresse. Seul l'article R. 111-11 du code de la construction et de l'habitation l'aborde de manière très générale, puisqu'il fait référence à la résistance globale de l'ouvrage. L'article ne comporte toutefois aucune prescription constructive permettant de garantir cette résistance.

Hors réglementation, il existe également des documents dits « des règles de l'art », élaborés dans le cadre d'une démarche de concertation professionnelle ou de normalisation. Les DTU (documents techniques unifiés) ne présentent pas de caractère obligatoire, sauf dans le cadre de la maîtrise d'ouvrage publique. Il existe des DTU-fondations, mais ceux-ci ne font pas référence explicitement au risque sécheresse.

Selon M. François Amiot, chef du bureau de la tarification urbaine et rurale et du cadre de vie, 16.839 communes disposent de documents d'urbanisme opposables que sont les plans d'occupation des sols (POS) et les plans locaux d'urbanisme (PLU). 4.218 communes sont dotées de cartes communales, et les autres sont soumises aux règles nationales d'urbanisme. 15.638 communes sont donc actuellement dépourvues de document d'urbanisme à proprement parler.

En l'absence de document d'urbanisme, les autorisations d'urbanisme sont délivrées au nom de l'Etat. En cas de difficulté entre le service instructeur et le maire, il revient au préfet de trancher. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme permet à l'autorité compétente, en l'occurrence le préfet ou le maire au nom de l'Etat, d'interdire ou de prescrire des conditions particulières pour la réalisation de certaines opérations, s'il dispose d'informations techniques suffisantes pour le justifier.

Lorsque la commune est dotée d'un document d'urbanisme, l'article L.121-1 du code de l'urbanisme lui impose de prendre en compte les risques naturels majeurs. L'article R. 123-11 ( b ) précise que, quel que soit le zonage, si des risques naturels existent, l'autorité compétente doit en tenir compte et prendre des prescriptions particulières pour prémunir les usagers contre ces risques. Enfin, les servitudes d'utilité publique, telles que les plans de prévention des risques naturels (PPR), sont annexés aux PLU. Lorsqu'un PPR et un PLU coexistent, c'est la réglementation la plus contraignante qui s'applique.

Lors de la l'élaboration ou de la révision des documents d'urbanisme, le préfet doit porter à connaissance toute information relative aux risques, et doit veiller, dans le cadre du contrôle de légalité, à ce que ces informations sont prises en compte. C'est ici l'article L.121-2 du code de l'urbanisme qui s'applique.

Mme Anne Voeltzel a ajouté qu'un PPR sécheresse pouvait imposer des prescriptions constructives aux bâtiments neufs ou existants sur sa zone.

A la demande de M. Eric Doligé, président, Mme Anne Voeltzel a abordé les évolutions envisageables de la réglementation. Suite à la sécheresse de 2003, des travaux ont été engagés par le ministère pour limiter les sinistres liés à la subsidence. Le ministère a sollicité ses services déconcentrés, et notamment les centres d'études techniques de l'équipement, pour assister les préfectures dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure d'indemnisation. Il a également travaillé, en collaboration avec l'Agence qualité construction, à l'élaboration de documents d'information et de sensibilisation des acteurs du domaine de la construction et du grand public sur le risque sécheresse.

En 2008, des travaux ont débuté pour identifier les éventuelles modifications de la réglementation nécessaires. Cinq groupes de travail à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages étudient actuellement cette question, avec pour objectif de définir un nouveau corpus réglementaire à la fin de 2010 ou au début de 2011. Ce délai s'explique par le fait que des études techniques approfondies sont nécessaires, par exemple pour définir les prescriptions entourant les études de sol (contenu, qualifications des professionnels habilités à la réaliser...).

Définir une réglementation spécifique en matière de sécheresse est d'autant plus nécessaire que les PPR sécheresse se développent lentement. Le PPR est pourtant un bon outil car il permet d'adapter des dispositions constructives à des spécificités locales. Par ailleurs, les dispositions applicables au montage des contrats de construction de maisons individuelles ne permettent pas de favoriser la réalisation d'une étude de sol. En effet, au moment de la signature du contrat, le propriétaire de la maison n'est pas toujours propriétaire du terrain et ne peut donc faire procéder à une telle étude. Une fois le contrat de construction signé, il comporte un engagement sur le coût global de l'opération, et toute étude de sol impliquant un redimensionnement des fondations serait à la charge du constructeur. De fait, ce dernier n'est pas incité à exiger du propriétaire ce type d'étude, car une telle contrainte le désavantagerait à l'égard de ses concurrents. Enfin, si un socle juridique national existait en la matière, il pourrait servir de base à une adaptation des tarifs assuranciels à la connaissance du risque. Il n'est pas exclu de réviser la réglementation du contrat de construction de maison individuelle, mais cette tâche s'avère délicate, car il convient de ne pas en modifier l'équilibre général, très protecteur pour l'acquéreur.

Pour que la construction résiste à la sécheresse, il convient que les fondations soient adaptées à l'état du sol, ce qui implique d'en améliorer la connaissance. Il existe déjà un zonage des risques réalisé par le BRGM, mais son maillage est trop large. Une meilleure connaissance du sol pourrait passer par l'élargissement du dispositif acquéreur-locataire à toutes les ventes immobilières situées dans une zone d'aléa fort. Actuellement, toute vente opérée dans la zone d'un PPR sécheresse doit s'accompagner d'une information spécifique délivrée par le propriétaire à l'acquéreur sur le risque. Cette obligation pourrait être étendue hors PPR.

Une autre solution consisterait à imposer une première évaluation des risques de présence d'argile dans le sol lors de la vente d'un terrain, à la charge du vendeur. Une telle obligation offre l'avantage d'une adaptation du prix du terrain au risque. Elle permettrait également au constructeur, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, de dimensionner son offre en connaissance de cause. En revanche, les grandes parcelles posent un problème spécifique, dans la mesure où l'emplacement exact de la construction n'est pas toujours connu au moment de l'acquisition du terrain. Sur des terrains hétérogènes, l'information devrait donc être très complète. Il est enfin envisageable de rendre obligatoire une étude de sol plus complète, attachée au projet définitif de construction, dans les zones à risque.

Une fois que le risque lié au sol est connu, il convient de s'assurer que les fondations réalisées sont adaptées à ce risque. Avant toute évolution de la réglementation, on essaie actuellement de modéliser la résistance d'un ouvrage construit selon les DTU en vigueur à un épisode de sécheresse tel que celui de 2003.

Il conviendra enfin d'étudier l'impact de toutes ces évolutions sur le coût de la construction, en gardant à l'esprit que les tarifs des assurances dommages-ouvrages pourraient, en contrepartie, diminuer au bénéfice des constructions réalisées en toute connaissance des risques encourus.

S'agissant des exemples de PLU prescrivant des plantations susceptibles d'aggraver le risque de subsidence, M. François Amiot a considéré que chaque plan local devait comporter des prescriptions objectives et spécifiques à son contexte, et qu'une réglementation nationale en la matière ne serait pas opérante.

