N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME II

FAMILLE

Par M. Jacques MACHET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 11 ème législ.) : 1106 , 1147 , 1148 et T.A. 192 .

Sénat : 50 et 56 (1998-1999).


Sécurité sociale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. JEAN-PAUL PROBST, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES

Réunie le mercredi 21 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Paul Probst, président de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) .

M. Jean-Paul Probst a rappelé que le Conseil d'administration de la CNAF avait émis un avis positif par 10 voix sur 33 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il a ajouté qu'il y avait eu en outre 8 votes négatifs, 13 abstentions et 2 prises d'acte.

Soulignant que le climat dans lequel s'était déroulé le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 au sein du conseil d'administration était plus serein que l'année précédente, marquée par la mise sous condition de ressources des allocations familiales, M. Jean-Paul Probst a fait part de la satisfaction du conseil d'administration à l'égard des mesures positives contenues ou incluses dans le projet de loi : retour à l'universalité des allocations familiales, généralisation de l'allocation de rentrée scolaire (ARS), recul de 19 à 20 ans de l'âge limite pour l'ouverture du droit aux prestations familiales, revalorisation des aides au logement et augmentation des moyens financiers de l'action sociale de la branche famille.

M. Jean-Paul Probst a indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 soulevait néanmoins un certain nombre d'interrogations et comprenait plusieurs incertitudes.

Il a tout d'abord évoqué la question de l'éventuelle non-compensation des exonérations de charges sociales patronales au titre de la réduction du temps de travail. Rappelant que toute exonération de charges sociales devait être compensée par l'Etat depuis juillet 1994, M. Jean-Paul Probst a déploré que la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ait été assortie d'une déclaration du Gouvernement ne prévoyant qu'une compensation partielle des exonérations de charges sociales qu'elle comportait. Il a jugé cette situation inacceptable pour trois raisons : premièrement, elle dérogeait à la loi du 25 juillet 1994, deuxièmement, elle modifiait les règles du jeu selon des critères que les partenaires sociaux ne maîtrisaient pas, enfin, elle créait un précédent fâcheux en matière de mécanismes d'exonération.

M. Jean-Paul Probst a indiqué que, selon les dernières informations qui lui avaient été communiquées par le ministère de l'emploi et de la solidarité, l'Etat s'engageait à compenser seulement les deux tiers des exonérations de charges sociales résultant de la réduction du temps de travail. M. Jean-Paul Probst a conclu que cette compensation, qui ne portait pas sur la totalité des exonérations de charges sociales, n'était pas satisfaisante.

Evoquant une autre disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 qui avait suscité un certain débat au sein du Conseil d'administration de la CNAF, M. Jean-Paul Probst a attiré l'attention de la commission sur le taux de revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales décidée par le Gouvernement. Il a rappelé que la base mensuelle des allocations familiales -à partir de laquelle sont calculées les prestations familiales- avait été revalorisée de 1,3 % au 1 er janvier 1998 alors que les prévisions actualisées d'inflation pour l'année 1998 s'établissaient à 0,8 % ; le Gouvernement avait donc choisi de rattraper ces 0,5 % de gain de pouvoir d'achat sur la revalorisation prévue au 1 er janvier 1999, laquelle s'établissait finalement à 0,7 % pour une inflation prévisionnelle de 1,2 %. Il a jugé cette revalorisation insuffisante et il s'est étonné que le Gouvernement ait fait le choix de revaloriser de 1,2 % les pensions de retraite et de 0,7 % seulement les prestations familiales.

Evoquant le report de 10 à 11 ans et de 15 à 16 ans des majorations pour âge des allocations familiales, M. Jean-Paul Probst a considéré que cette mesure serait difficilement explicable aux familles et il a regretté que l'on renonce ainsi à poursuivre l'effort nécessaire en faveur des intéressés.

M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille , a considéré que la prise en charge de l'allocation de parent isolé (API) par le budget de l'Etat apparaissait avant tout comme un moyen de financer le retour à l'universalité des allocations familiales par la diminution du plafond du quotient familial.

Il s'est demandé si, eu égard à l'excédent prévisionnel de la branche famille en 1999, ce montage financier s'imposait véritablement. Il a souhaité connaître les engagements obtenus par la CNAF quant à la pérennité de la prise en charge par l'Etat de l'API.

M. Jacques Machet a interrogé M. Jean-Paul Probst sur l'appréciation que celui-ci portait, au regard des objectifs de la politique familiale, sur la diminution du plafond du quotient familial prévue par la loi de finances pour 1999.

Evoquant l'excédent que devrait connaître la branche famille à la fin de l'année 1999, M. Jacques Machet a demandé si ce dernier serait mis en réserve au profit de ladite branche. Il s'est enquis des risques d'une éventuelle ponction sur cet excédent pour financer le déficit des autres branches et il a interrogé M. Jean-Paul Probst sur l'utilisation de cet excédent.

