Projet de loi de finances pour 1999

MARINI (Philippe), Rapporteur général ; MERCIER (Michel), Rapporteur spécial

RAPPORT GENERAL 66 (98-99), Tome III, Annexe 31 - COMMISSION DES FINANCES

Table des matières




N° 66

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès verbal de la séance du 19 novembre 1998.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)


ANNEXE N° 31

INTÉRIEUR ET DÉCENTRALISATION :

DÉCENTRALISATION

Rapporteur spécial : M. Michel MERCIER

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 (1998-1999).


Lois de finances.

OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPECIAL

UN CONTRAT DE CROISSANCE PEU NOVATEUR

La "sortie" du pacte stabilité a eu lieu dans un contexte macro-économique de retour à la croissance. En revanche, les trois années du pacte ont été caractérisées par le redressement des finances publiques. Les collectivités locales y ont participé à double titre : en limitant l'augmentation annuelle de l'enveloppe normée à celle des prix, elles ont participé à la maîtrise des dépenses de l'Etat. En limitant l'augmentation des dépenses de fonctionnement et en se désendettant, elles sont parvenues à dégager une capacité de financement, contribuant ainsi positivement au solde des administrations publiques au sens du traité sur l'Union européenne.

Le contrat de croissance proposé en remplacement du pacte de stabilité ne s'en démarque pas fondamentalement . Il reprend le principe d'un cadrage pluriannuel et maintient l'existence d'une enveloppe normée , composée de dotations ayant leur propre rythme de progression et d'une variable d'ajustement. La dotation de compensation de la taxe professionnelle continue de jouer ce rôle.

Conformément aux revendications des élus locaux, l'enveloppe normée ne progressera plus seulement en fonction de l'inflation mais d'un indice composé de l'évolution des prix et d'une fraction du taux de croissance du PIB.

Le débat sur la décentralisation a permis aux membres de notre Assemblée d'exprimer les raisons pour lesquelles la fraction du taux de croissance retenue pour chacune des années du pacte est insuffisante . Notre rapporteur général a décidé d'y remédier en proposant à notre commission, puis au Sénat, d'adopter un amendement portant ces taux à 33 % en 1999 et 50 % en 2000 et 2001, au lieu des taux de 20 % pour 1999, 25 % pour 2000 et 33 % pour 2001 retenus par l'Assemblée nationale.

Votre rapporteur souhaite insister sur l'ampleur du sacrifice financier pour les collectivités locales que constitue l'existence de l'enveloppe normée , qui conduit à la réduction croissante du montant des crédits de la DCTP. Si l'indexation en vigueur avant 1996 avait été appliquée au montant de la DCTP de 1998, son montant en 1999 ne serait pas 12 milliards de francs, en baisse de 11 %, mais de 14,8 milliards de francs, en hausse de 5,88 %.

La perte de recettes pour les collectivités entraînée par les baisses répétées de la DCTP a été chiffrée à 7 milliards de francs.

En 1999, les collectivités non éligibles à une dotation de solidarité verront leur DCTP réduite de 23,6%, soit un montant supérieur à l'augmentation de leur dotation globale de fonctionnement.

L'amendement adopté par notre commission des finances à l'article 40 du projet de loi de finances pour 1999 permet de ramener la baisse de la DCTP de ces collectivités de 23,6% à 15%.

LA PÉRÉQUATION DANS LA LOI DE FINANCES POUR 1999

Le gouvernement actuel a fait de la péréquation entre collectivités locales l'un des axes de sa politiques. Trois mesures en témoignent :

- la modulation de la compensation de la suppression des droits de mutation perçus par les régions en fonction de la richesse des régions ;

- la modulation de la baisse de la DCTP de certaines collectivités, et l'exonération totale de baisse dont bénéficieront les communes les moins favorisées ;

- l'intégration dans la DGF de la compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle à compter de 2004.

Ces trois mesures en faveur des collectivités en difficulté se caractérisent également par la recentralisation des ressources qu'elles impliquent : c'est l'Etat qui définit les montants accordés à chaque collectivité et les critères en fonction desquels il répartit les montants disponibles.

Lorsque la péréquation implique la transformation de ressources fiscales en concours budgétaires, une telle évolution est préjudiciable au dynamisme des collectivités locales car, comme le relève une étude de l'OCDE, " la nécessité pour des administrations locales moins dépendantes de subventions centrales de trouver des ressources fiscales est un puissant facteur de mobilisation des acteurs locaux en faveur du développement économique ".

Par exemple, si les collectivités qui investissent pour attirer les entreprises ne peuvent pas profiter de l'augmentation de leurs bases d'imposition, leur dynamisme va s'émousser et la création de richesse au plan national en pâtir.

La péréquation ne doit pas conduire à amputer le pouvoir fiscal des collectivités. Deux instruments sont efficaces et légitimes en matière de péréquation :

- le budget de l'Etat : en période de rareté des crédits budgétaires, il est souhaitable que l'Etat redéploie ses crédits en faveur des parties du territoire les moins favorisées. Dans cette optique, les contrat de plan Etat-région sont un instrument particulièrement approprié. La génération de contrats qui s'achève a d'ailleurs été marquée par un effort particulier de l'Etat en faveur des régions les moins riches.

- l'harmonisation fiscale sur un ensemble économique cohérent : la taxe professionnelle unique à l'échelle d'une agglomération permet à la fois d'améliorer la péréquation (les écarts de produit de taxe professionnelle étant la principale source de disparités de richesse entre les communes) et l'efficacité économique (les communes d'une même agglomération ne se livrent plus à une concurrence fiscale et mettent en commun leurs efforts pour un développement économique équilibré).

TAXE PROFESSIONNELLE ET INTERCOMMUNALITÉ

Votre rapporteur se félicite que la taxe professionnelle d'agglomération présente, a priori, le double avantage d'être péréquatrice tout en favorisant le développement économique. A ce sujet, il considère que la taxe professionnelle unique devrait devenir le doit commun en matière d'intercommunalité .

Ainsi, il aurait été préférable que le projet de loi relatif à l'intercommunalité prévoie que la taxe professionnelle unique s'applique automatiquement non seulement aux communautés d'agglomération, mais également aux communautés de communes, à l'exception de celles qui refuseraient explicitement cette formule.

Le développement de la taxe professionnelle d'agglomération se heurte néanmoins à deux difficultés, qu'il conviendra de lever en temps voulu :

- la réforme de la taxe professionnelle, et notamment les modalités de sa compensation, réduit les ressources des collectivités locales. Cette évolution a pour conséquence de raviver le débat sur la spécialisation de la taxe professionnelle au niveau intercommunal . En effet, si les ressources des collectivités diminuent, la revendication d'une "fiscalité mixte" pour les communautés d'agglomération trouve une légitimité nouvelle, en dépit de ses conséquences négatives sur la lisibilité de la fiscalité locale ;

- le projet de loi sur l'intercommunalité introduit une exception au principe de liaison des taux en prévoyant une possibilité, très encadrée, de déliaison à la baisse.

Dans un contexte de taxe professionnelle unique, la liaison entre les taux conduit à faire dépendre l'évolution du taux de l'impôt voté par le groupement de celle des taux votés par les communes membres. Par conséquent, elle constitue un obstacle à l'établissement de prévisions de recettes fiables par les groupements.

Cette nouveauté conduit à s'interroger de façon plus générale sur la pertinence du maintien d'une liaison entre les taux , qui avait été fixée en 1980 pour accompagner le transfert aux collectivités locales du pouvoir de voter les taux des impôts locaux.

RÉVISION DES BASES : REPORT OU ENTERREMENT ?

Votre rapporteur se félicite du report de la révision des bases cadastrales, dont les conséquences méritent un examen attentif .

Néanmoins, la date de péremption des travaux de révision décidés en 1990 et achevés en 1992 approche. Il convient donc d'agir dès que possible, sous peine de devoir recommencer la procédure.

En outre, votre rapporteur conteste la légitimité du maintien du prélèvement additionnel décidé en 1990 pour financer les travaux de révision.

FCTVA : UN AFFINEMENT PROGRESSIF
DES CRITÈRES D'ÉLIGIBILITÉ

Le gouvernement a donné un avis favorable à un amendement adopté en première lecture de la présente loi de finances par l'Assemblée nationale, tendant à élargir l'éligibilité au FCTVA aux travaux réalisés par les collectivités locales, en raison de l'intérêt général ou de considérations de sécurité publique, sur des biens dont elles n'ont pas la propriété.

Cette disposition s'inspire très largement d'un amendement adopté par le Sénat au cours de l'examen de la loi de finances pour 1998. Votre commission des finances a décidé de proposer au Sénat de corriger le texte adopté à l'Assemblée nationale de façon à rendre sa mise en oeuvre plus aisée.

Il conviendrait également d' harmoniser les conditions d'éligibilité au FCTVA des différentes structures associant des collectivités éligibles au FCTVA . Le bénéfice du FCTVA a été étendu l'année dernière aux établissements publics de coopération intercommunale. Or, il ne semble pas justifié que les EPCI aient accès au fonds, mais pas les syndicats mixtes dont les membres sont tous, individuellement, éligibles au FCTVA.

Ce chantier mérite d'être ouvert, d'autant plus que, en réponse à une question écrite de notre collègue député M. Jean-Claude Perez, le ministre de l'intérieur a expliqué que " seuls les groupements constitués uniquement de bénéficiaires du FCTVA peuvent bénéficier du fonds de compensation. Les organismes non mentionnés [par l'article L.1615-2 du code général des collectivités territoriales, qui détermine la liste des organismes éligibles au FCTVA], ce qui est le cas des chambres de commerce et d'industrie ou des chambres de métiers ne peuvent bénéficier du FCTVA. Par voie de conséquence, les syndicats mixtes associant ce type d'organismes ne sont pas non plus bénéficiaires du fonds ."

Il semble possible de déduire de la dernière phrase de la réponse du ministre que les syndicats mixtes qui n'associeraient pas " ce type d'organismes " devraient légitimement être éligibles au FCTVA.

CHAPITRE PREMIER :

LE CONTEXTE FINANCIER LOCAL

I. LES PRINCIPALES TENDANCES DES BUDGETS LOCAUX

A. LES LIGNES GÉNÉRALES D'ÉVOLUTION

Le compte simplifié des collectivités locales publié par la Crédit local de France permet de mettre en évidence certaines tendances :

- la modération de la progression des recettes fiscales se poursuit . Après être passé d'un taux de progression de 5,4% entre 1995 et 1996 et de 5,1% entre 1996 et 1997, le taux d'augmentation prévisionnel pour 1998 est de 4,8%. A titre de comparaison, le projet de loi de finances pour 1999 a été élaboré en fonction d'une prévision d'augmentation des recettes fiscales nettes de l'Etat de 5,8%.

Le taux d'augmentation prévisionnel de la fiscalité locale directe est inférieur à celui de l'ensemble des recettes fiscales. Il s'établit à 4,1%.

- les dépenses de fonctionnement sont maîtrisées . Leur taux de progression prévisionnel est le même que celui de 1997, soit 4,2%. Il convient de signaler que l'augmentation des dépenses de fonctionnement en 1997 a été supérieure aux prévisions. Au mois de juillet 1997, le crédit local de France tablait en effet sur une augmentation limitée à 3,9%.

- l'épargne disponible des collectivités locales progresserait à un rythme inférieur à 1997 , 4% contre 13,6%. Le montant de l'épargne disponible en 1998 représenterait 52% du montant total des investissement, contre 53% en 1997. Cette évolution peut s'expliquer par la confirmation du mouvement de reprise des investissements.

- La reprise de l'investissement est réelle en 1998 , tandis qu'elle avait été légèrement surestimée en 1997 (2,2% contre 2,9% estimés en juillet de 1997). Ce résultat est cohérent avec la conclusion du rapport publié par notre collègue Joël Bourdin le 8 juillet 1998 au nom du comité des finances locales, selon lequel l'investissement des collectivités locales est toujours " en position d'attente ".