M. Jean-Claude Frécon s'est interrogé sur la place des études de sol dans l'ensemble des études déjà obligatoires pour un vendeur.

Mme Anne Voeltzel a fait valoir que ces études concernaient des bâtiments déjà construits, et non des parcelles constructibles. En tout état de cause, il conviendrait de limiter ces études obligatoires aux seules zones où l'aléa est fort.

En réponse à Mme Fabienne Keller , qui s'interrogeait sur l'existence d'une mesure permettant d'informer systématiquement l'acheteur du risque sécheresse, Mme Anne Voeltzel a indiqué que cette obligation n'existait que dans les zones couvertes par un PPR sécheresse, ces derniers étant encore peu nombreux.

Bien que l'information ne soit pas obligatoire, M. François Amiot a fait valoir que des initiatives étaient prises au niveau territorial. Les dossiers départementaux des risques majeurs existent dans chaque département et dressent un état des risques dans chaque commune. Or, dans certains départements, à l'initiative du préfet ou des services déconcentrés, chaque certificat d'urbanisme est assorti de compléments d'information sur les risques naturels majeurs.

A la question de Mme Nicole Bricq sur le coût des travaux réalisés à la suite de dégâts causés par un épisode de sécheresse, Mme Anne Voeltzel a fait état d'un ordre de grandeur de 30.000 à 40.000 euros afin d'intervenir sur la structure d'une construction individuelle. Les coûts de réparation d'un sinistre sont naturellement plus élevés que les coûts induits par une adaptation des fondations au moment de la construction.

Répondant à Mme Nicole Bricq sur les différents niveau d'arbitrage interministériel ainsi que les délais de mise en oeuvre d'une réforme de la réglementation liée aux risques naturels, Mme Anne Voeltzel a fait valoir qu'il était important de réaliser au préalable des évaluations sur l'impact de l'étude de sol sur l'équilibre financier du contrat de construction, sur l'évaluation du surcoût de la construction aux fins de conformité aux nouvelles normes ainsi que sur le contenu même de l'étude de sol.

A l'interrogation de Mme Fabienne Keller sur l'approche transversale et de cohérence des différentes réglementations, Mme Anne Voeltzel a confirmé la vision globale qui anime les différents services du MEEDDAT quant à l'approche de la sinistralité, et au-delà du seul risque sécheresse, afin d'éviter toute contradiction entre les réglementations.

En réponse à M. Eric Doligé sur une éventuelle exclusion du régime CAT-NAT de certaines catégories d'assurés, Mme Anne Voeltzel s'est déclarée défavorable à la substitution de la couverture « dommages-ouvrages » à celle du régime CAT-NAT en cas de sécheresse, faisant valoir que la couverture « dommages-ouvrages » ne dure que dix ans, que la moitié des assurés ne la souscrivent pas et qu'enfin la réparation ne concerne que la structure du bâti, et non les dégâts superficiels. En tout état de cause, si une sortie du régime CAT-NAT devait être envisagée, elle devrait être accompagnée des informations nécessaires afin que les assurés acceptent le risque de la sinistralité en toute connaissance de cause.

b) Audition des représentants de la direction générale de la prévention des risques du MEEDM

A l'invitation de M. Eric Doligé, président , M. Laurent MICHEL, directeur général de la prévention des risques , a précisé que le risque de sécheresse portait avant tout atteinte aux biens, et non aux personnes. Ce risque doit faire l'objet d'une triple démarche de cartographie, de réduction de la vulnérabilité du bâti et d'information des usagers. Actuellement, 50 départements sont totalement cartographiés en matière de risque sécheresse, l'objectif étant de couvrir tout le territoire métropolitain d'ici à fin 2010. On ne disposera toutefois jamais d'une cartographie à la parcelle des sols argileux, en raison de l'hétérogénéité géologique des formations superficielles ou des remaniements de terrains.

Des plans de prévention des risques (PPRN) existent en matière de sécheresse. En avril 2009, 996 communes ont un plan approuvé et 1.217 ont un plan prescrit. Des instructions ont été données aux préfets de concentrer l'élaboration de ces plans sur les zones où l'aléa argileux est fort. Un modèle de règlement PPRN a été élaboré, avec l'appui du BRGM, proposant d'encadrer les constructions neuves en recommandant des études géotechniques, des mesures spécifiques sur les fondations ou des règles en matière de plantation ou de gestion des eaux autour de la construction. S'agissant du bâti existant, le PPRN est globalement peu prescriptif. Il peut toutefois, par exemple, prescrire des collectes d'eau.

En matière d'information des usagers, on peut enfin citer la mise à la disposition du public de la cartographie du BRGM, sur le site argiles.fr , ou encore la réalisation de guides de construction individuelle en collaboration avec l'Agence qualité construction.

Reste la question des évolutions possibles des règles de construction, parallèlement à la réforme envisagée du régime CAT-NAT. Deux options sont envisagées : soit un simple diagnostic informatif ou une étude géotechnique obligatoire suivie de mesures forfaitaires. Ces mesures pourraient être limitées aux seules zones où l'aléa argileux est fort, sous les réserves précédemment évoquées quant au degré de précision de la cartographie disponible. Les surcoûts induits pourraient être partiellement compensés par une baisse des tarifs d'assurance.

A la demande de Mme Fabienne Keller , M. Laurent Michel a caractérisé le risque sécheresse comme un risque à grande étendue surfacique, mais peu susceptible de toucher les vies humaines ou d'entraîner des destructions massives. Il peut toutefois occasionner des réparations coûteuses sur les maisons individuelles, dont le montant peut avoisiner 30.000 à 35.000 euros en moyenne, selon une estimation des coûts des réparations des sinistres relevant de l'assurance décennale. Dès lors, si une prévention et une information efficaces peuvent limiter les effets de la sécheresse sur le bâti neuf, la réduction de la vulnérabilité du bâti existant est plus complexe.

Mme Nicole Bricq a souhaité savoir pour quelles raisons le risque sécheresse avait fait l'objet d'une prise en compte relativement tardive. Elle a suggéré qu'une des raisons pouvait tenir à l'absence d'atteinte aux personnes.

M. Laurent Michel a précisé que les épisodes les plus importants avaient été relevés en 1976, en 1989 et en 2003. Il a admis que le risque sécheresse était moins « visible » que d'autres, en ce qu'il ne touchait que les biens et qu'il était souvent très dispersé géographiquement et étalé dans le temps. Au demeurant, la Caisse centrale de réassurance a récemment produit une étude tentant de modéliser les dégâts induits par un épisode de sécheresse.

