RAPPORT GENERAL N° 85 TOME III N° 28 - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - FONCTION PUBLIQUE ET REFORME DE L'ETAT


M. Philippe MARINI


COMMISSION DES FINANCES, DU CONTROLE BUDGETAIRE ET DES COMPTES ECONOMIQUES DE LA NATION - RAPPORT GENERAL N° 85 TOME III ANNEXE 28 - 1997/1998

Table des matières






N° 85

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès verbal de la séance du 20 novembre 1997.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)


ANNEXE N° 28

FONCTION PUBLIQUE ET RÉFORME DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Philippe MARINI

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René Régnault, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 (1997-1998).

Lois de finances.

LES CRÉDITS DE LA FONCTION PUBLIQUE

L'examen des crédits de la fonction publique recouvre deux exercices distincts :

- l'analyse des charges de personnel de l'Etat, dépenses transversales à l'ensemble des départements ministériels qui représentent plus de 600 milliards de francs en 1998 ;

- la présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique, dont les crédits sont individualisés dans le budget des services généraux du Premier ministre et qui s'élèvent à 1,4 milliard de francs en 1998.

I. LES CHARGES DE PERSONNEL DE L'ETAT

A. LES DÉPENSES EN 1998

1. L'évolution générale

En 1998, les dépenses de fonction publique progressent de 2,9 % -soit deux fois plus vite que l'ensemble des dépenses de l'Etat- et dépassent le seuil de 600 milliards de francs, atteignant la part de 38,4 % du budget général 1( * ) .

Evolution des charges de personnel du budget général

(En milliards de francs)

LFI 1997

PLF 1998

Evolution 1998/1997 en %

Rémunérations d'activité

. Civil

. Défense

Total

294,377

70,433

364,811

301,112

72,241

373,353

2,3 %

2,6 %

2,3 %

Pensions

. Civil

. Défense

Total

98,564

52,416

150,980

103,945

53,543

157,488

5,4 %

1,9 %

4,3 %

Cotisations et prestations sociales

. Civil

. Défense

Total

68,277

7,284

75,561

69,655

8,23

77,885

2 %

12,9 %

3 %

Total des charges de personnel

. Civil

. Défense

461,218

130,133

474,212

134,014

2,9 %

2,9 %

Total général

591,351

608,726

2,9 %

2. Les facteurs d'évolution

Cette progression de 17,4 milliards de francs des charges de personnel s'explique notamment par :

- les revalorisations salariales opérées en 1997 : + 0,5 % au 1er mars et + 0,5 % au 1er octobre, qui occasionnent une dépense de 3,2 milliards de francs en 1997, de 4 milliards de francs en 1998 ;

- une provision de 3 milliards de francs qui est inscrite au budget des charges communes, et de 575 millions de francs au budget de la défense au titre des mesures diverses d' ajustement salarial de 1998 (une négociation salariale ayant été ouverte au mois d'octobre dernier) ;

- les mesures catégorielles (dont le plan Jospin et le protocole Durafour) ont créé une dépense de 2,2 milliards de francs en 1997, et devraient entraîner une dépense de 2,3 milliards de francs en 1998 (poursuite du "Jospin" et mesures ministérielles) ;

- le glissement vieillissement technicité contribue à une dépense estimée à près de 4 milliards de francs pour l'année 1998 .

Le glissement vieillissement technicité

Le "GVT" est issu de deux effets :

- un effet de carrière ou "GVT positif" qui retrace l'incidence positive sur la masse salariale des avancements à l'ancienneté, ou aux choix, et de l'acquisition d'une technicité, estimé à + 2,2 % en 1997 ;

- un effet de "noria" qui traduit l'incidence négative sur la masse salariale des entrées (moins "chères") et sorties (plus coûteuses) des effectifs, estimé en 1997 à - 1,2 %.

La somme des deux effets constitue l'effet de structure ou "GVT solde", qui permet de mesurer l'évolution de la masse salariale due aux variations de structure de la population des fonctionnaires. Il est estimé en 1997 à 1 %.

Le GVT "positif" est très largement automatique, car il n'est pas lié à une politique de recrutement mais aux garanties statutaires. Sa progression très nette entre 1987 et 1997 s'explique essentiellement par les mesures catégorielles du plan Jospin et du protocole Durafour.

Evolution du GVT positif (en %)

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1,7

1,8

1,8

1,8

1,9

1,9

2,0

2,1

2,1

2,2

Au total, les facteurs d'évolution des dépenses de fonction publique en 1998 sont synthétisés dans le tableau ci-dessous :

Effets en Milliards de francs

PLF 98

LFI 97

Effectifs

Point

Catégoriel

GVT

Autres(1)

Rémunérations

7,0

-

1,4

- civils

5,8

- Défense

1,2

2,3

4

1

Cotisations et prestations

2,3

-

0,6

- civils

1,4

0,5

- défense

1,0

0,1

Pensions

6,5

3,2

1,4

1,1

0,8

- civils

5,8

3,3

1

0,7

0,8

- Défense

0,7

- 0,1

0,4

0,4

Enseignement privé

1,1

0,4

0,7

Anciens combattants

- 0,5

- 0,7

0,2

Frais de déplacements

Autres (2)

3,6

3,6

Total

20,0

2,5

4,0

8,1

5,4

Source : Direction du Budget

(1) y compris plan de professionnalisation des armées

(2) Provisions pour mesures générales

B. UNE MISE EN PERSPECTIVE INTERNATIONALE

Le poids de la dépense de fonction publique dans le budget ne doit pas être le seul élément d'appréciation du poids de la fonction publique.

Une comparaison de cette dépense avec les pratiques observées dans les principaux pays partenaires de la France doit être opérée si l'on veut se faire de la fonction publique une autre idée que celle d'une gestion "aux acquets".

1. Le poids élevé des effectifs publics en France

A cet égard, l'étude réalisée en octobre dernier par l'institut Rexecode sur la mise en perspective internationale des dépenses françaises est éclairante 2( * ) : en effet, il apparaît que " l'écart le plus marqué entre les dépenses par nature de la France et celle des autres pays, hors le cas spécifique de la Suède, apparaît au sein du coût direct de fonctionnement des administrations publiques, et de façon plus précise, au sein du poste coût des rémunérations ".

Réserves faites des différences de bases de calcul de ces rémunérations, l'étude conclut au poids très supérieur des effectifs publics en France : "le facteur clef des divergences entre les dépenses de rémunérations en masse est le niveau de l'emploi public. Les données permettent un diagnostic sans ambiguïté. En France, la part de l'emploi dans l'emploi total des administrations publiques représente 25 %. Au sein de l'OCDE entière, pour laquelle la part moyenne est de moins de 15 %, seuls les pays scandinaves affichent un secteur public plus élevé en effectifs. Pour l'Union européenne, les emplois dans les administrations publiques représentent en moyenne 18 % de l'emploi total" .

