EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Depuis quelques années, la nécessité éventuelle de mettre en place dans notre pays une législation spécifique pour lutter plus efficacement contre des mouvements sectaires dangereux fait l'objet de débats. L'établissement d'une telle législation se heurte à la difficulté de définir les sectes et les comportements sectaires. Beaucoup considèrent par ailleurs que l'arsenal répressif est suffisamment développé et qu'il convient de l'appliquer pleinement.

Comment lutter efficacement contre les dérives que connaissent certains mouvements sans heurter la liberté de croyance et la liberté d'association ?

La proposition de loi n° 79 (1998-1999) tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements à caractère sectaire qui constituent, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l'Etat soumise à l'examen du Sénat a pour objet principal de permettre la dissolution rapide de groupements dangereux en utilisant comme critère essentiel les condamnations subies par ces groupements ou par leurs dirigeants. Toutes les croyances méritent d'être respectées, mais des groupes qui enfreignent régulièrement les lois de la République et commettent parfois des infractions très graves doivent pouvoir être dissous très rapidement si l'ordre public l'exige .

Après avoir rappelé l'état de la législation en la matière, votre rapporteur présentera la proposition de loi soumise au Sénat et les conclusions de votre commission des Lois.

I. L'ÉTAT DES LIEUX : UNE PRISE DE CONSCIENCE PROGRESSIVE

En 1995, une commission d'enquête de l'Assemblée nationale a évalué à 160.000 le nombre d'adeptes de sectes en France et à 100.000 le nombre de sympathisants 1 ( * ) . Progressivement, les pouvoirs publics ont pris conscience du caractère dangereux de certains mouvements qui, sous couvert d'aspirations religieuses, ne respectent pas les lois de la République. Sans que soient remis en cause les principes fondamentaux de liberté de croyance et de liberté d'association, on assiste depuis quelques années à la mise en oeuvre de mesures préventives et répressives à l'égard de dérives qui ne peuvent être acceptées dans un État de droit.

A. DEUX PRINCIPES ESSENTIELS : LA LIBERTÉ DE CROYANCE ET LA LIBERTÉ D'ASSOCIATION

Liberté de croyance et liberté d'association sont deux principes fondamentaux en France, ce qui peut expliquer qu'un grand nombre de mouvements, notamment à caractère religieux, aient pu se développer librement au cours des dernières décennies. Certains d'entre eux méritent pourtant d'être combattus parce qu'ils n'hésitent pas à s'affranchir des lois et règlements en vigueur dans notre pays.

• La neutralité de l'Etat à l'égard de toutes les croyances religieuses est un principe fondamental affirmé dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen . L'article 10 de ce texte dispose en effet que " Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public ". L'article 11 énonce pour sa part que " la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ".

La Constitution du 4 octobre 1958 précise dans son article 2 que la France " assure l'égalité devant la loi des citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion " et qu'elle " respecte toutes les croyances ".

Nombre d'engagements internationaux proclament également le principe de la liberté de conscience. Ainsi, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce dans son article 9 : " Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de réflexion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ". Les seules limites qui peuvent être apportées à ces libertés sont celles imposées " par la loi et pour les nécessités de la sécurité publique, de la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou de la protection des droits et libertés d'autrui ".

Cette conception de la laïcité a des conséquences sur le régime des cultes qui prévaut en France. Ainsi, la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l'Etat précise que " la République assure la liberté de conscience " et qu'elle " garantit le libre exercice des cultes " (article 1 er ). L'article 2 de la même loi dispose que la République " ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ".

La neutralité de l'Etat en matière de religion explique qu'aucune définition juridique des religions n'existe en droit positif français.

• Par ailleurs, la France reconnaît de manière très large la liberté d'association , à laquelle fort peu de limites sont apportées. L'article 1 er de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association dispose que " deux ou plusieurs personnes peuvent mettre en commun d'une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ".

Dans ce contexte, toutes sortes de mouvements ont pu se développer librement et notamment un certain nombre de sectes dont le caractère dangereux est maintenant bien établi.

• La définition des sectes s'avère un exercice particulièrement périlleux, compte tenu de la très grande diversité des mouvements qui se qualifient de religieux.

