N° 335

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 juin 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la communication de la Cour des comptes relative au Centre national de la fonction publique territoriale (en application de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances),

Par M. Michel MERCIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Fonction publique territoriale.

AVANT-PROPOS

Dès son entrée en vigueur, le 1 er janvier 2002, la commission des finances du Sénat a entendu faire vivre l'article 58-2° 1 ( * ) de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances. Elle a, à ce jour, demandé à la Cour des comptes la réalisation de neuf enquêtes : quatre au titre de l'année 2002, puis cinq au titre de 2003.

Ces demandes ont d'ores et déjà donné lieu à la transmission par la Cour des comptes de cinq communications à la commission des finances du Sénat, relatives respectivement aux actions de développement et de reconversion industriels menées par le secrétariat d'État à l'industrie, aux services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication, au développement international d'Électricité de France (EDF), au réseau de la Banque de France (1993-2001) et au Centre national de la fonction publique territoriale - CNFPT - (1993-2000).

Ainsi que votre commission des finances en a acté le principe, ces communications de la Cour des comptes ont vocation, après analyse par les rapporteurs spéciaux compétents, de nourrir sa réflexion et, si elle en décide la publication, conformément aux dispositions de l'article 58-2° précité, de contribuer ainsi au débat public.

Après avoir été destinataire de la communication de la Cour des comptes relative au CNFPT, votre commission des finances a procédé le 14 mai 2003 à l'audition conjointe d'une part, de MM. Jean-Pierre Gastinel, Président de la quatrième chambre de la Cour des comptes et de M. Alain Lefoulon, président de section à la Cour des comptes, et d'autre part, de M. André Rossinot, président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), accompagné par M. Jean-Claude Perrel, directeur des affaires administratives et financières.

A l'issue de cette audition, dont le procès-verbal est reproduit dans le présent rapport d'information, elle a décidé, en application des dispositions précitées de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, de publier la communication de la Cour des comptes, accompagnée des observations écrites transmises par le CNFPT. Ce dernier a communiqué des réponses très détaillées qui soulignent les progrès effectués depuis la période couverte par le contrôle de la Cour des comptes (1993-2000) ainsi que les engagements pris pour remédier aux dysfonctionnements soulignés dans la communication de la Cour des comptes.

Tel est l'objet du présent rapport d'information, qui n'a d'autre ambition que éclairer les enjeux de l'évolution du rôle et de l'organisation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Votre rapporteur spécial insiste sur l'actualité de ce rapport. En effet, le gouvernement a annoncé le transfert de plus de 100.000 fonctionnaires d'Etat vers les collectivités territoriales, suscitant parfois des réactions mitigées de la part des personnels concernés. En tout état de cause, les projets du gouvernement en matière de décentralisation vont susciter de nouvelles interventions à la charge du CNFPT. Dans ce contexte, il convient de rationaliser la gestion du centre, dont la communication de la Cour des comptes met en avant les lacunes et, sur certains sujets, les dérives, et d'engager les réformes qui permettront au CNFPT de mieux assurer ses missions, notamment en matière de formation.

On rappellera que les collectivités locales et leurs établissements publics emploient environ 1,5 million d'agents relevant du statut de la fonction publique territoriale, remplissant des missions administratives, techniques, sociales, culturelles, sportives, d'animation et de sécurité (police municipale, services d'incendie et de secours). C'est plus de deux fois moins que la fonction publique d'Etat. Nos voisins européens présentent, de ce point de vue, des caractéristiques fort différentes : en Allemagne, les Länder emploient environ 2 millions de personnes et le Bund 200.000, et en Grande-Bretagne, les collectivités locales emploient 2 millions de personnes et l'Etat central, seulement 600.000 environ. Par ailleurs, les marges de manoeuvre des collectivités territoriales pour déterminer et gérer la situation de leurs personnels sont, de manière générale, beaucoup plus importantes dans les autres pays européens qu'en France.