2. Un poids non réduit au cours des cinq dernières années

Selon la même étude, l'exception française résulte aussi de l'absence de réduction des effectifs publics au cours des cinq dernières années : alors que l'emploi public a baissé en Allemagne de 450.000 unités entre 1991 et 1996, et que l'Italie et l'Espagne limitaient sérieusement leurs créations d'emplois dans le secteur public, l'emploi public en France s'est accru sur la même période de 380.000 unités.

3. Une progression des effectifs dans toutes les fonctions publiques

Alors même que la décentralisation s'effectuait, les administrations centrales de l'Etat ont continué à augmenter leurs effectifs, tandis que les emplois sociaux continuaient leur progression.

Emploi public par catégorie d'administration

(en milliers)

1989

1993

1995

1996

Etat central (administrations centrales et établissements publics)


2.828,4


2.919,2


3.030,8


3.052,7

Collectivités locales

1.225,3

1.272,5

1.346,3

1.347,1

Sécurité sociale

1.064,7

1.085,8

1.117,6

1.122,4

Source : INSEE 1997

C. OBSERVATIONS

1. L'Etat ne parvient pas à maîtriser la dépense de fonction publique

Entre 1980 et 1996 , les effectifs budgétaires de l'Etat ont progressé, à champ constant, de 11,3 % hors Défense -et de 6,6 % y compris Défense-, soit de + 115.700 emplois .

Ce n'est qu' en 1997 qu'a été marqué l'arrêt souhaitable de cette évolution, avec une diminution de 0,4 % hors Défense -soit - 5.499 emplois - et une quasi stabilité si l'on prend en compte les emplois militaires : cette diminution a permis une économie de 0,8 milliard de francs en 1997.

En 1998 , cette orientation, pourtant la seule possible pour amorcer une modernisation de l'Etat et une diminution de la dépense publique, est abandonnée : le mouvement de créations reprend avec un solde positif de 490 emplois civils , et de 6.533 emplois en prenant en compte la Défense.

L'abandon de la politique de réduction d'effectifs, qui avait permis d'économiser 0,8 milliard de francs en 1997, et 1,1 milliard de francs en 1998, renforce la difficulté évidente pour l'Etat de maîtriser ses coûts de personnel : au poids des effectifs s'ajoute en effet celui du "GVT" positif, reflétant les mesures catégorielles des années passées.

Par ailleurs, cette absence de maîtrise naît également de l'impossibilité actuelle de scinder la négociation salariale, qui se déroule cette année encore sous sa forme traditionnelle avec l'ensemble des syndicats de fonctionnaires. Ses répercussions touchent non seulement l'ensemble des agents de l'Etat 3( * ) mais au total l'ensemble de la dépense induite de fonction publique, soit plus de 39 % des dépenses du budget : ainsi, une revalorisation d'1 % du point d'indice coûte 6,2 milliards de francs au budget de l'Etat.

Les bases introuvables de la négociation salariale dans la fonction publique

Le caractère massif de cette négociation, qui concerne plusieurs millions d'agents, pose à l'évidence un problème de calcul de base.

Ainsi, à l'heure actuelle, les fédérations de fonctionnaires réclament un rattrapage salarial pour l'année 1996, où toute augmentation générale avait été gelée. Ce rattrapage serait basé sur la hausse des prix hors tabac constatée sur l'année considérée, soit + 1,6 %.

Mais, sur quelle base apprécier l'augmentation du pouvoir d'achat des fonctionnaires en 1996 ? L'INSEE vient de fournir des éléments de calcul avec son étude annuelle sur les salaires des agents de l'Etat :

- Le salaire moyen, calculé en incluant les mesures générales et catégorielles, ainsi que toutes les formes de primes , a augmenté de 2,6 % en francs courants entre 1995 et 1996, soit 0,6 % en francs constants

Cette progression doit toutefois être corrigée de l'effet de structure qui retrace les changements de répartition des effectifs entre catégories, la catégorie A ayant progressé en 1995 de 42,8 % de l'ensemble des titulaires à 44,7 % en 1996.

Par ailleurs, le salaire doit être corrigé des prélèvements effectués : au total, le salaire net a reculé de 1 % en pouvoir d'achat en 1996.

- La rémunération moyenne des personnes en place est un autre indicateur, plus proche des calculs effectués dans le secteur privé : sa progression mesure l'évolution de la fiche de paye moyenne des fonctionnaires en place. L'INSEE évalue cette augmentation à 1,2 % en francs constants en 1996.

- Enfin, le salaire moyen net par catégorie a évolué de manière différenciée selon les effets de structure : ainsi, le salaire moyen est abaissé dans les corps où les entrants -moins rémunérés- sont plus nombreux que les sortants ; c'est le cas pour les cadres enseignants où le salaire moyen a baissé de 2,4 %.

Ces problèmes d'évaluation illustrent la difficulté pour l'Etat à vouloir mener une seule négociation salariale pour plusieurs millions d'agents.

2. Les contours de l'emploi public sont flous

a) Le champ d'application de la négociation salariale

Au-delà des 2,2 millions d'agents de l'Etat, il faut comptabiliser dans l'emploi public :

- les 200.000 emplois des établissements publics nationaux (hors entreprises nationales) ;

- les 165.000 agents de France Télécom et les 280.000 agents de La Poste 4( * ) ;

- les 1,4 million d'agents de la fonction publique territoriale ;

- les 845.000 agents de la fonction publique hospitalière.

Au total, on recense donc plus de 5 millions d'agents publics pour une population active de 22,4 millions, soit plus d'un actif sur cinq . C'est la totalité de cette population qui est concernée par la négociation salariale dans la fonction publique, ce n'est donc qu'une seule partie de ses effets qui apparaît dans le budget de l'Etat.

b) La vraie nature de l'emploi public

Les agents employés par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers ne le sont pas sous le même statut :

- le "noyau dur" de la fonction publique est constitué des titulaires , soit à peu près les quatre-cinquièmes des agents publics ;

- le solde, soit environ un million de personnes, est constitué de non titulaires : contractuels, auxiliaires, vacataires... Leur proportion est beaucoup plus grande dans les établissements publics (plus de 60 %) et dans la fonction publique territoriale (plus de 30 %) que dans la fonction publique d'Etat où ils représentent toutefois plus de 13 % des effectifs.