Compte simplifié des collectivités locales

(en milliards de francs courants)

RECETTES RÉELLES

1996

1997/1996

1997

1998/1997

1998

FONCTIONNEMENT (1)

630,2

+ 4,2

656,9

+ 3,6

680,7

Recettes fiscales

406,8

+ 5,1

427,7

+ 4,8

448,1

dont produit voté

283,0

+ 4,9

296,8

+ 4,1

308,9

Dotations de l'Etat (pacte)

137,1

+ 1,4

139,1

+ 1,1

140,7

Autres recettes

86,3

+ 4,4

90,1

+ 2,1

91,9

INVESTISSEMENT

114,2

- 5,2

108,3

- 0,1

108,2

Dotations de l'Etat

36,8

- 4,4

35,2

- 4,2

33,7

Emprunts hors refinancements

68,1

- 6,8

63,5

+ 1,9

64,7

Autres recettes

9,2

+ 3,7

9,6

+ 1,8

9,8

DEPENSES REELLES

 
 
 
 
 

DEPENSES DE GESTION (2)

428,3

+ 4,2

446,1

+ 4,2

464,6

Dépenses de personnel

175,0

+ 3,5

181,1

+ 4,7

189,7

Autres dépenses de gestion

253,3

+ 4,6

264,9

+ 3,8

275,0

INVESTISSEMENT

176,1

+ 2,2

180,0

+ 4,5

188,1

ANNUITE

117,9

- 2,2

115,3

+ 1,2

116,7

Intérêts de la dette (4)

56,6

- 15,1

48,0

- 11,0

42,7

Remboursements (hors RA) (6)

61,3

+ 9,8

67,3

+ 9,9

74,0

SOLDES D'EPARGNE

 
 
 
 
 

EPARGNE DE GESTION
(1) - (2) = (3)


202,0


+ 4,4


210,8


+ 2,5


216,1

EPARGNE BRUTE
(3) - (4) = (5)


145,4


+ 12,0


162,8


+ 6,5


173,3

EPARGNE DISPONIBLE
(5) - (6)


84,1


+ 13,6


95,5


+ 4,0


99,4

Source : Crédit local de France

B. AUGMENTATION DES CHARGES ET REPRISE DE L'INVESTISSEMENT

La situation financière des collectivités locales a bénéficié, au cours de la période récente, d' éléments conjoncturels favorables , tels que la baisse des taux d'intérêt et le dynamisme de la fiscalité indirecte, et des fruits de leur bonne gestion : hausse du produit de la fiscalité directe tout en réduisant le rythme d'augmentation des taux, maîtrise des dépenses de gestion et réduction des frais financiers du fait du désendettement et d'une gestion active de leur stock de dette.

Toutefois, malgré la maîtrise de leurs dépenses courantes, les dépenses de fonctionnement augmentent plus vite que prévu, notamment en raison des accords salariaux dans la fonction publique et de l'embauche d'emplois-jeunes.

Dans ce contexte d'augmentation des charges imposées, les collectivités locales doivent malgré tout soutenir la reprise de leur investissement. Trois secteurs pour lesquels les besoins sont importants et les dépenses inéluctables ont été identifés :

- les transports en commun : le groupement des autorités responsables de transports (GART) estime à 60 milliards de francs le coût des projets devant aboutir d'ici à 2005 ;

- la transposition de la directive européenne sur les eaux usées devrait conduire à des opérations dont le coût est estimé à 125 milliards de francs entre 1997 et 2005 ;

- la circulaire sur la mise en place des plans départementaux de gestion des déchets ménagers aura pour effet de développer les projets d'installations de centres de tri ou de compostage.

La note de conjoncture communale publiée par le Trésor public au mois de septembre 1998, relative aux cinq premiers mois de 1998, illustre les tendances perçues par les études menées par le Crédit local de France.

Les services du ministère de l'économie et des finances constatent en effet que :

" - après avoir connu une progression identique sur les deux dernières années (environ 3,5 %), les dépenses de personnel augmentent sensiblement (+ 5,4 %), sous l'effet notamment de la revalorisation salariale d'avril 1998 et de la mise en place du dispositif "emplois-jeunes" ;

- les communes semblent confirmer la reprise de leurs investissements constatée à la fin 1997 1( * ) . Leurs dépenses d'équipement progressent à un rythme très élevé (+ 16,8 % sur les cinq premiers mois de l'année, soit + 9,9 % d'évolution en considérant les dépenses cumulées sur une année) ;

- l'essentiel du financement des investissements des communes provient de l'autofinancement qu'elles se sont constitué depuis deux ans. Elles recourent peu à de nouveaux emprunts. Ces derniers sont en baisse de 14,6 % sur les cinq premiers mois ;

- les communes poursuivent leur désendettement, mais à un rythme moins soutenu (+ 1,1 % d'évolution pour le remboursement des emprunts, contre + 9,8 % sur les cinq premiers mois 1997) ;

- l'utilisation de leurs réserves se manifeste par une légère baisse de leur trésorerie : 51,6 milliards de francs contre 51,7 milliards de francs en décembre 1997
."

II. LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DE LA FISCALITÉ DIRECTE LOCALE

Le bulletin d'information statistiques de la direction générale des collectivités locales 2( * ) prévoit que les collectivités territoriales de métropole et leurs groupements prélèveront en 1998 308,6 milliards de francs au titre des quatre taxes directes locales . Cette estimation est cohérente avec le chiffre publié au mois de juillet par le Crédit local de France, 308,9 milliards de francs.

Ce produit correspond à une augmentation de 4,2% " à législation constante ", c'est-à-dire en ajoutant les compensations des exonérations introduites par le pacte de relance pour la ville. " C'est la plus faible augmentation du produit fiscal à législation constante depuis 20 ans ".

Source : Direction générale des collectivités locales

L'évolution modérée du produit résulte surtout de la maîtrise de l'évolution des taux de la fiscalité locale par les élus :

Source : Rapport Bourdin, Observatoire des finances locales, 8 juillet 1998

L'augmentation du produit de la fiscalité des communes et de leurs groupements stagne à son niveau de 1997, soit 3,9%. Cependant, la part des groupements dans le total progresse encore, passant de 13,1% à 13,5%. Cette part a progressé de 6,3% depuis la loi de 1992 relative à l'administration territoriale de la République.

La croissance du produit voté par les départements poursuit sa baisse entamée depuis quatre ans. Supérieure de 8% de 1990 à 1994, elle atteint 4% en 1998.

Source : Direction générale des collectivités locales

DEUXIÈME PARTIE

L'ANALYSE DE L'EFFORT FINANCIER EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS LOCALES EN 1998

I. DU PACTE AU CONTRAT

Entre 1996 et 1998, les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales étaient régies par le " pacte de stabilité ", né de l'article 32 de la loi de finances pour 1996.

Malgré le changement de majorité à l'Assemblée nationale en 1997, il a été mené à son terme.

Le gouvernement propose aujourd'hui de remplacer le pacte par un " contrat de croissance et de solidarité ", dont les principes se situent dans la continuité du pacte, tout en prenant partiellement en compte le changement de contexte macroéconomique intervenu au cours de la période.

A. LES ACQUIS DU PACTE

1. Le maintien d'un cadre pluriannuel

Dans son rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire du printemps 1998, Alain Lambert, alors rapporteur général de notre commission, insistait sur l'intérêt pour les collectivités locales de disposer " d'un instrument de lisibilité et, surtout, de prévisibilité du montant des dotations financières en provenance de l'Etat ".

Il faisait valoir qu' " un tel système possède l'avantage d'éviter, a priori , un débat annuel sur les règles d'évolution du montant de ces dotations et, par conséquent, les incertitudes et les risques qu'un tel débat comporterait pour les collectivités locales ".

Il estimait enfin que " la conclusion d'un nouveau pacte pluriannuel dans ce domaine était souhaitable, la durée de ce dernier de trois ans retenue pour le pacte précédent paraissant à la fois nécessaire et suffisante ".

Lors du comité des finances locales du 8 septembre 1998, au cours duquel le ministre de l'intérieur par intérim et le secrétaire d'Etat chargé du budget ont présenté les aspects du projet de loi de finances pour 1999 relatifs aux finances locales, M. Jean-Jacques Queyranne a souscrit à ce point de vue en déclarant que " l'Etat et les collectivités locales possèdent le même attachement à la visibilité offerte par une programmation pluriannuelle de l'évolution des dotations ".

Aussi, le contrat proposé par le gouvernement régira les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales pendant les trois prochains exercices budgétaires, 1999, 2000 et 2001.

2. Le périmètre de l'enveloppe normée reste inchangé

Le projet de loi de finances pour 1999 définit l' " enveloppe normée " comme " l'ensemble des dotations indexées de l'Etat aux collectivités locales ".

Ces dotations sont de taille variable, la principale étant la dotation globale de fonctionnement qui représente selon les années entre 65 et 70% de l'ensemble des crédits de l'enveloppe normée, 66,6% dans le projet de loi de finances pour 1999.

Elles prennent la forme soit de prélèvements sur les recettes de l'Etat, soit de concours budgétaires inscrits au budget du ministère de l'intérieur.

3. Les règles de progression des dotations qui composent l'enveloppe normée ne changent pas

L'enveloppe normée progresse selon des règles distinctes de celles déterminant l'évolution des dotations qui la composent.

a) Le maintien d'une variable d'ajustement

Afin que l'addition des montants de chacune des dotations coïncide avec le montant de l'enveloppe normée, une variable d'ajustement est nécessaire. Ce rôle est dévolu à la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP).

Jusqu'à la mise en oeuvre du pacte de stabilité, la DCTP compensait les pertes de recettes liées au plafonnement des taux communaux de la taxe professionnelle, à la réduction de la fraction imposable des salaires de 20 à 18 %, à l'abattement général de 16 % des bases de la taxe professionnelle en vigueur depuis 1987 et à la réduction pour embauche et investissement (REI) accordée aux entreprises.

En 1996, la DCTP a été scindée. La REI n'a pas été incluse dans le périmètre du pacte de stabilité et ses règles de progression sont restées inchangées.

Les trois autres fractions de la REI ont été choisies pour jouer le rôle de variable d'ajustement de l'enveloppe normée. Par conséquent, en théorie, l'existence de la DCTP est bien liée à trois exonérations de taxe professionnelle entraînant une perte de recette pour les collectivités. En pratique, l'évolution de son montant est non seulement totalement déconnecté du montant réel de la perte de recettes engendrée par les exonérations qu'elle est censée compenser, mais décroissant.

En effet, le montant de la DCTP s'obtient en retranchant la somme du montant de l'ensemble des autres dotations de l'enveloppe normée du montant total de l'enveloppe normée 3( * ) . L'enveloppe normée progressant moins vite que ses composantes, la DCTP décroît.

b) Les règles d'indexation des autres dotation

Hors DCTP, trois modes d'indexation régissent l'évolution des dotations composant l'enveloppe normée :

L'évolution selon " l'indice de la DGF "

La dotation globale de fonctionnement (DGF) est la principale composante de l'enveloppe normée. L'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales prévoit qu' " à compter de la loi de finances initiale pour 1996, la dotation globale de fonctionnement évolue chaque année en fonction d'un indice égal à la somme du taux prévisionnel d'évolution de la moyenne annuelle du prix de la consommation des ménages (hors tabac) de l'année de versement et de la moitié du taux d'évolution du produit intérieur brut en volume de l'année en cours, sous réserve que celui-ci soit positif ".

Les dotations qui évoluent selon les mêmes modalités que la DGF sont :

- la dotation spéciale pour le logement des instituteurs ;

- la dotation générale de décentralisation ;

- la dotation générale de décentralisation de Corse ;

- la dotation générale de décentralisation de formation professionnelle

- la dotation élu local.

L'évolution selon les recettes fiscales nettes de l'Etat

Les dotations suivantes sont indexées sur le taux de progression des recettes fiscales nettes de l'Etat :

- le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle ;

- le fonds national de péréquation .

L'indexation sur l'évolution prévisionnelle de la formation brute de capital fixe des administrations publiques

Evoluent selon cet indice :

- la dotation globale d'équipement des départements ;

- la dotation globale d'équipement des communes ;

- la dotation régionale d'équipement scolaires ;

- la dotation départementale d'équipement des collèges.

