Rapport n° 382 (1999-2000) de M. Jean-Paul HUGOT , fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 6 juin 2000

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RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication,

PAR M. DIDIER MATHUS, PAR M. JEAN-PAUL HUGOT,

Député. Sénateur.

(1) Cette commission est composée de MM. Jean-Paul Durieux, député, président, Adrien Gouteyron, sénateur, vice-président, Didier Mathus, député, Jean-Paul Hugot , sénateur, rapporteurs .

Membres titulaires : MM. Christian Cuvilliez, Michel Françaix, Christian Kert, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, députés ; MM. Jean-Léonce Dupont, Pierre Hérisson, Pierre Laffite, Mme Danièle Pourtaud, M. Jack Ralite, sénateurs.

Membres suppléants : Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Pierre-Christophe Baguet, Patrick Bloche, Olivier de Chazeaux, Laurent Dominati, Henri Nayrou, Marcel Rogemont, députés ; MM. André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Daniel Eckenspieller, Serge Lagauche, sénateurs.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : Première lecture : 1187, 1541, 1578, 1586 et T.A. 325.

Deuxième lecture : 2119, 2238 et T.A. 473

Sénat : Première lecture : 392 (1998-1999), 154, 161 et T.A. 63 (1999-2000).

Deuxième lecture : 286 , 340 et T.A. 129 (1999-2000)

Audiovisuel.

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication s'est réunie le mardi 6 juin 2000 à l'Assemblée nationale.

La commission a d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué :

- M. Jean-Paul Durieux, député, président ;

- M. Adrien Gouteyron, sénateur, vice-président.

La commission a ensuite désigné :

- M. Didier Mathus, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;

- M. Jean-Paul Hugot, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

*

* *

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.

M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour le Sénat, après avoir rappelé que celui-ci avait achevé la veille au soir l'examen de ce projet de loi en deuxième lecture, a indiqué que si, sur certains points, le Sénat a adopté une logique différente de celle de l'Assemblée nationale, à la fois plus dynamique et plus réaliste, sur d'autres aspects, plus techniques, il a tenté de trouver des convergences avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement.

Quatre sujets relèvent de la première catégorie.

En ce qui concerne le secteur public, les divergences portent sur le mode de nomination des présidents, mais aussi sur la définition des missions du service public, le Sénat ayant estimé qu'une définition synthétique semblait mieux à même de répondre aux exigences des instances européennes, notamment en ce qui concerne la justification d'un financement mixte. Il a également confirmé sa volonté de laisser aux chaînes publiques, en matière de retransmission, le libre choix de leurs partenaires, de préférence au système dit de " must carry ".

Le Sénat a par ailleurs fait le choix de la prudence à l'égard des filiales de France Télévision. Ainsi, en ce qui concerne le contrôle par le Parlement de la répartition des crédits publics, il a semblé que, compte tenu des missions spécifiques de chaque chaîne, la répartition constituait un acte politique que l'on ne pouvait abandonner au conseil d'administration de France Télévision. L'affectation de ces crédits et le niveau attendu des recettes publicitaires doivent donc faire l'objet d'un vote annuel.

D'autre part, à propos des filiales numériques de service public, on pouvait craindre, à l'instar des producteurs, que les ressources publiques nécessaires au développement des budgets de programme de France 2 et France 3 ne soient rapidement dirigées, sans débat, vers ces filiales, au détriment de la mission généraliste de la télévision publique. Le Sénat a donc préféré laisser à France 2 et à France 3 le soin de piloter l'investissement de France Télévision dans le numérique de terre.

En ce qui concerne la protection des mineurs, le Sénat a entendu rédiger un texte qui ne risque pas d'être censuré par la Cour de justice des Communautés européennes, alors que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale s'écarte sensiblement des exigences de la directive Télévision sans frontières.

En ce qui concerne la réglementation applicable aux diffuseurs privés, le Sénat a souhaité préserver le système de reconduction automatique des autorisations d'usage des fréquences hertziennes. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale créent un climat d'incertitude, alors qu'il n'est pas imaginable que les autorisations de TF1, de Canal Plus et de M6 ne soient pas reconduites sans motif grave. Il serait inopportun de fragiliser l'actionnariat de ces opérateurs français à l'approche de chaque renouvellement.