Répartition entre titulaires et non titulaires

1990

1995

Total titulaires et non titulaires

Non titulaires


%
(*)

Total titulaires et non titulaires

Non titulaires


%
(*)

Ministères (1)

2.168.900

328.100

15,1 %

2.214.400

294.000

13,3 %

Etablissements publics (2)

188.500

117.100

62,1 %

208.000

126.500

60,8 %

Total Fonction Publique de l'Etat (1)

2.357.400

445.200

18,9 %

2.422.400

420.500

17,4 %

FPT (1) (2) (3)

1.326.400

448.900

33,8 %

1.442.700

504.900

34,7 %

FPH (personnel non médical) (1)

667.100

35.700

5,4 %

689.900

37.500

5,4 %

Total des 3 fonctions publiques (1)

4.386.900

929.900

21,2 %

4.575.000

962.900

21,0 %

(*) % de non titulaires par rapport à l'effectif total

(1) Effectifs non compris les bénéficiaires de contrat emploi solidarité (CES)

(2) Y compris assistantes maternelles

(3) Les effectifs de 1995 sont une estimation

Source : Direction générale de la Fonction publique

- un troisième cercle d'agents est constitué de personnes bénéficiaires de contrats emploi solidarité, qui ne sont pas des contrats de droit public, et qui ne peuvent pas être directement conclus par les services de l'Etat : toutefois de nombreux CES sont conclus par les collectivités territoriales et par les établissements publics, ce qui aboutit à les considérer comme des CES "Fonction publique", dont le nombre est supérieur à 200.000 :

Répartition des CES "fonction publique"


Année

Total CES fonction publique (1)

Collectivités territoriales

EPA et EPIC hors enseignement

Etablissements publics d'enseignement

Etablissements de santé

1993

219.073

94.175

64.611

37.426

22.861

1994

254.094

107.451

70.086

47.117

29.440

1995

250.416

105.645

64.127

49.983

30.661

(1) Le total des bénéficiaires de CES fin 1995 est de plus de 400.000 ; les autres bénéficiaires de CES, hors fonction publique, sont classés en "associations" et "mutuelles".

Enfin, les "emplois-jeunes" prévus ans le projet de loi de finances pour 1998 peuvent être considérés comme des emplois publics, puisque l'Etat prendre en charge 80 % de leur rémunération, et même 100 % pour les jeunes recrutés par l'Intérieur ou par l'Education nationale : il y aura là encore quelque 100.000 emplois publics (350.000 en 1999) relevant du droit privé.

L'Etat emploie donc une proposition non négligeable d'agents dans des conditions non statutaires.

Certes des progrès ont été réalisés grâce à la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique qui comporte un plan de résorption de l'emploi précaire s'adressant à environ 20.000 agents du niveau de la catégorie C et près de 18.000 agents assurant des fonctions d'enseignement ou d'éducation (contractuels vacataires, auxiliaires...).

Les premiers concours ont été organisés au printemps 1997 par les ministères de l'éducation nationale (2.700 postes) et de l'agriculture (370 postes) : toutefois cette résorption de l'emploi précaire ne concernera que 38.000 agents sur 1 million ; par ailleurs, le problème demeure -et s'accroît en 1998- pour les CES "fonction publique" et les emplois jeunes, dont le total pourrait atteindre 500.000 en période de croisière.

II. LES CRÉDITS DU MINISTÈRE CHARGÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE

Ces crédits sont regroupés en un seul "agrégat" au sein des services généraux du Premier ministre, intitulé "Fonction publique".

Il s'agit des moyens consacrés à :

- la mise en œuvre d'une politique d'ensemble de la fonction publique,

- la modernisation de l'administration et la réforme de l'Etat,

- la tutelle des écoles d'administration.

De 1997 à 1998 les crédits évoluent de la façon suivante :

(En millions de francs)

1997

1998

1997/1996

Dépenses ordinaires

Titre III

Personnel

Fonctionnement

1.133,203

636,330

496,873

1.386,775

900

486,775

+ 22,3

+ 41,4

- 2,1

Titre IV

2,3

2

- 13,1

Total dépenses ordinaires

1.135,503

1.388,575

+ 22

Dépenses en capital

Titre V

40

26

- 35

Total général

1.175,503

1.414,575

+ 20,3

A. LES DÉPENSES DE PERSONNEL

Ces dépenses sont exclusivement constituées de prestations d'action sociale interministérielle. La progression de 263,67 millions de francs est due principalement -à hauteur de 230 millions de francs- à l'inscription d'une provision destinée à accompagner la négociation salariale dans la fonction publique. Pour le solde, la progression est liée à des prestations telles que les chèques vacances des fonctionnaires.

B. LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

1. Le fonds pour la réforme de l'Etat

Le fonds pour la réforme de l'Etat s'élève à 112,5 millions de francs ; cette année aucun crédit d'investissement ne figure pour ce fonds, contrairement à 1997 où les crédits étaient de 110 millions de francs en fonctionnement et les crédits en capital à 40 millions de francs. La dotation pour 1998 est alignée sur la régulation budgétaire pratiquée au mois de juillet dernier sur ces crédits.

2. La formation et la modernisation

Les crédits de formation interministérielle diminuent de 40 à 32 millions de francs, les crédits de modernisation de 20 à 14,3 millions de francs, là encore par alignement sur les dotations budgétaires issues de la régulation de juillet 1997.

3. Les subventions aux écoles

a) Une modération des crédits en 1998

Les subventions aux écoles représentent 329,27 millions de francs en quasi-stagnation. C'est notamment le cas de la subvention à l'ENA qui s'élève à 161,2 millions de francs.

L'évolution des crédits des subventions aux écoles (1995-1998)

(en millions de francs)

Ecoles

Crédits 1995

Crédits 1996

Crédits 1997

PLF

Variation en %

LFI

LFI moins crédits annulés

LFI

LFI moins crédits annulés

LFI

LFI moins crédits annulés

1998

PLF 98/

LFI 97

36-11 Ecole nationale d'administration


161,015


158,585


161,740


159,373


161,076


157,860


161,228


+ 0,09

36-31 Institut international d'aminis-tration publique



24,989



24,489



24,269



23,659



23,385



22,791



23,391



+ 0,03

36-51 Instituts régionaux d'administration



145,335



144,285



125,681



124,862



142,410



139,451



142,855



+ 0,31

43-01 Centre des études européennes de Strasbourg



4,500



4,500



3,000



2,550



2,300



1,955



1,800



- 21,74

TOTAL

335,839

331,859

314,690

310,444

329,172

322,058

329,274

+ 0,03

Source : Direction générale de l'administration et de la fonction publique.

b) Les surcoûts de la délocalisation de l'ENA

Cette modération, appréciable, des subventions, ne doit pas faire oublier les surcoûts nés de la "fausse délocalisation" de l'Ecole nationale d'administration à Strasbourg.

