Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale,

MACHET (Jacques)

RAPPORT 58 (98-99), Tome II - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Table des matières




N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME II

FAMILLE

Par M. Jacques MACHET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 11 ème législ.) : 1106 , 1147 , 1148 et T.A. 192 .

Sénat : 50 et 56 (1998-1999).


Sécurité sociale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. JEAN-PAUL PROBST, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES

Réunie le mercredi 21 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Paul Probst, président de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) .

M. Jean-Paul Probst a rappelé que le Conseil d'administration de la CNAF avait émis un avis positif par 10 voix sur 33 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il a ajouté qu'il y avait eu en outre 8 votes négatifs, 13 abstentions et 2 prises d'acte.

Soulignant que le climat dans lequel s'était déroulé le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 au sein du conseil d'administration était plus serein que l'année précédente, marquée par la mise sous condition de ressources des allocations familiales, M. Jean-Paul Probst a fait part de la satisfaction du conseil d'administration à l'égard des mesures positives contenues ou incluses dans le projet de loi : retour à l'universalité des allocations familiales, généralisation de l'allocation de rentrée scolaire (ARS), recul de 19 à 20 ans de l'âge limite pour l'ouverture du droit aux prestations familiales, revalorisation des aides au logement et augmentation des moyens financiers de l'action sociale de la branche famille.

M. Jean-Paul Probst a indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 soulevait néanmoins un certain nombre d'interrogations et comprenait plusieurs incertitudes.

Il a tout d'abord évoqué la question de l'éventuelle non-compensation des exonérations de charges sociales patronales au titre de la réduction du temps de travail. Rappelant que toute exonération de charges sociales devait être compensée par l'Etat depuis juillet 1994, M. Jean-Paul Probst a déploré que la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ait été assortie d'une déclaration du Gouvernement ne prévoyant qu'une compensation partielle des exonérations de charges sociales qu'elle comportait. Il a jugé cette situation inacceptable pour trois raisons : premièrement, elle dérogeait à la loi du 25 juillet 1994, deuxièmement, elle modifiait les règles du jeu selon des critères que les partenaires sociaux ne maîtrisaient pas, enfin, elle créait un précédent fâcheux en matière de mécanismes d'exonération.

M. Jean-Paul Probst a indiqué que, selon les dernières informations qui lui avaient été communiquées par le ministère de l'emploi et de la solidarité, l'Etat s'engageait à compenser seulement les deux tiers des exonérations de charges sociales résultant de la réduction du temps de travail. M. Jean-Paul Probst a conclu que cette compensation, qui ne portait pas sur la totalité des exonérations de charges sociales, n'était pas satisfaisante.

Evoquant une autre disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 qui avait suscité un certain débat au sein du Conseil d'administration de la CNAF, M. Jean-Paul Probst a attiré l'attention de la commission sur le taux de revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales décidée par le Gouvernement. Il a rappelé que la base mensuelle des allocations familiales -à partir de laquelle sont calculées les prestations familiales- avait été revalorisée de 1,3 % au 1 er janvier 1998 alors que les prévisions actualisées d'inflation pour l'année 1998 s'établissaient à 0,8 % ; le Gouvernement avait donc choisi de rattraper ces 0,5 % de gain de pouvoir d'achat sur la revalorisation prévue au 1 er janvier 1999, laquelle s'établissait finalement à 0,7 % pour une inflation prévisionnelle de 1,2 %. Il a jugé cette revalorisation insuffisante et il s'est étonné que le Gouvernement ait fait le choix de revaloriser de 1,2 % les pensions de retraite et de 0,7 % seulement les prestations familiales.

Evoquant le report de 10 à 11 ans et de 15 à 16 ans des majorations pour âge des allocations familiales, M. Jean-Paul Probst a considéré que cette mesure serait difficilement explicable aux familles et il a regretté que l'on renonce ainsi à poursuivre l'effort nécessaire en faveur des intéressés.

M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille , a considéré que la prise en charge de l'allocation de parent isolé (API) par le budget de l'Etat apparaissait avant tout comme un moyen de financer le retour à l'universalité des allocations familiales par la diminution du plafond du quotient familial.

Il s'est demandé si, eu égard à l'excédent prévisionnel de la branche famille en 1999, ce montage financier s'imposait véritablement. Il a souhaité connaître les engagements obtenus par la CNAF quant à la pérennité de la prise en charge par l'Etat de l'API.

M. Jacques Machet a interrogé M. Jean-Paul Probst sur l'appréciation que celui-ci portait, au regard des objectifs de la politique familiale, sur la diminution du plafond du quotient familial prévue par la loi de finances pour 1999.

Evoquant l'excédent que devrait connaître la branche famille à la fin de l'année 1999, M. Jacques Machet a demandé si ce dernier serait mis en réserve au profit de ladite branche. Il s'est enquis des risques d'une éventuelle ponction sur cet excédent pour financer le déficit des autres branches et il a interrogé M. Jean-Paul Probst sur l'utilisation de cet excédent.

Enfin, il a souhaité connaître les propositions de la CNAF pour simplifier le système des prestations familiales et pour clarifier les actions financées par le fonds national d'action sociale.

M. Jean Delaneau, président , a demandé à M. Jean-Paul Probst quelles réflexions lui inspirait la création, par le Gouvernement, d'une délégation interministérielle à la famille.

En réponse à M. Jean Delaneau, M. Jean-Paul Probst a considéré que la création d'une telle délégation était, en principe, une bonne idée, dans la mesure où la politique familiale reposait sur une multitude de dispositifs et d'intervenants et où elle présentait indéniablement un caractère transversal. Il a indiqué qu'il entendait juger le délégué interministériel à la famille sur ses actions.

En réponse à M. Jacques Machet, M. Jean-Paul Probst a rappelé que la mise sous conditions de ressources des allocations familiales s'était traduite par la suppression de cette prestation pour 350.000 familles et la perception d'une allocation différentielle pour 35.000 autres familles. Il a constaté que la diminution du plafond du quotient familial avait été présentée par le Gouvernement comme la nécessaire contrepartie du retour à l'universalité des allocations familiales. Après avoir ajouté que la CNAF s'était efforcée de définir un mécanisme permettant de transférer du budget de l'Etat vers la CNAF les sommes ainsi perçues au titre de la diminution du quotient familial, M. Jean-Paul Probst a précisé que le choix s'était finalement porté sur une prise en charge par l'Etat de l'API dont le montant représentait une dépense équivalente aux rentrées fiscales induites par la diminution du plafond du quotient familial. Il a relevé qu'il ne disposait d'aucune garantie particulière quant à la pérennité de la prise en charge par l'Etat de l'API.

Evoquant l'excédent prévisionnel de la CNAF en 1999, M. Jean-Paul Probst a souligné que celui-ci reposait sur des hypothèses macro-économiques très favorables (1,2 % d'inflation, 2,7 % de croissance et 4,3 % de croissance de la masse salariale). Il a noté qu'il conviendrait d'observer si ces hypothèses se réalisaient effectivement.

M. Jean-Paul Probst a considéré que l'affectation des excédents futurs de la branche famille au fonds de réserve pour les retraites, créé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, violerait le principe de séparation des branches de la sécurité sociale. Il s'est élevé contre l'éventualité d'une telle pratique qui renouerait avec les " démons du passé ", lorsque les dérapages de certaines branches se faisaient au détriment de la politique familiale.

S'agissant de la prise en charge par l'Etat de l'API, M. Jean-Paul Probst a fait observer que certaines organisations syndicales craignaient que cette mesure n'aboutisse à terme à une fusion de l'API et du revenu minimum d'insertion (RMI), ce qui serait inacceptable.

Evoquant l'utilisation des excédents éventuels de la branche famille dans les prochaines années, M. Jean-Paul Probst a distingué trois priorités : une meilleure prise en charge des grands enfants, de la petite enfance et une amélioration des prestations logement.

M. Jean-Paul Probst a également déclaré que la CNAF, contrairement à certaines associations familiales, n'avait jamais demandé l'abaissement du plafond du quotient familial.

Considérant que l'évaluation de l'action sociale menée par la branche famille devait être encore affinée, M. Jean-Paul Probst a indiqué que serait adopté, avant la fin de l'année, un avenant consacré à l'action sociale dans la convention d'objectifs et de gestion liant la CNAF et l'Etat. Il a précisé que cet avenant comprendrait des outils et des techniques d'évaluation.

Après avoir rappelé que les actions menées au niveau local par les caisses d'allocations familiales s'effectuaient sous la double tutelle de la CNAF et des directions régionales de l'action sanitaire et sociale (DRASS), M. Jean-Paul Probst a souligné que l'évaluation devait être de plus en plus qualitative et a regretté que le décret relatif aux mécanismes d'évaluation de l'action sociale, prévu par la loi famille de juillet 1994, ne soit toujours pas paru.

M. Jean-Paul Probst s'est également dit favorable à une simplification des prestations logement dont la législation s'avérait excessivement complexe.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et de l'assurance maladie , a souhaité connaître l'impact sur les recettes de la branche famille d'une diminution d'un point de la croissance de la masse salariale. Il a interrogé M. Jean-Paul Probst sur la position de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) à l'égard de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Après avoir indiqué que la réponse à la première question de M. Charles Descours nécessitait une évaluation chiffrée, M. Jean-Paul Probst a affirmé que la CFTC était favorable à un élargissement de l'assiette des cotisations patronales. Il a cependant considéré qu'une éventuelle décision sur le sujet devait être précédée d'une large concertation, de simulations approfondies et d'une démarche auprès de nos partenaires européens afin de favoriser un minimum de convergence sur ces questions.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse , s'est interrogé sur les conséquences de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (PACS) sur la politique familiale et les prestations versées par la branche famille. Il a considéré que la diminution du plafond du quotient familial répondait à une préoccupation essentiellement idéologique et n'était en rien justifiée par la situation financière de la branche famille. Il a souhaité connaître les répercussions sur le pouvoir d'achat des familles de la mise sous condition de ressources des allocations familiales puis de l'abaissement du plafond du quotient familial.

Après avoir déclaré qu'il convenait de favoriser le développement de petites structures pour la garde des enfants, M. Alain Gournac a dénoncé la multiplication des normes qui tuait toute initiative en faveur de l'accueil de la petite enfance. Il a considéré qu'il convenait de simplifier le fonctionnement des relais assistantes-maternelles mis en place par les caisses d'allocations familiales et il s'est inquiété de la disparition progressive des conseillères en économie familiale et sociale.

Après avoir rappelé le succès rencontré par l'allocation parentale d'éducation (APE), M. Jean Chérioux a souhaité connaître l'évolution et les perspectives de cette prestation.

M. Guy Fischer a souhaité savoir si l'extension des allocations familiales aux familles d'un enfant était un projet envisageable. Il s'est inquiété de la crise que connaissaient beaucoup de centres sociaux, frappés par la diminution des participations financières des caisses d'allocations familiales.

M. Martial Taugourdeau a souligné les effets pervers de certaines pratiques des caisses d'allocations familiales en matière d'avances et de remboursement de trop-perçus. Il a jugé que les prélèvements effectués à ce titre sur les versements ultérieurs de prestations familiales accroissaient souvent les difficultés des familles concernées. Il s'est inquiété du devenir des assistantes sociales des caisses d'allocations familiales.

En réponse à M. Alain Vasselle, M. Jean-Paul Probst a précisé que la CNAF n'avait pas été saisie officiellement de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité. Il a cependant jugé que ce texte était susceptible de provoquer des difficultés pratiques considérables pour toutes les branches de la sécurité sociale.

M. Jean-Paul Probst a également considéré que la mise sous condition de ressources des allocations familiales n'était pas véritablement nécessaire au rééquilibrage de la branche famille. Il s'est dit convaincu que si l'objectif avait été uniquement de rééquilibrer la branche, d'autres mesures auraient été envisageables. Il a jugé que la diminution du plafond du quotient familial apparaissait comme un moyen de financer l'opération correctrice que constituait le rétablissement de l'universalité des allocations familiales.

Après avoir noté qu'il n'existait pas d'étude concernant l'éventuelle baisse de pouvoir d'achat des familles concernées par les dispositions votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, M. Jean-Paul Probst a souligné que certaines familles avaient été victimes de l'effet conjugué de la suppression des allocations familiales, de la diminution de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et de l'abaissement de la déduction fiscale pour les emplois à domicile. Il a considéré que la diminution du plafond du quotient familial se ferait sentir avec un certain décalage dans le temps et que cette mesure toucherait essentiellement les classes moyennes.

En réponse à M. Alain Gournac, M. Jean-Paul Probst a reconnu que la multiplicité des normes constituait un véritable problème, qui n'était cependant pas du ressort des caisses d'allocations familiales mais du ministère de l'emploi et de la solidarité. Après avoir pris bonne note des remarques de M. Alain Gournac concernant les relais assistantes-maternelles, il a précisé que le rôle des assistantes sociales des caisses d'allocations familiales évoluerait vers la prévention et vers des missions proches de celles des conseillères en économie familiale et sociale.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Jean-Paul Probst a indiqué que l'allocation parentale d'éducation concernait 500.000 bénéficiaires environ et que cette prestation était demandée de plus en plus fréquemment à taux plein et de plus en plus rarement à taux partiel.

En réponse à M. Guy Fischer, M. Jean-Paul Probst a fait valoir que le versement des allocations familiales dès le premier enfant ne pouvait s'effectuer à enveloppe financière constante. Evoquant la crise que connaissent certains centres sociaux, il a souligné que les caisses d'allocations familiales ne se désengageaient pas mais qu'elles préféraient désormais financer des projets plutôt que des structures.

En réponse à M. Martial Taugourdeau, M. Jean-Paul Probst a indiqué qu'il avait proposé aux pouvoirs publics des mécanismes permettant de limiter la part des prestations familiales pouvant donner lieu à récupération de trop-perçus. Il a considéré qu'il s'agissait là d'une véritable question de survie pour un certain nombre de familles.

II. AUDITION DE M. PIERRE-LOUIS RÉMY, DÉLÉGUÉ INTERMINISTÉRIEL À LA FAMILLE

Réunie le mercredi 14 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre-Louis Rémy, délégué interministériel à la famille, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 .

M. Pierre-Louis Rémy a tout d'abord fait valoir que toutes les familles étaient utiles à la société et que la famille constituait un espace de solidarité et de construction des repères pour l'enfant. Il était par conséquent de la responsabilité de la collectivité d'apporter son appui aux familles.

Evoquant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, M. Pierre-Louis Rémy a indiqué que le volet famille de ce texte comportait trois éléments : tout d'abord, le retour à l'universalité des allocations familiales, ensuite un souci de justice qui se traduisait par des mesures diverses (relèvement de 19 à 20 ans de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales, extension du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant, exclusion des majorations pour âge des allocations familiales des ressources prises en compte pour calculer le revenu minimum d'insertion (RMI) et diminution du plafond du quotient familial), enfin la volonté d'aider les parents dans leur fonction parentale.

M. Pierre-Louis Rémy a précisé que la volonté d'aider les parents dans leur fonction parentale se manifestait par une augmentation des crédits du Fonds national d'action sociale de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), le financement d'un réseau d'appui, d'écoute et de soutien aux parents, et des actions visant à favoriser une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale.

S'agissant de la conciliation entre vies professionnelle et familiale, M. Pierre-Louis Rémy a considéré qu'il convenait à la fois de renforcer les services d'accueil aux petits enfants et de prendre de nouvelles initiatives dans le contexte créé par la réduction du temps de travail.

Evoquant la nécessité d'aider les parents dans leur vie quotidienne, le délégué interministériel à la famille a mis particulièrement l'accent sur les actions menées dans le domaine du logement, notamment sur l'augmentation des aides.

Enonçant les axes de travail de la délégation interministérielle à la famille, M. Pierre-Louis Rémy a souligné qu'il convenait de mener un effort particulier en faveur des jeunes adultes, qui appartenaient à une tranche d'âge pour laquelle il était parfois difficile de concilier le besoin d'aide et le respect du désir légitime d'autonomie. Après avoir relevé la part croissante qu'occupaient les personnes âgées dans notre société et le rôle des solidarités inter-générationnelles, il s'est dit convaincu de la nécessité d'imaginer des mécanismes permettant une meilleure articulation entre solidarité collective et solidarité familiale.

M. Jacques Machet , rapporteur pour la famille, a interrogé M. Pierre-Louis Rémy sur les actions que ce dernier entendait mener concrètement, les propositions qu'il comptait formuler au Gouvernement et les moyens dont il disposait. Il a souhaité savoir quelle serait véritablement la mission du comité interministériel de la famille, et selon quelle fréquence celui-ci se réunirait.