Enfin, en ce qui concerne le numérique de terre, le Sénat a repris le dispositif qu'il avait retenu en première lecture, en considérant que le système adopté par l'Assemblée nationale méconnaissait la logique économique de ce mode de diffusion.

En revanche, sur plusieurs dispositions certes annexes mais néanmoins importantes, le Sénat a recherché une convergence avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement. Il s'agit notamment du régime de responsabilité des fournisseurs d'accès et des hébergeurs d'Internet, du contrôle des sociétés de perception de droits, sur lequel un point d'équilibre a pu être atteint, et enfin de la possibilité d'aller vers un découplage de la boucle locale.

M. Didier Mathus , rapporteur pour l'Assemblée nationale , a observé que deux lectures dans chaque assemblée avaient permis de mettre en lumière de nombreux désaccords de fond sur la philosophie du texte et la politique audiovisuelle qu'il illustre. Ces désaccords portent principalement sur :

- la définition du service public de l'audiovisuel. Alors que l'Assemblée nationale, comme le Gouvernement, tient à une définition la plus exhaustive possible des missions des sociétés de l'audiovisuel public, le Sénat a confirmé son choix d'une définition très ramassée, qui n'apparaît pas suffisante pour assurer l'avenir des sociétés de l'audiovisuel public ;

- la nomination des présidents des chaînes publiques. Même si le choix d'une nomination en Conseil des ministres a pu rencontrer une certaine sympathie sur les bancs de l'Assemblée nationale, la question apparaît comme très largement réglée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il n'est donc pas souhaitable de rouvrir un débat désormais dépassé ;

- la non-exclusivité pour la reprise des chaînes publiques. Cette disposition, pour laquelle l'Assemblée nationale s'est longtemps battue, a été vidée de son contenu par le Sénat ;

- le renforcement de la transparence dans le secteur privé. Le Sénat a par deux fois supprimé les dispositions destinées à donner au Conseil supérieur de l'audiovisuel une plus grande capacité d'information ;

- la limitation des possibilités de reconduction automatique des autorisations des services hertziens. Le rapporteur du Sénat vient de rappeler la position du Sénat sur ce point ;

- la garantie du pluralisme sur les bouquets de services audiovisuels. Le Sénat a écarté la fixation, par décret, des proportions de services indépendants et la définition d'un critère de " double indépendance " ;

- enfin, et surtout, les dispositifs retenus par chacune des deux assemblées pour le passage au numérique de terre sont incompatibles.

L'Assemblée nationale a posé le principe d'une autorisation service par service, alors que le Sénat a fait le choix d'une attribution par multiplexes. L'Assemblée nationale s'est prononcée pour l'attribution prioritaire au service public de la ressource radioélectrique nécessaire à son développement en numérique, alors que le Sénat a choisi d'affecter, a priori, deux multiplexes à France Télévision. La création de filiales numériques au sein du groupe France Télévision, essentielle aux yeux de l'Assemblée nationale, a été écartée par le Sénat. Il en est de même de la garantie d'un accès pour les nouveaux entrants, assurée par l'Assemblée nationale grâce à la fixation d'un plafond de cinq autorisations par opérateurs et à laquelle le Sénat a préféré un système de prime aux opérateurs historiques. Enfin, l'Assemblée nationale a fait de la distinction des fonctions d'éditeur et de distributeur de services un pilier du système retenu, alors que ces fonctions peuvent être confondues dans le système du Sénat.

Il existe certes des points sur lesquels les positions des deux assemblées sont désormais relativement proches, et pour lesquels le texte définitif ne devrait pas être très différent de celui du Sénat. On pourrait par exemple citer : la responsabilité des fournisseurs d'accès et d'hébergement à Internet, le contrôle des sociétés de gestion collective de droits par une commission ad hoc ou encore la modernisation des quotas de chansons françaises.

Au total cependant, un accord sur l'ensemble du projet de loi ne semble pas envisageable. Il ne paraît donc pas nécessaire de s'engager dans l'examen des articles.