Enfin, il a souhaité connaître les propositions de la CNAF pour simplifier le système des prestations familiales et pour clarifier les actions financées par le fonds national d'action sociale.

M. Jean Delaneau, président , a demandé à M. Jean-Paul Probst quelles réflexions lui inspirait la création, par le Gouvernement, d'une délégation interministérielle à la famille.

En réponse à M. Jean Delaneau, M. Jean-Paul Probst a considéré que la création d'une telle délégation était, en principe, une bonne idée, dans la mesure où la politique familiale reposait sur une multitude de dispositifs et d'intervenants et où elle présentait indéniablement un caractère transversal. Il a indiqué qu'il entendait juger le délégué interministériel à la famille sur ses actions.

En réponse à M. Jacques Machet, M. Jean-Paul Probst a rappelé que la mise sous conditions de ressources des allocations familiales s'était traduite par la suppression de cette prestation pour 350.000 familles et la perception d'une allocation différentielle pour 35.000 autres familles. Il a constaté que la diminution du plafond du quotient familial avait été présentée par le Gouvernement comme la nécessaire contrepartie du retour à l'universalité des allocations familiales. Après avoir ajouté que la CNAF s'était efforcée de définir un mécanisme permettant de transférer du budget de l'Etat vers la CNAF les sommes ainsi perçues au titre de la diminution du quotient familial, M. Jean-Paul Probst a précisé que le choix s'était finalement porté sur une prise en charge par l'Etat de l'API dont le montant représentait une dépense équivalente aux rentrées fiscales induites par la diminution du plafond du quotient familial. Il a relevé qu'il ne disposait d'aucune garantie particulière quant à la pérennité de la prise en charge par l'Etat de l'API.

Evoquant l'excédent prévisionnel de la CNAF en 1999, M. Jean-Paul Probst a souligné que celui-ci reposait sur des hypothèses macro-économiques très favorables (1,2 % d'inflation, 2,7 % de croissance et 4,3 % de croissance de la masse salariale). Il a noté qu'il conviendrait d'observer si ces hypothèses se réalisaient effectivement.

M. Jean-Paul Probst a considéré que l'affectation des excédents futurs de la branche famille au fonds de réserve pour les retraites, créé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, violerait le principe de séparation des branches de la sécurité sociale. Il s'est élevé contre l'éventualité d'une telle pratique qui renouerait avec les " démons du passé ", lorsque les dérapages de certaines branches se faisaient au détriment de la politique familiale.

S'agissant de la prise en charge par l'Etat de l'API, M. Jean-Paul Probst a fait observer que certaines organisations syndicales craignaient que cette mesure n'aboutisse à terme à une fusion de l'API et du revenu minimum d'insertion (RMI), ce qui serait inacceptable.

Evoquant l'utilisation des excédents éventuels de la branche famille dans les prochaines années, M. Jean-Paul Probst a distingué trois priorités : une meilleure prise en charge des grands enfants, de la petite enfance et une amélioration des prestations logement.

M. Jean-Paul Probst a également déclaré que la CNAF, contrairement à certaines associations familiales, n'avait jamais demandé l'abaissement du plafond du quotient familial.

Considérant que l'évaluation de l'action sociale menée par la branche famille devait être encore affinée, M. Jean-Paul Probst a indiqué que serait adopté, avant la fin de l'année, un avenant consacré à l'action sociale dans la convention d'objectifs et de gestion liant la CNAF et l'Etat. Il a précisé que cet avenant comprendrait des outils et des techniques d'évaluation.

Après avoir rappelé que les actions menées au niveau local par les caisses d'allocations familiales s'effectuaient sous la double tutelle de la CNAF et des directions régionales de l'action sanitaire et sociale (DRASS), M. Jean-Paul Probst a souligné que l'évaluation devait être de plus en plus qualitative et a regretté que le décret relatif aux mécanismes d'évaluation de l'action sociale, prévu par la loi famille de juillet 1994, ne soit toujours pas paru.

