5. Préserver le rôle d'acteurs du développement touristique des collectivités territoriales

Les collectivités territoriales sont des acteurs majeurs du développement touristiques d'autant plus qu'elles peuvent exercer des fonctions d'opérateurs ce qui plaide pour une planification renforcée des investissements et une mutualisation des moyens.

Une compétence tourisme partagée entre les niveaux de collectivités

Comme la expliqué notre collègue Jean-Pierre Vial lors des travaux de la mission 64 ( * ) , la dimension « tourisme » fait partie intégrante du développement économique au sens large , compte-tenu du fait qu'elle participe notamment à l'attractivité du territoire et présente un caractère « industriel » à travers les activités d'hôtellerie et de restauration. Cependant, le tourisme participe également à la dynamique d'aménagement d'un territoire en raison des besoins qu'il suscite en dessertes routière, ferroviaire et aérienne, ainsi qu'au développement de la politique culturelle à travers les musées, les festivals et la valorisation du patrimoine.

La transversalité de la compétence « tourisme » comme la diversité des actions nécessaires à son développement (création d'équipements à vocation touristique par exemple) expliquent qu'elle soit aujourd'hui exercée par chacun des échelons territoriaux, ce qui est souvent à l'origine d'initiatives peu coordonnées - à l'image de la promotion des châteaux de la Loire qui est réalisée par chaque niveau de collectivités sans coordination - ou, au contraire, de processus décisionnels particulièrement longs et peu lisibles.

L'analyse de l'exercice de cette compétence par les différents niveaux de collectivité met en évidence l'importance de la surface financière pour conduire des projets d'équipement ainsi que le rôle clé des départements tant pour initier que pour mettre en oeuvre les projets. Comme l'a souligné le président Claude Belot lors des travaux de la mission, il convient en effet de garder à l'esprit qu' en matière de tourisme les collectivités locales allaient plus loin que ce n'était le cas pour le développement économique car il leur arrivait de créer et de gérer elles-mêmes des infrastructures .

Si des améliorations sont à apporter à l'exercice de cette compétence, elles devraient d'abord concerner la « commercialisation » des offres touristiques qui est aujourd'hui réalisée par les nombreux comités régionaux, comités départementaux, maisons des régions, maisons des départements et autres offices de tourisme. La gouvernance des offices de tourisme concentre aujourd'hui toutes les attentions du fait, en particulier, de leur autonomisation croissante par rapport aux collectivités territoriales.

Un autre aspect qui fait débat concerne la multiplicité des outils de planification créés par la loi. L'article L. 131-7 du code du tourisme prévoit ainsi la réalisation d'un « schéma régional de développement du tourisme et des loisirs » établi après de nombreuses consultations tandis que l'article L. 132-1 reconnaît au conseil général la possibilité d'établir un « schéma d'aménagement touristique départemental » qui doit prendre en compte les orientations du schéma régional. Enfin, l'article L. 361-1 du code de l'environnement charge le conseil général d'établir « après avis des communes intéressées, un plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnées » . Or il apparaît que l'ensemble de ces instruments de planification ne sont pas véritablement coordonnés, ce qui leur ôte une part importante de leur effectivité et de leur pertinence.

Pour essayer de clarifier l'exercice de cette compétence, plusieurs évolutions sont donc envisageables.

a) Une coordination à renforcer dans le respect de la capacité d'action de chacun
(1) Le transfert impossible de la compétence à un échelon unique

Le premier scénario, évoqué notamment par la mission d'information de l'Assemblée nationale 65 ( * ) , reviendrait à attribuer l'intégralité de la compétence tourisme à un seul niveau de collectivités territoriales. Dans cet esprit, selon les députés, « le département pourrait être, le plus souvent, la collectivité la plus pertinente, compte tenu de la taille des projets concernés, mais aussi des compétences prédominantes de cet échelon en matière environnementale et culturelle » . Le rapport précise toutefois que les départements d'une même région pourraient décider de lui confier cette compétence et que « l'attribution d'une compétence exclusive au département dans ce domaine ne devrait pas remettre en cause l'existence dans les communes ou les communautés des offices du tourisme, qui continueraient à fournir des informations pratiques, tout en appliquant localement la politique touristique définie au niveau départemental » .

Cette proposition, qui permettrait de clarifier l'exercice de la compétence « tourisme », présente néanmoins des inconvénients, dont celui de ne pas tenir pleinement compte de la diversité des situations. Autant, par exemple, certains départements du littoral atlantique sont bien placés pour développer une politique adaptée à l'ensemble de leur territoire, autant le département n'apparaît pas légitime pour se substituer à des communes qui ont une renommée mondiale à l'image de Nice, Bordeaux, Cannes, Saint-Tropez, Biarritz, Chamonix, Courchevel, Megève... Pour ces dernières, il est essentiel de pouvoir disposer de tous les « outils » permettant de renforcer leur « marque », ce qui exclue un transfert de leur compétence au département. Comme l'a remarqué notre collègue Jean-Pierre Vial au cours des travaux de la mission « les budgets des grandes stations de sport d'hiver comme Tignes ou Val d'Isère sont chacun supérieurs au budget de promotion de Savoie Mont-Blanc, organisme commun aux deux départements de Savoie, qui lui-même est supérieur au budget du comité régional de tourisme (CRT) » 66 ( * ) .