M. Jacques Machet s'est également interrogé sur l'utilisation qui pourrait être faite des excédents structurels que devrait connaître la branche famille en 1999, 2000 et 2001. Il s'est demandé, au regard de ces excédents, quelle pouvait être la justification de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales et de la diminution du quotient familial.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a dénoncé le manque de transparence qui caractérisait la gestion des fonds sociaux par les caisses d'allocations familiales. Evoquant le développement des structures d'accueil pour jeunes enfants, elle s'est demandé si l'on n'avait pas atteint un niveau exagéré de médicalisation des équipements collectifs. S'agissant de l'allocation parentale d'éducation, elle a préconisé que cette prestation familiale soit calculée proportionnellement au dernier salaire.

M. Alain Gournac s'est élevé contre les modifications successives du régime des allocations familiales. Après avoir déclaré que les familles avaient aujourd'hui le sentiment d'être quelque peu abandonnées, il a souhaité une clarification des intentions réelles du Gouvernement à leur égard. Il a également suggéré une simplification des prestations familiales et de la répartition des compétences entre les différents acteurs de la politique familiale. Enfin, il s'est inquiété de la multiplication et de la complexité des normes régissant les structures d'accueil des jeunes enfants et le statut des assistantes maternelles.

M. Guy Fischer a souligné l'opacité qui caractérisait les actions menées par les caisses d'allocations familiales en matière de financement des équipements et des centres sociaux. Il a fait valoir que les politiques menées par les caisses d'allocations familiales différaient sensiblement selon les départements et aboutissaient souvent à des transferts de financement aux dépens des collectivités locales.

Après avoir affirmé le rôle essentiel de la structure familiale, M. Guy Fischer a souligné que les familles connaissant des difficultés se heurtaient à la multiplicité des interlocuteurs, ce qui accroissait encore leur désarroi. Il a exprimé le souhait que le délégué interministériel à la famille puisse jouer véritablement un rôle de fédérateur des actions menées par les différents intervenants.

M. Jean-Louis Lorrain s'est félicité du caractère résolument transversal des missions du délégué interministériel à la famille. Il a souhaité que celui-ci puisse faire entendre les demandes des familles. Evoquant la question de la violence dans les familles et les problèmes de délinquance que connaissaient certains jeunes adolescents, M. Jean-Louis Lorrain a considéré qu'il convenait d'apporter une réponse globale à ces situations et non de multiples réponses parcellaires comme c'était encore le cas aujourd'hui.

En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, M. Pierre-Louis Rémy a fait observer que la délégation interministérielle de la famille, créée le 28 juillet dernier, était encore jeune. Il a affirmé son intention d'oeuvrer en faveur d'améliorations concrètes dans la vie des familles et s'est déclaré désireux de développer les contacts avec les acteurs de terrain, notamment les élus locaux et les associations familiales.

Evoquant le programme à la fois ambitieux et modeste qu'il s'était fixé, M. Pierre-Louis Rémy a indiqué que la délégation agirait à trois niveaux : la participation à la réflexion en amont sur la politique familiale, la préparation et le suivi des mesures décidées par le comité interministériel à la famille, et, enfin, une action sur le terrain en faveur de micro-améliorations pour les familles. Il a souhaité profiter du caractère interministériel de sa mission pour obtenir davantage d'améliorations concrètes.

M. Pierre-Louis Rémy a fait valoir qu'il avait refusé la création d'une nouvelle direction de la famille et il a privilégié, au contraire, la constitution d'une équipe de taille restreinte, apte à faire travailler ensemble les directions des différents ministères.

En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard et à M. Guy Fischer, M. Pierre-Louis Rémy a convenu qu'il fallait sans doute introduire plus de transparence et de cohérence dans la politique d'action sociale de la branche famille. Il s'est dit favorable à la définition d'une véritable stratégie reposant sur des priorités nationales et un système de suivi interne.

Répondant à M. Alain Gournac, il a souligné qu'il fallait naturellement un minimum de normes mais que trop de normes tuaient la capacité d'agir. Il a cité l'exemple des crèches parentales, moins prisonnières des normes que les crèches traditionnelles et qui menaient par conséquent une action plus innovante.

En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, M. Pierre-Louis Rémy a estimé qu'il était probablement prématuré de décider aujourd'hui de l'utilisation des excédents futurs de la branche famille. Il a considéré que cette question devrait être évoquée en 1999. Il a indiqué que sa démarche consistait à répondre aux besoins des familles tout en gardant à l'esprit le souci de bien utiliser l'argent public.

M. Pierre-Louis Rémy a également rappelé que la mise sous conditions de ressources des allocations familiales avait été décidée en 1997, dans un contexte fort différent, car caractérisé par un déficit important de la branche famille. Il a considéré que la diminution du plafond du quotient familial répondait à la fois à une nécessité financière, pour financer la prise en charge, par l'Etat, de l'allocation de parent isolé, et à un souci de justice, puisque cette mesure allait concerner uniquement les familles aux revenus les plus élevés.


Mesdames, Messieurs,

Le débat sur le volet relatif à la branche famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 s'engage dans un climat apparemment plus serein que celui de l'année dernière. Le Sénat ne peut que s'en féliciter.

Le Gouvernement est en effet revenu sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales que notre Haute assemblée avait refusée avec vigueur. Cette décision, qui confirme a posteriori les analyses formulées par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, a permis une reprise du dialogue avec les différentes parties prenantes de la politique familiale.

La réunion de la Conférence de la famille le 12 juin 1998 et la création, le 28 juillet, d'une délégation interministérielle à la famille témoignent d'un changement de méthode bienvenue.

Or, malgré le retour à l'excédent de la branche famille, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 s'avère bien décevant : il ne reflète en rien le souci affiché par le Gouvernement de donner une nouvelle impulsion à la politique familiale.

Le Gouvernement mène en réalité une politique familiale en trompe-l'oeil qui consiste essentiellement à reprendre d'une main ce qu'il donne de l'autre.

Le recul du Gouvernement sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales s'accompagne ainsi d'une mesure très critiquable : la diminution brutale du plafond du quotient familial.

De même, les rares mesures positives annoncées par le Gouvernement sont financées par de nouvelles économies réalisées au détriment des familles.

La politique poursuivie par le Gouvernement semble donc avoir pour seul objet de maintenir la branche famille en excédent.

Au moment où une proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (PACS) vient fragiliser l'institution familiale, il est inquiétant de constater que notre pays manque toujours d'une politique familiale ambitieuse à la hauteur des enjeux.

I. LA FAMILLE : UNE BRANCHE EN EXCÉDENT

La situation financière de la branche famille peut s'analyser au travers des comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) qui retracent les recettes et les dépenses de tous les régimes servant des prestations familiales en métropole et dans les départements d'outre-mer.

A. LA BRANCHE FAMILLE DEVRAIT ÊTRE EXCÉDENTAIRE EN 1999

1. La situation financière de la branche famille connaît une nette amélioration

Après avoir été longtemps excédentaire, la branche famille connaissait depuis 1994 des déficits importants : 10,5 milliards de francs, en 1994, 38,9 milliards de francs en 1995 1( * ) , 9,7 milliards de francs en 1996 et 14 milliards de francs en 1997.

Les comptes prévisionnels de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 font en revanche apparaître une nette amélioration du solde de la branche famille qui s'établirait à - 947 millions de francs en 1998 et + 4,052 milliards en 1999 avant les mesures figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre rapporteur tient à rappeler à cette occasion que la branche famille a connu jusqu'en 1993 des excédents réguliers -de 10,7 milliards de francs en 1993, par exemple- qui ont souvent permis de financer les déficits des branches vieillesse et maladie. L'excédent structurel que connaissait alors la branche famille a longtemps servi d'alibi aux prélèvements de toutes sortes qui ont été effectués à ses dépens. La séparation des branches de la sécurité sociale et l'obligation de l'équilibre financier de chacune d'elles, prévue par la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, sont intervenues au moment même où la situation de la branche famille connaissait les premières difficultés.

Variation du fonds de roulement de la branche famille

constatée en 1996 et 1997, prévisionnelle en 1998 et 1999

(en milliards de francs)

1999 (1) : évolution tendancielle avant mesures contenues dans le PLFSS 1999

1999 (2) : évolution tendancielle après mesures contenues dans le PLFSS 1999

Les résultats définitifs de la branche famille présentés dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 font apparaître un déficit de 14 milliards de francs pour 1997 avec près de 257,5 milliards de francs de dépenses pour 243,5 milliards de francs de recettes. Ce déficit est légèrement accru par rapport au solde prévisionnel évalué lors de la Commission des comptes de mai 1998 (- 12,3 milliards de francs) en raison d'un accroissement important des dépenses de 4,8 milliards de francs, notamment au titre des prestations (+ 900 millions de francs) et des transferts (+ 3,4 milliards de francs sur les cotisations d'assurance vieillesse des parents au foyer), et d'une augmentation des recettes de 3,1 milliards de francs.

En 1998, les prévisions font apparaître un déficit de 947 millions de francs, en amélioration par rapport à celui prévu en mai 1998 qui atteignait - 1,8 milliard de francs. Les recettes et les dépenses connaîtraient une croissance plus soutenue du fait de l'intégration dans les comptes de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) annoncée en août 1998, cette intégration étant toutefois neutre sur le solde.

Les difficultés méthodologiques soulevées par la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS)

L'analyse de l'évolution des recettes et des dépenses de la branche famille soulève toujours un problème méthodologique : celui du mode de comptabilisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS).

L'Etat procède en effet à la majoration systématique de l'ARS depuis quelques années. Cette majoration est versée par la branche famille et théoriquement compensée par l'Etat. Cette majoration n'est pourtant jamais acquise et son montant varie d'année en année : elle n'est donc pas comptabilisée dans les prévisions de dépenses figurant dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

L'impact de cette majoration rend donc difficile l'analyse des évolutions de recettes et de dépenses d'une année sur l'autre. Comme le souligne de manière répétée le rapport de la Commission des comptes, " les variations du montant de la majoration d'ARS et sa prise en charge partielle ou totale par l'Etat perturbent assez fortement la structure du compte ". Pour avoir une idée plus précise de l'évolution des comptes de la branche famille, il faut donc parfois " neutraliser " l'impact de la majoration d'ARS. On peut d'ailleurs se demander quelle signification revêt pour le Parlement le vote d'un objectif de dépenses pour la branche famille qui n'intègre pas cette majoration : cette dernière étant devenue quasiment systématique à l'occasion de chaque rentrée scolaire, l'objectif de dépenses est fatalement dépassé de plusieurs milliards. Toutefois, si cette majoration est intégralement compensée par l'Etat, le solde final de la branche n'en est pas affecté, sous réserve de l'impact en trésorerie des retards de remboursement...

En 1999, le solde prévisionnel de la branche famille devrait atteindre + 4,052 milliards de francs, soit un retour à l'excédent pour la première fois depuis six ans.

Si l'on neutralise dans les comptes de la branche famille, en recettes comme en dépenses, la majoration de rentrée scolaire, les recettes ont progressé de 4,5 % en 1998 et devraient augmenter de 2,3 % en 1999, avant les mesures prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Après une diminution de 0,9 % en 1998, les dépenses progresseraient de 3,5 %.

Comptes de la branche famille hors majoration
de l'allocation de rentrée scolaire

(en milliards de francs)

 

1997
(réalisé)

1998 (actualisé)

Evolution (1998/1997)

1999 tendanciel (1)

Evolution (1999/1998)

Recettes

237,134

247,829

+ 4,5 %

253,518

+ 2,3 %

Dépenses

251,110

248,776

- 0,9 %

257,570

+ 3,5 %

Solde

- 13,976

- 0,947

 

- 4,052

 

(1) avant mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999

a) Les recettes de la branche famille

Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998, les recettes de la Caisse nationale d'allocations familiales ont atteint 243,5 milliards de francs en 1997 et devraient s'élever à 254,1 milliards de francs en 1998 et 257,6 milliards de francs en 1999 (hors majoration de l'ARS pour 1999).

Les cotisations

Les recettes de la branche famille sont constituées pour l'essentiel (65,1 % en 1998) de cotisations qui sont entièrement à la charge des employeurs, pour leur personnel salarié ou pour eux-mêmes.

Les recettes de la branche famille

(milliards de francs et pourcentages)

 

1996

1997

1998

1999

Recettes

228,5

100,0

243,5

100,0

254,1

100,0

257,6

100,0

Cotisations métropole

153,3

67,1

158,4

65,0

165,5

65,1

171,3

66,5

Impôts et taxes affectés

45,1

19,7

50,6

20,8

53,9

21,2

57,2

22,2

Transferts reçus

1,5

0,6

1,5

0,6

1,5

0,6

1,6

0,6

Subventions de l'Etat

25,0

11,0

29,0

11,9

29,2

11,5

23,6

9,2

Produits financiers

 
 
 
 

0,2

0,1

0,2

0,1

Recettes diverses

0,7

0,3

0,7

0,3

0,3

0,1

0,3

0,1

Recettes DOM

3,0

1,3

3,4

1,4

3,6

1,4

3,4

1,3

Source : Direction de la sécurité sociale (DEEF)

A compter du 1 er janvier 1990, le déplafonnement des cotisations affectées à la branche famille pour les salariés a été total : le taux de cotisation est ainsi passé de 9 points plafonnés à 7 points déplafonnés, alors que le taux d'équilibre s'établissait à l'époque à 7,35 %. Il n'est pas inutile de rappeler que la Commission des comptes de la sécurité sociale ayant chiffré la perte de recettes à 7 milliards de francs par an, le Gouvernement s'était engagé à compenser intégralement cette perte. Cette compensation s'est faite la première année grâce à un prélèvement sur la taxe sur les tabacs affectée à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Elle a cependant cessé dès la deuxième année avec l'introduction de la CSG qui a conduit à abaisser à 5,4 %, au 1 er février 1991, le taux de cotisations affectées à la branche famille.

Pour les employeurs et travailleurs indépendants (ETI), les cotisations famille ont été totalement déplafonnées à compter du 1 er janvier 1998, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ; le taux est aujourd'hui identique à celui des salariés (5,4 %) et porte sur l'intégralité du revenu professionnel.

S'agissant des régimes spéciaux, le taux de cotisation est fixé par arrêté. Il est de 5,2 % depuis le 1 er janvier 1997 et exclut la part de cotisations affectées à l'action sociale et à la gestion.

Le total des cotisations a atteint 158,4 milliards de francs en 1997 et devrait s'élever à 165,5 milliards de francs en 1998 et 171,3 milliards de francs en 1999.

Après une forte chute en 1997, les cotisations prises en charge par l'Etat continuent à régresser mais de manière plus modérée en 1998 et 1999. Leurs montants passent ainsi de 12,9 milliards de francs en 1997 à 12,7 milliards de francs en 1998 et 12 milliards de francs en 1999. La Commission des comptes de la sécurité sociale explique la baisse observée en 1997 par la ventilation des mesures d'exonération sur les bas salaires sur l'ensemble des branches à compter de cet exercice, alors qu'en 1996, ces montants étaient affectés à la seule branche famille.

Les cotisations des employeurs progressent fortement en 1997 (+ 9,9 %) et leur évolution devrait rester soutenue en 1998 (+ 5,3 %) et 1999 (+ 4,6 %), en raison principalement de la reprise de l'activité économique. La croissance de la masse salariale du secteur privé a ainsi progressé de 3,2 % en 1997, 4,0 % en 1998 et pourrait, selon les estimations avancées par le Gouvernement, augmenter de 4,3 % en 1999 2( * ) .

Les cotisations personnelles des assurés (exploitants agricoles et travailleurs indépendants) connaissent une légère remontée de leur montant en 1998 (+ 2,5 %) et 1999 (+ 1,3 %) après une baisse de 4,6 % en 1997. Cette remontée s'explique principalement par le déplafonnement total de leurs cotisations famille, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale 1998 et entrée en vigueur au 1 er janvier 1998.

Les impôts et taxes affectés, les subventions de l'Etat

Les autres recettes de la Caisse nationale d'allocations familiales sont essentiellement les impôts et taxes affectés ainsi que les subventions de l'Etat qui représentent respectivement 53,9 milliards de francs et 29,2 milliards de francs en 1998, soit 21,2 % et 11,5 % du total des recettes de la branche famille.