Le statut et l'organisation de la fonction publique territoriale se sont adaptés « au coup par coup », depuis la loi fondatrice du 26 janvier 1984 2 ( * ) , aux défis qui se sont posés, puisque l'on compte à ce jour plus d'une trentaine de modifications du statut, en moins de vingt ans. La fonction publique territoriale est régie par les principes de la fonction publique d'Etat, dont l'application doit toutefois être conciliée avec le principe d'autonomie des collectivités territoriales.

Elle doit aujourd'hui faire face à de nouveaux défis :

- l'apparition de nouveaux métiers avec les transferts de compétences annoncés par le gouvernement vers les collectivités territoriales ;

- l'évolution démographique, avec des départs en retraite massifs à compter de 2012 ;

- les évolutions du paysage institutionnel local, notamment avec le développement de l'intercommunalité.

Ainsi que le notait M. Jean-Claude Thoenig, directeur de recherches au CNRS, à l'occasion d'un colloque organisé sous le haut patronage de M. Christian Poncelet, président du Sénat, le 13 décembre 2000 3 ( * ) , « S'interroger sur le CNFPT consiste à se placer au coeur du dispositif. Pour les syndicats de personnels, il est un enjeu fort, car à travers lui se posent la question du statut et celle, corollaire, de leur influence dans le système. L'enjeu est beaucoup plus faible pour les élus, du moins dans leur grande majorité. Le CNFPT rime même avec l'arbitraire d'un quasi-impôt. Chacun se débrouille seul lorsqu'il le peut. Le titre III de la loi de 1984 compte pour l'essentiel à propos d'un seul dispositif : la liberté d'embaucher et de renvoyer le secrétaire ou le directeur général. Le CNFPT est donc un bouc émissaire idéal. D'une part, sa rigidité est évoquée comme une cause d'insatisfaction de ses performances alors qu'elle est autant la conséquence de sa relative marginalisation dans le système. D'autre part, il permet sous des apparences de tripartisme Etat-élus-syndicats de maintenir en place un système informel dans lequel et dont l'Etat et les élus s'accommodent relativement bien à court terme.

« La question du CNFPT invite en définitive à ne pas se tromper de cible. La fonction publique territoriale pose moins une question d'efficience de ses acteurs singuliers qu'une question d'efficacité de la politique qui la concerne. Accuser les intervenants de penchant pour la bureaucratie ou de myopie localiste ne doit pas empêcher de mettre en cause le postulat de fond sur lequel est appuyé cette politique : le statut de fonctionnaire, calé sur le modèle que l'Etat offre à ses propres agents, est-il une solution pour les collectivités subnationales qui satisfasse les marchés du travail et les attentes des populations au début du 21 ème siècle ? Le statut général de 1946 tel qu'il a été adapté en 1984 épuise-t-il le modèle des possibles ? ».

La question mérite d'être posée . Le président du Sénat, M. Christian Poncelet, a mis en place au début du mois d'avril 2003 un groupe de travail composé de 18 de nos collègues, chargé de faire des propositions en vue d'une réforme de la fonction publique territoriale. Ce groupe devrait rendre ses conclusions prochainement concernant les adaptations du statut de la fonction publique territoriale, qui date de 1984, dans la perspective du départ en retraite des fonctionnaires territoriaux et des transferts de personnel de l'Etat vers les collectivités territoriales. Cette réflexion doit permettre de préparer la fonction publique territoriale à affronter les défis qui l'attendent, afin qu'elle réponde au mieux aux attentes des élus locaux et des citoyens.

Le présent rapport d'information souhaite contribuer, sous un angle spécifique, à ce débat sur la modernisation de la gestion de la fonction publique territoriale, en abordant quelques questions essentielles telles que la décentralisation de l'organisation du CNFPT, ses modalités de financement, l'articulation de l'action du CNFPT avec celle des centres de gestion ou encore le niveau de péréquation de la formation .

* 1 Cet article dispose que « la mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte notamment : ... 2° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication ».

* 2 Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 3 « Quelle fonction publique territoriale pour réussir la décentralisation » - Actes du colloque tenu au Sénat le 13 décembre 2000, page 17.

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