B. LES NOUVEAUTÉS DU CONTRAT DE CROISSANCE ET DE SOLIDARITÉ

Le contrat de croissance et de solidarité voit le jour dans un contexte macroéconomique très différent de celui dans lequel a été élaboré le pacte de stabilité.

Le rapporteur général de la commission des finances rappelait en mai dernier, dans son rapport sur le débat d'orientation budgétaire, que " le contexte économique et budgétaire était alors placé sous le double signe d'une très faible croissance et d'une contribution des collectivités locales à l'effort de redressement des finances publiques. Ces circonstances légitimaient l'acceptation par les collectivités locales d'un instrument de régulation relativement strict du montant des dotations financières de l'Etat. "

A la faveur de l'amélioration de l'environnement économique et financier, il plaidait pour une " meilleure prise en compte de la croissance dans les critères qui seront retenus pour définir l'évolution du montant des dotations versées par l'Etat aux collectivités locales ".

1. La prise en compte de la croissance dans le calcul de l'évolution de l'enveloppe normée

Le pacte de stabilité prévoyait que l'enveloppe normée progressait en fonction de l'indice prévisionnel des prix à la consommation (hors tabac).

Le contrat de croissance modifie l'indice de progression en prenant en compte à la fois l'indice des prix, mais également une fraction du taux de croissance prévisionnel du produit intérieur brut.

La fraction du taux de croissance du PIB prise en compte proposée par la loi de finances pour 1999, à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, est de 20 % en 1999, 25 % en 2000 et 33 % en 2001. Votre commission des finances a décidé de proposer au Sénat d'adopter un amendement portant ces taux à 33 % en 1999 et à 50 % au titre des deux années suivantes.

En réponse à une question de votre rapporteur spécial, le gouvernement justifie la prise en compte de la croissance en constatant que " si l'amélioration de la situation financière des collectivités locales est une réalité, cette observation est à nuancer au niveau individuel ". Il ne fait pas référence à l'alourdissement des charges transférées par l'Etat aux collectivités locales.

Cette analyse permet d'expliquer la mise en place de dispositifs favorables aux collectivités défavorisées.

2. La baisse des crédits de la variable d'ajustement est modulée en fonction de la richesse des communes

Pendant l'application du contrat de croissance, comme pendant celle du pacte de stabilité, le montant de la variable d'ajustement connaîtra chaque année une diminution mécanique 4( * ) .

Afin de limiter les conséquences de la baisse de la DCTP sur les collectivités locales, le gouvernement précédent avait décidé que cette dotation serait renforcée chaque année par enveloppe de 300 millions de francs "hors pacte" . Ainsi, la limitation de la baisse de la DCTP n'était pas effectuée au détriment d'autres dotations composant l'enveloppe normée.

Le gouvernement actuel a également décidé de ne pas laisser le seul jeu de l'ajustement déterminer le montant de la DCTP versée aux collectivités . Mais, plutôt que de renforcer le montant total de la dotation, il a préféré en moduler l'ampleur de la baisse en fonction de la richesse des collectivités.

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit ainsi que les collectivités éligibles à la dotation de solidarité urbaine, à la fraction bourgs-centres de la dotation de solidarité rurale, à la dotation de fonctionnement minimale des départements et au fonds de correction des déséquilibres régionaux ne connaîtront qu'une baisse égale à la moitié de la diminution globale.

Par ailleurs, le gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale ont souhaité exonérer totalement de baisse de DCTP les communes éligibles à la DSU et les bourgs-centres. Afin que cette exonération totale ne pénalise pas les collectivités dont la baisse de DCTP n'est pas modulée, la solution retenue consiste à procéder à cette opération par un autre canal que la DCTP elle-même.

C'est pourquoi l'article 40 bis de la loi de finances pour 1999, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, crée une deuxième part à la seconde fraction du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle qui versera chaque année aux communes concernées une dotation correspondant à la perte de DCTP qu'elle rencontreront.

3. Un abondement " hors enveloppe normée " de la DSU pendant la durée d'application du contrat

Le gouvernement actuel, comme le précédent, a décidé de procéder à l'abondement "hors enveloppe normée" d'une dotation. Il a choisi de renforcer la dotation de solidarité urbaine (DSU) de 500 millions de francs pendant chacune des trois années du contrat de croissance.

Cet abondement ne sera pas prélevé sur des crédits de l'enveloppe normée de façon à ne pas amputer le montant des crédits à répartir entre l'ensemble des collectivités. Il sera effectué " hors contrat de croissance ".

La DSU et les crédits de la politique de la ville

Dans son commentaire de l'article 41 de la présente loi de finances, consacré à l'abondement de 500 millions de francs "hors contrat" de la DSU, notre rapporteur général se livre à l'analyse suivante :

" En tout état de cause, l'année 1999 sera particulièrement bonne pour la dotation de solidarité urbaine . L'abondement de 500 millions de francs, s'il constitue à lui seul la plus forte augmentation en volume de la DSU depuis 1993, n'est en effet pas la seule source d'augmentation de cette dotation en 1999.

Il faut également prendre en compte le taux d'évolution plus favorable de la DGF (+ 2,78 %). Au total, l'état récapitulatif de l'effort financier en faveur de la politique de la ville et du développement social urbain annexé au projet de loi de finances pour 1999, le " jaune ", envisage une augmentation de presque un milliard de francs. Selon ce document, le montant de la DSU qui résultera des arbitrages du comité des finances locales pourrait s'établir à 3,2 milliards de francs en 1999 .

(...) L'effort financier de l'Etat en faveur de la politique de la ville est censé être retracé dans le " jaune " budgétaire consacré à la politique de la ville. Ce document présente de nombreuses faiblesses, la moindre n'étant pas l'absence de tableau récapitulant le montant des dépenses ordinaires et des crédits de paiement consacrés à la ville dans le projet de loi de finances. Un tel tableau permettrait en effet de connaître le montant total des crédits consacrés à la politique de la ville que les administrations de l'Etat seront autorisées à dépenser en 1999.

En outre, le "jaune" ne précise pas quels sont les chapitres des fascicules budgétaires des différents ministères qui sont pris en compte, si bien que votre rapporteur général n'est pas en mesure de calculer lui même quelle est la proportion du budget de l'Etat pour 1999 qui sera consacrée à la politique de la ville.

Le seul document disponible est un tableau agrégeant dépenses ordinaires et autorisations de programme. En faisant l'hypothèse que la plupart des crédits consacrés à la politique de la ville sont des dépenses ordinaires, on peut considérer que ce tableau fournit un ordre de grandeur crédible de l'effort de l'Etat en faveur de la politique de la ville au cours d'une année.

Pour l'exercice 1999, il ressort que les crédits de la dotation de solidarité urbaine comptent pour environ 10 % de l'effort de l'Etat en faveur de la politique de la ville. "

C. LA TRADUCTION FINANCIÈRE DU CONTRAT DE CROISSANCE DANS LA LOI DE FINANCES POUR 1999

Le contrat de croissance ne s'applique pas à l'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités locales. En effet, le fonds de compensation de la TVA et le produit des amendes de police, dont le montant est équivalent à 12 % des concours sous enveloppe, restent en dehors du périmètre de l'enveloppe normée.

Au sein de l'enveloppe normée, les règles d'indexation de chacune des dotations ne sont pas modifiées. Par conséquent, l'augmentation du volume de l'enveloppe bénéficiera à la variable d'ajustement, la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

Effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales

 

1998 LFI révisée

1999 PLF

Évolution
en %

I . DOTATIONS SOUS ENVELOPPE

1-1 Dotation globale de fonctionnement

1-2 Majoration exceptionnelle de la DSU (1)

1-3 Dotation spéciale instituteurs

1-4 FNPTP

1-5 FNP

1-6 Dotation élu local

1-7 DGE des départements (AP)

1-8 DGE des communes (AP)

1-9 DRES (AP)

1-10 DDE des collèges (AP)

1-11 DGD (2)

1-12 DGD-Corse (2)

1-13 DGD-formation professionnelle

1-14 DCTP (hors REI)

106.613

-

2.723

2.892

639

266

2.641

2.464

3.310

1.637

14.593

1.303

5.088

13.543

109.289

500

2.602

3.381

677

273

2.741

2.558

3.443

1.710

15.422

1.340

7.899

12.038

2,51

-

- 4,44

16,91

5,88

2,78

3,80

3,80

4.01

4.41

5,68

2,84

55,25

- 11,12

TOTAL I

157.713

163.872

3,91

I I. COMPENSATION DE LA RÉFORME FISCALE

2-1 Compensation de la suppression de la part salaires de l'assiette de la taxe professionnelle

2-2 Compensation de la suppression de la part régionale des droits de mutation à titre onéreux

2-3 Compensation de la diminution de la part départementale des droits de mutation à titre onéreux (3)

-

-

-

11.800

5.300

3.300

-

-

-

TOTAL II

-

20.400

-

III. DOTATIONS HORS ENVELOPPE

3-1 FCTVA

3-2 Amendes de police

3-3 Subventions et comptes spéciaux du Trésor

- Subventions de fonctionnement (divers ministères )

- Subventions d'équipement de divers ministères (AP)

- Comptes spéciaux du Trésor (AP)

3-4 Compensations d'exonérations et de dégrèvements législatifs :

- REI

- Contrepartie de l'exonération de la taxe

foncière sur les propriétés bâties et non bâties

- Compensations de diverses exonérations relatives à la fiscalité locale

- Contrepartie de divers dégrèvements législatifs

20.000

1.950

6.540

3.315

1.344

3.350


475

(4) 11.933

47.109

20.500

2.000

7.062

2.817

1.288

1.550


320

(4) 11.990

47.666

2,50

2,56

7,98

- 15,03

- 4,19

- 53,73


- 32,63

0,48

1,18

TOTAL III

96.017

95.193

- 0,86

TOTAL GÉNÉRAL

253.730

279.465

10,14

III - FISCALITE TRANSFEREE (POUR MÉMOIRE)

44.122

42.503

- 3,67

 

297.852

321.968

 

(1) hors enveloppe normée ; (2) dont crédits Culture ; (3) intégrée dans la DGD à compter de 1999 (sous enveloppe normée) ; (4) dont 153 MF en 1998 et 332 MF en 1999 à transférer en gestion au FNPTP, au titre de la part à la charge de l'Etat dans le cadre de la loi relative au pacte de relance pour la ville.

Source : Direction générale des collectivités locales.

1. Le montant de la DGF pour 1999

a) Le calcul de la DGF

L' "indice de la DGF" est égal à la somme du taux prévisionnel d'évolution de la moyenne annuelle du prix de la consommation des ménages (hors tabac) de l'année de versement et de la moitié du taux d'évolution du produit intérieur brut en volume de l'année en cours, sous réserve que celui-ci soit positif.

Le montant du prélèvement sur recettes de l'Etat au profit des collectivités locales effectué au titre de la DGF est, en principe, calculé en appliquant cet indice au montant de la DGF figurant dans le projet de loi de finances de l'année précédente.

En réalité, les choses ne sont pas si simples. Deux opérations préalables sont nécessaires :

- il faut " recaler " le montant de la DGF pour 1998 : le montant de la DGF de 1999 est certes basé sur celui de la DGF de 1998. Mais le montant de la DGF de 1998 retenu n'est pas le montant figurant dans la loi de finances initiale pour 1998 mais un montant " recalculé " en fonction des derniers indices économiques connus.

Le montant de la DGF pour 1998 avait été calculé en fonction d'un taux d'inflation prévisionnel de 1,3 % et d'un taux de croissance du PIB de 2,2 %. Or, si le PIB a effectivement cru de 2,2 %, le taux d'évolution du prix à la consommation des ménages hors tabac n'a été que de 0,8. Par conséquent, le taux d'indexation applicable au montant de la DGF de 1997 n'est pas celui de 2,4 % (1,1 % + 1,3 %) initialement prévu dans la loi de finances pour 1998, mais seulement de 1,9 % (1,1 % + 0,8 %).

Ainsi, le montant de la DGF 1998 " recalée " s'élève à 106.613,32 millions de francs, contre 107.083,805 en Loi de finances initiale pour 1998.