Le produit de la CSG augmente fortement en 1997 en raison de l'élargissement de son assiette, puis évolue de manière contrastée en 1998 (- 0,6 %) et 1999 (+ 6,1 %). Le produit du prélèvement de 1 % sur les revenus des valeurs mobilières a été multiplié par quatre en 1998 du fait de l'alignement de son assiette sur celle de la CSG, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Les subventions de l'Etat correspondent à la prise en charge par l'Etat de prestations servies par la branche famille pour le compte de celui-ci : allocation aux adultes handicapés (AAH), aide à la scolarité et majoration de l'allocation de rentrée scolaire (6,3 milliards de francs en 1998).

La garantie de ressources prévu par l'article 34 de la loi famille n'a jamais fonctionné

L'article 34 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille prévoit une garantie de ressources spécifique à la branche famille, assurant à la CNAF des ressources au moins égales, chaque année, au montant qui aurait résulté de la législation et de la réglementation applicable à la date du 1er janvier 1993.

A ce titre, la Commission des comptes de la sécurité sociale est chargée de vérifier le maintien des ressources de la CNAF sur la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998. S'il est constaté que les ressources sont inférieures au montant évoqué, un versement de l'Etat équivalent à cette différence intervient selon les modalités prévues par la loi de finances établie au titre de l'année suivante. Jusqu'à présent, cette garantie de ressources n'a jamais joué, les différentes parties concernées (CNAF, ACOSS, Direction de la sécurité sociale, Ministère de l'agriculture, Direction du Budget) ne parvenant pas à s'accorder sur l'évaluation des pertes ou des gains de recettes enregistrés par la branche famille.

En réalité, deux interprétations de l'article 34 de la loi famille semblent possibles. D'une part, celle de la Direction du Budget qui considère qu'il faut retenir une appréciation globale des ressources de la Caisse nationale d'allocations familiales et qui estime que cette disposition ne s'applique pas seulement aux mesures pénalisantes. D'autre part, celle de la Caisse nationale d'allocations familiales qui considère qu'il faut retenir chaque catégorie de ressources séparément et souligne que la double garantie (article 34 de la loi famille et article L. 131-7 du code de la sécurité sociale) témoigne du souhait du législateur de prendre en compte les seules réductions de ressources, année après année.

Une analyse juridique sur ce point a été demandée au Conseil d'Etat par le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Une prochaine réunion des différentes parties intéressées interviendra après les résultats de cette analyse juridique.

b) Les dépenses de la branche famille

En 1997, les dépenses de la branche famille ont progressé de 8,1 % par rapport à 1996 pour atteindre 257,448 milliards de francs.

Cette évolution provient d'une croissance soutenue des prestations familiales en métropole (+ 5,6 %) en raison de l'augmentation de la majoration d'ARS, d'une poursuite de la progression des prestations dans les DOM (+ 6,8 %) et enfin d'un ajustement à la hausse de 3,4 milliards de francs du transfert versé à la branche vieillesse au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

En 1998, les dépenses devraient atteindre 255,088 milliards de francs, en diminution de 0,9 % par rapport à 1997.

Cette évolution s'explique par les diverses mesures d'économies prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (3,825 milliards de francs au titre de la mise sous condition de ressources des allocations familiales et 810 millions de francs au titre de la diminution de l'AGED) et par la fin de la montée en charge de la loi famille de 1994.

En 1999, les dépenses de la branche famille devraient s'élever à 253,6 milliards de francs, en diminution de 0,6 % par rapport à 1998. Cette évaluation n'intègre cependant ni la probable reconduction de la majoration de l'ARS, ni les mesures figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Si l'on enlève en 1998 cette majoration, l'évolution par rapport à 1998 devient positive et atteint + 2,0 %. Les dépenses au titre des prestations versées en métropole continuent de diminuer (- 3,0 %). En revanche, les transferts versés (AVPF et contribution au Fonds national de l'habitat) progressent de 3,9 %, ainsi que les dépenses de gestion administrative (+ 3,0 %) et d'action sociale (+ 2,6 %).

L'évolution des prestations familiales

Les prestations familiales (hors allocation aux adultes handicapés) versées par la branche famille en métropole, dans les DOM et à l'étranger, ont atteint 164,6 milliards de francs en 1997 et devraient s'élever à 163,7 milliards de francs en 1998 (y compris la majoration de l'ARS dont la reconduction a été annoncée en août 1998), soit 64,1 % de l'ensemble des dépenses de la branche.

Les prestations familiales en métropole

(en milliards de francs)

Année

1996

%

1997

%

1998

%

Prestations familiales métropole

149.269

1,0

157.662

5,6

156.486

- 0,7

Famille

138.805

- 0,5

146.157

5,3

144.372

- 1,2

Allocations familiales

68.723

- 0,3

69.823

1,6

67.067

- 3,9

Complément familial

9.685

- 1,7

9.550

- 1,4

9.728

1,9

Allocation jeune enfant

18.017

- 9,5

16.655

- 7,6

16.421

- 1,4

Allocation de logement familiale

14.620

1,0

14.761

1,0

15.285

3,6

Primes de déménagement ALF

23

 

23

 

23

 

Allocation de soutien familial

4.496

1,3

4.709

4,7

4.893

3,9

Allocation de parent isolé

4.409

- 2,6

4.411

0,0

4.285

- 2,9

Allocation de rentrée scolaire

5.412

- 34,4

8.627

59,4

8.591

- 0,4

Allocation parentale d'éducation

12.538

53,6

16.681

33,0

17.896

7,3

Allocation différentielle

158

- 8,1

132

14,9

184

1,1

Aides à la scolarité

720

 

737

 
 
 

Maternité

8.717

32,5

9.706

11,3

10.209

5,2

Allocation de garde d'enfant à domicile

1.697

81,3

1.890

11,4

1.467

- 22,4

AFEAMA

6.999

24,1

7.790

11,3

8.716

11,9

Allocation d'adoption

21

 

26

 

26

 

Invalidité

1.747

2,5

1.799

3,0

1.904

5,8

Allocation d'éducation spéciale

1.747

2,5

1.799

3,0

1.904

5,8

Commission des comptes - septembre 1998

La mise sous condition de ressources des allocations familiales, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale 1998, a véritablement changé de nature la politique familiale : en 1997, les prestations familiales en métropole versées sous condition de ressources représentaient 65,3 % du total des prestations familiale ; en 1998, ce chiffre est tombé à 22,4 %. On ne saurait mieux justifier a posteriori les craintes émises par le Sénat de voir de la sorte la politique familiale se transformer en une politique d'aide sociale.

Les bénéficiaires des prestations versées par la branche famille

Au 31décembre 1997, le nombre total d'allocataires atteint 10.826.000, dont 361.000 dans les DOM. 90,4 % de ces allocataires sont gérés par les CAF (9.785.000).

Plus de 36 % des allocataires tous régimes (3.945.000 métropole et DOM) ne relèvent pas du fonds national des prestations familiales (FNPF) : il s'agit de bénéficiaires de l'allocation logement sociale, de l'aide personnalisée au logement ou du revenu minimum d'insertion.

Sur les 5,8 millions de familles bénéficiaires du fonds national des prestations familiales (FNPF) en métropole :

77 % perçoivent les allocations familiales (4,5 millions),

17 % l'allocation pour jeune enfant longue (1 million),

15 % le complément familial (900.000)

12 % l'aide à la scolarité (705.000),

9 % l'allocation de soutien familial (531.000),

9 % l'allocation parentale d'éducation (525.000),

7,5 % l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (436.000),

près de 50 % l'allocation de rentrée scolaire (2,9 millions).

Le nombre de bénéficiaires d'une prestation de logement (6,1 millions) dépasse de 4 % le nombre de familles allocataires bénéficiaires du FNPF : 58 % des allocataires tous régimes en métropole perçoivent une prestation logement. 47 % des bénéficiaires d'une prestation logement perçoivent l'aide personnalisée au logement 2.844.000), contre 18 % pour l'allocation de logement familiale (1.175.000, ALF) et 35 % pour l'allocation de logement sociale (2.155.000). Avec le redéploiement des aides au profit de l'aide personnalisée au logement, la part des familles bénéficiaires de l'ALF dans l'ensemble des bénéficiaires du FNPF est passée de 35 % en 1978 à 19 % en 1997.

9 % des allocataires tous régimes en métropole perçoivent le revenu minimum d'insertion (956.000 bénéficiaires en métropole, 1.068.000 en incluant les DOM).

S'agissant de l'évolution récente des différentes prestations, deux éléments sont particulièrement notables : d'une part, la fin de la montée en charge de la loi famille, d'autre part, l'impact des mesures prises à l'occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

La loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille poursuivait principalement deux objectifs :

- améliorer les conditions d'accueil des jeunes enfants et permettre aux familles de mener au mieux leur projet familial en leur offrant la possibilité soit de cesser leur activité professionnelle, soit de la réduire pour élever un enfant ou de continuer à travailler en disposant d'aides plus importantes pour faire garder leurs enfants ;

- apporter une aide aux familles ayant de jeunes adultes à charge, notamment par l'extension des limites d'âge de versement des prestations.

La loi a ainsi :

- étendu le bénéfice de l'allocation parentale d'éducation (APE) aux familles de deux enfants et aux non-salariés, ainsi qu'à l'exercice d'une activité à temps partiel ;

- augmenté le montant des aides versées aux parents qui recourent à un mode de garde individuel de leurs enfants ainsi que celles versées aux structures d'accueil collectives et familiales : revalorisation de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et extension à la garde d'un enfant de 3 à 6 ans ; majoration de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA).

Cette loi devait avoir un coût total estimé de 9,3 milliards à la fin de l'année 1998 : le chiffre final devrait plutôt être proche de 15,2 milliards, soit un surcoût de près de 6 milliards de francs par rapport aux prévisions initiales.

Cependant, il apparaît que la montée en charge de l'AGED et de l'AFEAMA est terminée depuis la mi-1996, et celle de l'APE s'est achevée en 1997. Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale, les effets de la montée en charge se font donc encore sentir en 1998, 1999 devenant une " année normale " intégrant complètement les effets de la montée en charge de la loi famille.

Votre rapporteur souligne, à cet égard, une nouvelle fois que le surcoût pour la branche famille induit par la loi famille témoigne précisément du succès que cette dernière a rencontré, succès dont il convient de se féliciter. On ne saurait en effet s'affliger qu'une loi semble répondre manifestement aux attentes et aux besoins de la population 3( * ) .

Coût de la loi famille du 25 juillet 1994

Prestations

1994

1995

1996

1997

1998

(Métropole)

initial

réalisé

initial

réalisé

initial

réalisé

initial

actualisé

initial

actualisé

APE 2 enfants y compris économie sur APJE longue 4( * )

117

260

1 491

2 102

3 196

5 798

4 786

9 330

5 094

10 500

estimation de l'économie réalisée sur APJE longue

 
 
 

258

 

694

 

993

 

810

APJE (naissances multiples)

 
 
 

0

44

44

132

132

179

179

AGED

86

 

260

290

261

833

264

842

267

849

AFEAMA

154

 

463

603

463

749

469

759

475

767

FNAS (petite enfance)

 
 

650

380

1 302

802

1 978

1 146

2 667

1 606

allocation d'adoption

 
 

12

9

12

21

12

26

12

26

AVPF

 
 

23

32

215

385

446

846

648

1 287

Total

357

260

2 899

3 416

5 492

8 632

8 088

13 082

9 342

15 215

Evolution
initial/réalisé en %

 
 
 

+ 17,8

 

+ 57,2

 

+ 61,8

 

+ 62,9

(Source : Commission des comptes de la sécurité sociale - septembre 1998)

L'évolution des différentes prestations familiales en 1998 a été naturellement marquée par l'impact des décisions prises dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

La mise sous condition de ressources des allocations familiales s'est traduite par une économie de 3,825 milliards de francs en 1998 et évaluée à 5,1 milliards en année pleine.

La diminution de l'allocation de garde d'enfant à domicile a conduit à une économie évaluée à 810 millions de francs en 1998 et 1.080 millions de francs en année pleine.

Le versement des prestations familiales jusqu'à 19 ans pour toutes les familles ayant un enfant inactif ou dont la rémunération n'excède pas 55 % du SMIC a eu, quant à lui, un coût de 300 millions de francs en 1998 et de 570 millions de francs en année pleine.

Les éléments déterminant les évolutions des prestations familiales

Les évolutions annuelles des prestations familiales se partagent entre un élément volume et un élément prix. L'élément prix correspond, pour la majorité des prestations, à la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) à partir de laquelle sont calculées la plupart des prestations.

L'élément volume obéit à un ensemble de variables plus complexes : des facteurs démographiques, des facteurs économiques et l'évolution de la réglementation.

Parmi les facteurs démographiques, on distinguera l'influence de la natalité sur les prestations liées à la présence de jeunes enfants, de l'évolution plus générale du nombre d'enfants à charge et de la structure des familles :

- l'évolution du nombre des naissances influence particulièrement le nombre de bénéficiaires des prestations liées à la garde des jeunes enfants, de l'allocation parentale d'éducation et de l'allocation pour jeune enfant. Après deux années de hausse, la natalité est en léger recul en 1997 avec 725.000 naissances. Malgré cette baisse, la natalité demeure légèrement supérieure à celle des années 1993 (711.600) et 1994 (711.000), niveaux les plus faibles de ces cinquante dernières années. L'indicateur conjoncturel de fécondité se situe à 171 (pour cent femmes), contre 178 en 1990. La descendance finale passe de 211 pour cent femmes de la génération née en 1950 à 205,5 pour les femmes nées en 1958 (données 1996) ;

- la diminution du nombre de familles nombreuses et le remplacement des générations d'effectifs importants par des générations d'effectifs plus faibles ont une influence négative sur l'évolution du nombre des bénéficiaires des allocations familiales et du complément familial. En sens inverse jouent l'allongement de la scolarité et la modification des structures familiales qui résulte de la recomposition des familles ;

- l'évolution des naissances hors mariage (37,6 % des naissances en 1997 contre 30,1 % en 1990), des divorces ou de la recomposition des familles est à mettre en parallèle avec l'évolution des prestations liées à la monoparentalité.

Les facteurs économiques sont par exemple la reprise de l'emploi, la diminution du chômage, la croissance des salaires qui influent sur le versement des minima sociaux et des prestations versées sous condition de ressources.

Enfin, comme l'illustre la mise sous condition de ressources des allocations familiales, les modifications de la législation peuvent affecter profondément l'évolution du nombre de bénéficiaires de certaines prestations.

L'assurance vieillesse des parents au foyer

Instituée en 1972, l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) est une cotisation souscrite auprès de la branche vieillesse par la branche famille au profit des parents ayant élevé des enfants et qui sont restés inactifs pendant les périodes d'affiliation. L'effet de l'AVPF est double : elle allonge la durée des cotisations et elle augmente le salaire de référence lorsque l'assiette totale est inférieure au plafond de la sécurité sociale.

L'AVPF se traduit par un versement de 20 milliards de francs environ (21,5 milliards de francs en 1999) de la branche famille à la branche vieillesse.

Votre rapporteur s'était interrogé l'année dernière sur la justification réelle de ce qui s'apparente à un transfert financier massif de la branche famille vers la branche vieillesse.

Un rapport sur l'AVPF et les avantages familiaux entrant dans le calcul des droits à la retraite avait été demandé le 12 mai 1997 à l'Inspection générale des affaires sociales par M. Jacques Barrot, Ministre du travail et des affaires sociales, et M. Hervé Gaymard, Secrétaire d'Etat à la sécurité sociale.

Ce rapport, rédigé par M. Jean-François Chadelat, a été publié en décembre 1997. Une partie des analyses qu'il formule ont été reprises dans le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale d'octobre 1998.

La cotisation d'assurance vieillesse d'AVPF versée par la CNAF constitue la première étape d'un long processus temporel qui conduira in fine la CNAVTS à servir des prestations vieillesse aux bénéficiaires. Comme le note l'IGAS, " ce processus est, somme toute, tout à fait analogue à celui qui conduit une cotisation versée par l'employeur d'un salarié à générer un élément de la prestation de retraite dont bénéficiera ce salarié ".

Le rapport évalue entre 2,7 et 2,9 milliards de francs le coût actuel de l'AVPF pour la CNAVTS. Il comporte plusieurs estimations du coût annuel futur de l'AVPF pour la CNAVTS à divers horizons temporels. Ces estimations, qui résultent de calculs convergents, à droit constant, utilisant des hypothèses démographiques et comportementales, sont, en francs de 1996, les suivantes :

- 29,6 milliards de francs, à démographie de 1996, au terme de la montée en charge de l'AVPF ;

- 28 milliards de francs à horizon 2015, à démographie 2015 ;

- 50 milliards de francs à horizon 2035/2040.