A la demande du groupe de travail, M. François Hédou a apporté quelques précisions quant au contenu des PPRN sécheresse préconisés par la DGPR. Pour les constructions neuves, les maîtres d'ouvrage ont le choix entre une étude géotechnique préalable ou la réalisation de mesures forfaitaires relatives à la structure (profondeur minimale de fondations, chaînages) et à l'environnement proche du bâti. S'agissant du bâti existant, le PPR ne prescrit pas de travaux dont le coût excèderait 10 % de la valeur vénale du bien, afin de ne pas imposer de contraintes insurmontables pour le budget des usagers. Il est, par conséquent, impossible de prescrire des travaux lourds, tels que des fondations sur micro-pieux.

c) Audition des représentants de Météo-France, du Bureau de recherches géologiques et minières et du Laboratoire central des ponts et chaussées

M. Eric Doligé, président , a souhaité que les différents experts réunis fournissent au groupe de travail des explications sur les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en matière de sécheresse et sur les pistes d'amélioration de l'information disponible en la matière.

M. Loïc Béroud, directeur du service public au BRGM , a indiqué que la cartographie de l'aléa argileux avait été initiée par la BRGM au début des années 2000, en lien avec la numérisation de la carte géologique française. Cette cartographie est réalisée au niveau départemental. Le rythme de réalisation a été de 3 à 5 départements par an de 2000 à 2004, soit une progression relativement lente. A la suite de la sécheresse de 2003, les moyens ont été accrus par la mobilisation des crédits du Fonds Barnier et, à partir de 2005, 20 nouveaux départements ont été couverts chaque année, avec pour objectif une couverture intégrale du territoire à fin 2010. La carte est mise à disposition du public sur internet et, à ce jour, 57 départements sont couverts et publiés, et 4 départements sont terminés en cours de validation. L'échéance de fin 2010 sera donc respectée.

M. Marc Vincent, responsable du programme « prévention du risque sécheresse des sols » au BRGM , a précisé que le BRGM avait d'abord travaillé au niveau communal, à une échelle de l'ordre du 5/1.000 ème , soit une précision proche de celle du cadastre. Toutefois, réaliser ce type de cartes nécessite un grand nombre de sondages et d'études géotechniques, longs et coûteux. En revanche, le fait de travailler au niveau départemental permet de s'appuyer sur les données de la carte géologique existante. Ces données de base, complétées par des données nouvelles, permettent de réaliser des cartes d'aléas suffisamment précises pour servir de fondement à une politique de prévention.

Superposer la carte de la sinistralité à la carte géologique traduit une forte corrélation entre les sinistres et les zones argileuses. Les cartes géologiques sont levées au 1/25.000 ème , éditées au 1/50.000 ème , harmonisées et numérisées. Puis toutes les formations argileuses sont caractérisées selon la nature des minéraux, la proportion d'argile présente, les données d'essais géotechniques disponibles et les données de sinistres constatés dans chaque département.

A l'échelle de la parcelle, il peut exister un décalage entre l'information issue de la carte et les caractéristiques réelles du terrain. Chaque parcelle peut en effet présenter des caractéristiques propres impossibles à répertorier, telles que la présence d'arbres à proximité d'un bâtiment, ou certains aménagements drainants... La carte ne peut donc fournir d'information sur l'aléa argileux à l'échelle de la parcelle.

M. Eric Doligé, président , a souhaité savoir si les zones identifiées comme argileuses faisaient, ensuite, l'objet d'une cartographie plus fine.

M. Marc Vincent a répondu que trois niveaux d'aléa étaient distingués : faible, moyen et fort. Une zone d'aléa faible peut, par exemple, correspondre à une région alluvionnaire où a été détectée la présence ponctuelle de lentilles d'argile. 40 % du territoire est considéré comme étant en zone d'aléa faible. L'aléa moyen, soit 17 à 18 % du territoire, correspond à des zones hétérogènes mais à forte dominante argileuse. L'aléa fort, qui couvre 2 à 3 % du territoire, concerne des zones essentiellement argileuses et aux argiles très réactives. Il serait effectivement possible d'affiner la cartographie sur les zones d'aléa fort, mais cela présenterait un intérêt limité, car ces zones sont presque intégralement argileuses. L'affinement de la démarche serait plus utile sur les zones hétérogènes. Cela a été fait sur des zones très urbanisées, par exemple à la demande de la ville de Toulouse. 3.600 sondages ont été interprétés et extrapolés, et le résultat obtenu est très proche de la cartographie opérée au niveau départemental. En tout état de cause, le BRGM peut et souhaite affiner sa cartographie pour les zones très denses.

Mme Nicole Bricq a interrogé les représentants du BRGM sur les moyens mobilisés au bénéfice de la cartographie de l'aléa argileux, jugeant les délais de réalisation assez longs.

M. Loïc Béroud , a jugé que la réalisation de la cartographie de 80 départements sur 4 ans était une gageure et avait mobilisé beaucoup de moyens. Le programme est bien financé par le Fonds Barnier, et aucun problème de ressources n'est à déplorer à ce stade. Pour des actions destinées à affiner la cartographie, il n'existe en revanche pas de programme national. Ce sont les collectivités qui financent ces études complémentaires, réalisées par des bureaux d'études.

M. Marc Vincent a ajouté que l'affinement de la cartographie requérait la collecte de beaucoup de données complémentaires. Il est donc plus aisé d'y procéder dans les zones urbanisées, où sont traditionnellement opérés plus de sondages et d'études géotechniques. Deux ans sont en général nécessaires pour cartographier la totalité d'un département, car un important travail de numérisation et d'harmonisation est nécessaire et parce que le BRGM est tributaire de partenaires extérieurs, tels que les bureaux d'études, les assureurs ou les communes.

M. Jean-Pierre Magnan, directeur de la direction technique géotechnique du LCPC , a rappelé que le LCPC travaillait en collaboration avec les centres d'études techniques de l'équipement (CETE) et oeuvrait à l'échelle des constructions. Les données su BRGM sont nécessaires, mais non suffisantes pour s'assurer de la pérennité des constructions. Il convient donc de procéder à des études de sol, permettant par exemple de connaître la profondeur de l'argile, et d'adapter la conception des ouvrages.

A l'invitation de M. Eric Doligé, président , M. Alain Ratier, directeur général adjoint de Météo-France , a expliqué que Météo-France intervenait à l'appui des travaux de la commission interministérielle chargée de se prononcer sur l'état de catastrophe naturelle. En supposant qu'il existe, le lien de causalité entre météorologie et sinistre est extrêmement difficile à mettre en évidence. Météo-France est donc chargé de fournir les données statistiques caractérisant la sécheresse.

Historiquement, une sécheresse se définissait comme un déficit pluviométrique sur une période donnée. Grâce à la modélisation, on est aujourd'hui capable d'estimer la réserve hydrique d'une partie superficielle du sol, paramètre plus directement corrélé avec la sécheresse que ne l'est le déficit pluviométrique. En 2003, des critères ont été établis par la commission interministérielle pour appréhender une sécheresse estivale. L'application de ces critères n'ayant guère été probante, Météo-France a contribué, à la suite de la mission inter-inspections de 2005, à les améliorer. Deux axes de travail ont consisté à améliorer la pertinence des données disponibles et à mieux définir le lien de causalité entre sécheresse et sinistre, grâce à des travaux de recherche pluridisciplinaire.