Pour 1999, l'indice prévisionnel des prix s'établit à 1,2 % et 50 % du taux de croissance du PIB représentent un taux de 1,55 %. Par conséquent, le montant de la DGF 98 recalée se voit appliqué l'indice suivant :

106.613,32 x (1,2+1,55) = 106.613,32 x 2,75 = 109.545,190 MF

Le total de l'opération ci-dessus ne constitue pas pour autant le montant de la DGF inscrit dans le projet de loi de finances pour 1999. Car, après avoir " recalé " la DGF de 1998,

- il faut procéder à la " régularisation négative " de la DGF de 1997 : la " régularisation négative " constitue une étape récente dans le calcul de la DGF.

Elle résulte de l'article L.1613-2 du code général des collectivités territoriales qui prévoit qu'à compter de 1996 il est procédé, avant le 31 juillet, à la " régularisation " de la DGF afférente à l'exercice précédent : il s'agit de calculer l'écart entre le montant de la DGF inscrit en loi de finances d'une année (élaboré en partie à partir de données prévisionnelles) et le montant de la DGF de cette même année une fois l'ensemble des facteurs de l'opération connus avec certitude.

Dès lors, la régularisation intervient lorsque l'indice, constaté ex post (pour 1997, l'évolution des prix 97 et 50 % du taux de croissance 96 et non plus les prévisions), appliqué au montant de la DGF de l'année précédente (pour 1997, la DGF 1996 " recalée ") entraîne un produit différent du montant prévisionnel de la DGF inscrite en loi de finances.

Le montant de la régularisation :

- est réparti entre les bénéficiaires de la DGF s'il est positif ;

- s'impute sur la DGF " du plus prochain exercice " ( la DGF de 1997 est "régularisée" dans celle de 1999) s'il est négatif.

S'agissant de l'exercice 1997, le montant de la régularisation est négatif de 256,53 MF. Par conséquent, le montant de la DGF inscrit dans la loi de finances pour 1999 s'établit à :

109.545,190 - 256,53 : 109.288,66 MF

En résumé :

- la DGF de 1999 augmente de 2,51 % par rapport à la DGF 1998 "recalée" ;

- la DGF de 1999 augmente de 2,78 % par rapport à la DGF de 1998 inscrite dans la loi de finances initiale pour 1998.

b) La répartition interne de la DGF

La dotation globale de fonctionnement ne constitue pas un bloc homogène. Elle se subdivise en une dotation forfaitaire et une dotation d'aménagement.

La dotation d'aménagement est elle même composée de la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation de solidarité rurale et de la DGF des groupements de communes .

Chacune de ces dotations évolue selon des règles particulières.

La dotation forfaitaire

La dotation forfaitaire rassemble en une dotation unique, évoluant de la même façon pour l'ensemble des communes, les enveloppes suivantes :

- la dotation de base ;

- la dotation de péréquation ;

- la dotation de compensation ;

- la garantie minimale de progression ;

- les dotations de compensation des petites communes rurales ;

- la dotation ville centre ;

- les deux dotations touristiques.

Le montant de la dotation forfaitaire progresse chaque année de 50 % du taux d'évolution de l'ensemble des ressources affectées à la DGF. Ce taux de progression peut être porté à 55 % lorsque l'indexation de la DGF résulte pour au moins un tiers de la progression du PIB en volume de l'année antérieure.

En 1999, la DGF progressera de 2,78 %. Par conséquent, la dotation forfaitaire, dont le montant était de 79.365,8 MF en 1998, augmentera d'un taux compris entre 1,390 et 1,529 %.

Le montant de la dotation forfaitaire d'une année n est généralement fixé par le comité des finances locales au mois de janvier de cette année n .

La dotation d'aménagement

Le montant de la dotation d'aménagement est égal à la différence entre l'ensemble des crédits de la DGF et ceux consacrés à la dotation forfaitaire.

La répartition de la dotation d'aménagement obéit à des règles précises. Il est en premier lieu procédé à l'affectation des sommes dues au titre de la DGF des groupements de commune à fiscalité propre, dont le montant est fixé par le comité des finances locales. En 1998, le comité a attribué 5.334,8 millions de francs à la DGF des groupements

La dotation de solidarité urbaine reçoit 57% des crédits de la dotation d'aménagement disponibles après prélèvement de la DGF des groupements. Le solde va à la dotation de solidarité rurale.

Depuis 1997, le comité des finances locales ne peut plus se prononcer que sur le partage de la croissance des crédits entre la DSU et la DSR et ne peut attribuer plus de 55 % des crédits supplémentaires à l'une des dotations. En 1998, 55 % des crédits ont été attribués à la DSU.

Par ailleurs, l'article 73 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 prévoit, d'une part, la réduction annuelle de 120 millions de francs de la DGF de la région Ile-de-France et, d'autre part, le partage de ces 120 millions de francs entre la DSU, la DSR et la DFM.

La DGF des départements

La dotation globale de fonctionnement attribuée aux départements croit selon les mêmes modalités que la DGF totales, soit 2,78 % en 1999. Elle comprend la DGF de la région Ile-de-France dont l'extinction est programmée et sera effective en 2004.

Elle s'est élevée en 1998 à 17.955,3 millions de francs.

2. Les concours indexés sur la DGF

La dotation spéciale pour le logement des instituteurs (DSI), la dotation générale de décentralisation (DGD), la dotation générale de décentralisation de Corse (DGD-Corse), la dotation générale de décentralisation de formation professionnelle (DGD-FP) et la dotation élu local progresseront en 1999 au même rythme que la DGF, soit 2,78 %.

Cependant, certaines de ces dotations connaissent également des mouvements " hors contrat " :

- la dotation générale de décentralisation est abondée de 3.094,18 MF au titre, d'une part, de la compensation de l'extension de la taxe à l'essieu prévue dans la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du printemps 1998 et, d'autre part, du transfert aux régions des compétences en matière de formation préqualifiante ;

- comme chaque année, la dotation spéciale instituteur est ajustée à la baisse (- 4,4 %) pour tenir compte de l'intégration progressive des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles et des départs à la retraite.

La réforme des droits de mutation à titre onéreux prévue par le projet de loi de finances aboutit à la création d'une nouvelle dotation indexée sur le DGF, la dotation de compensation aux régions des pertes de recettes fiscales immobilières , qui devient le chapitre 41-55 (nouveau) du budget du ministère de l'intérieur. Ce chapitre est doté de 5,3 milliards de francs en 1999.

La compensation au départements de la baisse du taux des droits de mutation qu'ils perçoivent est effectuée par le biais de la dotation générale de décentralisation. Les crédits de l'article 20 du chapitre 41-56 du budget du ministère de l'intérieur consacré à la dotation générale de décentralisation des départements sont majorés de 3,3 milliards de francs à cet effet.

3. Les concours indexés sur les recettes fiscales nettes de l'Etat

Les recettes fiscales nettes progresseront de 5,88 % en 1999, contre 4,35 en 1998. Ce taux sera appliqué aux dotations 1998 du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et du fonds national de péréquation (FNP).

En outre, et en dehors du champs du contrat de croissance, le FNPTP bénéficiera de 1.733 MF en provenance du " retour " de fiscalité locale de La Poste et France Télécom 5( * ) .

Au sein de ces crédits, 397 MF seront réservés aux compensations d'exonérations de taxe professionnelle dans les zones franches urbaines et les zones de redynamisation urbaine.

4. Les dotations indexées sur l'accroissement de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques

La FBCF des administrations publiques progressera de 3,8 % en 1999, contre 2,5 % en 1998.

Ce taux sera appliqué à la dotation globale d'équipement des départements, la dotation globale d'équipement des communes, la dotation régionale d'équipement scolaires et la dotation départementale d'équipement des collèges.

5. La variable d'ajustement, la DCTP, encore à la baisse

La combinaison de l'augmentation plus favorable de l'enveloppe normée et du maintient des règles de progression des enveloppes la composant aurait pu laisser penser que le montant de la DCTP allait baisser moins que les années précédentes.

Or, la baisse affichée dans le projet de loi de finances pour 1999 est de 11,12 %. Après la première lecture à l'Assemblée nationale, la diminution a été ramenée à 9,31 %.

Seul l'amendement proposé par votre commission des finances, portant à 33 % la fraction du taux de croissance du PIB dans le mode de calcul de la progression de l'enveloppe normée, parvient à porter la baisse des crédits de la DCTP à un niveau inférieur à celle connue entre 1997 et 1998, à 4,6 % contre 4,85 %.

L'impact de l'augmentation du taux de progression de l'enveloppe normée sur le volume des crédits consacrés à la DCTP n'est pas forcément automatique, pour deux raisons :

- certaines dotations ne progressent pas uniquement en fonction des règles mécaniques d'indexation . Par exemple, traditionnellement, le fonds national de taxe professionnelle perçoit le reversement de l'excédent de fiscalité locale de La Poste et de France Télécom. De même, pendant les trois années du contrat de croissance, la DGF bénéficiera d'un abondement " hors contrat " de 500 millions de francs au titre de la DSU ;

- la DCTP elle-même a bénéficié pendant la durée du pacte de stabilité d'un abondement annuel " hors pacte de 300 millions de francs ". La baisse de la DCTP après la première lecture de la présente loi de finances à l'Assemblée nationale s'établit, hors "abondement de 300 millions de francs", à 7,2 %. Si l'amendement proposé par votre commission des finances à l'article 40 du présent projet de loi de finances était adopté, la baisse de la DCTP "hors abondement de 300 millions de francs" serait de 2,5 %.

D. LES ENVELOPPES EXTÉRIEURES AU PÉRIMÈTRE DE L'ENVELOPPE NORMÉE

Les crédits abondant le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) inscrits dans le projet de loi pour 1999 s'établissent à 20.500 millions de francs, en légère baisse par rapport au montant inscrit dans la loi de finances pour 1998 (20.720 MF). Cette baisse correspond à un ajustement de la dotation en loi de finances initiale au niveau de consommation des crédits constaté les années précédentes.

Il faut rappeler que le montant des crédits du FCTVA inscrit en loi de finances est indicatif . En effet, le FCTVA est un prélèvement sur recettes qui est versé automatiquement sur présentation des pièces justificatives. La baisse affichée pour 1999 résulte notamment du niveau encore bas de l'investissement des collectivités locales en 1997.

Les débats de la première lecture de la présente loi de finances à l'Assemblée nationale ont été marqués par l'avis favorable donné par le gouvernement à un amendement tendant à élargir l'éligibilité au FCTVA aux travaux réalisés par les collectivités locales, en raison de l'intérêt général ou de considérations de sécurité publique, sur des biens dont elles n'ont pas la propriété .

Cette disposition s'inspire très largement d'un amendement adopté par le Sénat au cours de l'examen de la loi de finances pour 1998. Votre commission des finances a d'ailleurs décidé de proposer au Sénat de modifier légèrement le texte adopté à l'Assemblée nationale de façon à rendre sa mise en oeuvre plus aisée.

Il conviendrait également d' harmoniser les conditions d'éligibilité au FCTVA des différentes structures associant des collectivités éligibles au FCTVA . Le bénéfice du FCTVA a été étendu l'année dernière aux établissements publics de coopération intercommunale. Or, il ne semble pas justifié que les EPCI aient accès au fonds, mais pas les syndicats mixtes dont les membres sont tous, individuellement, éligibles au FCTVA.

Ce chantier mérite d'être ouvert, d'autant plus que, en réponse à une question écrite de notre collègue député M. Jean-Claude Perez 6( * ) , le ministre de l'intérieur a expliqué " seuls les groupements constitués uniquement de bénéficiaires du FCTVA peuvent bénéficier du fonds de compensation. Les organismes non mentionnés [par l'article L.1615-2 du code général des collectivités territoriales qui détermine la liste des organismes éligibles au FCTVA], ce qui est le cas des chambres de commerce et d'industrie ou des chambres de métiers ne peuvent bénéficier du FCTVA. Par voie de conséquence, les syndicats mixtes associant ce type d'organismes ne sont pas non plus bénéficiaires du fonds ."