Même s'il comprend les principes qui prévalent au calcul de l'AVPF, votre rapporteur se demande s'il est véritablement raisonnable de faire financer aujourd'hui à hauteur de 20 milliards de francs la branche vieillesse par la branche famille.

En effet, dans un régime en répartition, les sommes ainsi versées par la branche famille sont utilisées à financer les dépenses immédiates de la branche vieillesse et à réduire son déficit comptable. Elles apportent un ballon d'oxygène artificiel à cette branche mais génèrent des droits futurs qui pèseront très lourd, à un moment où les régimes d'assurance vieillesse seront déjà fortement déséquilibrés par les évolutions démographiques. C'est en quelque sorte le contraire de la " répartition provisionnée " !

D'une certaine façon, l'AVPF est, pour la branche vieillesse, une forme de vie à crédit, avec les risques que cela comporte le jour où il convient d'honorer ses engagements...

Votre rapporteur considère qu'il conviendrait plutôt de faire supporter à la branche famille, année après année, les sommes que coûtent effectivement à la branche vieillesse les avantages accordés aux parents au titre de l'AVPF : le transfert de la branche famille à la branche vieillesse croîtrait ainsi progressivement de 3 milliards de francs aujourd'hui à plusieurs dizaines de milliards de francs dans quelques décennies, au moment même où les besoins se feront véritablement sentir.

Une autre solution consisterait à accumuler les sommes versées aujourd'hui dans une forme de fonds de réserve destiné à prendre en charge, le moment venu, ces avantages vieillesse accordés aux parents au foyer.

2. La mise sous condition de ressources des allocation familiales répondait davantage à des impératifs idéologiques qu'à une réelle nécessité financière

Selon les estimations de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998, la branche famille devrait connaître un excédent tendanciel de 4,052 milliards de francs à la fin de l'année 1999.

Ce solde intègre l'effet en année pleine des différentes mesures prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (mise sous condition de ressources des allocations familiales, recul de 18 à 19 ans de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales) mais ne tient pas compte des dispositions prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, dispositions qui viennent affecter de manière positive ou négative ce solde.

L'analyse de ce solde tendanciel révèle que la mise sous condition de ressources n'était pas véritablement nécessaire d'un strict point de vue financier.

En effet, si l'on calcule le solde tendanciel de la branche famille pour 1999 sans mise sous condition de ressources des allocations familiales -en réintégrant donc 5,1 milliards de francs de dépenses supplémentaires-, on aboutit à un déficit prévisionnel pour 1999 de 1,050 milliards de francs, soit une situation proche de l'équilibre. S'agissant de l'année 1998, le solde ne serait établi à - 4,77 milliards de francs au lieu de - 950 millions de francs.

Pour les années 2000 et 2001, les indications figurant dans l'annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui intègrent, elles, les dispositions contenues dans ledit projet de loi, permettent de constater que le solde de la branche serait devenu excédentaire même si l'on n'avait jamais placé les allocations familiales sous condition de ressources.

Le Gouvernement avait justifié la mise sous condition de ressources des allocations par un souci de faire des économies et de réduire le déficit de la branche famille.

Outre que cette économie n'a été que de 3,8 milliards de francs en 1998 compte tenu de l'entrée en vigueur tardive de cette mesure, la situation de la branche famille n'apparaît pas si défavorable et n'est en rien condamnée à des déficits structurels. Dès lors, on peut légitimement s'interroger sur la nécessité de décider l'abandon de l'universalité des allocations familiales, mesure particulièrement lourde qui venait remettre en question les fondements même de la politique familiale. S'il ne s'était agit que de trouver 4 milliards de francs, nul doute que d'autres solutions -moins déterminantes sur le plan des principes- auraient été envisageables.

A la lumière de l'analyse de la situation financière de la branche famille, la mise sous condition de ressources des allocations familiales apparaît avant tout comme une mesure idéologique visant à écarter les " familles riches " des bénéfices de la politique familiale.

Il était donc possible, d'une part, de se dispenser de cette mesure en 1998, d'autre part, de l'abandonner en 1999 sans prévoir pour autant une nouvelle forme de pénalisation des familles par la diminution du plafond du quotient familial.

B. UN MONTAGE FINANCIER COMPLEXE ET INUTILE

1. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 compense le retour à l'universalité des allocations familiales par la prise en charge par l'Etat de l'allocation de parent isolé (API)

Le Gouvernement a prévu que l'abandon de la mise sous condition de ressources des allocations familiales aurait pour contrepartie la diminution du plafond du quotient familial 5( * ) .

Le Gouvernement avait accepté que la mise sous condition de ressources des allocations familiales ne soit que provisoire. Il n'a cependant pas renoncé à opérer un prélèvement de 4 milliards de francs sur les familles. Afin de masquer le recul que constituait l'abandon du critère de ressource pour les allocations familiales, le Gouvernement a décidé une autre mesure très symbolique et à caractère fortement idéologique : l'abaissement du plafond du quotient familial.

Du point de vue financier, cette mesure -on vient de le démontrer- n'était pas nécessaire. Il faut donc voir dans le choix d'abaisser le plafond du quotient familial non pas la contrepartie financière de la suppression de la condition de ressources pour les allocations familiales mais le pendant idéologique de cette mesure.

La diminution du plafond du quotient familial devrait rapporter 3,9 milliards de francs 6( * ) au budget de l'Etat. Afin d'établir un lien financier entre le surcroît de dépenses pour la branche famille entraîné par le retour à l'universalité des allocations et le surplus de recettes fiscales dont bénéficiera l'Etat, il a été décidé que le budget de l'Etat prendrait à sa charge l'allocation de parent isolé (API), actuellement versée par la branche famille et qui représente un montant de dépenses annuel de 4,285 milliards de francs en 1998.

Cette budgétisation de l'API fait l'objet de l'article 82 du projet de loi de finances pour 1999 ; parallèlement, le budget de la solidarité comprend au titre de l'action sociale un chapitre 46-20 nouveau intitulé " Contribution de l'Etat au financement de l'allocation de parent isolé " avec une seul ligne intitulée " Versement à la Caisse nationale des allocations familiales " et dotée de 4,233 milliards de francs.

On peut d'ailleurs s'étonner que cette dépense ne figure pas parmi les crédits évaluatifs et se demander si elle fera l'objet des traditionnelles opérations de régulation budgétaire.

Les prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale évaluent quant à elles les dépenses de la CNAF au titre de l'API à 4,06 milliards de francs en 1999.

L'allocation de parent isolé (API)

Instituée par la loi du 9 juillet 1976, cette prestation a pour but d'apporter une aide temporaire aux personnes veuves, divorcées, séparées de droit ou de fait, abandonnées ou célibataires qui se retrouvent seules pour assumer la charge d'au moins un enfant.

Le parent isolé doit vivre seul ou dans sa famille et assumer la charge d'au moins un enfant. Le droit est également ouvert pour la femme seule enceinte qui n'a pas d'autre enfant à charge.

L'allocation est versée pendant douze mois consécutifs ou jusqu'à ce que le plus jeune enfant ait atteint trois ans. Elle est égale à la différence entre le montant du revenu garanti (3.198 F + 1.066 F/enfant par mois) et l'ensemble des ressources dont dispose le parent isolé.

En 1998, le coût de l'API était de 4,3 milliards de francs pour environ 163.000 bénéficiaires.

Le tableau des échanges financiers entre la branche famille, l'Etat et les familles révèle un montage complexe et, du point de vue financier, parfaitement inutile.

Conséquences financières de la substitution de la diminution
du plafond du quotient familial à la mise sous condition de ressources
des allocations familiales en 1999

(en milliards de francs)

 

Branche famille

Etat

Familles

Abandon du critère de ressources pour les allocations familiales

- 4,7

 

+ 4,7

Prise en charge de l'API par l'Etat

+ 4,2

- 4,2

 

Diminution du plafond du quotient familial

 

+ 3,9 7( * )

- 3,9 1( * )

Solde

- 0,5

- 0,3

+ 0,8

Le bilan financier de l'opération serait donc le suivant : la branche famille perdrait 500 millions de francs, l'Etat 300 millions de francs et les familles gagneraient globalement 800 millions de francs. Avec une évaluation de dépense au titre de l'API de 4,06 milliards de francs en 1999, la branche famille perdrait 640 millions de francs et l'Etat seulement 160 millions de francs.

Ces gains et pertes respectifs ne valent que par rapport à l'année 1998. Si l'on compare par rapport à l'année 1997, c'est-à-dire avant la mise sous condition de ressources des allocations familiales et avant l'abaissement du plafond du quotient familial, les familles perdront en 1999 3,9 milliards de francs.

L'apparent effort financier de l'Etat en 1999 est à relativiser :

- l'Etat bénéficie, d'une part, d'une recette fiscale nouvelle qui évoluera conformément à la croissance économique, donc très favorablement ;

- il doit supporter en contrepartie une charge nouvelle qui semble décroître régulièrement depuis plusieurs années : les dépenses au titre de l'API étaient de 4,411 milliards de francs en 1997, 4,285 milliards de francs en 1998 et devraient s'établir à 4,060 milliards de francs en 1999.

Entre une recette qui croît et une dépense qui décroît, l'Etat pourrait rapidement être le bénéficiaire de cette opération...

Il pourrait d'ailleurs l'être d'autant plus rapidement que rien ne garantit la pérennité de la prise en charge de l'API par l'Etat. L'API continuera en effet à être versée par les caisses d'allocations familiales (CAF). L'Etat procédera chaque année au remboursement du total des sommes dépensées. La CNAF n'a cependant pas obtenu de garanties formelles que cette prise en charge se prolongera au-delà de 1999.

Compte tenu des excédents prévisionnels futurs de la branche famille, il pourrait être tentant pour l'Etat de revenir sur cet engagement et de faire supporter à nouveau à la branche famille le poids financier de cette prestation. L'Etat conserverait parallèlement le bénéfice du surplus de recettes fiscales généré par l'abaissement du plafond du quotient familial.

La prise en charge de l'API par l'Etat pose, en outre, un véritable problème de principe .

Votre rapporteur ne peut ainsi partager l'opinion exprimée par Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 à l'Assemblée nationale, qui considère que " de prestation familiale, l'API est devenue un minimum social " et " qu'il serait illogique que l'Etat prenne en charge, au nom de la solidarité nationale, les minima sociaux tels que le RMI ou l'AAH et non l'API ".

Pour votre rapporteur, rien ne justifie, sur le plan des principes, le financement par l'Etat de l'API qui constitue précisément une reconnaissance de la fonction parentale. L'API a pour objet de faciliter le passage difficile que représente l'arrivée d'un enfant ou la perte d'un soutien familial pour un parent démuni de revenus. Elle comporte deux objectifs distincts : favoriser le rôle parental et garantir un minimum de ressources durant le temps nécessaire pour s'organiser dans la recherche d'un emploi. Le versement de l'allocation est légitimé par la présence d'un ou de plusieurs enfants. Elle permet aux parents d'assurer leur identité parentale et d'offrir une image plus positive aux enfants.

Une étude réalisée par la CNAF en 1997 8( * ) a montré que l'API avait, pour ses bénéficiaires, une valeur symbolique que n'avait pas le RMI. Selon cette étude dont l'objectif était d'analyser ce qu'étaient devenus les anciens bénéficiaires de l'API, le RMI est ressenti comme humiliant et stigmatisant ; il est considéré comme le dernier maillon avant l'entrée dans la pauvreté. Alors que l'API représentait une reconnaissance de la fonction parentale, le RMI génère un sentiment de honte et de culpabilité.

Compte tenu de son caractère de prestation pour la famille, justifié par la présence d'enfant, il semble par conséquent logique que l'API reste gérée et financée par la branche famille. Le choix de la prise en charge de cette prestation par l'Etat apparaît purement circonstanciel -il fallait trouver une prestation d'un montant équivalent au surplus de recettes fiscales généré pour le budget de l'Etat par la diminution du plafond du quotient familial- et ne répond à aucune raison de fond.

Ce montage financier introduit en outre une confusion supplémentaire dans les missions et les modalités de financement de la branche famille.

2. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 conduit à une légère diminution de l'excédent prévisionnel de la branche famille

L'ensemble des mesures annoncées par le Gouvernement - certaines figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 tandis que les conséquences des autres sont intégrées dans l'équilibre que ce projet de loi définit - affectent de manière positive ou négative l'excédent tendanciel pour 1999 de la branche famille (+4,05 milliards de francs) 9( * ) . L'annexe C du projet de loi détaille l'impact des différentes mesures qui seront analysées une à une dans la partie II du présent rapport :

Les mesures affectant les dépenses sont de deux types :

celles qui accroissent les dépenses :

- le retour à l'universalité des allocations familiales par la suppression de la mise sous condition de ressources des allocations familiales (4.680 millions de francs) ;

- le relèvement de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales pour les jeunes de 19 à 20 ans (530 millions de francs) ;

- L'extension du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles d'un enfant qui remplissent les conditions de ressources (180 millions de francs) ;

- la dotation au Fonds d'action sociale de la CNAF (660 millions de francs) pour développer des actions sociales collectives visant à améliorer la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, ainsi qu'à conforter la responsabilité parentale ;

- le rapprochement des loyers plafonds ALF/APL (220 millions de francs) ;

celle qui diminue les dépenses et constitue par conséquent une mesure d'économie :

- le recul de 10 à 11 ans et de 15 à 16 ans des majorations pour âge des allocations familiales (870 millions de francs) ;

Toutes les mesures concernant les recettes sont des recettes supplémentaires. La principale est naturellement la prise en charge de l'allocation de parent isolé par le budget de l'Etat (4.200 millions de francs).

Il convient d'ajouter des recettes supplémentaires de 40 millions de francs provenant du plafonnement au SMIC de l'exonération de charges sociales pour l'embauche du premier salarié (art. 4 du projet de loi : + 20 millions de francs) et de la requalification des revenus tirés de la location-gérance en revenus professionnels (art. 5 : + 20 millions de francs).

L'impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 sur les recettes, les dépenses et le solde de la branche famille est résumé dans le tableau suivant :

Impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999

(en milliards de francs)

 

Tendanciel (avant PLFSS 99)

Mesures prévues par le PLFSS 99

Prévisionnel après PLFSS 99

Recettes

257,57

+ 4,24

261,79 10( * )

Dépenses

253,52

+ 5,40

258,92

Solde

+ 4,05

- 1,16

+ 2,87



Les recettes devraient progresser par rapport aux prévisions tendancielles de 4,24 milliards de francs (+ 1,65 %) pour atteindre 261,79 milliards de francs. Parallèlement, les dépenses augmenteront de 5,4 milliards de francs (+ 2,1 %) pour s'établir à 258,92 milliards de francs. Le solde net (recettes - dépenses) des mesures prévues par le projet de loi est de - 1,16 milliard de francs : les dépenses nouvelles sont, pour l'essentiel, financées par des économies sur d'autres dépenses.

L'objectif de dépenses de la branche famille est fixé par l'article 32 du projet de loi à 256,9 milliards de francs.


Ces sommes ne comprennent naturellement pas la majoration de l'ARS susceptible d'être décidée par le Gouvernement à l'occasion de la rentrée scolaire 1999 qui viendrait gonfler d'autant recettes et dépenses de la branche sans avoir d'incidence sur le solde.

Le solde final de la branche famille serait en excédent de + 2,87 milliards de francs.

L'annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 intègre les décisions figurant dans le projet de loi et évalue, toutes choses égales par ailleurs, le solde prévisionnel de la branche famille en 2000 et 2001. Celle-ci serait excédentaire de 4,8 milliards de francs en 2000 et de 8,3 milliards de francs en 2001 .

La perspective d'excédents structurels de la branche famille pourrait générer certaines tentations. Aussi votre rapporteur souhaite-t-il formuler une mise en garde. Il serait inacceptable que ces excédents servent à combler d'éventuels déficits futurs des autres branches de la sécurité sociale et notamment de la branche vieillesse qui devrait, selon les estimations de l'annexe C, connaître un déficit de 4,8 milliards en 2000 et de 2,3 milliards en 2001.

Il ne serait pas davantage concevable que ces excédents aillent alimenter le fonds de réserve pour les retraites créé par le présent projet de loi.
Le Gouvernement a en effet évoqué la possibilité d'abonder ce fonds par " les excédents de la sécurité sociale " . Compte tenu de la situation financière des branches vieillesse et maladie, il est clair que cette hypothèse visait explicitement la branche famille... Votre rapporteur souhaite rappeler à cette occasion qu'une politique familiale ambitieuse est aussi un moyen d'assurer les équilibres futurs de nos régimes de retraite par répartition.