Les dépassements considérables du budget initial prévu pour cette opération avaient été dénoncés, à juste titre, en 1994, par M. Maurice Couve de Murville, alors rapporteur de la commission des finances sur les crédits des services généraux du Premier ministre.

L'état détaillé de ce dossier figure dans le rapport de la Cour des Comptes rendu public le 24 novembre dernier.

La Cour synthétise de la façon suivante les surcoûts nés de la délocalisation décidée en 1992 :

"Annoncé comme une opération exemplaire de "délocalisation", le transfert de l'Ecole nationale d'administration à Strasbourg s'est traduit, en fait, par une double implantation dont les conditions de mise en œuvre ont été particulièrement coûteuses.

Le transfert envisagé à l'origine a conduit à aménager pour un coût sensiblement supérieur aux prévisions initiales les bâtiments de la Commanderie Saint-Jean, à Strasbourg, progressivement, mais épisodiquement occupés au fur et à mesure de leur livraison. Par la suite, la décision de maintenir l'implantation parisienne a consacré la sous-utilisation des locaux strasbourgeois.


Cette opération, décidée par le Gouvernement sans préparation ni concertation, en application d'un calendrier précipité et de décisions successives qui en ont modifié le déroulement d'une manière parfois imprévisible, s'est traduite par une dépense directe de 170 millions, sensiblement supérieure à celle qui avait été annoncée au Parlement en juin 1992. Contrairement au principe initialement retenu, aucun produit de cession immobilière n'est venu en atténuer la charge. Ses effets continuent de peser lourdement sur le budget et sur le fonctionnement de l'établissement. La gestion quotidienne et le fonctionnement pédagogique de l'école restent en outre gravement perturbés par les effets de la double installation, qui entraîne inévitablement la sous-occupation des locaux, le sous-emploi des équipements et des déplacements répétitifs".

L'analyse de la Cour porte en effet sur le dépassement des crédits constaté sur l'opération initiale, mais aussi sur les coûts additionnels de fonctionnement annuels occasionnés par cette opération.

Les surcoûts de la délocalisation de l'ENA

Un dépassement considérable des coûts initiaux

* Une opération précipitée

La décision de transférer l'ENA à Strasbourg n'a été précédée d'aucune des procédures préconisées par le CIAT du 7 novembre 1991 en ce qui concerne les délocalisations : examen immobilier, exigence d'économie budgétaire, évaluation précise des dépenses et recettes immobilières entraînées par l'opération.

En réalité, comme le souligne la Cour, "les prévisions financières successives ont fait une large place à l'improvisation, chaque décision étant déterminée prioritairement par la nécessité de respecter les délais assignés par le gouvernement" .

L'estimation annoncée devant le Parlement le 9 juin 1992 était d'environ 100 millions de francs, soit 30 millions de francs pour l'achat du bâtiment, et 70 à 80 millions de francs pour les travaux.

* Un changement de conception " en cours de route "

Alors que l'Etat avait engagé les travaux à Strasbourg, la réflexion a fait reconnaître, en 1993, la nécessité de maintenir certains enseignements dans la capitale : il a donc été décidé de partager les activités de l'école entre Strasbourg et Paris

* Des surcoûts considérables

L'Etat a finalement acheté les bâtiments d'une ancienne prison, la " Commanderie Saint-Jean " intégrée dans une ZAC, le 8 octobre 1992. Par ailleurs, la cession des bâtiments de la rue de l'Université, à Paris, qui devait concourir au financement de l'opération, a été abandonnée.

Afin de livrer le bâtiment en temps voulu, les travaux ont été confiés à une société locale, sur la base d'un avant-projet sommaire.

Enfin, le transfert des agents, qui devait porter sur 120 emplois, s'est finalement réduit à 14.

Des recrutements ont du être effectués pour assurer le fonctionnement de Strasbourg (41 agents), alors que quatre-vingt agents sont restés en poste à Paris, et que près de vingt travaillent sur les deux sites.

Dans sa réponse au rapport de la Cour des Comptes, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, chiffre le coût des opérations initiales de la manière suivante :

- la répartition des activités entre les deux sites, la superficie des locaux et le montant total des travaux : 97 millions de francs ;

- le montant des équipements : 28,2 millions de francs ;

- le coût d'achat du bâtiment : 15 millions de francs ;

soit 155,2 millions de francs auxquels se sont ajoutées des mesures d'accompagnement du déménagement : indemnités de mission, frais de gardiennage et de déménagement de matériel, plan social de délocalisation, soit au total 15 millions de francs, ce qui porte le coût de l'opération initiale à 170,2 millions de francs .

Une hausse des charges de fonctionnement annuelles

La hausse des charges de fonctionnement est induite par la dualité des sites.

- Un personnel vacataire a été recruté pour assurer le gardiennage et le fonctionnement des deux sites : douze emplois ont été créés.

- Compte tenu des frais supplémentaires de déplacement et des autres charges de fonctionnement, la subvention de l'Etat est passée de 116 millions de francs à 161 millions de francs en 1995.

La Cour relève enfin la sous-utilisation aberrante des locaux à Strasbourg, la perturbation profonde de la gestion de l'école, le rythme des déplacements imposés aux élèves.

Elle conclut que " Dans les conditions présentes, il est contraire au bon sens de perpétuer la décision de l'établissement entre deux sites. Si le regroupement, par retour à Paris ou transfert complet à Strasbourg, est considéré comme trop difficile, il faut moins spécialiser chacun des deux ; l'installation, ainsi que la création d'un pôle de formation annoncée par le gouvernement, en novembre 1996, fusionnant l'ENA et l'Institut international d'administration publique, offrent des perspectives dans ce sens ".

Dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, se contente de mettre en avant la mise à disposition active des locaux de l'ENA à des tiers, et l'utilisation croissante de Strasbourg par le Centre d'études européennes.

c) Les crédits de délocalisation

Ces crédits constituent le fonds de délocalisation piloté par un comité interministériel présidé par le secrétaire général du gouvernement, et composé des ministères de l'aménagement du territoire, de la fonction publique, du logement, de l'intérieur et du budget.

Les crédits d'investissement des délocalisations se sont élevés à 990,5 millions de francs en autorisations de programme, et 848 millions de francs en crédits de paiement, de 1992 à 1997.

L'évolution des crédits depuis la création du fonds est retracée par le tableau ci-dessous :

(en millions de francs)

Chapitre 57-01 A.P.

Chapitre 57-01 C.P.