Météo-France dispose désormais d'un modèle qu'il a adapté sur un maillage de 8 kilomètres, et qu'il est question d'utiliser pour analyser l'état de catastrophe naturelle à compter de 2010. Ce nouvel outil présente l'avantage de reposer sur un maillage beaucoup plus fin que le zonage Aurore. Son emploi ne modifie cependant pas le critère de reconnaissance de la sécheresse.

A la suite d'une observation de Mme Nicole Bricq , M. Alain Ratier a reconnu que le critère utilisé en 2003 pour déterminer l'état de catastrophe naturelle était imparfait et n'avait pas permis d'appréhender avec une totale fiabilité la sécheresse estivale intervenue cette même année. Il demeure que la mise au point de nouveaux critères est extrêmement complexe et exige un effort de recherche important, qui est en cours.

M. Marc Vincent a présenté le projet ARGIC, cofinancé depuis 3 ans par l'Agence nationale de la recherche, et en voie d'achèvement. Ce projet, dont le rapport de synthèse sera largement diffusé, permet de mesurer sur site l'humidité et les mouvements du sol, en fonction des évolutions climatiques. Ces mesures ont pour objet de réaliser des modélisations à la disposition de la commission interministérielle, qui permettraient d'établir un lien de causalité fiable entre les évolutions climatiques et la survenance de sinistres. On sait que les maisons sont particulièrement sensibles au tassement sous les fondations, mais il reste difficile de quantifier les seuils à partir desquels la sinistralité augmente fortement.

Pour poursuivre les recherches, il faut développer un réseau plus dense de points d'observation de la sécheresse dans le sol et disposer de statistiques fiables sur la survenance des sinistres. Or, il n'existe actuellement aucune base de données précise sur la sinistralité due à la sécheresse.

M. Jean-Pierre Magnan a précisé que les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne pouvaient servir à dimensionner les ouvrages. Une fois que le phénomène est appréhendé, il convient de déterminer quelle forme doivent prendre les fondations, forme susceptible de varier de façon importante en fonction des régions. A cet égard, un réseau d'information dense peut aider à définir finement quelle profondeur doivent avoir les fondations en fonction de l'environnement rencontré.

Par ailleurs, la prise en compte des températures et le déficit chronique de pluie mériteraient d'être intégrés dans les critères pris en compte par la commission CAT-NAT. Enfin, les modèles utilisés, bien que techniques, doivent être rendus compréhensibles pour les usagers du régime CAT-NAT.

Il a conclu en rappelant que beaucoup de recommandations à destination des professionnels et du grand public avaient été édictées sur le risque sécheresse, mais qu'elles ne sauraient se substituer à des règles véritablement contraignantes. En outre, il est nécessaire d'associer les experts des compagnies d'assurance aux travaux relatifs à ce risque, car la décision d'indemnisation leur appartient en dernier ressort.

III. LE PHÉNOMÈNE DE « RETRAIT-GONFLEMENT » : FACTEURS DE PRÉDISPOSITION ET FACTEURS DE DÉCLENCHEMENT

Les facteurs de prédisposition

La nature du sol : Facteur de prédisposition prépondérant : seules les formations géologiques renfermant des minéraux argileux sont a priori concernées. La susceptibilité est fonction, en premier lieu :

- de la lithologie (importance de la proportion de matériaux argileux au sein de la formation) ;

- de la composition minéralogique : les minéraux argileux ne sont pas tous « gonflants » et une formation argileuse sera d'autant plus réactive que la proportion de minéraux argileux « favorables » au phénomène (smectites, etc.) sera forte ;

- de la géométrie de l'horizon argileux (profondeur, épaisseur) ;

- de l'éventuelle continuité des niveaux argileux.

L'hétérogénéité de constitution du sous-sol constitue une configuration défavorable. C'est le cas par exemple avec une alternance entre niveaux argileux sensibles et niveaux plus grossiers propices aux circulations d'eau : ces derniers favorisent les variations de teneur en eau des niveaux argileux se trouvant à leur contact.

Le contexte hydrogéologique : C'est l'un des facteurs environnementaux essentiels. Les deux principaux facteurs néfastes sont :

- la présence éventuelle d'une nappe phréatique à profondeur limitée ;

- l'existence de circulations souterraines temporaires, à profondeur relativement faible. Elles peuvent être à l'origine de fréquentes variations de teneur en eau des niveaux argileux, favorisant ainsi le phénomène de retrait-gonflement.

Les conditions hydrauliques in situ peuvent varier dans le temps en fonction :

- de l'évapotranspiration, dont les effets sont perceptibles à faible profondeur (jusqu'à 2 mètres environ) ;

- de la battance de la nappe éventuelle (avec une action prépondérante à plus grande profondeur).

La présence d'un aquifère à faible profondeur permet le plus souvent d'éviter la dessiccation de la tranche superficielle du sol. Mais en période de sécheresse, la dessiccation par l'évaporation peut être aggravée par l'abaissement du niveau de la nappe (ou encore par un tarissement naturel et saisonnier des circulations d'eau superficielles). Ce phénomène peut en outre être accentué par une augmentation des prélèvements par pompage.

La géomorphologie : Elle conditionne la répartition spatiale du phénomène :

- un terrain en pente entraîne souvent une dissymétrie des fondations d'une construction, favorisant une aggravation des désordres sur le bâti. En effet, les fondations reposant le plus souvent à une cote homogène, les fondations amont sont alors plus enterrées et donc moins exposées aux variations de teneur en eau que les fondations aval.

- cet effet peut être renforcé par une différence de nature de sol à la base des fondations amont et aval (les couches superficielles du sol étant généralement parallèles à la topographie, les fondations amont reposent donc sur des terrains moins altérés et remaniés que les fondations aval) ;

- alors qu'une pente favorise le drainage par gravité, sur terrains plats les eaux de ruissellement ont tendance à stagner et à s'infiltrer, et ainsi à ralentir la dessiccation du sol ;

- l'orientation constitue également un paramètre non négligeable. Sur une pente orientée au sud, les sols à l'aval d'une construction sont soumis à un ensoleillement plus important que ceux situés en amont, à l'ombre de la bâtisse. La dessiccation y sera donc plus marquée.

La végétation : Son rôle est souvent prépondérant. Les racines des végétaux aspirent l'eau du sol par succion. En période de bilan hydrique négatif (les prélèvements par l'arbre sont supérieurs aux apports), cette succion provoque une migration d'eau pouvant se traduire par :

- un tassement centré sur l'arbre (formation d'une « cuvette ») ;

- un lent déplacement du sol vers l'arbre.

Une fondation « touchée » subira donc une double distorsion (verticale et horizontale) dont les effets seront particulièrement visibles dans le cas d'une semelle filante. Lorsque le bilan hydrique devient positif, les mécanismes inverses peuvent éventuellement se manifester.

On considère en général que l'influence d'un arbre adulte peut se faire sentir jusqu'à une distance équivalente à une fois sa hauteur (et jusqu'à une profondeur de l'ordre de 4 mètres à 5 mètres), avec des variations en fonction des essences.