Etymologiquement, le mot secte peut être rattaché à deux racines latines correspondant respectivement aux verbes suivre (sequi) et couper (secare).

Le dictionnaire Robert définit la secte comme un " groupe d'inspiration religieuse ou mystique dont les adeptes vivent en communauté sous l'influence psychologique d'une ou plusieurs personnes ". Le Littré évoque pour sa part un " ensemble de personnes qui font profession d'une même doctrine " ou l'" ensemble de ceux qui suivent une opinion accusée d'hérésie ou d'erreur ".

Aujourd'hui, le terme de secte a clairement un caractère péjoratif et désigne des mouvements perçus comme abusant de la crédulité des adeptes. Le qualificatif de secte est en général attribué à des groupements ou associations considérés comme dangereux.

En 1995, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur " Les sectes en France " 2 ( * ) a établi un faisceau d'indices " conduisant à qualifier de secte un mouvement se présentant comme religieux " :

- la déstabilisation mentale ;

- le caractère exorbitant des exigences financières ;

- la rupture induite avec l'environnement d'origine ;

- les atteintes à l'intégrité physique ;

- l'embrigadement des enfants ;

- le discours plus ou moins antisocial ;

- les troubles à l'ordre public ;

- l'importance des démêlés judiciaires ;

- l'éventuel détournement des circuits économiques traditionnels ;

- les tentatives d'infiltration des pouvoirs publics.

On le voit, bon nombre de ces critères recouvrent en fait des violations manifestes de dispositions législatives et réglementaires. En 1995, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale avait, sur la base de ces éléments, recensé près de 200 mouvements qualifiés de sectes.

B. L'ACTION JUDICIAIRE À L'ÉGARD DES SECTES

Le droit pénal français n'est pas désarmé face à des mouvements qui abusent de la faiblesse et de la crédulité de certaines personnes. Il a toutefois fallu attendre longtemps pour qu'une action organisée se développe en cette matière. La lutte contre les sectes continue à se heurter à des difficultés récurrentes.

1. Un arsenal pénal conséquent

D'ores et déjà, les comportements les plus dangereux des sectes sont susceptibles d'être réprimés pénalement.

Un grand nombre d'infractions commises par ces groupements sont punies par le code pénal. Il en va ainsi de l'escroquerie, de l'homicide ou des blessures volontaires ou involontaires, de la non-assistance à personne en danger, des agressions sexuelles, du proxénétisme, de l'incitation des mineurs à la débauche, de la séquestration de mineurs, des violences, des tortures, de la mise en péril des mineurs...

L'article 313-4 du code pénal paraît tout particulièrement recouvrir le comportement de groupes à caractère sectaire. Il prévoit en effet que " l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour obliger ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 2.500.000 F d'amende ".

D'autres infractions ne figurant pas dans le code pénal sont également susceptibles de concerner des mouvements sectaires. Il en va ainsi de l'article 31 de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l'Etat, qui punit des peines prévues pour les contraventions de la cinquième classe " ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte ".

En pratique, cette disposition n'est plus jamais utilisée dans des procédures judiciaires.

Parmi les autres infractions de droit pénal spécial susceptibles d'être appliquées aux mouvements sectaires, on peut citer l'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, la fraude fiscale, certaines infractions au code de travail comme la durée excessive ou le caractère clandestin du travail .

En décembre 1998, notamment à l'initiative de votre rapporteur, le Parlement a adopté la loi n° 98-1165 tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire . Cette loi a en particulier prévu l'insertion d'un article 227-17-1 dans le code pénal, qui incrimine le fait, pour les parents d'un enfant ou toute personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou une autorité de fait de façon certaine, de ne pas l'inscrire dans un établissement d'enseignement malgré une mise en demeure de l'inspecteur d'académie. Le même article du code pénal incrimine le fait, pour un directeur d'établissement privé accueillant des classes hors contrat, de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour que l'enseignement qui y est dispensé soit conforme à l'objet de l'instruction obligatoire et de n'avoir pas procédé à la fermeture de ces classes.