Les errements du passé où l'on voyait les excédents répétés de la branche famille financer les autres branches de la sécurité sociale ne doivent pas se reproduire. Si les excédents de la branche famille sont avérés, il conviendra d'en faire d'abord profiter les familles.

II. UNE POLITIQUE FAMILIALE EN TROMPE-L'OEIL

A. D'UN PLAFOND À L'AUTRE...

1. Le rétablissement de l'universalité des allocations familiales confirme le bien-fondé des positions exprimées par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998

a) La mise sous condition des allocations familiales : une erreur majeure

L'article 13 du projet de loi supprime la condition de ressources pour l'octroi des allocations familiales et rétablit par conséquent le bénéfice des allocations familiales pour toutes les familles.

Cette mesure avait été annoncée lors de la Conférence de la famille, le 12 juin 1998. Elle s'accompagne en contrepartie d'une baisse du plafond du quotient familial, actuellement fixé à 16.380 francs, à 11.000 francs, disposition figurant à l'article 2 du projet de loi de finances pour 1999.

La mise sous condition de ressources des allocations familiales s'est traduite par la suppression du versement de cette prestation aux familles disposant d'un revenu net mensuel de 25.000 francs ; cette somme était majorée de 7.000 francs pour les ménages où les deux conjoints travaillent ou les familles monoparentales. Une majoration de 5.000 francs par enfant était appliquée à partir du troisième enfant.

Chacun se souvient que le Sénat s'était très vigoureusement opposé à la mise sous condition de ressources des allocations qui, pour votre rapporteur, remettait en cause " les fondements de la politique familiale ".

La commission des Affaires sociales du Sénat avait tout d'abord dénoncé la méthode extrêmement critiquable du Gouvernement, caractérisée par une absence totale de concertation préalable avec les partenaires sociaux et le mouvement familial. La mise sous condition de ressources des allocations familiales intervenait de surcroît au moment même où le Gouvernement annonçait le lancement d'une réflexion de fond consacrée à la politique familiale.

Sur le fond, la commission des Affaires sociales, par la voix de votre rapporteur, avait souligné que la mise sous condition de ressources des allocations familiales portait atteinte à un principe fondateur de la politique familiale : l'universalité des allocations familiales, qui sont un droit ouvert à l'enfant indépendamment du statut et de la situation de ses parents. Les allocations familiales visent en effet à compenser les charges liées à la présence d'enfants. Elles symbolisent le soutien dont peut bénéficier chaque famille parce qu'elle assure l'avenir de la collectivité nationale.

La commission des Affaires sociales avait tenu à rappeler solennellement que la politique familiale a été conçue dans notre pays comme un principe de compensation horizontale des charges liées à la présence d'enfants.

Elle avait en outre estimé que la mise sous condition de ressources des allocations familiales transformait la politique familiale en une politique d'aide sociale à vocation redistributive.

Enfin, la commission des Affaires sociales du Sénat avait souligné que le Gouvernement prenait ainsi une décision lourde de menaces pour l'avenir de notre système de protection sociale. La mise sous condition de ressources des allocations familiales ouvrait la voie à l'instauration de conditions de ressources pour d'autres branches de la sécurité sociale, notamment l'assurance maladie. Elle risquait en outre de conduire des parts croissantes de la population à se détourner d'une protection sociale dont elles ne percevraient plus la prestation et donc le bien-fondé.

Pour toutes ces raisons, la commission des Affaires sociales avait proposé au Sénat l'adoption d'un amendement de suppression de l'article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui introduisait un critère de ressources pour l'obtention des allocations familiales.

Suivant les recommandations de la commission des Affaires sociales, le Sénat avait supprimé, en première lecture, l'article 19 du projet de loi. La commission mixte paritaire ayant échoué, notre Haute Assemblée a confirmé solennellement en nouvelle lecture la position adoptée en première lecture.

La mise sous condition de ressources des allocations familiales a cependant été maintenue par l'Assemblée nationale en lecture définitive et cette disposition est devenue l'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

b) Une mesure abandonnée trois mois après son entrée en vigueur

Le Gouvernement semble cependant avoir pris conscience très rapidement de l'erreur majeure que constituait cette décision ; la chronologie des événements de l'automne 1997 et de l'année 1998 est, à cet égard, particulièrement révélatrice.

L'opposition à la mise sous condition de ressources des allocations familiales s'est manifestée sous des formes diverses mais de manière quasi-unanime.

Le 30 septembre 1997, le conseil d'administration de la CNAF émettait, par 30 voix contre 3, un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, position fondamentalement justifiée par son hostilité à la mise sous condition de ressources des allocations familiales.

Très vite, le Gouvernement affirma que cette mesure serait " provisoire ". Cependant, l'article 19 du projet de loi n'avait en rien le caractère de disposition transitoire valable pour la seule année 1998 : il modifiait le code de la sécurité sociale, donnant à cette mesure un caractère permanent.

Lors de l'examen du texte en première lecture, l'Assemblée nationale a alors adopté un amendement à l'article 19, prévoyant que " la mise en oeuvre d'un plafond de ressources pour le versement des allocations familiales prévue au présent article est transitoire " et qu'elle " s'appliquera jusqu'à ce que soit décidée une réforme d'ensemble des prestations et des aides fiscales aux familles, que le Gouvernement mettra en oeuvre, dans un objectif de justice et de solidarité, après avoir réorienté le système existant ".

Le Gouvernement lui-même semble avoir hésité quelque peu à mettre en oeuvre la mesure qu'il venait pourtant de faire adopter par l'Assemblée nationale. Il avait annoncé -et le dossier de presse accompagnant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 en témoigne- que cette mesure serait " mise en oeuvre à partir du mois de février 1998, c'est-à-dire pour la première fois sur les versements effectués au mois de mars ". La mise sous condition de ressources devait par conséquent concerner dix versements sur douze au titre de l'année 1998 et l'économie procurée par cette mesure était évaluée à 4,8 milliards de francs en année pleine et à 4 milliards de francs pour l'année 1998.

Le Gouvernement a cependant fait le choix de repousser la parution du décret nécessaire à l'entrée en vigueur effective de la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Ce décret, qui aurait dû être publié en janvier pour une entrée en vigueur au 1 er février 1998, n'est finalement paru que le 27 février1998 (décret n° 98-108 du 26 février 1998), repoussant ainsi au 1 er mars l'entrée en vigueur de cette réforme.

Le choix de cette date n'est pas innocent. Le Gouvernement s'est probablement avisé que l'entrée en vigueur de la mesure au 1 er février se traduirait pour les familles concernées par la suppression des allocations familiales dues au titre du mois de février, lesquelles sont versées le 5 mars, soit quelques jours avant les élections régionales et cantonales des 15 et 22 mars... Le Gouvernement a par conséquent estimé plus prudent de surseoir à l'entrée en vigueur de cette mesure jusqu'au 1 er mars, afin que les répercussions de la réforme ne se fassent sentir en pratique qu'à compter du 5 avril 1998.

Désireux de faire marche arrière sur cette réforme mais soucieux d'habiller cette reculade, le Gouvernement a multiplié les missions d'études, qui ont conduit à la publication de quatre rapports remis au Gouvernement :

- le rapport de Mme Irène Théry, intitulé : " Couple, filiation, parente maintenant : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée " (mai 1998) ;

- le rapport de MM. Claude Thélot et Michel Villac, consacré à " La politique familiale : bilan et perspectives " (mai 1998) ;

- le rapport de Mme Michèle André sur " La vie quotidienne des familles " (mai 1998);

- enfin, le rapport de Mme Dominique Gillot, députée du Val d'Oise, intitulé " Pour une politique familiale rénovée " (mai 1998), qui confirmait que la mise sous condition de ressources des allocations familiales était une erreur et concluait à la nécessité de leur rétablissement.

Dans un second temps, le Gouvernement a réuni le 12 juin 1998, comme le prescrit l'article 41 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, la Conférence de la famille.

Il annonçait à cette occasion le retour à l'universalité des allocations familiales à compter du 1 er janvier 1999. Etudiée dans le cadre du rapport Thélot-Villac et recommandée par Mme Gillot, la réduction de plafond du quotient familial était présentée comme la contrepartie de cette mesure.

Le choix du Gouvernement de renoncer à cette réforme -trois mois seulement après l'entrée en vigueur effective de la mesure- confirme a posteriori le bien-fondé et la pertinence des analyses formulées par la commission des Affaires sociales, par la voix de votre rapporteur.

On ne peut cependant que regretter que le Sénat n'ait pas été entendu plus tôt, lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, et s'interroger sur le coût en termes de gestion que ce " pas de clerc " a pu représenter pour la collectivité.


Grâce aux indications fournies par la CNAF à votre rapporteur, il est aujourd'hui possible de dresser un premier bilan provisoire de la mise sous condition de ressources des allocations familiales .

Cette mesure s'est traduite par la perte des allocations familiales pour 351.000 familles, soit 7,8 % de l'ensemble des familles bénéficiaires, et par une diminution de leur montant pour 35.000 familles, dont les revenus ne sont que légèrement supérieurs aux plafonds et qui perçoivent une prestation différentielle.

Les économies réalisées sur les dépenses au titre des allocations familiales se sont élevées à 3,825 milliards de francs sur 9 mois. Le coût de gestion de la mise sous condition de ressources pour les caisses d'allocations familiales est estimé à 8 millions de francs.

Votre rapporteur s'est également enquis auprès de la CNAF du coût de gestion pour les caisses d'allocations familiales (CAF) de l'abandon de la mise sous condition de ressources des allocations familiales, c'est-à-dire du retour à la situation antérieure.

La CNAF ayant pris la précaution de conserver l'historique des dossiers des allocataires, ce coût devrait être très inférieur à celui de la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Il ne sera cependant pas négligeable, notamment du fait de la charge supplémentaire qui pèsera nécessairement sur les organismes en matière de communication en direction des allocataires.

Ces chiffres ne peuvent à eux seuls rendre compte des conséquences, morales et psychologiques pour les familles de ces modifications répétées et contradictoires de la législation sur les allocations familiales. Outre le sentiment d'incompréhension et de confusion qu'ils génèrent auprès des familles, la mise sous condition de ressources des allocations familiales puis son abandon témoignent d'une décision mal préparée et difficilement assumée. On ne peut qu'être frappé du contraste entre cette opération " coup de poing ", qui se termine en bavure, et les hésitations et atermoiements à prendre des mesures courageuses sur les retraites ou les cotisations patronales.

De surcroît, la suppression de la condition de ressources pour le versement des allocations familiales ne constitue pas, pour les familles, un simple retour à la situation antérieure à 1998. En effet, cette mesure s'accompagne d'un corollaire particulièrement injustifié : la diminution du plafond du quotient familial de l'impôt sur le revenu.

2. La diminution du plafond du quotient familial constitue un recul important de la politique familiale menée depuis la Libération

a) Une augmentation d'impôt pour 500.000 familles

La diminution du plafond du quotient familial est présentée par le Gouvernement comme la contrepartie indispensable du rétablissement des allocations familiales pour toutes les familles.

L'exposé des motifs de l'article 13 du projet de loi, qui supprime la mise sous condition de ressources, fait valoir que " le Gouvernement souhaite poursuivre un objectif de justice dans la politique familiale en faisant jouer pleinement à l'impôt sur le revenu son rôle redistributif ; c'est pourquoi le projet de loi de finances pour 1999 prévoit l'abaissement du plafond du quotient familial ".

L'exposé des motifs précise en outre que " ces mesures permettront aux familles concernées de percevoir à nouveau les allocations familiales tout en ne payant pas plus d'impôt jusqu'à des niveaux de revenus bien supérieurs au seuil de ressources retenu pour le versement des allocations familiales en 1998. Ces mesures représentent une dépense nette en faveur des familles de 780 millions de francs (l'économie résultant de l'abaissement du plafond du quotient familial -3,9 milliards de francs- doit être comparée à la dépense supplémentaire engendrée par la suppression de la condition de ressources -4,68 milliards de francs pour 1999-) ".

Votre rapporteur se trouve dès lors conduit à commenter une mesure figurant à l'article 2 du projet de loi de finances pour 1999.

Le système du quotient familial, prévu aux articles 194 et suivants du code général des impôts, vise à adapter le montant de l'impôt aux facultés contributives de chaque foyer fiscal en prenant en compte le nombre de personnes vivant des ressources du foyer fiscal 11( * ) .

D'un point de vue technique, il consiste à diviser le revenu imposable en un certain nombre de parts déterminé, d'une part, en fonction de la situation de la famille et, d'autre part, du nombre de personnes fiscalement considérées comme à la charge du contribuable.

La prise en considération de la situation de la famille conduit à distinguer les catégories suivantes : célibataire, marié, veuf, divorcé, séparé.

La notion de personnes à charge concerne principalement les enfants et certains invalides. Ainsi, à une part pour les contribuables célibataires, divorcés, veufs ou séparés et à deux parts pour les contribuables mariés, s'ajoute un nombre de demi-parts additionnelles variables selon le nombre de personnes à la charge du contribuable.

Le mode de calcul du quotient familial est donné par le tableau suivant figurant à l'article 194 du code général des impôts.


Situation de famille

Nombre de parts

Célibataire, divorcé ou veuf sans enfant à charge

1

Marié sans enfant à charge

2

Célibataire ou divorcé ayant un enfant à charge

1,5

Marié ou veuf ayant un enfant à charge

2,5

Célibataire ou divorcé ayant deux enfants à charge

2

Marié ou veuf ayant deux enfants à charge

3

Célibataire ou divorcé ayant trois enfants à charge

3

Marié ou veuf ayant trois enfants à charge

4

Célibataire ou divorcé ayant quatre enfants à charge

4

Marié ou veuf ayant quatre enfants à charge

5

Célibataire ou divorcé ayant cinq enfants à charge

5

Marié ou veuf ayant cinq enfants à charge

6

Célibataire ou divorcé ayant six enfants à charge

6

En application de l'article 195 du code général des impôts, certains contribuables bénéficient en outre d'une demi-part ou de plusieurs demi-parts additionnelles. Il s'agit, pour l'essentiel, des célibataires, veufs ou divorcés ayant eu un ou plusieurs enfants à charge, des pensionnés de guerre et assimilés, de pensionnés pour accident du travail, des invalides civils ainsi que des titulaires de la carte du combattant ou d'une pension militaire d'invalidité âgés de plus de 75 ans et certaines de leurs veuves. Chaque enfant titulaire de la carte d'invalidité ouvre également droit à une demi-part supplémentaire.

Le quotient familial reposant sur la division du revenu imposable par le nombre de parts du foyer fiscal, il tend à atténuer la progressivité de l'impôt en fonction du revenu. C'est pourquoi la législation a choisi, depuis 1992, de plafonner les effets du quotient familial : la réduction d'impôt résultant d'une demi-part additionnelle de quotient familial ne peut ainsi excéder un certain montant actualisé chaque année en fonction de l'évolution des tranches du barème de l'impôt sur le revenu. Ce plafond a été fixé par la loi de finances pour 1998 à 16.380 francs.

Le législateur a prévu en outre deux autres plafonds spécifiques répondant à des situations particulières.

Il existe ainsi un plafond de 6.100 francs pour les célibataires, veufs ou divorcés ayant eu par le passé des enfants à charge, pour les impositions postérieures au 26ème anniversaire de la naissance du dernier enfant et un plafond de 20.270 francs pour les célibataires, veufs, divorcés ou séparés qui élèvent seuls un ou plusieurs enfants, au titre de la part du premier enfant.

L'article 2 du projet de loi de finances pour 1999 abaisse de 16.380 francs à 11.000 francs le plafond de la demi-part de droit commun. Les plafonds spécifiques évoqués plus haut ne sont, eux, pas modifiés.

Comme le souligne M. Didier Migaud, dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 1999, la réduction de 16.380 francs à 11.000 francs par an de l'avantage maximum en impôt résultant d'une demi-part additionnelle de quotient familial entraîne une augmentation de l'impôt sur le revenu qui sera acquitté par deux catégories de contribuables ayant un ou plusieurs enfants :

- d'une part, ceux qui relèvent de l'actuel plafond de 16.380 francs ;

- d'autre part, ceux qui entrent dans le champ de plafonnement, puisque le plafond diminuant, le niveau de revenu à partir duquel il est mis en jeu a également diminué.

Selon M. Migaud, on estime que 500.000 foyers seront affectés par cette mesure, pour une recette de l'ordre de 3,2 milliards de francs, soit un supplément d'imposition d'environ 6.400 francs par foyer et par an.