Lorsqu'une construction s'oppose à l'évaporation, maintenant ainsi sous sa surface une zone de sol plus humide, les racines se développent de façon préférentielle dans sa direction. Il en est de même avec tout autre élément ayant une attraction positive, par exemple les regards et dispositifs d'assainissement fuyards.

Dans le cas de l'urbanisation d'un terrain déboisé depuis peu, ou encore de l'abattage d'un arbre qui était situé à côté d'une construction, des désordres par gonflement peuvent se manifester pendant plusieurs années. Ils résultent d'une augmentation de la teneur en eau générale du sol.

Les défauts de construction : Ce facteur de prédisposition, souvent mis en lumière à l'occasion d'une sécheresse exceptionnelle, se traduit par la survenance ou l'aggravation des désordres.

L'examen de dossiers d'expertise indique que les maisons touchées présentent souvent des défauts de conception ou de fondation, ou encore une insuffisance de chaînage (horizontal, vertical, mauvaise liaison entre chaînages). Le respect des règles de l'art « élémentaires » permettrait de minimiser, voire d'éviter, une large partie de ces désordres.

Les facteurs de déclenchement

Les conditions climatiques : Les phénomènes climatiques exceptionnels sont le principal facteur de déclenchement du phénomène. Les variations de teneur en eau du sol sont liées à des variations climatiques saisonnières. Les désordres seront plus importants dans le cas d'une sécheresse particulièrement marquée, intervenant à la suite d'une période fortement arrosée (par sa durée et par les cumuls de pluie observés). Deux paramètres primordiaux entrent en jeu : l'évapotranspiration et les précipitations.

Les facteurs anthropiques : Des modifications de l'évolution « naturelle » des teneurs en eau du sous-sol peuvent résulter de travaux d'aménagement qui auraient pour conséquence :

- de perturber la répartition des écoulements superficiels et souterrains ;

- de bouleverser les conditions d'évaporation. Cela peut être le cas pour des actions de drainage du sol d'un terrain, de pompage, de plantations, d'imperméabilisation des sols, etc.

Une fuite, voir la rupture d'un réseau enterré humide ou une infiltration d'eaux pluviales, peuvent avoir un impact significatif sur l'état hydrique du sous-sol et de ce fait provoquer des désordres par gonflement des argiles.

L'existence de sources de chaleur en sous-sol près d'un mur insuffisamment isolé peut également aggraver, voire déclencher, la dessiccation et entraîner l'apparition de désordres localisés.

Source : ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

IV. ARTICLE 110 DE LA LOI N° 2005-1719 DU 30 DÉCEMBRE 2005, DE FINANCES POUR 2006

I. - Il est créé, dans le cadre de la solidarité nationale, une procédure exceptionnelle d'aide pour les dommages aux bâtiments causés par la sécheresse survenue entre juillet et septembre 2003 et la réhydratation des sols qui lui a été consécutive, lorsque ces dommages compromettent la solidité des bâtiments ou les rendent impropres à leur destination.

Cette procédure est réservée aux propriétaires des bâtiments à usage d'habitation principale, situés dans les communes qui ont formulé, avant le 1 er juin 2005, une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle prévue aux articles L. 125-1 et suivants du code des assurances au titre de la sécheresse survenue entre juillet et septembre 2003 et qui ne l'ont pas obtenue.

Le fonds de compensation des risques de l'assurance de la construction verse des aides au titre de cette procédure exceptionnelle dans le cadre d'une convention conclue à cet effet par la Caisse centrale de réassurance, en qualité de gestionnaire du fonds, avec l'Etat. L'attribution et le versement des aides sont effectués dans les conditions décrites au présent article, dans la limite de 218,5 millions d'euros. Une enveloppe de 30 millions d'euros est, au sein de ce montant, spécifiquement réservée, sans préjudice de l'attribution des autres aides, aux habitants des communes limitrophes de celles reconnues en état de catastrophe naturelle dans les conditions prévues au deuxième alinéa.

Les aides portent exclusivement sur les mesures de confortement nécessaires au rétablissement de l'intégrité de la structure, du clos et du couvert.

II. - Les bâtiments concernés doivent avoir été couverts, du 1 er juillet au 30 septembre 2003, par un contrat d'assurance garantissant les dommages incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France.

Sont exclus de cette procédure exceptionnelle :

- les bâtiments couverts au 1 er octobre 2003 au titre de la responsabilité décennale prévue aux articles 1792 et suivants du code civil ;

- les bâtiments situés sur des terrains classés inconstructibles par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé dans les conditions fixées par les dispositions du chapitre II du titre VI du livre V du code de l'environnement, à l'exception, toutefois, des bâtiments existant antérieurement à la publication de ce plan ;

- les bâtiments construits en violation des règles administratives en vigueur lors de leur construction.

III. - Le représentant de l'Etat dans le département collecte les demandes des propriétaires, sous la forme d'un dossier type approuvé par arrêté après consultation des organisations professionnelles représentatives du secteur de l'assurance.

Ce dossier permet notamment de vérifier si les conditions fixées aux I et II sont remplies.

Les entreprises d'assurance exercent un rôle de conseil auprès des propriétaires pour la constitution de leur dossier.

Les demandes sont envoyées en préfecture par les propriétaires à peine de forclusion, dans un délai de cent vingt jours calendaires révolus à compter de la date de publication de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent III.

Le représentant de l'Etat dans le département déclare l'éligibilité des demandes au regard de :

- la présence dans la commune concernée d'un type d'argile pouvant créer des mouvements différentiels de sol ;

- l'évaluation des travaux de confortement nécessaires au rétablissement de l'intégrité de la structure, du clos et du couvert ;

- le respect des autres conditions définies aux I et II.

Il est assisté dans cette mission par les chefs des services de l'Etat concernés et par deux représentants des professions d'assurance désignés par les organisations professionnelles représentatives du secteur de l'assurance.

IV. - Le représentant de l'Etat dans le département rend compte aux ministres chargés de la sécurité civile, de l'économie et du budget des résultats de ce recensement en précisant le montant par dossier des dommages éligibles.

Les ministres arrêtent des enveloppes d'aide par département dans la limite du montant mentionné au I et fixent les mesures générales d'encadrement pour le calcul des aides individuelles et les conditions de versement.

V. - Le représentant de l'Etat dans le département arrête le montant de l'aide aux propriétaires dans le respect de l'enveloppe qui lui est déléguée en tenant compte des mesures générales d'encadrement fixées par les ministres chargés de la sécurité civile, de l'économie et du budget.

Source : Légifrance

V. BILAN PROVISOIRE DES INDEMNISATIONS AU TITRE DE LA PROCÉDURE EXCEPTIONNELLE

Les montants des colonnes d , g , h , m , n, r , t et u sont en euros.

Le présent tableau, adressé par les services du ministère de l'intérieur au groupe de travail, est arrêté au 15 septembre 2007.

* 1 Le fonctionnement détaillé du régime est exposé dans la seconde partie du présent rapport.