Il semble possible de déduire de la dernière phrase de la réponse du ministre que les syndicats mixtes qui n'associerait pas "ce type d'organismes" devraient légitimement être éligibles au FCTVA.

Le produit des amendes de police relatives à la circulation routière est versé chaque année aux collectivités locales, qui doivent l'utiliser pour financer des opérations d'amélioration des transports en commun et de la circulation routière.

Le produit des amendes devrait atteindre 2.000 MF en 1999, contre 1.950 en 1998.

II. LES CONCOURS FINANCIERS DE L'ETAT DANS LA LOI DE FINANCES POUR 1999

Le pacte de stabilité, qui a régi les relations a financières entre l'Etat et les collectivités locales entre 1996 et 1998, a marqué, à double titre, la participation des collectivités locales à l'effort de redressement des finances publiques .

En acceptant que le taux de croissance de l'enveloppe normée soit limité à celui des prix à la consommation, les collectivités locales ont contribué à la maîtrise des dépenses de l'Etat .

Par ailleurs, elles ont mis à profit cette période de rigueur pour assainir leur situation financière, en réduisant le volume de leurs dépenses au profit du désendettement. Celui-ci a été favorisé par la baisse des taux d'intérêt et, comme le souligne notre collègue Joël Bourdin dans son rapport au nom de l'Observatoire des finances locales remis en juillet 1998, par une politique de gestion active de leur dette.

Cette démarche a été couronnée de succès, à tel point que, depuis 1996, les collectivités locales dégagent une capacité de financement. Elles contribuent aujourd'hui positivement au solde des administrations publiques au sens du traité sur l'Union européenne, rendant ainsi à l'Etat des marges de manoeuvre budgétaires.

Pourtant, cette attitude constructive des collectivités locales n'a pas conduit le gouvernement à tirer complètement les leçons de la période qui s'achève . Les dispositions relatives aux collectivités locales figurant dans le projet de loi de finances pour 1999 ne permettent pas à celles-ci d'appréhender sereinement l'augmentation à venir de leurs charges.

Les choix du gouvernement témoignent, en cette matière, d'une politique à courte vue car, si les collectivités locales devaient ne plus dégager une capacité de financement, l'Etat devrait alors soit diminuer ses dépenses, soit accroître la pression fiscale pour maintenir constant le solde agrégé de l'ensemble des administrations publiques au sens du traité sur l'Union européenne.

A. UN CONTRAT DE CROISSANCE PEU NOVATEUR

Le contrat de croissance proposé par le gouvernement conserve l'architecture du pacte de stabilité. Il maintient le principe de l'enveloppe normée composée de dotations qui évoluent selon leur rythme propre et d'une variable d'ajustement.

Mais le contrat de croissance rompt la dynamique engendrée par les collectivités locales pendant la durée d'application du pacte . En effet, celles-ci avaient choisi de ne pas prendre leur mal en patience pendant la période de faible progression de leurs ressources. Elles en ont, au contraire, profité pour se réorganiser de façon à mieux rebondir par la suite. Le gouvernement d'alors avait encouragé cette démarche en limitant les transferts de charges aux collectivités locales.

Les modalités du contrat proposé par le gouvernement actuel risquent de briser l'élan pris depuis trois ans par les collectivités locales. En effet, si le taux de progression de l'enveloppe normée des concours financiers aux collectivités locales comportera en effet une fraction du taux de croissance du produit intérieur brut, ce taux de progression n'est pas à la mesure des alourdissement de charges à venir.

1. L'augmentation des concours financiers de l'Etat n'est pas à la mesure de l'alourdissement des charges transférées

Le contrat de croissance proposé par le gouvernement a été, à juste titre, qualifié de " timide " par notre rapporteur général dans le premier tome de son rapport général sur la loi de finances pour 1999.

La liste est en effet longue des dépenses transférées nouvelles qui vont peser sur les collectivités locales dans la période qui s'ouvre. A l'impact de l'accord salarial dans la fonction publique du 10 février 1998 et de la mise en oeuvre des emplois jeunes, analysés par le rapporteur général, s'ajoutent en effet, par exemple, les conséquences de la loi sur l'exclusion ou encore les conséquences du doublement des préversements pour le fonds de solidarité logement décidé par le ministre du logement.

La frilosité de la fraction du taux de croissance du produit intérieur brut prise en compte dans le calcul de la progression des concours financiers de l'Etat, couplée à la probable réduction des recettes fiscales en raison des modalités de la compensation aux collectivités locales de la suppression de la part "salaire" de l'assiette de la taxe professionnelle, rognera les marges de manoeuvre financières que les collectivités locales étaient parvenues à s'aménager sur la période récente.

Cette évolution est source de tensions financières pour les collectivités locales car, d'une part, leurs marges seront absorbées par les dépenses de fonctionnement, et, d'autre part, elles doivent également financer la reprise inéluctable de leur investissement . Comme le souligne Joël Bourdin dans son rapport au nom de l'Observatoire des finances locales, " les collectivités locales semblent être encore dans une position d'attente avant la nécessaire reprise de l'investissement direct qui devra intervenir dans les prochaines années. En effet, elles devront notamment faire face à des contraintes fortes, européennes et nationales, liées aux mises aux normes des services publics (eau, assainissement, collecte et traitement des ordures ménagères) ."

Confrontés à l'assombrissement de leurs perspectives financières, les élus locaux oseront-ils se lancer dans ces programmes lourds ? A l'heure où une enquête de l'Association des maires de France laisse entendre que 45% des maires pensent qu'ils ne solliciteront pas un nouveau mandat en 2001, il semble que le gouvernement ait mal évalué l'impact psychologique des mesures proposées par le projet de loi de finances pour 1999.

2. Le sacrifice de la DCTP

Le pacte de stabilité décidé dans la loi de finances pour 1996 a marqué la contribution des collectivités locales à l'effort national de redressement des finances de l'Etat.

La modalité du pacte la plus contraignante pour les collectivités locales n'était pas la prise en compte du seul taux d'inflation pour calculer l'augmentation de l'enveloppe normée d'une année sur l'autre, mais la mise en place d'une enveloppe normée .

L'enveloppe normée présente un avantage : elle permet d'avoir une vision pluriannuelle de l'évolution du montant des concours financiers aux collectivités locales.

Mais elle a l'inconvénient d'être à terme autodestructrice . En effet, si la somme des dotations composant l'enveloppe (à l'exception de la variable d'ajustement) augmente durablement plus vite que l'enveloppe normée elle même, le montant de la variable d'ajustement va progressivement tendre vers zéro, puis disparaître. L'enveloppe normée n'existera plus, à moins de désigner une nouvelle variable d'ajustement.

La création de l'enveloppe normée a donc conduit au sacrifice de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, dont le montant baisse dans des proportions croissantes d'année en année alors que, avant 1996, son montant était indexé sur les recettes fiscales de l'Etat. Si l'indexation en vigueur avant 1996 avait été appliquée au montant de la DCTP de 1998, le montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 1999 ne serait pas de 12 milliards de francs, en baisse de 11,12 %, mais de 14,8 milliards de francs, en hausse de 5,88 %.

Ce chiffre ne permet pas de donner une idée de la perte de bases non compensées pour les collectivités locales puisque le montant de la DCTP a été déconnecté de l'évolution réelle des bases par, dans un premier temps, l'indexation forfaitaire de la DCTP sur les recette fiscales de l'Etat puis, dans un deuxième temps, sa transformation en variable d'ajustement.

En revanche, il donne une idée du sacrifice consenti par les collectivités locales du fait de la baisse de la DCTP année après année . Pour reprendre l'expression du président de l'association des maires de grandes villes de France, M. Michel Delebarre, le manque à gagner, qu'il estime à au moins 7 milliards de francs, résultant de la mise en place de l'enveloppe normée, par rapport à ce qui leur aurait été alloué à droit constant, constitue la " prime acquittée par les collectivités locales pour bénéficier de la garantie triennale de sécurité financière offerte par l'Etat ".

Le tableau ci-dessous retrace, pour 1998 et 1999, les évolutions respectives de l'enveloppe normée, de la dotation globale de fonctionnement, de la DCTP et de la somme des dotations composant l'enveloppe normée "hors DCTP".

Comparaison en pourcentage, des évolutions de l'enveloppe normée et de ses composantes

 

Evolution 98/97

Evolution 99/98

Enveloppe normée

+ 1,20

+ 3,91

DGF

+ 1,68

+ 2,51

DCTP

- 4,85

- 11,12

Enveloppe normée hors DCTP

+2,10

+ 5,40

En 1999, les écarts de pourcentage auront des conséquences non négligeables en volume pour les collectivités non éligibles à l'une des dotations de solidarité.

La baisse de DCTP qu'elles enregistreront ne sera pas de 11,12%, qui sera la baisse moyenne, mais de 23,6%, soit, pour chacune d'entre elles, un montant supérieur à l'augmentation de leur DGF . L'amendement proposé par la commission des finances du Sénat permet de ramener la baisse de la DCTP des collectivités non éligibles à une dotation de solidarité de 23,6% à 15%.

Au cours de la réunion du comité des finances locales du 17 novembre 1998, le directeur général des collectivités locales a indiqué que le montant de la DCTP serait réduit d'environ 25% durant les trois années du contrat de croissance . A inflation et à taux de croissance constants, les baisses envisagées sont de 1,9 milliard de francs en 1999, 1 milliard de franc en 2000 et 700 millions de francs en 2001.

L'évolution de la DCTP augure mal du devenir de la compensation de la part salaires de l'assiette de la taxe professionnelle, et conduit à s'interroger sur la pertinence du maintien d'une enveloppe normée.

B. PÉRÉQUATION ET DÉCENTRALISATION

1. Les orientations péréquatrices du gouvernement

a) La péréquation dans la loi de finances pour 1999

Les dispositions du projet de loi de finances pour 1999, dans sa rédaction d'origine ou à la suite des modifications apportées au cours de la première lecture du texte à l'Assemblée nationale, ont en commun leur dimension péréquatrice. Trois exemples sont particulièrement évocateurs :

- la réforme de la taxe professionnelle : le gouvernement a prévu de compenser aux collectivités locales la perte de recettes liée à la suppression de la part "salaires" de l'assiette de la taxe en leur versant, dans un premier temps une dotation dont le montant est établi, pour chaque collectivité, en fonction des bases existantes en 1999 et des taux votés en 1998, indexée sur l' "indice de la DGF". A compter de 2004, le prélèvement sur recettes de l'Etat à partir duquel est organisée la compensation sera intégré à la DGF.

Le gouvernement n'a dit comment il comptait répartir ces crédits une fois qu'ils feront partie de la DGF. Néanmoins, il est probable qu'ils s'intégreront dans la logique des critères d'attribution de la DGF, qui sont très péréquateurs. Si tel était le cas, non seulement la compensation de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle serait déconnectée de l'évolution réelle des bases, mais les collectivités ne seraient plus compensées en fonction de leurs bases et de leurs taux passés. En somme, le montant de la compensation serait modulé en fonction de la richesse des collectivités 7( * ) .

- la réforme des droits de mutation à titre onéreux : l'article 27 du présent projet de loi de finances réduit le taux des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements et supprime la taxe additionnelle régionale.

La compensation aux département est automatique et organisée par l'article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales relatif à la fiscalité transférée aux collectivités locales dans le cadre des lois de décentralisation.

Le compensation aux régions, en revanche, fait l'objet d'un dispositif ad hoc. Les pertes de recettes pour les régions seront compensées non par un dégrèvement, qui aurait permis une compensation au franc le franc, mais par un concours budgétaire inscrit au budget du ministère de l'intérieur. Alors que le projet de loi finances prévoyait un système de compensation commun à toutes les régions, l'Assemblée nationale a introduit un dispositif de modulation du montant des versements en fonction de la richesse des régions . Ainsi, celles dont les droits de mutation par habitant sont supérieurs à 59 francs verront leur compensation limitée à 95 %.