Les simulations effectuées par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie révèlent qu'une augmentation d'impôt sur le revenu intervient à partir d'un revenu mensuel de 36.290 francs pour un couple ayant un enfant, 38.276 francs pour un couple ayant deux enfants, 43.582 francs pour un couple ayant trois enfants, 50.266 francs pour un couple ayant quatre enfants.

En fonction du revenu, l'imposition supplémentaire est la suivante :

Couple avec un enfant

(en francs)

Revenu mensuel net déclaré

Supplément d'impôt mensuel (1)

Supplément d'impôt annuel

35.000

0

0

40.000

267

3.204

45.000

435

5.220

50.000

435

5.220

55.000

435

5.220

60.000 et au-delà

448

5.380

(1) calculé sur la base du barème proposé à l'article 2 du projet de loi de finances pour 1999 (revenus 1998).

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Couple avec deux enfants

(en francs)

Revenu mensuel net déclaré

Supplément d'impôt mensuel (1)

Supplément d'impôt annuel

38.500

0

0

40.000

92

1.104

45.000

452

5.424

48.200

682

8.184

50.000

812

9.744

55.000

870

10.440

60.000 et au-delà

897

10.760

(1) calculé sur la base du barème proposé à l'article 2 du projet de loi de finances pour 1999 (revenus 1998).

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Couple avec trois enfants

(en francs)

Revenu mensuel net déclaré

Supplément d'impôt mensuel (1)

Supplément d'impôt annuel

43.500

0

0

45.000

102

1.224

50.000

462

5.544

55.000

822

9.864

60.000

1.358

16.296

61.820

1.555

18.660

65.000 et au-delà

1.793

21.520

(1) calculé sur la base du barème proposé à l'article 2 du projet de loi de finances pour 1999 (revenus 1998).

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Couple avec quatre enfants

(en francs)

Revenu mensuel net déclaré

Supplément d'impôt mensuel (1)

Supplément d'impôt annuel

50.000

0

0

55.000

473

5.676

60.000

1.009

12.108

65.000

1.554

18.648

69.850

2.431

29.172

70.000

2.462

29.544

75.000 et au-delà

2.690

32.280

(1) calculé sur la base du barème proposé à l'article 2 du projet de loi de finances pour 1999 (revenus 1998).

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

En contrepartie, seules certaines de ces familles retrouveront le bénéfice des allocations familiales : les allocations familiales ne sont en effet accordées qu'aux familles ayant au moins deux enfants à charge âgés de moins de 20 ans.

Les tableaux suivants permettent de déterminer quels sont les " gagnants " et les " perdants " du remplacement de la mise sous condition de ressources des allocations familiales par l'abaissement du plafond du quotient familial.

Il est bien entendu que si l'on prend comme base de référence l'année 1997, lorsque les allocations familiales étaient versées sans condition de ressources, il n'y a plus de familles gagnantes.

Compte tenu de ce que l'on a appelé " la réforme de la réforme ", les familles sont en 1999, par rapport à 1997, soit dans une position plus défavorable en raison de l'augmentation d'impôt provoquée par la diminution du plafond du quotient familial, soit dans une situation identique si elles ne sont pas concernées par cette mesure.

Sont particulièrement frappées par cette substitution les familles qui ne percevaient pas d'allocations et ne bénéficient donc pas de leur rétablissement : les familles avec un enfant et les familles avec un ou des enfants âgés de plus de 20 ans.

Impact financier de l'abaissement du plafond et
rétablissement des allocations familiales

Couples avec un enfant

Revenu annuel net perçu

Revenu mensuel net perçu

Impôt annuel

Impôt mensuel

Allocations familiales

Gain mensuel ou perte mensuelle net

420.000

35.000

0

0

0

0

480.000

40.000

3.359

280

0

- 280

540.000

45.000

5.089

425

0

- 425

600.000

50.000

5.089

425

0

- 425

660.000 et au-delà

55.000

5.230

440

0

- 440

Couple avec deux enfants

(en francs)

Revenu mensuel net déclaré

Supplément d'impôt mensuel (1)

Allocations familiales

Gain mensuel ou perte mensuelle net

38.500

0

682

+ 682

40.000

92

682

+ 590

45.000

452

682

+ 230

48.200

682

682

0

50.000

812

682

- 130

55.000

870

682

- 188

60.000 et au-delà

897

682

- 215

(1) calculé sur la base du barème proposé à l'article 2 du projet de loi de finances pour 1999 (revenus 1998).

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Couple avec trois enfants

(en francs)

Revenu mensuel net déclaré

Supplément d'impôt mensuel (1)

Allocations familiales

Gain mensuel ou perte mensuelle net

43.500

0

1.556

+ 1.556

45.000

102

1.556

+ 1.454

50.000

462

1.556

+ 1.094

55.000

822

1.556

+ 734

60.000

1.358

1.556

+ 198

61.820

1.555

1.556

+ 1

65.000 et au-delà

1.793

1.556

- 237

(1) calculé sur la base du barème proposé à l'article 2 du projet de loi de finances pour 1999 (revenus 1998).

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Couple avec quatre enfants

(en francs)

Revenu mensuel net déclaré

Supplément d'impôt mensuel (1)

Allocations familiales

Gain mensuel ou perte mensuelle net

50.000

0

2.430

+ 2.430

55.000

473

2.430

+ 1.957

60.000

1.009

2.430

+ 1.421

65.000

1.554

2.430

+ 876

69.850

2.431

2.430

- 1

70.000

2.462

2.430

- 32

75.000 et au-delà

2.690

2.430

- 260

(1) calculé sur la base du barème proposé à l'article 2 du projet de loi de finances pour 1999 (revenus 1998).

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Pour des couples avec deux enfants, le point d'équilibre s'établit à 48.200 francs de revenu mensuel. Au-dessous de ce chiffre, les familles gagnent à la substitution allocations familiales/quotient familial. Au-dessus, elles sont perdantes.

Pour les couples avec trois enfants, le point d'équilibre est situé à 61.820 francs de revenu mensuel. Pour les couples avec quatre enfants, il s'établit à 69.850 francs par mois.

Ces niveaux de revenus peuvent paraître élevés. Pourtant, selon les estimations faites par le rapporteur général de l'Assemblée nationale, la réforme devrait bénéficier à 225.000 ménages et se traduira par une perte pour 425.000 ménages .

Il est donc assez difficile d'affirmer, comme le fait le Gouvernement, que le remplacement de la mise sous condition de ressources des allocations familiales par la diminution du plafond du quotient familial sera globalement favorable à la famille.

b) Un coup sévère porté au principe d'équité horizontale et à la politique fiscale en faveur des familles menée depuis 1945

Pour tenir compte de la taille et de la composition des ménages lors du calcul de l'impôt sur le revenu, la France a choisi en 1946 un système -le quotient familial- qui vise à assurer l'équité horizontale : deux familles qui auraient le même niveau de vie avant impôt gardent, après impôt, des niveaux de vie identiques 12( * ) .

L'impôt sur le revenu est un impôt progressif : le taux moyen d'imposition croît avec le niveau du revenu. Cette progressivité a deux rôles : d'une part, les dépenses publiques sont ainsi financées selon les " capacités contributives " de chaque contribuable (celles-ci sont supposées croître plus vite que le revenu). D'autre part, cette imposition permet d'aboutir à une redistribution des revenus selon le principe d'équité verticale qui stipule que l'impôt doit dépendre des capacités contributives du contribuable.

Mais l'impôt sur le revenu porte obligatoirement sur des ménages de composition et de taille différentes. Il faut donc comparer les capacités contributives, donc le niveau de vie, de familles de taille différente.

Le quotient familial, adopté en France, repose sur un principe simple : la morale communément admise comme les pratiques habituelles veut que les différents membres d'une famille se partagent son revenu global de façon à jouir chacun du même niveau de vie.

Avec le quotient familial, le taux d'imposition moyen est le même pour deux familles de même niveau de vie, quelle que soit leur taille. Le choix de la société quant au degré de redistribution assuré par le système fiscal, selon le principe d'équité verticale, se fait par le choix de la progressivité du système fiscal ; celle-ci est la même pour toutes les catégories de ménages.

Le système du quotient familial ne fournit en soi aucune aide, aucun avantage aux familles ; il garantit seulement que le poids de l'impôt est équitablement réparti entre des familles de taille différente, mais de niveau de vie équivalent, selon un principe d'équité horizontale familiale.

Les critiques du quotient familial partent souvent d'une assimilation contestable : le quotient familial serait une forme d'aide aux familles, comparable aux prestations familiales.

Le dossier de presse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 tout comme le rapport de M. Migaud présentent des tableaux évaluant le montant de l'aide publique en faveur de la famille. Ces tableaux additionnent, en fonction du revenu net, les allocations familiales et le quotient familial, afin de déterminer le montant total de l'aide publique accordée aux familles.

De même, l'état retraçant l'effort social de la Nation, document obligatoire annexé au projet de loi de finances en application de la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974, qualifie le mécanisme du quotient familial de " prestation fiscale ", calculée en faisant la différence entre le montant de l'impôt payé par les ménages ayant des enfants et celui qu'ils auraient acquitté en n'ayant pas d'enfant.

Une telle présentation du système du quotient familial apparaît extrêmement pernicieuse. Elle accrédite l'idée que le quotient familial est un mécanisme d'aide aux familles alors qu'il ne s'agit que d'un moyen de mettre en oeuvre le principe de contributivité posé par l'article XIII de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789 : " pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. "

Présenter le quotient familial comme une aide publique aux familles n'est naturellement pas neutre. Cela conduit le Gouvernement à additionner le montant des différentes prestations familiales avec celui de l'avantage procuré par le quotient familial pour démontrer que " l'aide à la famille " croît en fonction du revenu.

En réalité, ce raisonnement n'est pas fondé puisque le système du quotient familial n'est pas une aide aux familles, mais simplement une application normale dans leur cas spécifique du principe général de l'équité horizontale.

On sait que le système du quotient familial fut adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en décembre 1945 ; mais il n'est pas inutile de rappeler l'exposé des motifs du projet de loi portant fixation des recettes du budget général de l'exercice 1946, présenté par M. René Pleven, ministre des finances, au nom du Gouvernement.

S'agissant de " l'application de la règle du quotient familial à l'impôt général sur le revenu ", il est ainsi précisé 13( * ) :

" Le Gouvernement a nettement marqué sa volonté de porter toute son attention au problème fondamental de la population et en particulier au problème de la famille. Son action dans ce domaine fera l'objet d'autres dispositions ; mais il veut dès à présent amender celles des dispositions fiscales qui donnent des résultats injustes pour la famille. Au premier rang de celles-ci est l'impôt général sur le revenu. Tel qu'il est, notre impôt conduit à certaines conséquences dont le caractère immoral ou injuste a été maintes fois dénoncé.

" Il est immoral de frapper d'une taxe progressive les revenus du ménage réunis sur la tête du chef de famille, avantageant ainsi le concubinage qui permet l'imposition sous deux cotes avec deux abattements et limite la progressivité.

" Il est injuste que, malgré les abattements consentis pour charges de famille, un ménage avec des enfants paye, compte tenu des dépenses auxquelles il est obligé, un impôt général sur le revenu plus lourd qu'un ménage sans enfant.

" A niveau de vie égal, la famille nombreuse est plus lourdement frappée que le ménage sans enfant. La hausse des revenus apparents n'a fait qu'accentuer ce caractère, si bien qu'aujourd'hui, au-delà de certains chiffres, on peut dire que le poids de l'impôt est presque proportionnel au nombre des membres de la famille.

" C'est pour mettre fin à cette situation que le Gouvernement propose, d'une part, d'ajuster les minima exonérés des impôts au niveau actuel des valeurs, d'autre part, d'instituer le quotient familial, ce qui revient à diviser le revenu global en plusieurs fractions, dont le nombre sera en rapport avec l'importance de la famille, avant d'appliquer le tarif progressif. La réforme comporte d'ailleurs une réelle simplification de la législation et de la pratique. ".


La diminution du plafond du quotient familial est une réforme injuste. A revenu primaire identique, les familles ont toujours un niveau de vie inférieur à celui des couples sans enfant et des célibataires. Fallait-il, par conséquent, choisir de faire porter sur les seules familles une augmentation de la pression fiscale ? Pourquoi augmenter l'impôt des familles avec enfants en épargnant les couples et célibataires sans enfant, de même niveau de vie ?

En outre, rien ne justifie d'avoir fixé le nouveau plafond du quotient familial à 11.000 francs si ce n'est le souci d'engranger une recette fiscale à peu près équivalente à la dépense que représentera pour l'Etat la prise en charge de l'allocation parent isolé. Ce plafond pourra d'ailleurs être abaissé par la suite en fonction des besoins des finances publiques.

Il apparaît en outre particulièrement choquant d'abaisser le quotient familial alors même que le plafond conjugal n'est, lui, pas plafonné. Comme le souligne Henri Sterdyniak 14( * ) , un homme de 50 ans de 50.000 francs de revenu mensuel qui épouse une jeune femme de 20 ans sans ressources voit son impôt diminué de 14.318 francs par mois à 10.117 francs. Par contre, une femme célibataire de 50 ans et son fils étudiant de 20 ans dans la même situation de revenu paient 12.629 francs d'impôt par mois, soit 2.500 francs de plus. Comment justifier une telle disparité ?

Parallèlement, le Gouvernement envisage de faire voter par le Parlement la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (PACS) qui permettrait à tout couple de concubins, déclarant partager leur revenu, de bénéficier du quotient conjugal. Il serait particulièrement malvenu qu'une telle mesure soit financée par une augmentation des impôts prélevés sur les familles.

Il serait également très regrettable que, du fait du plafonnement du quotient familial (et non du quotient conjugal), les personnes seules avec enfant à charge paient plus que les couples de concubins.

Depuis 1945, le principe du quotient familial n'a jamais été remis en cause, bien que l'avantage fiscal en résultant ait été plafonné. Il ne faudrait pas que, par l'abaissement du plafond, il devienne progressivement une coquille vide.

La suppression de la mise sous condition de ressources des allocations familiales apparaissait comme la correction d'une erreur. Il est regrettable que la correction de cette erreur se fasse au prix d'une nouvelle erreur au détriment des familles.

Le bilan de ces allers et retours est accablant pour les familles : leur situation en 1999 restera plus défavorable qu'elle ne l'était en 1997, avant la mise sous condition de ressources des allocations familiales ; beaucoup de familles auront perdu les allocations familiales en 1998 et verront leur impôt sur le revenu augmenter en 1999 ; enfin, dans un contexte de prétendue stabilisation des prélèvements obligatoires, seules les familles subiront une augmentation de leur charge fiscale.

B. DES MESURES LARGEMENT " AUTOGAGÉES "

L'abandon de la mise sous condition de ressources des allocations familiales doit être considérée non comme une avancée pour les familles mais comme la simple correction d'une erreur.

Parmi les mesures annoncées lors de la Conférence de la famille du 12 juin 1998, certaines sont indéniablement positives et méritent d'être saluées. On regrettera simplement qu'elles soient financées par des économies sur d'autres prestations, au moment même où la branche famille est excédentaire.

Ces mesures positives trouvent leur traduction dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 1999, soit sous forme d'un article législatif, soit parce qu'elles sont intégrées dans l'objectif de dépenses de la branche famille pour 1999.

1. Le Gouvernement a pris des mesures positives en faveur des familles

a) L'extension du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) aux familles d'un enfant

L'allocation de rentrée scolaire (ARS) vise à aider les familles modestes à couvrir une partie des frais engagés à l'occasion de la rentrée scolaire.

Elle n'est aujourd'hui attribuée qu'aux familles et personnes seules bénéficiaires d'une prestation familiale, de l'aide personnalisée au logement (APL), de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou du revenu minimum d'insertion (RMI), au titre du mois de juillet précédant la rentrée scolaire considérée.

Ouvre droit à l'ARS chaque enfant scolarisé ou en apprentissage, âgé de 6 à 18 ans.

Versée sous conditions de ressources, l'ARS s'élève à 426 francs et est accordée à 3,1 millions de familles. Son montant est cependant systématiquement majoré depuis 1993 : elle a ainsi atteint 1.500 francs en 1993, 1994 et 1995, 1.000 francs en 1996 et 1.600 francs en 1997. Le Gouvernement a décidé que l'ARS serait maintenue à 1.600 francs pour la rentrée scolaire de 1998. Si l'ARS est financée par la branche famille, les majorations exceptionnelles décidées par le Gouvernement sont prises en charge par l'Etat.