* 2 Brochure « face aux risques : le retrait-gonflement des argiles ».

* 3 Rapport de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles (2005).

* 4 Dont 609 millions d'euros supportés par la CCR.

* 5 Ces montants ne résultent pas de données comptables, mais d'évaluations faites à partir d'hypothèses sur la ventilation des coûts par péril. Leur caractère plus récent peut également expliquer la différence avec les montants fournis par la FFSA et figurant au précédent tableau.

* 6 Note de Météo-France précitée.

* 7 L'année devait donc se caractériser par un nombre de décades sèches le plus important ou le deuxième plus important de la période 1989-2003.

* 8 Sur ce point, cf. la seconde partie du présent rapport.

* 9 Selon la documentation transmise par M. Naquin, dans le Loiret, 18 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle. 12 communes dépendaient de la station Aurore de Saint-Georges-sur-Baulche (Yonne) et 6 de la station de Barberey-Saint-Sulpice (Aube). Les 186 communes non reconnues dépendaient de la station de Bricy.

* 10 Rapport du Gouvernement établi en application de l'article 68 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, cf. infra.

* 11 Montant arrêté au 15 septembre 2007.

* 12 Reproduit à l'annexe IV au présent rapport.

* 13 Circulaires du 8 septembre 2006 et du 3 octobre 2006.

* 14 Rapport précité établi en application de l'article 68 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, cf. infra.

* 15 Assemblée nationale, compte-rendu intégral de la troisième séance du mardi 22 novembre 2005.

* 16 Programme 128 « Coordination des moyens de secours ».

* 17 Selon le ministère de l'intérieur, « Les nuances apportées tiennent notamment au fait que les chiffres fournis par les préfectures représentent une situation à un moment donné. D'éventuels ajustements ont pu avoir lieu à la réception du montant de l'enveloppe départementale et des instructions de la circulaire du 8 septembre 2006.Cette dernière précise les mesures générales d'encadrement. Une certaine latitude, cohérente avec le choix d'une procédure déconcentrée, au plus près des réalités locales, a été laissée aux préfectures, qui pouvaient indemniser plus fortement les sinistrés les plus touchés (précision apportée par la circulaire du 8 septembre 2006). »

* 18 Soit 12.079 × 1.500 = 18.118.500 euros.

* 19 Selon le ministère de l'intérieur, ce taux n'est « qu'un ratio constaté a posteriori entre des besoins exprimés très en amont et une indemnisation finale réalisée au plus près du terrain ».

* 20 Tel fut le cas de l'Essonne, dont la préfecture a également édité une brochure d'information.

* 21 Un arrêté du 3 février 2006 a défini le contenu du dossier type de demande d'aide financière en application de l'article 110.

* 22 La fourniture de photographies n'était toutefois pas obligatoire.

* 23 Prorogation opérée par l'article 83 de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

* 24 En raison des difficultés rencontrées par certains sinistrés, il a été admis qu'un seul devis soit fourni à l'appui du dossier, le second devant être produit au moment du paiement des aides.

* 25 Audition du 17 mars 2009.

* 26 Propos de M. Didier Valem, ingénieur à la direction des affaires techniques de la Fédération française du bâtiment.

* 27 Bouches-du-Rhône, Loiret, Lot-et-Garonne, Marne et Indre.

* 28 La mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle a donné lieu à 14 saisines.

* 29 En l'occurrence, la durée de retour de l'événement climatique avait été calculée sur la base de 49 relevés météorologiques au lieu des 52 disponibles, sans que l'exclusion de trois années de relevés soit justifiée. Cette exclusion conduisait à retenir un taux de retour de 24,5 ans, soit 6 mois de moins que nécessaire pour bénéficier de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle (égale à 25 ans). Dans sa décision du 21 octobre 2008, contre laquelle l'Etat a fait appel, le tribunal administratif de Montpellier a considéré que l'administration avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

* 30 Selon M. Thierry Queffelec, lorsque les décisions sont défavorables à l'Etat, « c'est le plus souvent en raison de questions de forme. Il convient de rappeler que la procédure exceptionnelle ne couvrait que les dommages affectant l'intégrité du clos et du couvert, et non les travaux d'embellissement. Cette nuance a pu créer des problèmes d'interprétation à l'origine de certains contentieux. »

* 31 Par rapport à une période de référence 2002-2006 et s'agissant des départements identifiés comme étant en zone argileuse. Données issues de la synthèse de l'étude relative à l'impact du changement climatique et de l'aménagement du territoire sur la survenance d'événements naturels en France.

* 32 L'article L.121-1 du code de l'urbanisme lui impose de prendre en compte les risques naturels majeurs. L'article R. 123-11 (b) précise que, quel que soit le zonage, si des risques naturels existent, l'autorité compétente doit en tenir compte et prendre des prescriptions particulières pour prémunir les usagers contre ces risques. Enfin, les servitudes d'utilité publique, telles que les plans de prévention des risques naturels (PPRN), sont annexés aux PLU. Lorsqu'un PPR et un PLU coexistent, c'est la réglementation la plus contraignante qui s'applique. Lors de la l'élaboration ou de la révision des documents d'urbanisme, le préfet doit porter à connaissance toute information relative aux risques, et doit veiller, dans le cadre du contrôle de légalité, à ce que ces informations soient prises en compte (article L.121-2 du code de l'urbanisme).

* 33 Ces mesures concernent l'approfondissement des fondations, la mise en place de chaînages, l'interdiction de sous-sols partiels, ou encore l'éloignement des plantations, la maîtrise des rejets d'eau, ou la création de dispositifs s'opposant à l'évaporation autour du bâti.

* 34 En zone d'aléa argileux fort, le plan impose, par exemple, la collecte et l'évacuation des eaux pluviales des abords du bâtiment.

* 35 Cette cartographie est accessible sur le site argiles.fr .

* 36 L'article ne comporte toutefois aucune prescription constructive permettant de garantir cette résistance.

* 37 En revanche, les grandes parcelles posent un problème spécifique, dans la mesure où l'emplacement exact de la construction n'est pas toujours connu au moment de l'acquisition du terrain. Sur des terrains hétérogènes, l'information devrait donc être très complète.

* 38 L'article 128 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) dispose en effet que « dans la limite de 125 millions d'euros par an, et jusqu'au 31 décembre 2013, le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement peut contribuer au financement d'études et travaux de prévention ou de protection contre les risques naturels dont les collectivités territoriales ou leurs groupements assurent la maîtrise d'ouvrage, dans les communes couvertes par un plan de prévention des risques prescrit ou approuvé ».

* 39 Selon la Fédération française du bâtiment, le coût d'une mission géotechnique pour un projet de pavillon s'étale entre 1.500 et 4.500 euros, principalement lié au nombre et niveau d'approfondissement des sondages. Le surcoût d'un approfondissement des fondations superficielles et réalisation du plancher bas sur vide sanitaire peut être estimé entre 3.000 et 5.000 euros, le surcoût de réalisation des fondations par puits-longrines et plancher bas sur vide sanitaire peut être estimé entre 10.000 à 15.000 euros et le surcoût de réalisation des fondations par micropieux peut être estimé entre 30.000 à 50.000 euros (conditionné par la profondeur d'ancrage des micropieux).