Nombre de dispositions pénales permettent donc de réprimer les comportements les plus inacceptables de certains mouvements sectaires.

2. Une montée en puissance des actions judiciaires

L'action judiciaire à l'égard des infractions commises par des mouvements à caractère sectaire tend manifestement à se renforcer. Ainsi, selon les informations transmises à votre rapporteur, 250 procédures pénales relatives à ces mouvements ont été décomptées au 31 juillet 1999 . Ce bilan ne comprend pas les procédures relatives à des faits de diffamation et de dénonciation calomnieuse.

Ainsi, au 31 juillet, on dénombrait 134 enquêtes préliminaires , parmi lesquelles :

- 53 ont été classées sans suite ;

- 58 sont en cours ;

- 11 ont fait l'objet d'une décision de relaxe ;

- 12 ont fait l'objet d'une décision de condamnation.

A la même date, on dénombrait également 116 informations judiciaires , parmi lesquelles :

- 10 ont fait l'objet d'un non-lieu ;

- 77 sont en cours ;

-1 a fait l'objet d'une extinction de l'action publique pour cause de décès ;

- 2 ont fait l'objet d'une décision de relaxe ;

- 25 ont fait l'objet d'une décision de condamnation.

Il convient de noter qu'entre le 1 er février et le 31 juillet 1999, 68 nouvelles procédures judiciaires ont été enregistrées, parmi lesquelles 62 enquêtes préliminaires et 16 informations judiciaires .

Parmi les incriminations, les plus souvent retenues dans les procédures, figurent, en matière d'atteintes aux personnes, les violences, les agressions sexuelles, les atteintes aux mineurs et la mise en danger de la personne. Parmi les atteintes aux biens les plus fréquemment relevées, l'escroquerie arrive nettement en tête devant l'abus de faiblesse et l'abus de confiance. Enfin, il convient de noter que l'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie font également partie des infractions fréquemment recherchées.

3. Des difficultés persistantes

Toutes les études relatives aux sectes font état de difficultés sérieuses concernant le déroulement des procédures judiciaires.

Dans son rapport pour 1997, l'Observatoire interministériel sur les sectes, auquel a depuis succédé la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, indiquait ainsi : " Néanmoins, il a été constaté que les poursuites se heurtent à plusieurs difficultés. En effet, nonobstant l'action des familles, le consentement des " victimes adeptes "  rend particulièrement difficile la preuve d'une atteinte à la personne et, par voie de conséquence, fragilise l'approche pénale des mouvements sectaires.

" Les dénonciations ou les plaintes sont souvent déposées tardivement en raison de l'emprise des sectes sur les anciens adeptes. En outre, la plupart des enquêtes face à ces agissements nécessitent de longues investigations, le recours à des services spécialisés pour ce qui concerne les infractions techniques ".

La récente commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur " Les sectes et l'argent " a, pour sa part, fait état de l' importance des désistements des plaignants dans les affaires mettant en cause des sectes 3 ( * ) : " Il faut (...) savoir que, lors de plusieurs affaires récentes, mettant en cause des mouvements sectaires particulièrement importants sur le plan économique, les juges ont constaté un taux anormalement élevé de désistements parmi les plaignants dont les motifs sont généralement d'ordre financier -propositions d'indemnisation par la secte- ou consistent en menaces, morales et physiques, sur les victimes.

" Ces informations sont confirmées par le procès de l'Eglise de scientologie de Lyon. Au cours de cette procédure aujourd'hui close, plus d'une vingtaine de désistements ont été enregistrés au cours de l'instruction. Il s'agit, dans la plupart des cas, de parties civiles qui ont accepté de renoncer à leurs plaintes moyennant une indemnisation par la secte qui, au total, a atteint plusieurs centaines de milliers de francs. Le cours de la justice s'en est trouvé entravé ".

4. L'action gouvernementale

Au cours des dernières années, les gouvernements successifs ont pris conscience de la nécessité de mettre l'accent sur l'importance de la lutte contre les mouvements sectaires. Deux circulaires du 29 février 1996 et du 1 er décembre 1998 sont venues concrétiser l'intérêt porté à cette question.