Compte tenu des conditions d'ouverture du droit à l'ARS, les familles n'ayant qu'un seul enfant à charge - qui ne peuvent donc prétendre aux allocations familiales - et qui ne percevaient pas une prestation familiale, l'APL ou l'AAH, se voyaient exclues du bénéfice de l'ARS.

L'article 14 du projet de loi met fin à cette situation et étend le droit à l'ARS à toutes les familles n'ayant qu'un seul enfant à charge et remplissant les conditions de ressources exigées pour le bénéfice de cette prestation.

Cette mesure devrait concerner 350.000 familles d'un enfant pour un coût total de 180 millions de francs à la charge de la branche famille.

Votre rapporteur se félicite de cette mesure qui met fin à une situation anormale et injustifiée frappant les familles d'un seul enfant.

La commission des Affaires sociales avait souligné à plusieurs reprises, par le passé, combien il était choquant que les familles d'un enfant se voient privées de l'ARS. Cette situation n'avait d'ailleurs d'autre justification que le souci de faciliter la gestion de cette prestation par les caisses d'allocations familiales.

Votre rapporteur accueille donc très favorablement cette mesure qui témoigne d'un effort important en faveur des familles d'un enfant qui sont déjà exclues du bénéfice des allocations familiales.

b) Le relèvement de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales de 19 à 20 ans

Le Gouvernement prévoit de relever de manière réglementaire, de 19 à 20 ans, la limite d'âge ouvrant droit aux prestations familiales pour les enfants inactifs ou dont la rémunération est au plus égale à 55 % du SMIC, qui atteindront leur 19 ans à compter du 1 er janvier 1999.

Les prestations familiales sont aujourd'hui déjà versées jusqu'à 20 ans mais seulement si l'enfant est étudiant, apprenti, en formation professionnelle ou handicapé.

Cette mesure concernera 60.000 familles ; elle aura un coût de 530 millions de francs en 1999 et de 1,060 milliard de francs en année pleine compte tenu de sa lente montée en charge.

Votre rapporteur considère qu'il s'agit là d'une mesure tout à fait favorable répondant au souci louable d'améliorer les aides aux familles ayant de grands enfants.

Cette mesure s'inscrit dans la continuité du relèvement de 18 à 19 ans de la limite d'âge ouvrant droit aux prestations familiales au 1 er janvier 1998, annoncé par M. Alain Juppé, Premier ministre, à l'issue de la Conférence de la famille du 17 mars 1997 et institué par le Gouvernement de M. Lionel Jospin l'année dernière. Ce relèvement progressif des limites d'âge d'accès aux prestations familiales était en outre explicitement prévu par l'article 22 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille.

c) La revalorisation des loyers plafonds de l'allocation de logement familiale

L'allocation de logement familiale (ALF) est versée aux familles ou aux jeunes couples mariés lorsqu'ils ne peuvent bénéficier d'une aide personnalisée au logement (APL). Elle est versée à un million de bénéficiaires environ.

L'aide augmente avec le loyer et le nombre d'enfants à charge et diminue avec les ressources. Le loyer pris en compte est le loyer réel dans la limite d'un loyer plafond.

Cette prestation n'apparaît cependant pas assez solvabilisatrice : 65 % des allocataires de l'ALF ont des loyers supérieurs aux loyers plafonds retenus pour le calcul de l'aide. La majorité des dépassements se situe au-delà de 30 % de la valeur du loyer plafond. La part du loyer supérieure au loyer plafond est entièrement à la charge du locataire.

LES AIDES AU LOGEMENT

Les trois aides au logement

Les aides personnelles au logement sont constituées de trois allocations :

Aide personnalisée au logement (APL) : attribuée lorsque le logement a fait l'objet d'un conventionnement entre l'Etat et le bailleur ou l'organisme prêteur en cas d'accession. Il s'agit essentiellement du parc HLM.

Allocation de logement familiale (ALF): versée aux familles ou aux jeunes couples mariés lorsqu'ils ne peuvent bénéficier d'une aide personnalisée au logement.

Le champ d'application de l'ALF comprend les ménages ou personnes qui, selon le cas :

- ont au moins un enfant à charge ;

- sont mariés depuis moins de cinq ans (si le mariage a eu lieu avant que l'un et l'autre des conjoints aient atteint 40 ans) ;

- ont à charge un ascendant, un descendant ou un collatéral au deuxième degré ou troisième degré infirme.

L'aide augmente avec le loyer et le nombre d'enfants à charge et diminue avec les ressources. Le loyer pris en compte est le loyer réel dans la limite d'un loyer plafond.

Allocation de logement sociale (ALS) : versée aux personnes ne pouvant prétendre à l'une ou l'autre des prestations.

En métropole, les bénéficiaires des trois aides se répartissaient, en juin 1997; de la manière suivante : ALF : 19 % ; ALS : 34 % ; APL : 47 %, sur un total d'un peu moins de 6 millions d'allocataires.

Le Gouvernement a par conséquent décidé d'augmenter, à partir du 1 er juillet 1999, le montant des loyers plafonds de l'ALF sur trois ans pour l'aligner sur celui applicable à l'aide personnalisée au logement.

Le coût de cette mesure est estimé à 220 millions de francs en 1999 et 1,3 milliard de francs en année pleine.

Il s'agit, pour votre rapporteur, d'une mesure bienvenue qui se traduira par une augmentation de l'ALF pour 530.000 familles, augmentation pouvant aller jusqu'à 450 francs par mois pour les familles de trois enfants et plus, et de 600 francs par mois pour les familles d'au moins quatre enfants.

Ce rapprochement des loyers plafonds de l'ALF et de l'APL est en outre un premier pas vers une simplification du système des aides au logement dont chacun s'accorde à reconnaître la complexité. Cet effort de simplification doit être poursuivi. Votre rapporteur souligne à cet égard la nécessité de rapprocher encore davantage les trois aides existantes (APL, ALF et ALS) et d'étudier la possibilité de fusionner ces trois aides en une seule. La lisibilité de la politique d'aide au logement en faveur des familles y gagnerait certainement.

Enfin, il convient de rappeler que le Gouvernement a également décidé, à l'occasion de la Conférence de la famille du 12 juin dernier, la revalorisation, à compter du 1 er juillet 1998, des aides personnelles au logement (ALF, APL, ALS) pour la deuxième année consécutive. Il s'agit là encore d'un effort indéniable qui mérite d'être salué.

d) L'augmentation des moyens accordés à l'action sociale

En complément des prestations qu'elle verse, la branche famille mène une action sociale importante en direction notamment des familles qui ont les plus lourdes charges, ont les ressources les plus modestes ou rencontrent des difficultés dans leur vie.

L'action sociale s'adapte à chaque contexte local grâce à son mode de financement. Celui-ci associe des dotations financières non affectées dont le conseil d'administration de chaque caisse décide de l'utilisation au plus près des besoins des allocataires, et des prestations de service dont les règles sont édictées au plan national. Ces prestations de service permettent de soutenir, de façon homogène sur l'ensemble du territoire, les équipements et services qui paraissent prioritaires au plan national mais dont la création résulte des dynamiques locales.

L'action sociale des caisses d'allocations familiales s'inscrit dans une double cohérence :

- au plan local, chaque caisse d'allocations familiales est, depuis 1997, tenue d'élaborer un schéma directeur d'action sociale afin de déterminer ses priorités eu égard à l'analyse de son contexte local ;

- au plan national, l'action sociale des caisses d'allocations familiales doit s'inscrire dans le cadre des orientations nationales d'action sociale qui ont été arrêtées pour la période 1997-2000.

Les prestations de services sont définies au niveau national par le conseil d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales, avec l'accord de ses tutelles, et sont versées par les caisses d'allocations familiales.

Ces prestations concernent essentiellement les modes d'accueil des jeunes enfants de 0 à 6 ans (crèches, halte-garderies, relais assistantes maternelles...), les centres de loisirs, les centres sociaux...

Au plan national, sont définies les modalités des contrats enfance que les caisses d'allocations familiales négocient et financent avec les communes.

Les dépenses du Fonds national d'action sociale, qui finance ces actions, se sont élevées à 12,472 milliards de francs en 1998, ce qui constituait une progression déjà importante (+ 6,4 %) par rapport à l'année précédente.

La Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 prévoyait un accroissement de 2,7 % en 1999 des moyens du Fonds national d'action sociale, portés à 12,808 milliards de francs.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoit une dotation supplémentaire de 660 millions de francs au Fonds national d'action sociale, qui viendrait s'ajouter à l'augmentation prévisionnelle de 2,7 %.

Au total, les moyens du Fonds national d'action sociale augmenteraient, en 1999, après le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, d'un milliard de francs pour atteindre 13,468 milliards de francs, soit une progression tout à fait exceptionnelle de 8 %.


Ces moyens supplémentaires accordés permettront le financement du démarrage du réseau d'appui, d'écoute et de soutien aux parents annoncé lors de la Conférence de la famille du 12 juin 1998.

Dépenses d'action sociale des CAF de 1991 à 1997 (millions de francs) - Prévisions 1988-1999

(Source : statistiques financières d'action sociale)

Prévisions


Fonctions

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1. Accueil des jeunes enfants de 0 à 6 ans

2.381,2

2.761,7

2.962,5

3.258,1

3.699,0

4.106,5

4.401,9

4.752,3

5.227,1

- crèches

1.960,5

2.211,0

2.301,5

2.325,5

2.522,2

2.629,6

2.729,3

 
 

- autres lieux d'accueil et contrats enfance

420,7

550,7

661,0

932,6

1.176,8

1.476,9

1.672,6

 
 

2. Temps libres des enfants et des familles

1.821,4

1.918,4

1.922,6

2.003,1

2.163,4

2.186,6

2.215,3

2.438,3

3.071,1

- accueil et temps libre des enfants

1.234,5

1.331,2

1.375,5

1.519,0

1.678,0

1.759,2

1.803,4

 
 

- temps libres familles

586,9

587,2

547,1

484,1

485,4

427,4

411,9

 
 

3. Accompagnement social des familles

2.236,3

2.260,4

2.406,2

2.525,9

2.534,7

2.577,2

2.572,5

2.627,2

2.278,3

- travail social

1.035,2

1.050,9

1.160,7

1.193,3

1.221,2

1.262,3

1.279,5

 
 

- aide au foyer (T.F. Famille)

879,6

897,1

910,4

946,0

955,0

969,3

954,1

 
 

- secours/prêts d'honneur

264,8

261,8

272,2

288,5

261,9

261,3

250,1

 
 

- prestations supplémentaires - autres

56,7

50,6

62,9

98,1

96,6

84,3

88,8

 
 

4. Logement

744,1

773,1

1.123,4

1.091,9

891,4

977,7

998,8

1.090,2

1.165,3

- réhabilitation et amélioration de l'habitat

164,4

169,7

505,6

419,1

178,4

195,4

154,2

 
 

- aides à l'équipement et à l'installation

387,0

406,1

409,2

469,8

488,4

507,6

533,8

 
 

- aides aux familles endettées

173,4

168,6

178,4

165,7

181,8

233,5

266,2

 
 

- logement des jeunes - autres (C.T. habitat...)

19,3

28,7

30,2

37,3

42,8

41,2

44,6

 
 

5. Animation et vie sociale

934,6

993,4

1.048,6

1.083,8

1.161,9

1.167,4

1.171,6

1.162,9

1.226,2

- centres sociaux

682,0

743,3

796,5

868,1

942,8

943,1

955,4

 
 

- autres équipements

196,7

189,7

190,3

164,6

164,9

171,7

164,4

 
 

- soutien à la vie associative

55,9

60,4

61,8

47,7

50,4

48,9

47,1

 
 

- information des jeunes

 
 
 

3,4

3,8

3,7

4,7

 
 

6. Prestations supplémentaires aux familles

191,8

201,3

204,2

222,9

237,2

253,2

232,1

234,2

213,5

- apprentis

4,3

0,4

4,9

6,8

3,5

3,6

3,3

 
 

- rentrée scolaire

27,1

36,7

39,8

46,7

52,1

71,6

59,9

 
 

- étudiants

160,4

164,2

159,5

169,4

181,6

178,0

168,9

 
 

7. Réalisations diverses

96,1

101,6

99,2

140,8

133,5

152,5

145,5

104,6

106,0

8. Pilotage et gestion de l'Action sociale

848,3

912,4

983,8

1.079,9

1.119,3

1.167,2

1.196,5

1.208,4

1.224,1

TOTAL DÉPENSES D'ACTION SOCIALE

9.253,8

9.922,3

10.750,5

11.406,5

11.940,4

12.588,3

12.934,2

13.618,1

14.511,6

Ce réseau s'appuiera sur :

- la création et le renforcement de 1.000 points d'information-parents, gérés par des centres sociaux ou d'autres associations intervenant déjà dans ce secteur ;

- le développement d'un ensemble d'initiatives, de services et de structures, concourant au soutien de la parentalité : lieux d'accueil parents-enfants, établissement d'information, de consultation et de conseil familial...

Ce réseau doit permettre aux parents d'accéder à des structures de proximité où ils trouvent des possibilités d'échange entre familles pour conforter leur expérience de parents et bénéficier du soutien de professionnels, notamment pour la prise en charge des dysfonctionnements familiaux ou des difficultés de l'enfant. Il doit se développer à partir d'une échelle territoriale appropriée. Pour cela, l'Etat et les caisses d'allocations familiales engageront, sous forme contractuelle, un partenariat avec les communes et les conseils généraux.

Bilan des contrats-enfance depuis 1995

Mis en place en 1988 en métropole et en 1991 dans les DOM, le dispositif de contrats-enfance a élargi le champ d'action des contrats-crèches auxquels il succédait. Signés entre les CAF et les municipalités pour une durée de 3 à 5 ans renouvelable, ces contrats se traduisent par une prise en charge financière accrue de la CAF en contrepartie d'un engagement de la commune de développer son effort en matière d'accueil de la petite enfance. Depuis les dispositions prises dans le cadre de la loi famille du 25 juillet 1994, on assiste à un renforcement du caractère attractif des contrats-enfance.

Le bilan des contrats-enfance est le suivant :

- 1.900 contrats signés au 31.12.1995 ;

- 2.150 contrats signés au 31.121996 dont 265 concernent des contrats intercommunaux ;

- 2.408 contrats signés au 31.12.1997 dont 339 concernent des contrats intercommunaux.

Les CAF ont également négocié 106 deuxième contrats, 20 troisième et 3 quatrième contrats.

A l'occasion de ces renouvellements de nombreuses communes se sont regroupées avec une commune déjà signataire.

En terme quantitatif, les prévisions et les réalisations des contrats enfance sont notamment les suivantes :

Développement Réalisation Taux

prévu au 31.12.1997 de réalisation


Places en accueil collectif perma-

nent (toute structure confondue) 41.606 21.201 51 %

Places en haltes-garderies 21.424 13.013 61 %

Places en CLSH 144.040 77.498 54 %

Relais assistantes maternelles 756 453 60 %

Lieux d'accueil parents/enfants 230 150 65 %

Ludothèques 223 155 70 %

Postes de coordonnateur enfance 234,64 178,83 76 %

Au cours de l'année 1997, au-delà du nombre de places et de services supplémentaires programmés, on note une progression importante dans la réalisation des engagements pris, soit environ sur une année :

. places de crèches collectives et parentales

. relais assistantes maternelles

. ludothèques

. lieux d'accueil enfants/parents

. emplois de coordonnateurs

Les résultats quantitatifs confirment l'objectif poursuivi par le contrat enfance, à savoir l'amélioration du service rendu aux familles et un développement équilibré de l'offre pour les enfants de moins de 6 ans, scolarisés ou non, et quelle que soit l'activité professionnelle des parents.

Le nombre de contrats-enfance a surtout progressé en milieu rural où l'on observe un développement significatif des services d'accueil de l'enfance dans les communes de moins de 5.000 habitants.

Le nombre des signataires potentiels reste néanmoins encore important.

En terme qualitatif, les contrats-enfance ont facilité la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle en assurant l'information des familles, la diversification des modes d'accueil tout en préservant leur aspect qualitatif. Ils contribuent aussi à conforter les liens familiaux dans le cadre des équipements, notamment des haltes-garderies, des ludothèques, des lieux d'accueil enfants/parents.

Perspectives pour 1998 et 1999 :

A l'horizon 2000, les places restant à créer dans les contrats-enfance en cours représentent un effort de développement de 10 points du taux de réponse aux besoins d'accueil permanent.

