EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(Article préliminaire nouveau du code de procédure pénale)
Principes généraux

Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement indique que " les différents principes qui gouvernent notre procédure pénale sont depuis longtemps reconnus dans le droit positif, et certains d'entre eux figurent même dans différents textes de valeur constitutionnelle. Cette reconnaissance est toutefois éparse et parcellaire.

" Par ailleurs, le principe de la présomption d'innocence est trop souvent bafoué et la confiance des citoyens envers l'institution judiciaire s'en trouve profondément atteinte.

" C'est la raison pour laquelle il est apparu indispensable de réaffirmer dans notre droit, de façon claire et expressive, ce principe fondamental et d'en tirer toutes les conséquences nécessaires afin d'assurer qu'il soit pleinement et entièrement respecté. "

L'article premier du projet a donc pour objet d'introduire, au début du code de procédure pénale, un article préliminaire énonçant les principes fondamentaux de la procédure pénale . Il s'agit en particulier d'affirmer le principe de la présomption d'innocence, celui des droits de la défense, le principe de proportionnalité des mesures de contrainte prises à l'encontre d'une personne...

Le texte proposé par le Gouvernement est assez différent de celui adopté par l'Assemblée nationale.


Texte présenté par le Gouvernement

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Texte adopté par l'Assemblée Nationale

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" Article préliminaire. - I.- Les personnes qui concourent à la procédure pénale participent à la recherche de la manifestation de la vérité, dans le respect des principes ci-après, qui sont mis en oeuvre, dans les conditions prévues par la loi.

"II. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie, dans le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire.

" Les seules mesures de contrainte dont cette personne peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et strictement limitées aux nécessités de la procédure.

" Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.

" Les atteintes à la réputation de cette personne résultant de l'accusation dont elle fait l'objet, sont prévenues, limitées, réparées et réprimées selon les dispositions du présent code, du code civil, du code pénal et des lois relatives à la presse écrite ou audiovisuelle.

" III. - L'autorité judiciaire veille à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. "

" Article préliminaire. - I. - Les personnes qui concourent à la procédure pénale participent à la recherche de la manifestation de la vérité, dans le respect des principes ci-après, qui sont mis en oeuvre, dans les conditions prévues par la loi.

" II. - La procédure pénale doit être juste et équitable, respecter le principe du contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.

" Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.

" Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent pouvoir être jugées selon les mêmes règles.

III. - L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.

" IV. (nouveau). - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie.

" Elle a le droit d'être informée de la nature des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.

" Les mesures de contraintes prises à son encontre doivent l'être sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire.

" Ces mesures doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et strictement limitées aux nécessités de la procédure. Elles ne doivent en aucun cas porter atteinte à sa dignité.

" Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable et sur le fondement de preuves loyalement obtenues.

" Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. "

Il est en premier lieu possible de s'interroger sur l'opportunité d'inscrire en tête du code de procédure pénale des principes qui sont énoncés par ailleurs d'une manière qu'il serait impossible au législateur d'améliorer : l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit ainsi que " tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ".

Il est vrai que d'autres codes contiennent déjà l'énoncé de principes généraux, qui sont ainsi plus facilement accessibles que lorsqu'ils sont énoncés dans des textes épars.

Le chapitre premier du titre premier du livre premier du nouveau code pénal est ainsi consacré aux principes généraux. De même, le nouveau code de procédure civile comporte un chapitre premier consacré aux principes directeurs du procès. Dans ces conditions, il peut être utile que le législateur marque l'importance de certaines principes fondamentaux de la procédure pénale en les inscrivant au début du code.

Un tel exercice suppose cependant de garder à l'esprit que ces principes n'auront pas seulement une valeur pédagogique, mais pourront être utilisés par les juridictions pour interpréter l'ensemble du code de procédure pénale. Il convient donc que ces principes soient rédigés de la manière la plus claire possible.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale, inspiré notamment des travaux de la commission " Justice pénale et droits de l'homme " présidée par Mme Mireille Delmas-Marty, est susceptible de poser certaines difficultés.

Ce texte prévoit notamment que les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent pouvoir être jugées selon les mêmes règles. L'introduction de ce principe dans le code de procédure pénale avait été proposée par la commission " Justice pénale et droits de l'homme ". Toutefois, cette commission avait estimé que l'inscription de ce principe impliquerait la mise en cause de l'opportunité des poursuites ou au moins son aménagement. Par ailleurs, le législateur a récemment décidé d'autoriser le juge unique à renvoyer certaines affaires à la collégialité, lorsque leur complexité le justifie, ce qui paraît constituer un aménagement du principe énoncé. Il ne paraît donc pas opportun, à ce stade, d'énoncer un principe dont on ne peut affirmer qu'il est pleinement respecté par notre procédure pénale.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit par ailleurs qu'il doit être statué sur l'accusation " sur le fondement de preuves loyalement obtenues ". Si la loyauté des preuves est un principe bien connu dans les pays anglo-saxons, il paraît difficile de mesurer les conséquences que pourrait avoir son introduction, sous une forme aussi générale, dans notre droit, compte tenu de la marge d'appréciation très grande qu'il laisse au juge.