* 40 Selon le rapport, « les principales raisons alléguées pour cette exclusion ont été les suivantes : 1° il n'y aurait aucune demande du marché en ce sens, 2° il s'agit d'un risque connu d'avance et sur lequel on peut agir, 3° dans certains des pays en cause, il y aurait moins de nappes argileuses qu'ailleurs, 4° autre argument évoqué dans le cas de l'Espagne, la sécheresse est une situation permanente et traditionnelle à laquelle les techniques et normes de construction se sont adaptées, 5° en tout état de cause ce serait au secteur privé à couvrir ce risque s'il y avait une demande. Or les assureurs et encore plus les réassureurs ne couvrent que des risques clairement identifiés et définis, ce qui n'est pas le cas de la subsidence, 6° le risque est trop localisé et on ne sait pas bien imputer le sinistre à la nature ou à un défaut de construction. »

* 41 Ces circulaires ont notamment tiré les conséquences de l'article 95 de la loi de finances rectificative pour 2007 (n° 2007-1824), qui précise qu'une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne peut être recevable que si elle intervient dans un délai de 18 mois après le début de l'événement naturel qui y donne naissance.

* 42 Analyse du retrait-gonflement et de ses incidences sur la construction.

* 43 Selon les informations dont dispose le groupe de travail, le séminaire de restitution des conclusions issues du projet AGIRC devrait se tenir le 9 décembre 2009.

* 44 Dite « du double réservoir ».

* 45 Il s'agit du modèle Safran Isba Modcou (SIM) à trois réservoirs, qui produit une estimation spatialisée d'un indice d'humidité du sol (SWI) représentatif d'une profondeur totale de 2,35 mètres, sur une grille de maille de 8 kilomètres.

* 46 Il s'agit du programme « Développement d'outils pour le suivi des mouvements de sol pour la gestion durable dans le sud-ouest européen », associant Météo-France, le CNRS, le LCPC et le BRGM.

* 47 L'Inspection générale des finances, le Conseil général des ponts et chaussées, l'Inspection générale de l'environnement et l'Inspection générale de l'administration ont été mandatées par les ministres de l'intérieur, des finances, de l'écologie et du développement durable de l'équipement et du budget par lettre en date du 25 février 2005.

* 48 In rapport particulier sur les régimes « catnat » dans une vingtaine de pays étrangers en date de septembre 2005.

* 49 Loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.

* 50 Loi n° 90-509 du 25 juin 1990 modifiant le code des assurances et portant extension aux départements d'outre-mer du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

* 51 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

* 52 La loi de 1990, complétée en 2000, a notamment prévu :

- l'extension du régime d'indemnisation aux vents cycloniques (article 13 de la loi d'orientation pour l'Outre-Mer du 13 décembre 2000) : vents maximaux supérieurs à 145 km/h en moyenne sur 10 minutes ou 215 km/h en rafale.

- l'extension de la territorialité aux quatre départements d'outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Réunion, Guyane), aux deux collectivités territoriales (Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte) et aux îles Wallis et Futuna (ordonnance du 19 avril 2000)).

La loi de 2002 a étendu le champ d'application aux affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et aux marnières d'origine naturelle ou anthropique (sauf exploitation passée ou en cours d'une mine).

* 53 Loi n° 92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au marché unique européen de la législation applicable en matière d'assurance et de crédit. Elle a introduit la notion de dommages non-assurables et précise le rôle de l'arrêté interministériel.

* 54 Loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. Elle porte notamment sur l'arrêté interministériel qui doit indiquer la décision (favorable ou non), ses motivations et ses obligations de délais.

* 55 L'article 95 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 précise qu'une demande ne peut être recevable que si elle intervient dans un délai de 18 mois après le début de l'événement naturel qui y donne naissance. Ce délai s'applique aux évènements naturels ayant débuté après le 1 er janvier 2007.

* 56 L'assurance « tempêtes, grêle et neige sur les toitures » est rattachée obligatoirement à l'assurance incendie et donc au contrat multirisques habitation.

* 57 Si elles sont couvertes par le contrat d'assurance.

* 58 Tels que les frais annexes (pertes de loyers, remboursement d'honoraires d'expert...) qui sont assurables.

* 59 Y compris ceux liés à des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières survenant sur les biens faisant l'objet de tels contrats.

* 60 Dans un tel cas, la garantie CAT-NAT prend en charge la perte de bénéfice brut et les frais supplémentaires d'exploitation pendant la période d'indemnisation du contrat.

* 61 Arrêté du 5 septembre 2000.

* 62 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement dite loi Barnier.

* 63 Le taux maximum du prélèvement a été fixé à 2 % de 1999 à octobre 2006, puis à 4 % de novembre 2006 à juillet 2008, à 8 % en août 2008 et enfin à 12 % en mars 2009.

* 64 Au 1 er janvier 2008, le total des recettes du fonds s'établissait à environ 330 millions d'euros alors que le total des dépenses s'établissait à 320 millions d'euros.

* 65 In Etudes et documents ; Risques et assurances n° 1, mars 2009, Commissariat général au développement durable.

* 66 Cf. Article 101 de la loi de finances pour 2008 n° 2007-1822 du 24 décembre 2007.

* 67 L'amendement de la commission des finances, prévoyant de porter le plafond de 4 % à 12 %, a été rectifié à la demande du Gouvernement pour limiter l'augmentation à 8 %.

* 68 Source : Réponse au questionnaire budgétaire du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

* 69 Cf. Article 154 de la loi de finances pour 2009 n° 2008-1425 du 27 décembre 2008. En conséquence, le prélèvement est de l'ordre de 150 millions d'euros en équivalent année pleine.

* 70 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

* 71 Arrêtés des 7 et 19 septembre 1983 et arrêtés des 5 septembre 2000 et 4 août 2003.

* 72 Toutefois, pour les véhicules à usage professionnel, il est appliqué la franchise prévue par le contrat, si elle est supérieure à la franchise légale.

* 73 Si une franchise plus élevée est prévue dans la garantie de base, c'est cette dernière qui sera appliquée.

* 74 A l'exception de l'application d'une franchise plus élevée prévue dans la garantie de base.

* 75 Le taux de cession maximum était de 90 % en 1982. Puis il était compris entre 40 % et 60 % en 1997. Il est aujourd'hui de 50 %.

* 76 50 % x 1.000.000 euros.

* 77 200 % x 500.000 euros.

* 78 50 % x 10.000.000 euros.

* 79 Cf. article 39 quinquies G du code général des impôts et article R.331-36 du code des assurances.

* 80 Représentants du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

* 81 Deux experts du ministère en charge de l'environnement sollicités pour avis consultatifs et techniques afin de permettre aux membres de la commission d'estimer « l'intensité anormale de l'agent naturel ».