• La circulaire du 29 février 1996 adressée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République rappelle tout d'abord les nombreuses infractions sous le coup desquelles peuvent tomber les activités les plus dangereuses des sectes.

Elle incite les magistrats du parquet à examiner avec vigilance les plaintes ou dénonciations relatives aux phénomènes sectaires, recommandant que ces plaintes fassent l'objet d'une enquête systématique.

La circulaire insiste également sur l'importance des échanges réguliers d'informations avec les divers services de l'Etat concernés par le phénomène sectaire et recommande que des rencontres périodiques soient organisées sous l'égide du parquet avec les administrations concernées.

Enfin, la circulaire contient également plusieurs recommandations relatives à la lutte contre les dérives sectaires en matière civile.

• Dans une circulaire du 1 er décembre 1998 , la ministre de la Justice a adressé plusieurs recommandations aux procureurs généraux, afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre les sectes :

- la circulaire insiste sur la nécessité d'associer étroitement les associations de lutte contre les sectes , qui sont susceptibles de fournir des éléments d'appréciation sur les organisations sectaires ;

- elle demande également qu'un magistrat de chaque parquet général fasse office de " correspondant-sectes " et assure la coordination des procédures au plan régional ;

- enfin, la circulaire insiste, comme celle du 29 février 1996, sur la nécessité d'institutionnaliser au niveau des parquets généraux et des parquets des réunions de coordination impliquant tous les services de l'Etat confrontés aux dérives sectaires , en particulier les services de police et de gendarmerie, les directions régionales du travail et de l'emploi, les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse, les inspecteurs d'académie de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports...

5. La dissolution des sectes est-elle possible ?

Au cours des derniers mois, plusieurs personnalités se sont interrogées sur l'opportunité de dissoudre certaines sectes particulièrement dangereuses. Ainsi, M. Alain Vivien, président de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, a déclaré : " Les associations se forment librement en France. Une interdiction ne serait pas conforme au droit français. D'autre part, je refuse d'évoquer les " sectes " au pluriel. Cela ne veut rien dire. Il faut étudier les mouvements au cas par cas, et se garder de faire des amalgames. Cela étant, je reconnais qu'il existe, en France, des sectes extrêmement dangereuses, dont la dissolution est envisageable. Pas l'interdiction, mais la dissolution " 4 ( * ) .

De son côté, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, s'est interrogée en ces termes, à propos de l'Eglise de scientologie. " On sait que ces sectes, celle-ci en particulier, sont extrêmement puissantes. Elles sont fondées sur des réseaux économiques et des réseaux d'argent qui leur donnent des moyens d'action considérables. Elles abusent des gens faibles, crédules, qui sont en situation d'infériorité ou de fragilité pour des raisons personnelles, professionnelles, familiales. Et je pense (...) qu'il faut les empêcher de nuire " 5 ( * ) .

D'ores et déjà, la dissolution de mouvements à caractère sectaire est possible à certaines conditions.

a) La loi du 1er juillet 1901

L'article 3 de la loi du 1 er juillet 1901 dispose que " Toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement, est nulle et de nul effet ".

L'article 7 de la même loi prévoit que, en cas de nullité prévue par l'article 3, la dissolution de l'association est prononcée par le tribunal de grande instance, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public. Enfin, l'article 8 punit d'une amende de 30.000 F et d'un emprisonnement d'un an, les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l'association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le jugement de dissolution.

En pratique, il semble que ce type de dissolution soit rarement utilisé. Aucune dissolution judiciaire d'un mouvement à caractère sectaire n'a été prononcée à ce jour faute de saisine par un intéressé ou par le parquet. Les sectes constituées en associations ont soin de ne pas faire figurer explicitement dans leur objet des activités illicites. Parmi les associations dissoutes en application de la loi du 1 er juillet 1901, figurent notamment des associations de chiropracteurs non diplômés en médecine ainsi que des associations ayant pour objet la rencontre de couples stériles et de mères de substitution.

b) La responsabilité pénale des personnes morales

Le nouveau code pénal, entré en vigueur en 1994, prévoit, pour un nombre important d'infractions la responsabilité pénale des personnes morales . L'article 121-2 du code pénal prévoit en effet que les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

En ce qui concerne le champ d'application de la responsabilité des personnes morales, celle-ci peut notamment être engagée pour atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, trafic de stupéfiants, mise en danger d'autrui, recherche biomédicale illégale sur une personne, vol, extorsion, chantage, escroquerie, abus de confiance...