Chapitres 37-07 D.O.

LFI 1992

800,00

400,00

100,00

LFI 1993

0,00

400,00

85,86

LFI 1994

130,00

30,00

20,00

LFI 1995

0,00

0,00

0,00

LFI 1996

25,00

12,50

0,00

LFR 1996

5,50

5,50

0,00

LFI 1997

30,00

0,00

0,00

Total

990,50

848,00

205,86

Consommation de 1992 au 30.06.97

737,51

708,56

131,33

Arrêtés de transfert en instance

0,50

8,50

5,20

Total affecté

738,01

717,06

136,53

Disponible effectif

252,49

130,94

69,33

Prévisions pour 2ème semestre 1997

Crédits préaffectés

128,50

40,00

6,26

Solde disponible en fin d'exercice

123,99

90,94

63,07

Prévisions pour 1998

Crédits préaffectés

50,00

112,00

8,12

PLF 1998

0,00

26,00

0,00

Crédits disponibles (prévision)

73,99

4,94

54,95

Pour 1998, les autorisations de programme passent de 30 millions de francs à 0 million de francs, alors que les crédits de paiement passent de 0 à 26 millions de francs. Aucune dotation n'est inscrite en fonctionnement.

La demande de crédits de paiement est justifiée, selon le ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, par " la nécessité de couvrir les autorisations de programme accordées pour des opérations d'ores et déjà engagées et d'autoriser le lancement, en 1998, des opérations prévues par les CIAT qui seront en état de l'être au cours de cet exercice ".

CHAPITRE II

LA REFORME DE L'ETAT

La réforme de l'Etat avait été placée par une circulaire du Premier Ministre du 26 juillet 1995 au centre des priorités du précédent gouvernement. Celui-ci considérait en effet que l'administration devait s'adapter aux exigences de son environnement, mais aussi que les citoyens étant sollicités pour le redressement du pays, ainsi que pour la lutte contre le chômage, l'Etat ne devait pas s'exonérer de l'effort de discipline imposé à tous.

Durant le premier semestre de l'année 1997, votre rapporteur a souhaité faire le point de l'avancement de cette réforme ambitieuse.

Aujourd'hui, de multiples questions se posent sur les intentions du nouveau gouvernement vis-à-vis de sa poursuite.

I. LES CONTOURS DE LA REFORME DE L'ETAT

Les objectifs et les moyens de la réforme de l'Etat étaient dès le départ clairement définis.

A. CINQ OBJECTIFS DE BASE

La circulaire du 26 juillet 1995 énonçait cinq objectifs prioritaires :

1. Clarifier les missions de l'Etat et le champ des services publics

Cette clarification impliquait :

- un travail de redéfinition des frontières entre le secteur public et le secteur privé.

- une clarification des compétences entre l'Etat et les différentes collectivités territoriales.

- Enfin, un recensement des domaines d'application du principe de la subsidiarité européenne par rapport au rôle de l'Etat national.

2. Mieux prendre en compte les besoins et les attentes des citoyens

Cette recherche impliquait :

-  l'élaboration d'une charte des citoyens et des services publics ;

- l'élaboration par les services en relation avec le public de programmes d'amélioration des méthodes ;

- l'adaptation de l'administration aux quartiers urbains en difficulté et à la désertification rurale.

3. Changer l'Etat central

Ce changement passait par :

- la déconcentration des tâches de gestion, les effectifs des administrations centrales étant appelés à diminuer de 10 % d'ici à la fin de 1996 ;

- l'amélioration des capacités de conception et de décision des administrations centrales ;

- une lutte contre la prolifération des textes réglementaires et législatifs.

4. Déléguer les responsabilités

Cette délégation devait s'effectuer :

- en rebâtissant un schéma de réorganisation des services centraux et déconcentrés,

- en opérant un regroupement fonctionnel des services territoriaux,

- en modifiant les relations de l'Etat avec ses services, par l'établissement de contrats de services.

5. Rénover la gestion publique

Il s'agissait :

- de moderniser la gestion de la fonction publique

- de moderniser les procédures financières et les règles de la comptabilité publique.

*

* *

Au total, la réforme de l'Etat ainsi proposée était très ambitieuse, car elle portait sur les méthodes mais aussi sur les missions : ce deuxième volet s'est d'ailleurs avéré beaucoup plus difficile à mener à bien.

B. LES MOYENS DONNES A LA REFORME

Deux instruments spécifiques étaient mis en place :

1. Le commissariat à la réforme de l'Etat

Le commissariat à la réforme de l'Etat, équipe inter-ministérielle légère, composée d'une quinzaine de fonctionnaires de haut niveau, placée auprès du Premier Ministre, a été créé par décret du 13 septembre 1995, pour une durée de trois ans.

Cette équipe a été chargée du travail de conception et de mise en oeuvre des réformes préconisées.

2. Le fonds pour la réforme de l'Etat

Un fonds pour la réforme de l'Etat a été mis en place au sein des services généraux du Premier Ministre, destiné à accompagner des opérations telles que la mise en place des maisons de services publics.

II. UN PREMIER BILAN DE LA REFORME

Votre rapporteur a souhaité, au début du premier semestre 1997, faire le point sur le degré d'avancement de la réforme de l'Etat, en évaluant :

- la mise en oeuvre du fonds pour la réforme de l'Etat, destinée à financer des opérations bien spécifiques,

- l'engagement des réformes annoncées sur les structures mêmes de l'Etat.

A. LE FONDS POUR LA REFORME DE L'ETAT

1. Le principe du fonds

Ce fonds est une enveloppe financière créée en 1996 afin d'accompagner les chantiers de modernisation et de réorganisation des administrations centrales et déconcentrées.

Il comporte deux sections : la première consacrée au financement des réformes "particulièrement importantes ou exemplaires" et la seconde consacrée à l'action territoriale de l'Etat.

Les moyens du fonds

Les moyens inscrits ont été successivement de :

en 1996

46 millions de francs dont

18,5 millions de francs pour la section centrale

27,5 millions de francs pour la section locale

en 1997

150 millions de francs dont

50 millions de francs pour la section centrale

100 millions de francs pour la section territoriale.

Toutefois, l'arrêté d'annulation gageant le décret d'avances du 9 juillet 1997 a diminué ces crédits à hauteur respective de :

37,5 millions de francs (section centrale)

75 millions de francs (section territoriale).

Pour 1998 , la dotation prévue est de 112,5 millions de francs dont :

37,5 millions de francs pour la section centrale

75 millions de francs pour la section terrioriale.

Les moyens seraient donc ramenés à ceux de 1997 après régulation budgétaire.