Le gain pour l'Etat de cette opération, 240 millions de francs, a permis de financer, sans dégrader le solde, le relèvement de 15 à 20 % du taux de croissance du produit intérieur brut pris en compte dans l'indice de progression de l'enveloppe normée. De cette façon, la réduction d'une enveloppe destinée à des collectivités "favorisées" a permis d'alimenter l'enveloppe normée, et plus précisément la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui bénéficie à l'ensemble des collectivités qui percevaient une taxe professionnelle en 1987 8( * ) .

- la modulation de la baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) en fonction de la richesse des collectivités : le contrat de croissance et de solidarité, dont les principales caractéristiques sont fixées par l'article 40 du présent projet de loi de finances, prévoit que toutes les collectivités ne supporteront pas la baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle dans les mêmes proportions. Celle-ci sera limitée à la moitié de la baisse moyenne pour les collectivités éligibles à la dotation de solidarité urbaine, à la fraction "bourgs-centres" de la dotation de solidarité rurale, à la dotation de fonctionnement minimale des départements et au fonds de correction des déséquilibres régionaux. Par ailleurs, l'article 40 bis du présent projet de loi de finances organise l'exonération totale de baisse pour les communes éligibles à la DSU et les bourgs-centres.

La DCTP étant une enveloppe fermée, il résulte de cette disposition que les montants attribués aux autres collectivités au titre de la DCTP seront moindres.

b) Une démarche "théorisée"

Dans le cadre de la préparation de la "sortie" du pacte de stabilité, la direction générale des collectivités locales a mis en place un groupe de travail sur la péréquation dont les travaux, de très grande qualité, constituent le support "théorique" de la démarche du gouvernement.

La note de synthèse des travaux du groupe, datée du 29 juin 1998, réalise un état des lieux de la péréquation financière, dont l'objectif est " d'atténuer les disparités entre collectivités locales par une redistribution inégalitaire, mais équitable des ressources en fonction d'indicateurs physiques et financiers ."

La péréquation volontaire , essentiellement représentée par les mécanismes de mutualisation de la taxe professionnelle, est distinguée de la péréquation obligatoire . Celle-ci comprend :

- une péréquation "verticale", qui repose sur l'élaboration de critères péréquateurs pour la répartition des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales. Cette dimension est perceptible tant au sein des dotations de l'Etat, notamment la DGF et ses composantes, que des compensations versées par l'Etat au titre d'allégements consentis aux redevables d'impôts locaux. Ainsi, les réfactions applicables aux montants théoriques de compensations s'exercent soit uniquement sur les collectivités les plus favorisées, soit de manière différenciée selon le degré de richesse des collectivités ;

- une péréquation "horizontale" entre collectivités locales, peu développée, et basée sur des dispositifs tels que la dotation de fonctionnement minimale des départements, le fonds de compensation des déséquilibres régionaux ou les fonds, national et départementaux, de péréquation de la taxe professionnelle.

Conclusions du groupe de travail sur la péréquation

Le développement de la péréquation obligatoire a conduit à un resserrement des écarts entre les collectivités locales. L'effort a notamment porté sur les zones rurales (...).

Les limites des mécanismes de péréquation ont pu également tenir aux faiblesses des marges de manoeuvre dégagées sur la DGF . En effet, en période de faible croissance économique, la progression de la DGF est contrainte et, en dépit de la faible progression de la dotation forfaitaire, la croissance de la dotation d'aménagement est restée limitée.

De la même façon, les montants consacrés à la péréquation fiscale ont pu paraître marginaux au regard des masses financières en jeu , notamment en termes de taxe professionnelle. Cette situation peut paraître aggravée par le fait que la redistribution est elle-même peu ciblée, hormis certains mécanismes particuliers comme le FSRIF.

Il apparaît donc que la péréquation, même si elle a incontestablement progressé reste insuffisante . Toutefois, dans la mesure où elle s'opère au sein d'une enveloppe fermée ou dont les marges de progression restent limitées, elle reste le fruit d'un compromis entre la recherche d'une meilleure équité et la volonté de respecter les équilibres financiers des collectivités.

2. Les effets pervers d'une recentralisation des recettes

Le groupe de travail sur la péréquation considère que la péréquation " consiste à égaliser les situations ". Cette affirmation met en lumière la principale limite, à terme, d'une politique de péréquation : son incompatibilité avec l'idée même de ressources propres pour les collectivités locales.

Compte tenu de l'hétérogénéïté des niveaux de richesse entre les différentes collectivités, la fiscalité locale permet à celles dont les bases d'impositions sont les plus importantes de bénéficier de produits supérieurs tout en pratiquant des taux inférieurs à ceux des collectivités moins bien dotées.

Le meilleur moyen d'égaliser les ressources des collectivités locales serait de supprimer la fiscalité locale et de redistribuer son produit aux différentes collectivités en fonction, par exemple, d'un indice composé du nombre d'habitant, de la superficie et de la richesse moyenne par habitant.

Même si personne aujourd'hui ne se déclare partisan d'une telle formule, les dispositions relatives aux finances locales contenues dans la loi de finances pour 1999 s'en distinguent par leur degré, mais pas par leur philosophie sous-jacente. En effet, la réforme de la taxe professionnelle, la modulation de la compensation aux régions et le plafonnement de la baisse de la DCTP ont en commun de contribuer à une recentralisation des ressources des collectivités locales, l'Etat se chargeant de définir les critères en fonction desquels il répartira ensuite ces sommes entre les collectivités.

Cette tendance est regrettable à plusieurs titres. S'agissant de la réforme de la taxe professionnelle, la transformation en concours budgétaires de recettes correspondant au produit de taux votés par les collectivités locales supprime un sixième du pouvoir fiscal des collectivités locales , remettant par là en cause une partie de leur autonomie .

Comme le montre l'OCDE dans une étude consacrée aux politiques régionales et d'aménagement du territoire 9( * ) , " la possibilité pour les administrations locales de voter leurs taux d'imposition est un élément clé d'autonomie fiscale ". Cette conclusion a d'autant plus d'importance en France où, comme le soulignait notre collègue Pierre Mauroy lors du débat sur la décentralisation organisé le 3 novembre dernier au Sénat, " il existe en effet, presque mécaniquement, une tendance de l'Etat à recentraliser et, cela, quelle que soit la couleur du gouvernement ".

La transformation de recettes fiscales directes en concours budgétaires constitue un risque pour les ressources des collectivités locales, non seulement en raison du mode de calcul de cette compensation, mais également du fait de l'absence de garanties présenté par une recette provenant du budget de l'Etat . Le sort de la DCTP en atteste tristement.

Enfin, comme l'a montré notre rapporteur général dans le tome I de son rapport sur le projet de loi de finances pour 1999, " la dépendance financière nuit à l'efficacité économique ". L'étude de l'OCDE déjà mentionnée le souligne, " la nécessité pour des administrations locales moins dépendantes de subventions centrales de trouver des ressources fiscales est un puissant facteur de mobilisation des acteurs locaux en faveur du développement économique " car " de plus en plus, les administrations locales sont aussi perçues comme les mieux placées pour définir des stratégies de développement originales, capables de promouvoir des caractéristiques régionales qui leur sont propres ".

Dès lors, il apparaît que les orientations du gouvernement, qui confisquent aux collectivités locales une grande partie de leur pouvoir sur les taux de la taxe professionnelle, ne vont pas dans le bon sens : elles privent les collectivités qui procèdent à des investissements afin de favoriser l'implantation d'entreprises sur leur territoire d'une partie des gains résultant de l'élargissement des bases.

3. Pour un équilibre efficace entre solidarité nationale et dynamisme économique

La cohésion du territoire national est un impératif pour un pays soumis à la concurrence internationale . Au niveau européen, telle est d'ailleurs la justification des crédits du fonds de cohésion dont bénéficient les Etats en "retard de développement", l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et la Grèce : pour que le marché unique fonctionne de manière optimale, il faut harmoniser le niveau de développement des Etats-membres.

La cohésion est également nécessaire pour éviter que les écarts de richesses internes ne s'autoalimentent et, in fine, ne se creusent. Dans un Etat décentralisé, où les collectivités locales bénéficient de ressources propres importantes et de marges de manoeuvre fiscales, ce risque est renforcé : l'activité économique est susceptible de se concentrer dans les parties les plus riches du territoire, où les infrastructures sont les meilleures et, les bases étant larges, les taux d'impositions locales sont les plus bas.

L'enjeu de la péréquation est de lutter contre ces déséquilibres sans mettre en péril le dynamisme des responsables locaux .

Le budget de l'Etat est l'instrument péréquateur par excellence

Le gouvernement peut décider d'orienter ses dépenses, ses effectifs et ses installations vers les parties du territoire les moins favorisées. Un tel choix serait péréquateur à double titre car, d'une part, les collectivités les moins favorisés bénéficieraient proportionnellement de plus de crédits budgétaires, et, d'autre part, ces concours accrus aux parties du territoire défavorisées seraient financés indirectement par les collectivités les plus riches qui, par habitant, contribuent plus aux recettes du budget général.

La génération de contrats de plan qui s'achève a d'ailleurs été marquée par la volonté de l'Etat de moduler son effort financier en fonction de la richesse des collectivités cocontractantes.

Comme le souligne le rapport remis au Conseil économique et social en mai 1997 par M. Jean Billet, l'Etat, lors du comité interministériel d'aménagement du territoire de Mende du 12 juillet 1993, a déterminé trois critères, le potentiel fiscal, la taux de chômage et la variation de l'emploi. A partir de ces critères, il a constitué trois groupes de régions, qui ont bénéficié de manière inversement proportionnelle à leur richesse de l'accroissement des crédits consacrés par l'Etat aux contrats de plan.

De plus, la part de l'Etat dans la clef de répartition des financements est, dans l'ensemble, d'autant plus réduite que le cocontractant est riche.

Part de l'Etat dans les engagements des contrats de plan Etat-région (1994-99)

(en % du total des engagements)

Limousin

Languedoc-Roussilon

Auvergne

Franche-Comté

Midi-Pyrénées

Lorraine

Nord-pas-de-Calais

Corse

Bretagne

Bourgogne

Haute Normandie

Basse-Normandie

64

61

60

60

59

56

56

54

51

49

48

46

Pays de la Loire

Poitou-Charentes

Centre

Champagne-Ardenne

moyenne métropole

Picardie

Provence-Alpes-Côte d'Azur

Alsace

Aquitaine

Rhône-Alpes

Ile-de-France

46

46

45

45

45

43

43

42

38

35

32

Au sein des crédits de l'Etat, les subventions de fonctionnement versées aux collectivités jouent également un rôle péréquateur de premier plan. La tableau ci-dessous retrace, depuis 1994, la montée en puissance des mécanismes péréquateurs présidant à la répartition entre les collectivités de la principale dotation de l'Etat, la dotation globale de fonctionnement .

DGF et péréquation 1993-98

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

DGF totale, dont :

96.219

98.143,50

99.811,94

103.576,00

104.881,97

106.333,40

DSU

1.000

1.260,00

1.420,22

2.120,60

2.165,00

2.274,85

DSR

-

1.026,56

1.300,22

1.564,00

1.640,32

1.770,16

DGF group.

3.145

3.765,23

4.168,58

4.661,40

5.018,73

5.286,66

DFM

133

214,97

254,90

384,97

424,97

524,03

Total péréquation

4.278

6.266,77

7.143,92

8.730,97

9.249,02

9.855,69

% péréquation

4,45

6,39

7,16

8,43

8,82

9,27

Source : DGCL

L'accroissement de la proportion des crédits des dotations de l'Etat accordée aux collectivités les moins riches est favorable à la péréquation dans un contexte de maîtrise des dépenses publique , et donc de faible augmentation en volume des concours de l'Etat aux collectivités locales.

Néanmoins, la contrepartie de la réorientation des concours budgétaires vers des objectifs péréquateurs devrait être le maintien de la liberté fiscale des collectivités locales. Car, en prolongeant les orientations actuelles du gouvernement, on s'aperçoit que, d'une part, les critères d'attribution des dotations budgétaires sont de plus en plus péréquateurs, donc défavorables aux collectivités les mieux dotées, et que, d'autre part, l'Etat compense les réductions de bases d'impositions des impôts locaux qu'il décide par le biais de dotations budgétaires.