M. Jean-Paul Probst s'est également dit favorable à une simplification des prestations logement dont la législation s'avérait excessivement complexe.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et de l'assurance maladie , a souhaité connaître l'impact sur les recettes de la branche famille d'une diminution d'un point de la croissance de la masse salariale. Il a interrogé M. Jean-Paul Probst sur la position de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) à l'égard de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Après avoir indiqué que la réponse à la première question de M. Charles Descours nécessitait une évaluation chiffrée, M. Jean-Paul Probst a affirmé que la CFTC était favorable à un élargissement de l'assiette des cotisations patronales. Il a cependant considéré qu'une éventuelle décision sur le sujet devait être précédée d'une large concertation, de simulations approfondies et d'une démarche auprès de nos partenaires européens afin de favoriser un minimum de convergence sur ces questions.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse , s'est interrogé sur les conséquences de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (PACS) sur la politique familiale et les prestations versées par la branche famille. Il a considéré que la diminution du plafond du quotient familial répondait à une préoccupation essentiellement idéologique et n'était en rien justifiée par la situation financière de la branche famille. Il a souhaité connaître les répercussions sur le pouvoir d'achat des familles de la mise sous condition de ressources des allocations familiales puis de l'abaissement du plafond du quotient familial.

Après avoir déclaré qu'il convenait de favoriser le développement de petites structures pour la garde des enfants, M. Alain Gournac a dénoncé la multiplication des normes qui tuait toute initiative en faveur de l'accueil de la petite enfance. Il a considéré qu'il convenait de simplifier le fonctionnement des relais assistantes-maternelles mis en place par les caisses d'allocations familiales et il s'est inquiété de la disparition progressive des conseillères en économie familiale et sociale.

Après avoir rappelé le succès rencontré par l'allocation parentale d'éducation (APE), M. Jean Chérioux a souhaité connaître l'évolution et les perspectives de cette prestation.

M. Guy Fischer a souhaité savoir si l'extension des allocations familiales aux familles d'un enfant était un projet envisageable. Il s'est inquiété de la crise que connaissaient beaucoup de centres sociaux, frappés par la diminution des participations financières des caisses d'allocations familiales.

M. Martial Taugourdeau a souligné les effets pervers de certaines pratiques des caisses d'allocations familiales en matière d'avances et de remboursement de trop-perçus. Il a jugé que les prélèvements effectués à ce titre sur les versements ultérieurs de prestations familiales accroissaient souvent les difficultés des familles concernées. Il s'est inquiété du devenir des assistantes sociales des caisses d'allocations familiales.

En réponse à M. Alain Vasselle, M. Jean-Paul Probst a précisé que la CNAF n'avait pas été saisie officiellement de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité. Il a cependant jugé que ce texte était susceptible de provoquer des difficultés pratiques considérables pour toutes les branches de la sécurité sociale.

M. Jean-Paul Probst a également considéré que la mise sous condition de ressources des allocations familiales n'était pas véritablement nécessaire au rééquilibrage de la branche famille. Il s'est dit convaincu que si l'objectif avait été uniquement de rééquilibrer la branche, d'autres mesures auraient été envisageables. Il a jugé que la diminution du plafond du quotient familial apparaissait comme un moyen de financer l'opération correctrice que constituait le rétablissement de l'universalité des allocations familiales.

Après avoir noté qu'il n'existait pas d'étude concernant l'éventuelle baisse de pouvoir d'achat des familles concernées par les dispositions votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, M. Jean-Paul Probst a souligné que certaines familles avaient été victimes de l'effet conjugué de la suppression des allocations familiales, de la diminution de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et de l'abaissement de la déduction fiscale pour les emplois à domicile. Il a considéré que la diminution du plafond du quotient familial se ferait sentir avec un certain décalage dans le temps et que cette mesure toucherait essentiellement les classes moyennes.

En réponse à M. Alain Gournac, M. Jean-Paul Probst a reconnu que la multiplicité des normes constituait un véritable problème, qui n'était cependant pas du ressort des caisses d'allocations familiales mais du ministère de l'emploi et de la solidarité. Après avoir pris bonne note des remarques de M. Alain Gournac concernant les relais assistantes-maternelles, il a précisé que le rôle des assistantes sociales des caisses d'allocations familiales évoluerait vers la prévention et vers des missions proches de celles des conseillères en économie familiale et sociale.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Jean-Paul Probst a indiqué que l'allocation parentale d'éducation concernait 500.000 bénéficiaires environ et que cette prestation était demandée de plus en plus fréquemment à taux plein et de plus en plus rarement à taux partiel.

En réponse à M. Guy Fischer, M. Jean-Paul Probst a fait valoir que le versement des allocations familiales dès le premier enfant ne pouvait s'effectuer à enveloppe financière constante. Evoquant la crise que connaissent certains centres sociaux, il a souligné que les caisses d'allocations familiales ne se désengageaient pas mais qu'elles préféraient désormais financer des projets plutôt que des structures.

En réponse à M. Martial Taugourdeau, M. Jean-Paul Probst a indiqué qu'il avait proposé aux pouvoirs publics des mécanismes permettant de limiter la part des prestations familiales pouvant donner lieu à récupération de trop-perçus. Il a considéré qu'il s'agissait là d'une véritable question de survie pour un certain nombre de familles.

Page mise à jour le

Partager cette page