B. LA RÉACTION DES PAYS CANDIDATS

1. La Pologne et les pays Baltes

Le gouvernement polonais a réagi de manière négative aux propositions germano-autrichiennes et le Premier ministre, M. Buzek, a notamment estimé que " l'ouverture du marché du travail aux Polonais doit commencer au moment de l'entrée de la Pologne dans l'Union " . Il a ajouté que l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne n'encouragera aucune immigration massive en Allemagne et en Autriche, si ce n'est dans des zones très localisées et pour certains types d'emplois, car, de son point de vue, la situation s'est nettement améliorée au cours des dix dernières années, comme l'indique le retour de 700 000 Polonais qui s'étaient installés en Europe de l'Ouest avant les changements politiques et économiques récents.

Les autorités polonaises rejoignent l'estimation de la Commission européenne selon laquelle 400 000 travailleurs en provenance des dix pays candidats seraient susceptibles de venir travailler dans les Etats membres actuels, ces travailleurs devant, au bout d'une certaine période, venir se réinstaller dans leur pays d'origine. Elles estiment que le risque migratoire en provenance de la Pologne est extrêmement faible en raison principalement des obstacles sociaux et culturels.

Les autorités polonaises craignent en revanche le risque d'émigration vers l'Union européenne de travailleurs très qualifiés. Leurs craintes seraient justifiées par les accords particuliers que plusieurs Etats européens préparent en matière de travail temporaire ou de professions spécifiques, comme l'Allemagne, qui a porté à 200 000 son quota annuel de travailleurs temporaires polonais, ou l'Autriche, qui a déjà passé un accord identique avec la Hongrie. L'Espagne négocie actuellement un accord avec la Pologne pour un système de quota par profession modulé en fonction de la situation locale de l'emploi. La Norvège a signé en janvier 2001 un accord pour le recrutement sur une période de quatre ans, de 3 700 infirmières, 400 médecins et 100 dentistes. Le Danemark et l'Irlande sont demandeurs d'auxiliaires de santé polonais.

Il convient de noter que l'Allemagne a passé des accords relatifs à l'emploi de travailleurs sur la base de quotas avec la Bulgarie, la République tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Turquie, l'Albanie, la Russie et la Suisse. Les autorisations de séjour et les permis de travail ne sont normalement accordés que dans le cas où existent des besoins de main-d'oeuvre. En principe les permis de travail ne sont accordés qu'à des personnes résidant habituellement en Allemagne avec des exceptions pour les travailleurs transfrontaliers, pour les spécialistes hautement qualifiés, notamment dans le cas d'entreprises multinationales, ou pour des occupations saisonnières. En 2000, ce régime a concerné plus d'un million de travailleurs étrangers à l'Union européenne.

La position polonaise est soutenue par la Lituanie qui s'oppose à toute restriction en matière de circulation et d'emploi de ses citoyens après son adhésion à l'Union européenne. Pour les Lituaniens, la position allemande est essentiellement politique et à usage interne, d'autant que dans un certain nombre de pays candidats, comme la Lituanie, l'émigration de travailleurs qualifiés concerne plus les Etats-Unis, le Canada ou l'Australie, que l'Union européenne. Les Lituaniens craignent surtout que l'instauration d'une période de transition n'entraîne une réaction négative de la population des pays candidats au regard de l'Union européenne. A tout le moins, une telle période devrait s'effectuer sur la base d'une différenciation entre les pays et d'une application graduelle.

L'Estonie a pour sa part un nombre très limité de ses travailleurs (3 000) dans l'Union européenne (sur 150 000 résidents). Il est peu probable que la liberté de circulation des travailleurs au profit de l'Estonie puisse avoir d'effets négatifs sur la Finlande, car la durée du trajet maritime est dissuasive pour des travailleurs transfrontaliers. Ces chiffres tranchent par rapport à eux d'un sondage publié en septembre 2000 par la principale confédération syndicale ouvrière de Finlande faisant état de 400 000 travailleurs d'Estonie (un tiers de la population active) désireux de venir s'installer en Finlande. Plus récemment une étude réalisée par les services du Premier ministre de Finlande a relativisé ces estimations, puisque le risque migratoire serait seulement de 5 000 personnes par an (0,1 pour cent de la population active), alors même que, à partir de 2010, la Finlande aura besoin de recourir à de la main-d'oeuvre étrangère pour environ 15 000 personnes chaque année.

2. La Hongrie

Le Premier ministre hongrois, M. Victor Orban, a réagi vivement le 23 janvier 2001 à la proposition germano-autrichienne en déclarant que " dans la mesure où elle limite la liberté de travailler, la Hongrie considère cette proposition comme inacceptable. En revanche, le gouvernement hongrois a mis en avant une proposition informelle qui inclurait une clause de sauvegarde dans le système. Elle consisterait à limiter le nombre de personnes venant des nouveaux Etats membres qui pourraient travailler dans les anciens Etats membres, à partir du moment où un plafond est atteint " .

La Hongrie, qui est très attachée à la notion de différenciation parmi les pays candidats, estime que la situation de la Pologne ne doit pas se répercuter sur elle. Au plus, 1 à 2 % de la population active hongroise pourraient être concernés par cet attrait de la migration vers l'Autriche ; car le marché du travail en Hongrie est déjà très tendu avec un taux de chômage de 6,5 % (3 % près de la frontière autrichienne), et il est peu probable qu'une migration importante soit à craindre. Déjà près de 9 000 Hongrois travailleraient en Autriche (pour 600 permis officiellement octroyés). L'accord passé avec l'Allemagne autorise déjà entre 6 200 et 6 500 travailleurs hongrois à émigrer.

Cette position est également celle de la Slovénie , pour laquelle le risque de migration de travailleurs est quasi nul puisque, sur une période de sept ans (entre 1991 et 1998), c'est à l'inverse 970 Européens qui sont venus s'installer dans ce petit pays de 2 millions d'habitants.

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