Si l'idée de réserver la compétence exclusivement au niveau départemental n'apparaît donc pas judicieuse, il serait toutefois également inopportun d'en priver d'exercice ce dernier ainsi que le propose le rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales, selon qui « il n'y aurait (...) qu'avantage à réserver cette compétence aux communes ou à leurs groupements et aux régions, l'échelon départemental n'apparaissant pas, en cette matière comme le plus approprié » 67 ( * ) . Lorsque le territoire ne comprend pas de sites exceptionnels qui confèrent à certaines communes une visibilité particulière ou que le développement touristique est homogène le long d'une côte littorale par exemple, le département possède une légitimité naturelle qu'il convient de préserver pour développer des projets et des structures d'intérêt supra communal.

(2) Une répartition des fonctions par niveau de territoire difficile à organiser

Un deuxième scénario pourrait consister à identifier chaque aspect de la politique en faveur du tourisme et à l'attribuer au niveau de collectivité le plus adéquat. La région conserverait ainsi une mission de planification qui pourrait même être renforcée. Le département serait alors chargé de mettre en oeuvre les infrastructures tandis que les fonctions de commercialisation seraient attribuées aux EPCI ou aux villes selon les cas.

Ce schéma d'organisation a, certes, pour mérite de simplifier en apparence l'organisation de la compétence mais, comme le précédent, il ne tient pas compte de la diversité des territoires ni des problématiques propres à ceux situés à la « frontière » régionale, qui ne peuvent être traités en dehors d'une approche à la fois locale et interrégionale.

En outre, il peut être difficile d'identifier précisément chaque action de développement touristique en fonction de ces critères compte tenu du fait que certains projets peuvent présenter l'ensemble de ces caractéristiques.

(3) Une organisation de la compétence tourisme adaptée aux caractéristiques du territoire

Le troisième scénario pourrait s'appuyer sur les conclusions qui ont conduit votre mission à écarter les deux précédents, considérant que la diversité du territoire excluait de retenir une solution uniforme et un transfert exclusif à une catégorie de collectivités de même qu'une répartition trop artificielle niant la complexité locale.

C'est pourquoi, elle a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'attribuer de manière exclusive la compétence tourisme à un niveau de collectivité particulier.

Nouvelle définition des communes touristiques

Le Sénat a adopté le 8 avril 2009 en première lecture 68 ( * ) le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques qui prévoit, dans son article 13, d'adapter la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de classement des communes touristiques adoptée par l'article 21 de la loi du 14 avril 2006.

La nouvelle rédaction de l'article L. 133-13 de code du tourisme définit la « commune touristique » soit comme une commune mettant en oeuvre une politique locale du tourisme et offrant des capacités d'hébergement pour l'accueil des non-résidents, soit comme une commune bénéficiant, au titre du tourisme, de la dotation supplémentaire ou de la dotation particulière identifiée au sein de la part forfaitaire de la DGF.

Compte tenu du fait que le bilan de la compétence touristique des collectivités territoriales apparaît globalement satisfaisant votre mission a estimé qu'il n'était pas opportun d'envisager de modifications radicales concernant l'exercice de cette compétence .

Elle a toutefois considéré que des clarifications pourraient être apportées pour identifier les vocations de chaque niveau : conforter la commune et les intercommunalités dans leur mission d'accueil et de promotion, et renforcer la capacité des communes, des intercommunalités et des départements à financer les grands équipements avec le soutien de la région dans le cadre d'une démarche de programmation concertée.

Propositions de la mission

- Affirmer la compétence des communes et des intercommunalités pour l'accueil et la promotion locale.

- Assurer le financement des équipements touristiques structurants par les communes, les intercommunalités et les départements, avec le soutien des régions pour les équipements de niveau régional.

- Élaborer une convention Région / Départements / Intercommunalités pour préciser les champs d'intervention de chaque niveau de collectivité et des communautés. La réalisation et le suivi de cette convention seraient assurés par le conseil régional des exécutifs.

* 64 Réunion du sous-groupe « compétences » de la mission le 5 mai 2009.

* 65 Rapport d'information n° 1153 de l'Assemblée nationale, « Pour un big-bang territorial », octobre 2008, M. Jean-Luc Warsmann, président, MM. Didier Quentin et Jean-Jacques Urvoas, rapporteurs, p. 74.

* 66 Réunion du sous-groupe « compétences » de la mission du 5 mai 2009.

* 67 Rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales, p. 86.

* 68 Voir en particulier le rapport n° 304 (2008-2009) de la Commission des Affaires économiques sur le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, Mme Bariza Khiari, rapporteur, pp. 83 et suivantes.

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