Une telle logique n'est pas péréquatrice mais démobilisatrice, puisque les collectivités les plus dynamiques perdent à la fois le bénéfice de l'augmentation de leurs bases d'impositions et une partie de leurs subventions budgétaires.

Il y a dans cette démarche un risque d' assèchement du système : si les collectivités les plus riches ne bénéficient plus des fruits de leur dynamisme, celui-ci va s'émousser, et les écarts de richesses entre collectivités seront nivelés par le bas.

L'harmonisation fiscale sur un ensemble économique cohérent

Les disparités de richesses entre collectivités locales géographiquement proches peuvent conduire celles-ci à se lancer dans une concurrence fiscale qui aboutit, d'une part, à creuser les écarts de richesses et, d'autre part, à une localisation imparfaite des activités économiques sur l'ensemble de la zone.

Ce phénomène a conduit à développer les dispositifs de "péréquation volontaire", selon la terminologie de la direction générale des collectivités territoriales (DGCL) :

- la loi du 10 janvier 1980 permet aux communes qui le souhaitent de partager avec d'autres communes ou avec l'établissement public de coopération intercommunale qui crée ou gère leurs zones d'activité, la totalité ou une partie du foncier bâti et/ou de la taxe professionnelle perçue auprès des entreprises. Ce dispositif peut conduire soit au partage des gains suite à un investissement commun, soit à la mise en oeuvre d'une solidarité au profit des communes les plus défavorisées ;

- l'intercommunalité à fiscalité additionnelle conduit chaque commune à financer le groupement au prorata de ses bases. Ainsi, les communes les plus favorisées financent une proportion plus importantes des charges communes ;

- la taxe professionnelle unique permet, selon la DGCL, " la péréquation la plus importante en matière de taxe professionnelle. En effet, cette ressources, dont les communes ne disposent plus, va directement alimenter le budget du groupement, qui l'utilise pour mettre en oeuvre ses compétences sur l'ensemble du groupement et assurer son projet global de développement économique ".

La taxe professionnelle unique permet de combiner péréquation et efficacité économique puisqu'elle contribue à résorber la principale source d'inégalité de richesse entre les collectivités 10( * ) tout en créant les conditions d'une véritable coopération : la concurrence fiscale disparaissant, les collectivités peuvent mettre en oeuvre des stratégies de développement équilibré à l'échelle de l'ensemble de leur territoire commun.

La faculté offerte aux collectivités de mettre en oeuvre une taxe professionnelle unique a été peu utilisée en milieu urbain . En 1997, 72 % des établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique comptaient moins de 20.000 habitants.

La prochaine discussion au Parlement du projet de loi sur l'intercommunalité sera l'occasion de mettre en oeuvre des dispositifs incitatifs et de rendre la taxe professionnelle unique plus attrayante pour les structures intercommunales.

III. TAXE PROFESSIONNELLE ET INTERCOMMUNALITÉ : REPARTIR SUR DE BONNES BASES

Le constat de la nécessité de généraliser la taxe professionnelle unique, qui permet d'améliorer à la fois la péréquation entre collectivités et l'efficacité économique, conduit à s'interroger sur la compatibilité entre la réforme de la taxe professionnelle proposée dans le projet de loi de finances pour 1999 et le projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale , qui devrait être discuté au Parlement au début de l'année prochaine.

Par ailleurs, les députés du principal groupe composant la majorité de l'Assemblée nationale ont exprimé leur volonté de voir ce dispositif entrer en vigueur dès la présente loi de finances.

A. LA TAXE PROFESSIONNELLE UNIQUE AU CoeUR DU PROJET DU GOUVERNEMENT

1. Les mesures prévues pour favoriser la mise en place de la taxe professionnelle d'agglomération

Le gouvernement entend promouvoir la création des communautés d'agglomérations créées par son projet de loi, pour lesquelles la taxe professionnelle unique d'agglomération sera obligatoire, en mettant en place un dispositif d'incitation réputé particulièrement attractif :

- les communautés d'agglomération créées avant le 1er janvier 2005 recevront une DGF fixée à 250 francs par habitant ;

- les communautés d'agglomération auront la faculté de percevoir un complément de ressources prélevé sur les impôts ménages ;

- les groupements ayant adopté une taxe professionnelle unique pourront "délier" le taux de cette taxe en cas de baisse des taux des impôts ménages votés par les communes membres ;

- les établissements publics de coopération intercommunale qui adopteraient une taxe professionnelle unique bénéficieraient d'une garantie de progression de l'ensemble de leur DGF au même rythme que la dotation forfaitaire pendant deux ans ;

- le passage à 250 francs par habitant de la DGF des communautés d'agglomération sera financé par un prélèvement sur recettes fiscales de l'Etat externe à celui opéré au titre de la dotation globale de fonctionnement.

2. Un dispositif timide

Votre rapporteur se félicite du parti pris du gouvernement en faveur de la taxe professionnelle unique, en dépit des limites du projet de loi dans sa rédaction actuelle.

Toutefois, il constate que le gouvernement a fait preuve de timidité car la taxe professionnelle unique devrait constituer le droit commun en matière d'intercommunalité . Ainsi, il aurait été préférable de mettre en place un système dans lequel la taxe professionnelle unique s'applique automatiquement aux communautés de communes, à l'exception de celles qui le refuseraient expressément.

B. L'ABSENCE DE VISION D'ENSEMBLE

1. Une réforme ambitieuse fondée sur une ressource amputée

Le projet de loi sur l'organisation urbaine ambitionne de permettre l'émergence d'une véritable intercommunalité de projet. L'agglomération constitue en effet le niveau pertinent pour la gestion locale dans un nombre croissant de domaines, que le projet de loi identifie précisément : le développement économique, l'aménagement de l'espace, l'habitat, la politique de la ville ou encore les transports, l'assainissement ou la gestion des déchets.

La confiance que le gouvernement place dans la capacité des élus locaux à faire vivre une intercommunalité de projet contraste avec sa suspicion à leur égard s'agissant du vote des taux de la fiscalité locale.

Le principal argument opposé par le gouvernement à la mise en place d'un dégrèvement pour compenser aux collectivités locales les pertes de recettes occasionnées par la suppression de la part "salaire" de l'assiette de la taxe professionnelle est le risque d'augmentation massive des taux, dès lors qu'une partie de l'assiette serait prises en charge par l'Etat.

Cet argument n'est pas recevable car il implique, d'une part, que les élus locaux ne seraient pas préoccupés par l'impératif de maîtrise des dépenses de l'Etat et, d'autre part, que les élus locaux auraient une tendance naturelle à augmenter la pression fiscale sur leur territoire.

En réalité, il n'est est rien. Selon le bulletin d'informations statistiques de la direction générale des collectivités locales 11( * ) , " le ralentissement de la croissance des taux d'imposition amorcé en 1997 se confirme en 1998, + 0,8 % en 1998 après + 1,3 % en 1997 ", aboutissant ainsi à " la plus faible augmentation du produit fiscal à législation constante depuis 20 ans ". En outre, du fait de la règle de liaison des taux, une augmentation des taux de taxe professionnelle s'accompagnerait d'une accroissement de la pression fiscale sur les ménages, qu'aucun élu ne souhaite.

Par conséquent, alors que les collectivités locales mènent une politique de modération de l'évolution de leurs taux d'imposition qui aboutit au ralentissement du rythme de progression de leur produit fiscal, le gouvernement décide de supprimer un sixième de leurs bases imposables et de mettre en place une compensation indexée sur la dotation globale de fonctionnement, qui évolue à un rythme inférieur à celui de la masse salariale.

La taxe professionnelle unique ayant vocation, dans le projet du gouvernement, à devenir pratiquement la seule ressource des communautés d'agglomération, il est légitime de s'interroger sur le caractère réaliste de l'adéquation entre les ressources que le gouvernement prévoit d'allouer aux communautés d'agglomération et l'ampleur des moyens nécessaires à la réalisation de projets intercommunaux ambitieux .

Amputée d'un tiers de ses bases, la taxe professionnelle unique, véritable mesure de modernisation de la fiscalité locale, perd de sa superbe.

Si, comme le craint notre collègue Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, la réforme de la taxe professionnelle devait préfigurer la " démolition programmée " de cet impôt, l'intercommunalité fondée sur la taxe professionnelle unique resterait alors une hypothèse d'école.

2. Les rigidités potentielles

L'intercommunalité est un champ en expansion, susceptible d'évoluer dans plusieurs directions en fonction des différentes expériences locales. La dynamique de l'intercommunalité pourrait néanmoins être ralentie si deux difficultés n'étaient pas réglées au préalable :

- la généralisation de la taxe professionnelle d'agglomération présente l'immense avantage d'améliorer la lisibilité de la fiscalité locale en la spécialisant, et en individualisant les responsabilités quant au vote des taux.

Cependant, la réduction du montant des recettes provenant de la taxe professionnelle pourrait, à moins d'orienter massivement les compensations en direction des structures intercommunales, renforcer la légitimité de la revendication en faveur d'une "fiscalité mixte" pour les communautés d'agglomération, que la rédaction du projet de loi actuel limite, en s'inspirant du dispositif applicable aux syndicats d'agglomérations nouvelles, aux cas où les ressources propres des groupements seraient insuffisantes pour couvrir la charge de la dette et les autres dépenses résultant des transferts de compétences.

L'instauration d'une fiscalité mixte dans un contexte de limitation des ressources engendrées par la taxe professionnelle comporte le risque d'un accroissement de la pression fiscale. Il apparaît donc nécessaire de trouver un système permettant de maintenir le principe de spécialisation de la taxe professionnelle à l'échelon intercommunal, tout en plaçant les communautés d'agglomération en situation de bénéficier des ressources suffisantes pour financer l'ensemble de leurs projets dans de bonnes conditions.

- la généralisation de la taxe professionnelle unique contribue à mettre en lumière les limites de la règle de liaison des taux , héritée de la loi du 10 janvier 1980.

Ce texte, qui a peu évolué depuis, a constitué un tournant majeur dans le droit fiscal local puisque, pour la première fois, il a introduit le principe du vote direct des taux par les élus . Ce "saut dans l'inconnu" était strictement encadré.

Aujourd'hui encore, les collectivités locales ont le choix entre deux options. Elle peuvent opter pour une variation proportionnelle , consistant à faire varier les taux des différents impôts locaux dans une même proportion d'une année sur l'autre. Mais elles peuvent, également, préférer le système de la variation différenciée consistant à faire évoluer librement les taux des différents impôts locaux.

Peu de collectivités ont choisi la variation différenciée car elle est strictement encadrée, à la hausse comme à la baisse, par les dispositions de l'article 1636 B sexies du code général des impôts. En effet, la variation du taux de taxe professionnelle ne peut être supérieure à celle du taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières, si celle-ci est inférieur. Symétriquement, une diminution du taux de la taxe d'habitation, ou du taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières, oblige à baisser " dans une proportion au moins égale " le taux de la taxe professionnelle.

La liaison des taux atteint ses limites avec le transfert du vote des taux de taxe professionnelle aux structures intercommunales deux autorités différentes voteront des taux "liées". Dès lors, les ressources des communautés d'agglomération deviendront aléatoires, car susceptibles d'être affectée par les décisions des communes membres concernants les taux des impôts ménages.

La rédaction actuelle du projet de loi résout en partie ce problème puisqu'elle autorise une "déliaison" des taux à la baisse. Cette mesure s'accompagne toutefois d'un plafonnement de la hausse possible du taux de taxe professionnelle pendant les trois années suivant l'utilisation de la déliaison à la baisse.

L'introduction d'une première exception conduit à s'interroger sur la pertinence du principe de liaison des taux plus de quinze ans après les lois de décentralisation . En effet, les transferts de compétences se sont accompagnés d'une élévation de la qualité des gestionnaires locaux et, par ailleurs, la sanction du suffrage universel constitue un mécanisme particulièrement efficace de désincitation à l'accroissement de la pression fiscale. De plus, la règle de liaison des taux constitue un obstacle à l'utilisation de la fiscalité au sein de stratégies de développement économique.