La CNAF prévoit la contractualisation de 300 nouveaux contrats-enfance par an, ce qui devrait entraîner, chaque année, la création de nouvelles places ainsi réparties :

Crèches collectives 4.394

Crèches familiales 16.000

Crèches parentales 880

Haltes-garderies 2.907

Jardins d'enfants 540

Relais assistantes maternelles (1) 90

CLSH (2) 140.000

(1) nombre

(2) nombre d'enfants


La prévision de croissance des dépenses pour 1998 est de 160.047 millions de francs et pour 1999 de 194.000 millions de francs.

Par ailleurs, les contrats-enfance entraînent la création d'emplois.

Dans ces structures, celles-ci sont estimées à 22.000 postes pour 2.200 contrats ; 170 postes de coordonnateurs petite enfance sont prévus ainsi qu'environ 250 postes de professionnels enfance (psychologues, éducateurs de jeunes enfants) assurant des vacations et des actions itinérantes.

La Caisse nationale d'allocations familiales contribuera au financement de ce réseau à hauteur de 400 millions de francs à terme, imputés sur le budget du FNAS.

Les moyens supplémentaires affectés au fonds national d'action sociale permettront également une augmentation de l'aide au financement des crèches.

Depuis la création des prestations de service (qui constituent l'aide forfaitaire versée par les CAF aux gestionnaires des crèches), la Caisse nationale d'allocations familiales a établi le principe d'une modulation des tarifs " crèches " en contrepartie de sa participation. Elle a, depuis 1983, introduit dans les contrats crèche puis enfance, l'obligation d'appliquer un barème défini au niveau national.

Le tarif acquitté par les parents dépend de leur revenu. Les ressources dont dispose le gestionnaire de la crèche sont d'autant moins élevées qu'ils accueillent un nombre important d'enfants de familles modestes.

En effet, la prestation de service étant quasiment forfaitaire, c'est le gestionnaire (et presque toujours les collectivités locales) qui couvre " le déficit ", différence entre la participation financière des parents augmentée de l'aide forfaitaire de la CAF et le coût réel. La participation des communes est d'autant plus grande que les ressources des familles sont faibles. Les communes qui supportent donc les charges les plus élevées sont celles où les familles modestes sont les plus nombreuses.

En liaison avec la Caisse nationale d'allocations familiales, le système actuel sera inversé, les caisses apportant une contribution d'autant plus importante que celle des familles est faible. Les caisses, et non plus les communes, supporteront les effets de la modulation familiale.

Les communes n'auront donc plus à supporter des charges plus élevées liées à l'accueil de familles modestes.

Le financement supplémentaire apporté aux crèches s'élèvera à terme, lorsqu'elles auront toutes adopté ce nouveau système, à 400 millions de francs.

Votre rapporteur s'était inquiété l'année dernière de l'évolution des moyens accordés à l'action sociale de la branche famille. Il se félicite par conséquent de l'effort tout à fait significatif accompli en 1998 et prolongé en 1999. Il s'agit là d'une démarche ambitieuse qui mérite d'être encouragée.

2. Le financement de ces mesures positives s'effectue par des économies réalisées au détriment des familles

a) Une revalorisation modeste des prestations familiales, inférieure à celle prévue pour les pensions de retraite

Les prestations familiales, à l'exception des aides au logement, de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) hors majoration, sont calculées en fonction d'un pourcentage de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF).

L'article 36 de la loi du 25 juillet 1994 prévoit, pour une période allant du 1 er janvier 1995 au 31 décembre 1999, que la BMAF est revalorisée " une ou plusieurs fois par an conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année civile à venir ". Le second alinéa de cet article précise cependant que " si l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac est différente de celle qui avait été initialement prévue, il est procédé à un ajustement destiné à assurer pour l'année civile suivante une évolution des bases mensuelles conforme à l'évolution des prix à la consommation hors tabac ".

Pour 1998, compte tenu d'une hypothèse prévisionnelle d'évolution des prix hors tabac de 1,3 % pour cette année au 1 er janvier et de la révision à la baisse de la prévision pour 1997 (1,1 % au lieu de 1,3 % initialement prévu), la revalorisation s'est élevée à 1,1 % au 1 er janvier 1998.

Pour 1999, compte tenu d'une évolution prévisionnelle des prix hors tabac de 1,2 % et de la révision à la baisse de la prévision pour 1998 (0,8 % au lieu de 1,3 %), le Gouvernement a indiqué que la revalorisation s'élèvera à 0,71 % au 1 er janvier 1999.

Le Gouvernement a donc fait le choix, pour la deuxième année consécutive, d'opérer un rattrapage négatif sur l'évolution de la BMAF qui conditionne la progression de la plupart des prestations familiales. Le rattrapage prévu en 1999 est particulièrement sévère puisqu'il atteindra 0,5 %.

Il convient en outre de noter que si les prestations familiales ne sont revalorisées que de 0,71 %, les pensions de retraite le seront, quant à elles, de 1,2 %.

Le Gouvernement a choisi, en effet, de ne pas proroger le mécanisme de revalorisation des retraites institué par la loi de 1993 pour éviter d'appliquer aux pensions de retraites le rattrapage négatif de 0,5 % qu'il impose pourtant aux prestations familiales. Les retraités conserveront le gain de pouvoir d'achat acquis au titre de 1998, pas les familles. Le Gouvernement a manifestement choisi de privilégier les retraités et non les familles .

EVOLUTION DE LA BMAF

(francs et pourcentages d'évolution)

Année

1 er janvier

1 er juillet

Moyenne annuelle

Prix*

 

Montant

Evolution

Montant

Evolution

Evolution

Evolution

1990

1.848,40

2,24

1.873,35

1,35

3,32

3,4

1991

1.905,20

1,70

1.920,44

0,80

2,88

3,2

1992

1.939,64

1,00

1.974,55

1,80

2,29

2,3

1993

2.014,04

2,00

2.014,06

0,00

2,98

1,8

1994

2.054,32

2,00

2.054,32

0,00

2,00

1,4

1995

2.078,97

1,20

2.096,64 **

0,00

1,70

1,7

1996

2.078,97

0,00

2.078,97

0,00

0,00

1,9

1997

2.108,49

1,42

2.108,49

0,00

1,30

1,1

1998

2.131,68

1,10

2.131,68

0,00

1,13

0,8***

1999

2.146,81

0,71

2.146,81

0,00

0,74

1,2***

source : direction de la sécurité sociale (DEEF)

* prix à la consommation de l'ensemble des ménages en moyenne annuelle, hors tabac depuis 1992, base 100 en 1990

** suite au contentieux 1995, revalorisation au 1 er juin 1995 de 0,85 %

*** évolution prévisionnelle 1998 et 1999 estimée en septembre 1998


Cette décision paraît d'autant plus surprenante que la branche vieillesse sera déficitaire de 4 milliards de francs en 1999 tandis que la branche famille sera, elle, excédentaire. Le Gouvernement donne un petit coup de pouce aux retraités et accroît encore les dépenses d'une branche déficitaire ; parallèlement, il refuse tout effort supplémentaire en faveur des familles alors que la branche famille enregistre un excédent important.

Il s'agit là d'un choix politique inquiétant et très révélateur du peu d'intérêt accordé par le Gouvernement au renouvellement des générations, pourtant si nécessaire à l'équilibre futur de nos régimes de retraite par répartition.

En vérité, il n'est pas sans danger de privilégier toujours ainsi les générations les plus anciennes au détriment des plus jeunes...

b) Le recul des majorations pour âge des allocations familiales

En application de l'article L. 521-3 du code de la sécurité sociale, les allocations familiales sont majorées de 191,04 francs par mois au titre des enfants âgés entre 10 et 15 ans et de 339,30 francs pour les enfants à compter de 15 ans et jusqu'à la fin du droit.

Les majorations pour âge ne sont pas dues au titre de l'aîné d'une famille de deux enfants ; elles sont uniquement dues au titre de chaque enfant pour les familles de trois enfants et plus.

Le Gouvernement a annoncé, lors de la Conférence de la famille du 12 juin 1998, que ces majorations pour âge seront reportées de 10 à 11 ans et de 15 à 16 ans pour les enfants atteignant leur dixième et leur quinzième anniversaires après le 1 er janvier 1999.

Cette mesure, qui concernera un nombre très important de familles, apparaît très contestable.

Sa seule justification semble financière : le recul de l'âge de majorations permettra d'économiser 870 millions de francs en 1999 (526 millions de francs pour le report de 10 à 11 ans et 344 millions de francs pour celui de 15 à 16 ans) et 1,8 milliard de francs en année pleine, à partir de 2000.


Comme le précise le dossier de presse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, " cette mesure permettra d'assurer une partie du financement des nouvelles aides aux familles modestes ". Elle trouve d'ailleurs son origine dans un rapport intitulé " Politique familiale - bilan et perspectives " rédigé par MM. Thélot et Villac, dans un sous-chapitre intitulé de manière très explicite " Economiser pour financer de nouvelles priorités " 15( * ) . !

Après avoir rappelé " qu'il n'est guère contestable que les enfants coûtent davantage à mesure qu'ils grandissent ", les auteurs estiment que le surcoût est sans doute particulièrement marqué à partir de 18 ans, plutôt qu'à partir de 10 ou 15 ans. Ils suggèrent que " développer l'aide au jeune adulte pourrait être en partie " gagé " par une diminution des avantages actuels accordés à partir de 10 ou 15 ans ".

La seule justification de cette mesure paraît donc bien le besoin de redéployer les sommes en jeu pour d'autres utilisations.

Le recul des majorations pour âge est une mesure indéniablement défavorable aux familles, qui aurait mérité, pour le moins, un minimum d'analyse préalable et de débat . L'âge de 15 ans, notamment, coïncide souvent avec le passage du collège au lycée, qui se traduit par une charge supplémentaire pour les familles.

Par cette mesure discrète et peu médiatique, le Gouvernement s'apprête à économiser 1,8 milliard de francs en année pleine au titre des allocations familiales, soit presque la moitié de l'économie réalisée en 1998 par la mise sous conditions de ressources des allocations familiales. Une fois encore, le Gouvernement joue aux illusionnistes et reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre.

Le total des dépenses nouvelles, au titre des prestations, que représentent les mesures positives évoquées plus haut s'élève en 1999 à 930 millions de francs, un chiffre à peine supérieur aux 870 millions de francs d'économie réalisée sur les majorations pour âge des prestations familiales...

Votre rapporteur juge paradoxal que le Gouvernement choisisse de limiter le bénéfice de certaines prestations familiales dans un seul souci d'économie financière, au moment même où la branche famille s'avère excédentaire. La politique familiale du Gouvernement semble n'avoir pour seule finalité que de maintenir la branche famille en excédent.

En conclusion du présent rapport, votre rapporteur souhaite évoquer deux réformes particulièrement nécessaires à ses yeux.

Il convient tout d'abord de réfléchir dès à présent aux moyens de simplifier le système des prestations familiales dont chacun s'accorde à reconnaître la complexité.

Comme le constatent MM. Thélot et Villac dans leur rapport sur la politique familiale, " au fil du temps, les mesures, prestations, transferts financiers exprimant la politique familiale se sont multipliés et diversifiés, à un point tel que, dans certains de ses aspects, le système devient difficile, voire impossible, à lire et à comprendre ".

Cette complexité résulte du souci d'être équitable, de s'adapter à l'évolution de différentes situations. L'empilement des législations, l'accumulation des nouvelles mesures aboutissent aujourd'hui à un total de 28 prestations versées par les caisses d'allocations familiales.

Il est par conséquent nécessaire de redonner une cohérence et une lisibilité au système de prestations familiales en fusionnant certaines prestations afin d'en réduire le nombre et en simplifiant leurs modalités d'octroi. Une telle réforme est naturellement délicate à mettre en oeuvre : elle doit être menée avec précaution.

Un deuxième axe de réforme est celui des aides aux différents modes de garde de l'enfant.

Les niveaux de prise en charge des coûts de garde d'un enfant sont très variables suivant le mode de garde. Les taux d'effort sont en outre très hétérogènes suivant les familles.

Ce sont ces raisons qui ont conduit le Gouvernement à réduire, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, les taux et les plafonds de prise en charge par l'AGED des cotisations sociales patronales et salariales.

Le Sénat s'était alors élevé contre cette mesure qui constituait une régression pour les femmes qui travaillent et un risque certain pour l'emploi à domicile. Il avait fait valoir que ce mode de garde à domicile pouvait apporter une réponse mieux adaptée aux besoins de certains parents, notamment dans les familles bi-actives, que l'accueil collectif. Ce mode de garde à domicile offrait plus de souplesse horaire, une aide précieuse en cas de naissances multiples, et était quelquefois la seule solution possible dans certaines zones géographiques où les structures d'accueil collectif sont parfois insuffisantes.

Les aides apportées à la garde de l'enfant

Les aides varient actuellement avec les modes de garde et font intervenir des financements de diverses origines : caisses d'allocations familiales, collectivités locales et Etat.

la garde à domicile : les familles bénéficient de l'AGED qui prend en charge dans la limite d'un plafond 50 % à 75 % des cotisations sociales patronale et salariale et d'une réduction d'impôt plafonnée à 22.500 francs ;

La garde par assistante maternelle : les familles bénéficient de l'AFEAMA constituée d'une prise en charge à 100 % des cotisations sociales patronale et salariale et d'une aide forfaitaire de 820 francs par mois (ou 410 francs par mois si l'enfant a plus de trois ans), et d'une réduction d'impôt plafonnée à 3.750 francs par enfant.

La garde en crèche : les familles bénéficient d'une réduction d'impôt plafonnée à 3.750 francs par enfant et indirectement d'une aide de la CNAF et des collectivités locales visant à limiter l'importance de leurs frais de garde par rapport à leur revenu (10 % par exemple dans une crèche collective pour une famille de deux enfants, plafonnée à 26.000 francs).

Le Gouvernement avait à l'époque présenté la réduction de l'AGED comme une mesure provisoire devant s'inscrire dans le cadre plus général d'une réforme des aides pour l'emploi à domicile.

Souhaitant poursuivre la révision des aides aux modes de garde, le Gouvernement a confié à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale des affaires sociales une mission qui porte plus globalement sur l'ensemble des services d'aide aux personnes (garde des enfants, personnes âgées, handicapés) dont l'objectif était de rendre les dispositifs existants plus simples et lisibles, plus équitables et mieux adaptés aux besoins des familles.

Le rapport de Mme Hespel et de M. Thierry, remis à la Ministre de l'Emploi et de la Solidarité et au Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en août dernier 16( * ) , devait servir de base à une réforme d'ensemble que le Gouvernement s'était engagée à présenter à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. La réforme des aides apportées à la garde de l'enfant ne figure pas dans le projet de loi et votre rapporteur ne peut que le regretter.

*

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Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 pour ses dispositions relatives à la famille.


1 L'ampleur du déficit provient cette année-là d'une dépense exceptionnelle due à un apurement des opérations entre la CNAF et la CNAVTS au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

2 Les prévisions de cotisations reposent sur cette hypothèse de croissance soutenue de la masse salariale de 4,3 %.

3 Pour une analyse plus complète des conséquences de la loi famille de juillet 1994, on renverra aux propos de votre rapporteur dans le rapport consacré à la branche famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (Sénat n° 73 (1997-1998)).

4 L'allocation pour jeune enfant longue (APJE) est l'allocation versée du quatrième mois de l'enfant jusqu'à ses trois ans. L'APJE n'étant pas cumulable avec l'APE, le versement de cette dernière permet de réaliser une économie sur l'APJE.

5 Cette mesure sera analysée et commentée sur le fond dans la partie II.

6 3,8 milliards de francs après l'adoption par l'Assemblée nationale, en première lecture, d'un article 2 ter dans le projet de loi de finances pour 1999.

7 Projet de loi de finances initial.

8 Etude réalisée pour la CNAF par Véronique Aillet, association TRASS.

9 Les dépenses sont également fonction du taux de revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), cf. partie II, B) 2) a) " Une revalorisation modeste des prestations familiales, inférieure à celle prévue pour les pensions de retraite ".

10 Ce total intègre en outre une diminution de 20 millions de francs des produits financiers.

11 Rapport de M. Didier Migaud, rapporteur général, Assemblée nationale, n° 1111 (Onzième législature).

12 Henri Sterdyniak, " Pour défendre le quotient familial ", dans Economie et statistique, n° 256, juillet-août 1992, pp. 5-24.

13 Assemblée nationale constituante, n° 71, Imprimerie nationale, Paris, 1945, pp. 6 et 7.

14 Henri Sterdyniak, " Politique familiale : réforme d'une réforme ? " dans Lettre de l'OFCE, n° 177, juillet 1998.

15 p. 140-141

16 et communiqué à votre commission le 15 octobre 1998.



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