M. Adrien Gouteyron, vice-président , a estimé qu'on ne pouvait que reconnaître l'existence de nombreux points de désaccords entre les deux assemblées, même si le Sénat avait fait des efforts pour parvenir à l'accord sur des sujets sensibles quoique périphériques par rapport au coeur du texte. Il a par ailleurs indiqué que la mauvaise organisation de l'ordre du jour et le manque de temps n'avaient pas permis au Sénat de travailler dans de bonnes conditions. Mais il semble que l'Assemblée nationale a également souffert de problèmes comparables.

M. Pierre Laffitte, sénateur, a estimé que, s'agissant de la liberté de communication, le sujet de la communication en large bande dans le domaine des télécommunications ne pouvait être ignoré. Le principe du dégroupage de la boucle locale adopté par le Sénat est lié aux annonces prochaines en matière d'affectation du réseau UMTS, qui permettra de développer les larges bandes y compris sur la téléphonie mobile, et aux prochaines décisions de l'ART en matière de boucle locale radio. Cette réforme, de cohérence, devrait donc légitimement constituer un point d'accord entre les deux assemblées.

M. Patrice Martin-Lalande, député, a jugé l'adoption du principe du dégroupage d'autant plus opportune que le Gouvernement s'y est déclaré favorable. Tout retard dans l'adoption de mesures concernant le dégroupage entraîne un retard dans l'expérimentation de l'ADSL et risque de fragiliser les compétences et les capacités de France-Telecom. Dans ces conditions, les atermoiements du Gouvernement sont peu compréhensibles. Le Sénat ayant fait des propositions et le Gouvernement étant d'accord sur le principe, l'Assemblée nationale devrait trouver un moyen d'avancer sur cet enjeu très important.

M. Didier Mathus, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a indiqué que si le débat sur le dégroupage était légitime, l'amendement introduit par le Sénat n'en constituait pas moins un cavalier, le projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 et non le code des postes et télécommunications. Une intervention sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques semblerait plus adaptée.

M. Patrice Martin-Lalande, député, a fait valoir que le développement de la télévision numérique nécessitait la généralisation du transport à hauts débits ; retarder celle-ci revient donc à retarder la liberté de communication.

M. Didier Mathus, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a fait observer que tout l'avantage du numérique de terre était de ne pas avoir besoin d'un réseau filaire. La problématique des hauts débits n'y est donc pas directement liée.

M. Patrick Bloche, député, a estimé que la majorité de l'Assemblée nationale était favorable au dégroupage avant janvier 2001 mais que cette question ne trouvait pas sa place dans le présent texte.

M. Pierre Laffitte, sénateur, a indiqué qu'il existait déjà des télévisions sur Internet et que désormais, la convergence entre les réseaux devenait la norme. On estime que, d'ici 2003, le nombre des transports de signaux de télévision par les réseaux téléphoniques sera multiplié par mille. Il y a donc urgence si l'on veut que la France soit dans la meilleure situation possible pour développer le haut débit, et ce sujet n'est pas vraiment marginal par rapport au texte en discussion.

M. Adrien Gouteyron, vice-président , a considéré qu'il s'agissait là d'un débat essentiel. Le Sénat a choisi de traiter ce sujet urgent dans le projet de loi audiovisuel car l'attitude de l'Assemblée nationale sur cette question, lors du débat sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, lui avait fait craindre que l'on n'avance pas sur ce sujet aussi rapidement qu'il était nécessaire.

M. Jean-Paul Durieux, président, a constaté que si chacun s'accordait sur l'urgence de la question du dégroupage de la boucle locale, un désaccord important demeurait quant à la méthode à appliquer pour le réaliser.

Mme Danièle Pourtaud, sénatrice, a indiqué que la majorité et le Gouvernement étaient tout à fait conscients de l'enjeu économique que représente la généralisation de l'accès aux hauts débits, notamment pour les PME/PMI. La question va en effet bien au-delà de la seule possibilité de recevoir des émissions de télévision via Internet. Mais la loi audiovisuelle a un autre but. La ministre s'est engagée devant le Sénat à ce que la question du dégroupage soit réglée par voie réglementaire avant le 1 er janvier 2001 : il convient de lui faire confiance.

M. Jean-Paul Durieux, président , a constaté que la commission mixte paritaire ne pouvait parvenir à un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

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