L'emploi des crédits

Pour 1996, un peu moins de 60 % des crédits ont été consacrés à des opérations d'amélioration du service rendu à l'usager, principalement au plan local :

Récapitulation des opérations financées en 1996
par type d'opération

Thèmes

Opérations

Financement

Nombre

%

Montant

I - Amélioration du service rendu à l'usager

- Opérations à caractère national

- Opérations à caractère local

dont : . amélioration de l'accueil

. maisons des services publics

16

75

34

41

10,7

50,3

9.196.800

17.122.070

11.014.020

6.108.055

Sous-total I

91

61 %

26.318.875

II - Restructuration de services

- Opérations à caractère national

- Opérations à caractère local

3

-

2

-

1.550.000

-

Sous-total II

3

2 %

1.550.000

III - Formation

- Opérations à caractère national

- Opérations à caractère local

9

-

6

-

3.900.000

-

Sous-total III

9

6 %

3.900.000

IV - Outils de gestion

- Opérations à caractère national

- Opérations à caractère local

dont : . réseau informatisé

. autres

8

24

17

7

5,4

16,1

3.100.000

6.840.000

6.560.000

280.000

Sous-total IV

32

21,5 %

9.940.000

V - Divers

- Opérations à caractère national

- Opérations à caractère local

4

10

2,7

6,8

700.000

2.203.450

Sous-total V

14

9,5 %

2.903.450

TOTAL

149

100 %

44.612.325

2. L'appréciation sur les réalisations

Le fonctionnement du fonds pour la réforme de l'Etat appelle trois réflexions :

- Ne peut-on pas considérer les améliorations techniques financées par le fonds comme des mesures inhérentes au fonctionnement normal de toute administration soucieuse de s'adapter au développement des techniques et aux besoins de son public ?

Le commissariat à la réforme de l'Etat objecte que ce fonds a une vocation d'incitation, et que la réussite de la réforme de l'Etat dépend de l'impact de telles mesures, fussent-elles modestes, sur l'opinion publique.

- La répartition des crédits entre les projets n'aboutit-elle pas à un saupoudrage ?

Selon le commissariat à la réforme de l'Etat, ces moyens, même modestes, permettent aux préfets de disposer d'une marge de manoeuvre pour concrétiser les réformes dans leurs départements. Le commissariat estimait aussi dans un premier temps que ces crédits auraient l'avantage d'échapper à la régulation budgétaire, espoir démenti par l'arrêté d'annulation du 9 juillet 1997.

- A quels critères obéit la répartition des crédits entre les départements ?

Le commissariat à la réforme de l'Etat précise que les départements ont été classés en cinq groupes en fonction de leur population, et que le montant des dotations accordées varie de 200.000 F pour les départements les moins peuplés à 600.000 F pour les plus importants.

B. LES RÉFORMES DE STRUCTURE

1. La déconcentration

a) Une première réforme importante : la déconcentration des décisions individuelles

La loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République a fait de la déconcentration le mode d'organisation de droit commun de l'administration de l'Etat, en disposant que (article 2) " sont confiées aux administrations centrales les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l'exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial ".

Dans les faits, cette loi n'a pu faire évoluer la tradition administrative qui fait "remonter à Paris" d'innombrables décisions individuelles, ôtant ainsi toute souplesse de gestion aux services déconcentrés.

Il faut donc saluer comme une réussite tout à fait inédite la déconcentration des décisions individuelles opérée par le décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 : la méthode adoptée par ce décret est radicale puisqu'est posé le principe général du transfert des décisions administratives individuelles aux autorités locales déconcentrées de l'Etat à partir du 1 er janvier 1998, sauf texte contraire express pris sous forme de décret en Conseil d'Etat ou en Conseil des ministres, pour deux types d'exceptions :

- les décisions ayant une portée nationale (ex. : le taux de remboursement des médicaments),

- les décisions nécessitant une expertise préalable de caractère national.

Par exemple : au ministère de l'agriculture, 700 procédures ont été recensées, dont 200 sont déjà déconcentrées et 300 sont considérées comme hors champ ou seront supprimées. Sur les 200 décisions administratives individuelles actuellement traitées au plan national, 90 procédures seulement devraient y être maintenues.

Les décrets de dérogation (environ 40 au total) n'interviendront que de manière très sélective.

Chaque ministère va préparer un guide à l'intention des services déconcentrés, fournissant des conseils et des éléments de jurisprudence pour chacune des procédures déconcentrées.

Cette déconcentration implique-t-elle l'affectation de nouveaux moyens dans les services locaux de l'Etat ? Dans certains départements, notamment au sud de la France, les effectifs paraissent suffisants. Dans les autres, on peut envisager de redéployer des emplois supprimés à l'administration centrale.

b) La création de services à compétence nationale

Deux décrets du 9 mai 1997 ont créé les services à compétence nationale, qui sont des services dont le champ territorial est national mais qui exercent des activités à caractère opérationnel : études, statistiques, prestations de services. Exemples : la direction nationale des enquêtes douanières, le service des essences des armées, le service national des travaux du ministère de la culture.

Ces services comptent environ 20.000 emplois, sur les 75.000 existant actuellement dans les administrations centrales. Leur organisation devrait désormais obéir notamment au principe de l'externalisation des tâches.

50 % des services à compétence nationale existent déjà en fait, 50 % seront créés par "externalisation" de tâches actuellement exercées au sein des administrations centrales. Au total, on devrait compter une centaine de services à compétence nationale.

Les services à compétence nationale sont des services auxquels seront fixés des objectifs, et dont seront évalués les résultats ; des contrats de service pourront être passés entre eux et l'administration centrale.

c) Les contrats de service

La notion de contrat de service va plus loin que celle de service à compétence nationale. Elle représente un nouveau mode de gestion qui peut s'appliquer à tous les échelons administratifs.

Telle qu'elle a été définie par le précédent gouvernement, à partir d'un conseil interministériel du 29 mai 1996, la notion de contrat de service offre à l'administration de réelles possibilités de modernisation.

Le contrat de service : un réel espoir de modernisation

1. La définition des objectifs, la mesure des résultats

Les objectifs des contrats de service seront très précisément spécifiés, leurs résultats mesurés et comparés si possible avec ceux de services du secteur commercial.

2. La consultation des usagers

Des enquêtes de satisfaction seront réalisées pour consulter les usagers.

3. Un nouveau mode de gestion

Le contrat de service doit permettre une autonomie plus grande des gestionnaires, en contrepartie d'un contrôle des résultats.

Les chefs de service négocieront chaque année, au printemps, avec leur administration centrale le budget global qui leur sera alloué l'année suivante, en personnels et en fonctionnement, pour exercer les missions qui leur seront confiées.