* 82 Une circulaire du 19 mai 1998 relative à la constitution de dossiers relatifs aux demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle mentionne cependant l'existence de la commission interministérielle.

* 83 Cf . audition du 9 avril 2009 reproduite en annexe au présent rapport.

* 84 Source : Direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

* 85 PPS : plans de surfaces immersibles. Ils sont progressivement remplacés par des PPRN.

* 86 In Etudes et documents ; Risques et assurances n° 1, mars 2009, Commissariat général au développement durable.

* 87 Source : Présentation de l'étude de 2009 de la FFSA relative à l'impact du changement climatique et de l'aménagement du territoire sur la survenance d'évènements naturels en France lors du colloque « Impacts du changement climatique » du 29 avril 2009.

* 88 Cf : cartographie du BRGM (première partie du rapport).

* 89 Table ronde éléments d'introduction - Journée technique commune CFGI - CFMS Paris, 18 janvier 2007 - Roland Nussbaum.

* 90 Cf . Audition de l'APREF du 9 avril 2009, reproduite en annexe au présent rapport.

* 91 In Études et documents n° 1 du commissariat général du développement durable.

* 92 Le montant moyen d'une indemnisation est évalué entre 6.000 et 7.000 euros par la MAIF.

* 93 Cf . Audition du 9 avril 2009, reproduite en annexe au présent rapport.

* 94 Cf . Audition du 9 avril 2009, reproduite en annexe au présent rapport.

* 95 Source : FFSA.

* 96 Une commune sinistrée est comptée autant de fois que d'arrêtés ; elle peut être sinistrée plusieurs fois dans la même année pour des périls différents et/ou être sinistrées plusieurs années. Elle sera alors comptée plusieurs fois.

* 97 Le coût de l'ensemble des aléas naturels CAT-NAT et tempêtes s'élève pour la même période à 34 milliards d'euro (16,6 milliards d'euros pour le régime tempêtes).

* 98 Source FFSA : In Etude relative à l'impact du changement climatique et de l'aménagement du territoire sur la survenance d'événements naturels en France.

* 99 Id .

* 100 Le régime « Tempêtes » consiste en une extension obligatoire depuis 1990 à tout dommage, garantie généralement associée à la grêle et au poids de la neige.

* 101 Tous aléas confondus.

* 102 Ils représentent 60 % des indemnités versées par les assureurs.

* 103 http://www.ffsa.fr/webffsa/portailffsa.nsf/html/CatNat171208?opendocument&argsannuaire=

&ExpandView&arg=impression&ExpandSection=&Stop

* 104 Source : FFSA.

* 105 La charge de la sinistralité peut évoluer à la suite d'une révision à la hausse ou à la baisse du montant des provisions. En effet, une provision pour sinistre est calculée dès la publication de l'arrêté interministériel. Elle est ensuite révisée au moment de l'expertise des dommages puis de son règlement. En outre, certaines déclarations CAT-NAT sont intervenues quelques années après la survenance de l'aléa avant que celles-ci ne soient encadrées dans un délai de dix-huit mois. Ces déclarations tardives, notamment en 2007, affectent le résultat définitif.

* 106 Selon le rapport d'activité de la CCR pour 2008, le chiffre d'affaires de la CCR en réassurance de marché, qui concerne tous les secteurs d'activité, a enregistré une progression de 10,8 % à 433,9 millions d'euros contre 391,5 millions en 2007.

* 107 La garantie de l'État peut être engagée pour :

- la réassurance des risques exceptionnels liés à un transport,

- la réassurance des risques nucléaires,

- la réassurance des risques de catastrophes naturelles,

- la réassurance des risques d'attentats et d'actes de terrorisme,

- la réassurance du Complément d'Assurance - crédit Public (CAP).

* 108 Le montant des capitaux propres de la CCR était de 950,5 millions d'euros au 31 décembre 2005.

* 109 392,5 millions d'euros.

* 110 Circulaire relative à la constitution des dossiers relatifs aux demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. NOR : INTE9800111C.

* 111 Cf . article 11 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, codifié à l'article L.125-1 du code des assurances.

* 112 Bien que le groupe de travail ne préjuge pas de la nature de la norme à utiliser, il considère que cette transposition devrait vraisemblablement être réglementaire et non législative en raison de la possible évolution des critères.

* 113 Réponse de la CCR au questionnaire du groupe de travail.

* 114 Loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

* 115 Directive 2007/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et la gestion des risques d'inondation.

* 116 Troisième considérant de la directive.

* 117 Cette directive doit être, en effet, transposée en droit français avant le 26 novembre 2009.

* 118 Extrait de l'exposé des motifs de l'amendement : « Il est aujourd'hui nécessaire de renforcer le pilotage global des opérations de prévention des risques d'inondation afin qu'il permette les interventions réglementaires et financières de l'État et des autres parties prenantes, de manière coordonnée et ciblée, avec une approche d'ensemble et de long terme, transparente, priorisée et hiérarchisée, de la gestion des inondations sur le territoire. L'implication et la responsabilisation de tous les acteurs de la gestion des risques d'inondation, et en particulier les collectivités territoriales, sont privilégiées à toutes les étapes ».

* 119 Source : FFSA.

* 120 La mission d'enquête des inspections générales évoquaient une modulation du taux entre un minimum de 9 % et 30 %.

* 121 Article 61 de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages

* 122 Cf. article 154 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 123 Cf. Compte-rendu reproduit en annexe au présent rapport.

* 124 La garantie de l'Etat aurait été déclenchée si la perte nette pour la CCR s'était élevée à 850 millions d'euros.

* 125 Rapport particulier sur les aspects assuranciels et institutionnels du régime CATNAT de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles de MM. Philippe Dumas, André Chavarot, Henri Legrand, Alexandre Macaire, Christo Dimitrov, Xavier Martin et Christian Queffelec de septembre 2005.

* 126 Elle s'établit au 31 décembre 2008 à 1.697,1 millions d'euros contre 418 millions d'euros en 2004. Elle représente 239 % des primes de l'année.

* 127 L'ACAM a fait observer lors de son audition que, dans le cadre de ses décomptes, la charge de sinistres pour l'exercice 2003 avait été évaluée à 1,3 milliard d'euros à la fin de l'année 2003 par les assureurs, ce qui représentait 110 % des primes. Ce coût a été révisé fin 2007 à 2 milliards d'euros, soit 700 millions de plus que la première évaluation réalisée fin 2003. L'estimation finale est ainsi supérieure de 50 % à celle d'origine.

* 128 Soit 1,7 milliard d'euros.

* 129 Soit 0,9 milliard d'euros après impôts et dividendes.

* 130 Soit approximativement 1,3 milliard d'euros par an. Ce montant évolue toutefois chaque année et peut être très inférieur.

* 131 Soit 1,7 milliard d'euros en 2009.

* 132 La mission d'enquête des quatre inspections générales a préconisé un taux de 90 % ou 100 %.

* 133 Le montant des provisions d'égalisation est de 1,7 milliards en 2008.

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