Enfin, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. Ce principe est explicitement inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en 1966 dans le cadre de l'organisation des Nations Unies. L'article 14 du Pacte prévoit en effet que " toute personne déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi ".

Toutefois, l'instrument d'adhésion de la France à ce pacte contient la réserve suivante : " Le Gouvernement de la République interprète l'article 14, paragraphe 5, comme posant un principe général auquel la loi peut apporter des exceptions limitées. Il en est ainsi, notamment, pour certaines infractions relevant en premier et dernier ressort du tribunal de police ainsi que pour les infractions de nature criminelle. Au demeurant, les décisions rendues en dernier ressort peuvent faire l'objet d'un recours devant la Cour de cassation qui statue sur la légalité de la décision intervenue ".

De fait, les jugements du tribunal de police ne peuvent donner lieu à appel que dans certaines circonstances. Il n'existe pas en outre d'appel en matière criminelle ni devant la Cour de justice de la République.

Il paraît donc singulier de vouloir énoncer en tête du code de procédure pénale un principe que notre procédure ne peut pas respecter. Certes, la question de l'appel en matière criminelle, posée depuis plusieurs années a donné lieu à un projet de loi examiné en première lecture par les deux assemblées, mais qui n'a pu être adopté en raison de l'alternance. Il fait, semble-t-il, l'objet de réflexions qui se prolongent au sein du Gouvernement. Il n'en demeure pas moins que le principe selon lequel une personne doit voir examinée sa condamnation par une autre juridiction n'est pas respecté à ce jour par la procédure pénale française et ne saurait donc être inscrit parmi les principes fondamentaux qui la gouvernent. Plutôt que d'inscrire un principe, votre commission formulera, dans un article additionnel après l'article 21 sexies, des propositions importantes en ce qui concerne la question du double degré de juridiction en matière criminelle.

D'une manière plus générale, il paraît souhaitable que les principes inscrits en tête du code de procédure pénale s'adressent au juge, chargé d'appliquer la loi, et non au législateur lui-même. Ainsi, la séparation des autorités de poursuite et des autorités de jugement est un principe important, mais qui relève de la seule responsabilité du législateur.

Compte tenu de ces remarques, votre commission vous soumet, par un amendement , une nouvelle rédaction de l'article premier, tenant compte à la fois des propositions du Gouvernement et des améliorations apportées par l'Assemblée nationale.

Votre commission vous soumet l'article premier ainsi modifié .

Article 1er bis
(Article 81 du code de procédure pénale)
Instruction à charge et décharge

L'article 81 du code de procédure pénale définit les missions du juge d'instruction et prévoit en particulier qu'il procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité.

L'Assemblée nationale a souhaité compléter cette disposition pour prévoir que le juge d'instruction instruit à charge et à décharge. Il est clair qu'un tel principe va de soi, la mission du juge d'instruction étant de parvenir à la manifestation de la vérité . Toutefois, il n'est pas inutile d'inscrire ce principe dans le code de procédure pénale, afin d'inciter chaque magistrat instructeur à garder à l'esprit l'objectivité qui doit être la sienne dans la conduite d'une information judiciaire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 1 er ter
(Article 81 du code de procédure pénale)
Contenu de l'ordonnance de règlement

Cet article a pour objet, comme le précédent, de compléter le premier alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, afin de prévoir que l'ordonnance de règlement comporte les mentions spécifiques relatives aux diligences accomplies par le juge d'instruction pour instruire à charge et à décharge.

Cette disposition peut susciter quelque étonnement. Lorsqu'il procède ou fait procéder à un acte d'instruction, le juge d'instruction peut difficilement savoir s'il est à charge ou à décharge. Un examen psychologique est-il une diligence à charge ou à décharge ? Seul le résultat permettra de le déterminer. A l'audience même, une expertise peut être interprétée par les parties à charge ou à décharge. Il paraît difficile de contraindre un magistrat instructeur à répartir la liste des actes qu'il a ordonnés entre des actes à charge et des actes à décharge.

Votre commission vous propose la suppression de cet article.

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