Chaque service se verra ainsi indiquer une enveloppe globale de référence -addition d'une dotation globale de fonctionnement et de crédits de personnel calculés à partir des emplois prévus pour le service- au sein de laquelle il aura la possibilité de réallouer les moyens, soit en rendant des emplois d'une catégorie en échange d'emplois d'un profil plus adapté aux missions qui lui ont été assignées, soit en proposant des économies nettes de personnel et en demandant, le cas échéant, un renforcement d'autres dotations, soit, également en panachant l'ensemble de ces dispositions, sans toutefois proposer des créations nettes d'emplois au-delà de la dotation d'emplois communiquée par l'administration centrale.

Une fois arrêtées les décisions gouvernementales sur le projet de loi de finances, le service recevra notification définitive de son budget, en crédits et en emplois.

4. L'association des personnels à l'amélioration de la gestion et les retours financiers en leur faveur

Un intéressement financier des agents pourra être mis en oeuvre sur la base des économies réalisées.

A l'heure actuelle, trois ministères se sont lancés dans une démarche d'expérimentation des contrats de service avec leurs services déconcentrés : le ministère de l'équipement, le ministère de l'éducation nationale, le ministère de l'industrie.

A l'équipement

Le ministère de l'équipement a inclus cette démarche dans le cadre de l'accord pluriannuel qu'il a conclu avec la direction du budget sur l'évolution des emplois et des crédits de fonctionnement.

Il s'agit d'une contractualisation sur la base, d'une part d'engagements concrets des directions départementales de l'équipement portant sur l'amélioration de la qualité, en termes de services rendus aux usagers dans divers domaines et de performance interne, et d'autre part d'engagements de l'administration centrale sur un budget global de fonctionnement (emplois, crédits).

Au sein de cette enveloppe, des moyens de fonctionnement peuvent être échangés contre des emplois, des économies peuvent donner lieu à des retours sous forme collective ou individuelle.

La mesure de performance s'appuie sur les indicateurs de gestion existants (plans "objectifs-moyens" mis en place il y a quatre-cinq ans) ainsi que sur d'autres indicateurs permettant d'évaluer l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers.

La programmation pluriannuelle Budget-Equipement a pu être mise en place pour trois ans grâce à la quantification des missions du ministère de l'équipement, et dans le cadre de la rénovation de la procédure d'élaboration de la loi de finances où un budget de "reconduction" est arrêté désormais en début d'année avec chaque ministère. Les contrats de services sont prévus sur la base du volontariat de directions départementales de l3'équipement, parce que des outils de contrôle de gestion existent dans les services déconcentrés de l'équipement depuis plusieurs années.

A l'éducation nationale

A l'éducation nationale, l'expérimentation devrait concerner le fonctionnement des services administratifs académiques et des lycées et collèges. Quatre groupes de travail successifs ont été programmés pour accompagner la démarche (expérimentation de nouvelles règles de fonctionnement budgétaire ; mise au point d'un référentiel national des missions ; démarche qualité-réflexion autour d'éventuels engagements scolaires ; implication des personnels et de leurs représentants).

A l'industrie

Au ministère de l'industrie, les directions régionales concernées ont lancé l'élaboration de leurs engagements spécifiques et l'identification des indicateurs de mesure pertinents et préparé des actions internes, notamment dans le domaine du management du personnel.

Dans les trois ministères, la démarche se développe en étroite association avec le personnel.

2. La rénovation de la gestion de la fonction publique

a) Ce qui a été fait

Trois décrets sont intervenus le 31 mai 1997 pour faciliter la déconcentration de la gestion des personnels et du dialogue social :

- le premier institue l'obligation de créer des comités techniques paritaires locaux dans les services déconcentrés de plus de 50 personnes ;

- le deuxième décret ouvre la possibilité de déconnecter le niveau (local ou central) où siège la commission administrative paritaire (consultative) du niveau (local ou central) où est prise la décision individuelle.

- le troisième décret donne au préfet la compétence d'organiser les mises à disposition de personnel entre les services extérieurs de l'Etat d'un même échelon territorial.

Ces décrets vont beaucoup plus loin que de simples mesures techniques : ils devraient permettre, pour la première fois, une gestion avisée du personnel au plan territorial.

b) Les chantiers futurs

1) Les fusions de corps

Il existe actuellement à peu près 1.000 corps administratifs ; seuls 50 ont pu faire l'objet de fusion.

Par exemple, il existe 20 corps de secrétaires administratifs des services déconcentrés. Or, cette division est un obstacle essentiel à la mobilité des agents. Le problème des rémunérations accessoires est évidemment un élément important de la réforme, les indemnités pouvant aller de 1 à 10 pour des corps comparables.

2) La réforme de la notation

Il faut enrichir la procédure de notation annuelle, actuellement assez stérile.

En effet, cette notation devrait être l'occasion d'établir un bilan professionnel de l'agent. Par ailleurs, la notation devrait pouvoir être utilisée pour favoriser une mobilité, pour fonder une individualisation des primes allouées.

3) La création d'une bourse des emplois

Une bourse des emplois devait être mise en place en 1997, par centralisation des offres et demandes à la direction générale de la fonction publique (support : Minitel, Internet, presse...).

Une expérimentation devait être menée sur 2-3 administrations et concerner tous les emplois : elle devait permettre d'utiliser le congé "formation-mobilité", qui ouvrira aux fonctionnaires la possibilité de changer de métier au sein même de la fonction publique.

c) Aller plus loin ?

Votre rapporteur considère qu'il n'est pas interdit d'envisager une gestion salariale dans le secteur public qui obéirait à des critères rationnels, selon la démarche suivante :

1. Le Parlement pourrait fixer une enveloppe salariale maximale pour la fonction publique (sur plusieurs années).

2. La direction du budget répartirait cette enveloppe entre les différents ministères selon les modalités actuellement retenues pour le contrat pluriannuel avec le ministère de l'équipement.

3. Enfin, des contrats de service seraient conclus par les ministères avec leurs services déconcentrés.

3. La gestion patrimoniale de l'Etat

Il s'agit là d'un pan essentiel de la réforme de l'Etat, puisque l'on se propose de passer d'une logique de budget à une logique de bilan.

Il faut rendre hommage au précédent ministre de l'économie et des finances d'avoir su amorcer ce changement des mentalités, qui seul permettra une rationalisation des décisions de l'Etat.

Une mission a été confiée à M. François (trésorier payeur général) qui doit publier un livre blanc au début de l'année 1998, contenant une expertise technique des problèmes très approfondie.

Cette réforme amènera à introduire la notion de provision et d'amortissement dans la comptabilité de l'Etat.