La personne morale, lorsque sa responsabilité est prévue, encourt une peine principale d'amende, dont le taux maximal est fixé au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui punit l'infraction.

Lorsque la loi le prévoit, d'autres peines peuvent être prononcées :

- la dissolution lorsque la personne morale a été créée pour commettre l'infraction en cause ou si elle a été détournée de son objet pour commettre un crime ou un délit puni, en ce qui concerne les personnes physiques, d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans ;

- le placement , pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;

- la fermeture, définitive ou pour une durée de cinq ans au plus, du ou des établissements ayant servi à commettre les faits ;

- l' exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;

- l' interdiction , à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de faire appel public à l'épargne ;

- l' interdiction , pour une durée de cinq ans au plus, d' émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds ou qui sont certifiés, ou d'utiliser ces cartes de paiement ;

- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction, ou de la chose qui en est le produit ;

- l' affichage de la décision prononcée sur la diffusion de celle-ci soit par la preuve écrite, soit par tout moyen de communication audiovisuelle.

Une circulaire du 26 janvier 1998 a dressé un premier bilan de l'application des dispositions du code pénal relatives à la responsabilité des personnes morales. Ce premier bilan a porté sur les cent premières condamnations prononcées en matière délictuelle contre des personnes morales. L'essentiel des condamnations recensées a concerné des sociétés commerciales (SARL et sociétés anonymes). Les condamnations les plus fréquentes concernent des délits de travail clandestin, de blessures involontaires et de facturation irrégulière. Dans tous les cas, les personnes morales concernées ont été condamnées à une peine d'amende. Les autres peines encourues par les personnes morales n'ont été prononcées que de façon relativement exceptionnelle (13 peines d'affichage, 5 publications et 4 confiscations).

En ce qui concerne les mouvements à caractère sectaire, aucune condamnation de personne morale n'a jusqu'à présent été prononcée.

Il existe actuellement une seule procédure en cours suivie contre une secte prise en sa qualité de personne morale. En décembre 1998, un particulier a déposé plainte avec constitution de partie civile contre le centre de dianétique de Paris et diverses associations gravitant autour de l'Église de Scientologie des chefs d'escroquerie en bande organisée, recel en bande organisée, extorsion, exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, complicité et tentative de ces délits.

La circulaire du 29 février 1996 relative à la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens commises dans le cadre des mouvements à caractère sectaire, insistait déjà sur l'utilité des nouvelles dispositions du code pénal relatives aux personnes morales dans la lutte contre les infractions commises par des sectes. Cette circulaire indiquait ainsi : " Le code pénal entré en vigueur le 1 er mars 1994 a introduit (...) le principe de la responsabilité pénale des personnes morales. Il conviendra donc, à chaque fois que les infractions retenues le permettront, de mettre en mouvement l'action publique à l'encontre des personnes morales constitutives de sectes ou liées à leurs activités, et de requérir à l'audience l'application résolue des peines qu'elles encourent aux termes des articles 131-37 et suivants du code pénal ".

Il est donc possible d'espérer que le recours à la mis en cause des personnes morales elles-mêmes pourrait s'accélérer au cours des prochaines années tout en constatant que la justice n'a pu jusqu'à présent s'intéresser qu'aux comportements d'individus sans poursuivre les mouvements sectaires eux-mêmes.

* 1 " Les sectes en France ", Rapport n°2468, 22 décembre 1995.

* 2 Rapport n° 2468 du 22 décembre 1995.

* 3 Rapport n° 1687 du 10 juin 1999, p. 210.

* 4 Le Figaro, 11 septembre 1999.

* 5 Cité par Le Monde, 11 septembre 1999.

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