3. Un projet incomplet

Il peut sembler logique qu'un projet de loi " relatif à l'organisation urbaine " ne comporte pas de dispositions concernant les espaces ruraux.

Pourtant, réserver le bénéfice de la DGF à 250 francs aux communautés d'agglomération est potentiellement source de détournements de l'esprit du texte par des collectivités qui pourraient constituer des ensembles hétéroclites de manière à être éligibles à cette dotation, plus de deux fois supérieure à la DGF de droit commun. Il s'agit là d'une lacune du texte proposé.

Par ailleurs, le texte proposé par le gouvernement ne semble pas régler entièrement le problème rencontré par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité additionnelle qui, en se transformant en groupements à fiscalité unique, modifient leur coefficient d'intégration fiscale et subissent une perte de DGF.

Le gouvernement propose une garantie de progression indexées sur celle de la dotation forfaitaire. Votre rapporteur juge indispensable de garantir à ces groupement une progression de l'ensemble de leur DGF au rythme d'avant leur changement de statut .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 novembre 1998, sous la présidence de M. Alain Lambert, président, puis de Mme Marie-Claude Beaudeau, vice-présidente , la commission a procédé, sur le rapport de M. Michel Mercier, rapporteur spécial , à l'examen des crédits de l'intérieur et de la décentralisation : décentralisation pour 1999 .

Il a rappelé que l'année 1998 constituait la dernière année d'application du "pacte de stabilité" mis en place en 1996 par le précédent Gouvernement, et que le Gouvernement proposait de lui substituer un "contrat de croissance et de solidarité".

Le rapporteur spécial a constaté que le contrat de croissance proposé par le Gouvernement reprenait l'architecture générale du pacte de stabilité, en conservant notamment son caractère pluriannuel, garantie de lisibilité et de prévisibilité. Indiquant que le contrat de croissance ne remettait pas non plus en cause le principe de l'existence d'une "enveloppe normée" des concours de l'Etat aux collectivités locales, il a ajouté que la prévisibilité des ressources n'impliquait pas forcément leur croissance.

Il a en effet expliqué que l'enveloppe normée évoluait à rythme inférieur à celui des dotations qui la composent, et que la nécessité de contenir l'évolution des concours de l'Etat au sein de l'enveloppe impliquait la transformation de l'une des dotations en variable d'ajustement. Il a indiqué que la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), qui jouait ce rôle pendant les trois années du pacte, serait maintenue dans cette fonction. Il a ensuite confirmé que le mode d'indexation des autres enveloppes composant l'enveloppe normée resterait inchangé.

Abordant les nouveautés du contrat de croissance, M. Michel Mercier a tout d'abord mentionné la prise en compte d'une fraction du taux de croissance du produit intérieur brut dans le calcul du mode de progression de l'enveloppe normée. Il a expliqué cette évolution par le changement de contexte macro-économique depuis trois ans. En 1996, en effet, la croissance était faible, et la majorité d'alors devait relever le défi de l'assainissement des finances publiques. Il a précisé que la fraction de la croissance prise en compte dans le contrat était insuffisante, compte tenu de l'alourdissement des charges des collectivités locales, et s'est félicité de l'adoption par la commission des finances d'un amendement tendant à majorer la fraction de la croissance prise en compte.

Le rapporteur spécial a ensuite indiqué que le contrat de croissance se caractérisait également par l'introduction de mesures en faveur des collectivités éligibles aux différentes dotations de solidarité. A ce titre, il a cité le plafonnement de la baisse de DCTP de ces collectivités et l'instauration d'un abondement de la dotation de solidarité urbaine de 500 millions de francs pendant la durée du contrat de croissance.

M. Michel Mercier a ensuite détaillé la traduction financière pour 1999 de ces dispositions, regrettant que le Gouvernement ne revienne pas sur le dispositif de régularisation négative de la dotation globale de fonctionnement. Il a indiqué que les concours indexés sur l'indice de progression de la dotation globale de fonctionnement augmenteraient de 2,78 % en 1999, que les dotations indexées sur les recettes fiscales de l'Etat progresseraient de 5,88 % et que les enveloppes indexées sur la formation brute de capital fixe des administrations publiques connaîtraient une hausse de 3,8 %.

Le rapporteur spécial a relevé que le projet de loi de finances prévoyait une baisse du montant de la variable d'ajustement de 12 %, et que cette baisse avait été ramenée à 9,3 % à la suite des amendements adoptés en première lecture de la présente loi de finances par l'Assemblée nationale. Il a souligné que l'amendement adopté par la commission des finances du Sénat stabilisait la baisse à son niveau de 1998, soit 4,8 %.

Puis, M. Michel Mercier est revenu sur le caractère peu novateur du contrat de croissance, en insistant sur l'ampleur du sacrifice financier pour les collectivités locales que constitue l'existence d'une enveloppe normée. Il a fait valoir que le montant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle des collectivités non éligibles à une dotation de solidarité baisserait de 23,6 % en 1999 dans le dispositif proposé par le Gouvernement, et de 15 % si l'amendement proposé par la commission des finances était adopté.

Le rapporteur spécial a constaté que la péréquation entre collectivités locales constituait l'un des axes de la politique du Gouvernement. Il a regretté que les mécanismes à l'oeuvre dans les dispositions du projet de loi de finances pour 1999 se traduisent par une recentralisation des ressources dans les mains de l'Etat, qui les répartit ensuite selon des critères qu'il détermine seul. Il a estimé que la péréquation ne devait pas consister à limiter les ressources fiscales des collectivités locales pour les redistribuer ensuite, mais à orienter les crédits budgétaires prioritairement vers les collectivités les moins favorisées.

S'agissant de la future réforme de l'intercommunalité, fondée sur l'adoption de la taxe professionnelle d'agglomération, et de sa compatibilité avec la réforme de la taxe professionnelle contenue dans la présente loi de finances, M. Michel Mercier a regretté que la taxe professionnelle unique ne soit pas érigée en droit commun de l'intercommunalité. Il a également estimé que, dès lors que le taux de la taxe professionnelle d'agglomération ne serait plus voté par la même collectivité que le taux des impôts reposant sur les ménages, la règle de liaison des taux perdait de sa pertinence et devait évoluer.

S'agissant de la révision des bases cadastrales, il a estimé que cette réforme devait être effectuée de manière prudente et s'est interrogé sur la nécessité du maintien du prélèvement additionnel décidé en 1990 pour financer les travaux de révision, ces derniers étant achevés depuis 1992.

Enfin, M. Michel Mercier s'est félicité de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement, largement inspiré d'un texte adopté par le Sénat en 1998, et permettant aux collectivités locales qui réalisent des travaux d'intérêt général ou liés à la sauvegarde de la sécurité publique sur des terrains dont elles n'ont pas la propriété, de bénéficier du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

M. Daniel Hoeffel , rapporteur pour avis de la commission des lois , a tout d'abord déploré que le montant des concours financiers de l'Etat pour 1999 ait été décidé par le Gouvernement sans tenir compte de l'évolution des charges nouvelles imposées aux collectivités locales.

Il a ensuite considéré qu'il était "aberrant" de supprimer un tiers de l'assiette de la taxe professionnelle quelques mois avant la discussion d'un texte qui entend promouvoir la taxe professionnelle d'agglomération.

Enfin, M. Daniel Hoeffel a jugé que la révision des bases cadastrales n'était pas envisageable avant que des simulations précises aient été rendues publiques.

En réponse, M. Michel Mercier a considéré que l'une des conditions du succès du contrat était la limitation des transferts de charges nouvelles aux collectivités locales. Il a déclaré que les dépenses liées à l'assurance maladie universelle viendraient s'ajouter, en 1999, aux conséquences des décisions prises par l'actuel Gouvernement depuis son arrivée au pouvoir, telles que l'accord salarial dans la fonction publique du 10 février 1998, les emplois-jeunes ou le doublement des versements aux fonds de solidarité pour le logement. Il a rappelé que la période du pacte de stabilité avait été caractérisée par l'absence de transferts de charges.

M. René Trégouët s'est interrogé sur la possibilité, pour les collectivités locales, de bénéficier du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée pour les opérations de location d'équipements de nouvelles technologies au bénéfice des établissements scolaires, que le ministre de l'éducation nationale entend faire supporter aux collectivités locales.

Il a également attiré l'attention des commissaires sur les conséquences de la décision du Gouvernement de soumettre les opérations de ventes d'ateliers-relais au prix du marché, en dépit des contrats déjà passés entre les industriels et les collectivités locales.

En réponse, M. Michel Mercier a souscrit à l'idée de faire évoluer les critères d'éligibilité au FCTVA afin de prendre en compte les opérations de locations souhaitées par le ministre de l'éducation nationale.

S'agissant des ateliers-relais, il a rappelé que les collectivités locales situées dans des secteurs difficiles procédaient à des opérations d'immobilier d'entreprise pour encourager les investissements sur leur territoire, et que les dispositifs de location-vente mis en place tenaient compte des subventions publiques.

Il a considéré que la décision du Gouvernement retirait leur caractère incitatif à ces opérations. Il a estimé que cette question n'aurait pas du être réglée dans l'urgence, mais dans le cadre du projet de loi sur les interventions économiques des collectivités locales, qui sera présenté au Parlement l'année prochaine. Il a fait part de son souhait d'interroger le Gouvernement sur ce point.

M. Philippe Adnot a contesté la disposition du projet de loi relatif à l'intercommunalité consistant à encourager les regroupements en accroissant le montant de la dotation globale de fonctionnement par habitant des nouvelles communautés d'agglomération. Constatant que les entreprises qui se regroupaient faisaient des économies d'échelle et réduisaient leurs dépenses de fonctionnement, il a estimé qu'il devait en être de même pour les collectivités locales. Il a jugé préférable de mettre en place une incitation reposant sur une dotation d'investissement.

La commission a alors adopté le rapport de M. Michel Mercier et les crédits de la décentralisation.


1 Le reprise des investissements n'est pas une réalité pour toutes les catégories de collectivités. Ainsi, dans une étude sur les bilans primitifs des régions en 1998, la direction générale des collectivités locales relève que les dépenses d'investissement des régions devraient diminuer de 1,2% en 1998.

2 BIS, n°29, octobre 1998.

3 Toutefois, la DCTP peut également faire l'objet d'abondement " hors enveloppe normée ", comme ce fut le cas pendant les trois années du pacte (cf I. C. 5)

4 La DCTP est la variable d'ajustement de l'enveloppe normée. En conséquence, si les dotations qui composent l'enveloppe normée augmentant à un rythme supérieur au montant total des concours, le montant de la variable d'ajustement diminue.

5 L'article 21 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications prévoit que l'Etat " utilise " le produit de la fiscalité locale de la Poste et de France Télécom, qu'il perçoit, pour financer la compensation de l'abattement général de 16% sur les bases de la taxe professionnelle introduit dans la loi de finances pour 1987. Lorsque le montant de la compensation (en réalité, du montant versé en 1994 indexé sur les prix à la consommation) est inférieur au produit perçu, le surplus est versé au FNPTP.

6 Question n°15316 du 8 juin 1998. Réponse publiée au JO du 26 octobre 1998.

7 Le gouvernement n'a pas précisé les modalités de la compensation qu'il entendait mettre en oeuvre au profit des régions, qui ne perçoivent pas de DGF.

8 Votre rapporteur rappelle que, sous couvert de péréquation, le gouvernement a accepté cet amendement, présenté par la commission des finances de l'Assemblée nationale, afin de gager l'augmentation de l'enveloppe, réaffirmant ainsi sa politique de strict encadrement des ressources des collectivités locales.

9 Groupe de travail n° 6 sur les politiques de développement régional (DT/REG(97)10), Les politiques régionales dans les années 90 : réorientation vers une recherche de la compétitivité et des partenariats avec les niveaux infrarégionaux, 16-17 décembre 1997.

10 La taxe professionnelle représente la moitié des ressources fiscales directes des collectivités locales. Pour les communes, l'écart maximal de taxe professionnelle varie de 1 à 44.

11 BIS, n°29, octobre 1998.



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