En ce qui concerne la politique immobilière, une commission présidée par Jean-Pierre Weiss, ingénieur en chef des ponts et chaussées, a présenté des propositions qui seront prochainement discutées en commission interministérielle de la politique immobilière de l'Etat.

A partir du livre blanc, il conviendra de saisir le Parlement des bases d'un nouveau plan comptable pour l'Etat.

III. DES INTERROGATIONS NOMBREUSES EN DÉBUT DE LÉGISLATURE

Votre rapporteur considère que les avancées opérées par le gouvernement précédent sur la réforme de l'Etat ont été remarquables, même si elles ont suscité peu de publicité. Elles nécessitent incontestablement d'être poursuivies, mais le nouveau gouvernement n'a pas encore donné d'assurances véritables à ce sujet.

A. IL FAUT ALLER PLUS LOIN

1. La gestion de la fonction publique doit absolument être modernisée

En ce qui concerne la gestion de la fonction publique, trois chantiers au moins doivent absolument être poursuivis : les fusions de corps administratifs (il en existe à peu près 1.000), l'enrichissement de la procédure de notation, l'élargissement de la mobilité des fonctionnaires qui pourrait conduire à l'avènement de "métiers" dans la fonction publique.

2. La négociation salariale doit changer de cadre

Une étape supplémentaire vers la modernisation de la fonction publique pourrait permettre de sortir d'une gestion salariale à la fois rigide et à courte vue : le Parlement pourrait fixer une enveloppe salariale maximale pour la fonction publique (sur plusieurs années), la direction du budget répartirait cette enveloppe entre les différents ministères selon les modalités actuellement retenues pour le contrat pluriannuel avec le ministère de l'équipement, et enfin des contrats de service pourraient être conclus par les ministères avec leurs services déconcentrés. Mais cette évolution devrait s'inscrire dans le contexte plus général de la révision, à l'évidence indispensable, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique sur les finances publiques.

3. L'Etat doit prendre conscience qu'il gère un patrimoine

A cet égard, le livre blanc annoncé sur la gestion patrimoniale de l'Etat devrait pouvoir permettre de soumettre au Parlement les bases d'un nouveau plan comptable.

Face à l'ensemble de ces questions, les orientations du nouveau gouvernement ne paraissent pas claires.

B. LES INTENTIONS DU NOUVEAU GOUVERNEMENT N'APPARAISSENT PAS CLAIREMENT

1. L'abandon de la réduction des effectifs

Une seule option apparaît hélas de manière incontestée, qui est celle de l'abandon de la réduction des effectifs : votre rapporteur ne peut que déplorer ce revirement, car la modernisation de l'Etat va bien évidemment de pair non seulement avec une redéfinition de ses missions -sur laquelle aucun débat public n'a pu encore avoir lieu- mais aussi, à tout le moins, avec une plus grande efficacité de ses méthodes qui implique un allégement des structures.

2. Une absence de volonté politique

La communication présentée sur la réforme de l'Etat au Conseil des Ministres par le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, le 5 novembre dernier, laisse des problèmes essentiels en suspens.

a) Des références dépassées

Le gouvernement, plutôt que de reconnaître les aspects novateurs de la circulaire du 26 juillet 1995, se réfère à des concepts beaucoup plus anciens, et qui précisément n'ont pas fait leurs preuves : la décentralisation de 1982, le renouveau du service public en 1989, l'effort de déconcentration de 1992.

b) Des objectifs réduits

Plutôt que d'engager la réflexion sur le rôle de l'Etat, vis-à-vis du secteur privé, des collectivités locales, et de l'Union Européenne, ou même d'approfondir les résultats obtenus en matière de modernisation des structures (services à compétence nationale,, contrats de service), le gouvernement s'attache à poursuivre des objectifs aussi vagues et inconsistants que " la simplification des procédures" ou " de nouvelles modalités de fonctionnement des services déconcentrés ".

Par ailleurs, il renvoie la suite de la réforme à un futur débat d'orientation au printemps prochain, puis à des assises programmées pour l'automne 1998, enfin à l'élaboration -d'ici à l'année prochaine- de programmes pluriannuels par les ministères...

Au total, le contenu de la réforme de l'Etat semble réduit, dans l'immédiat, à une approbation du bout des lèvres des acquis du précédent gouvernement, en abandonnant en fait les chantiers essentiels tels que la rénovation en profondeur de la gestion de la fonction publique.

Au nom de la concertation, les sujets "qui fâchent" sont ainsi remis sine die.

Votre rapporteur estime que le coup d'arrêt donné à l'impulsion de réformes aussi fondamentales est préjudiciable aux citoyens autant qu'aux fonctionnaires, qui ne peuvent plus se satisfaire d'une gestion totalement périmée. Plus grave encore, la réflexion sur le rôle de l'Etat s'arrête, alors que son environnement évolue tous les jours : l'obstacle de cette remise en question ne pourra pas indéfiniment être esquivé au nom du retour au "renouveau du service public".

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 octobre 1997, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur spécial, les crédits de la fonction publique et de la réforme de l' Etat.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial,
a précisé que l'examen de ces crédits recouvrait à la fois l'analyse des charges de personnel de l'Etat, qui sont des dépenses transversales à l'ensemble des départements ministériels, représentant plus de 600 milliards de francs en 1998, et l'examen des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique, dont les crédits sont individualisés dans le budget des services généraux du Premier ministre, pour un montant de 1,4 milliard de francs en 1998.

M. Philippe Marini a tout d'abord rappelé que les dépenses de la fonction publique progressaient de 2,9 % en 1998, -soit deux fois plus vite que l'ensemble des dépenses de l'Etat- et dépassaient le seuil de 600 milliards de francs, pour représenter 38,4 % du budget général. Cette progression de 17,4 milliards de francs des charges de personnel s'explique notamment par les revalorisations salariales opérées en 1997, qui occasionnent une dépense de 4 milliards de francs, mais aussi par l'inscription de deux provisions de 3 milliards de francs au budget des charges communes, et de 575 millions de francs au budget de la défense, au titre des mesures diverses d'ajustement salarial de 1998, et par les mesures catégorielles (dont le plan Jospin et le protocole Durafour) qui devraient entraîner une dépense de 2,3 milliards de francs. Par ailleurs, la dérive spontanée des dépenses de pensions est de 5 milliards de francs en 1998, et le glissement vieillissement technicité contribue à une dépense estimée à près de 4 milliards de francs.

M. Philippe Marini a également rappelé que la fonction publique de l'Etat induisait des dépenses allant au-delà des charges liées aux fonctionnaires, telles que les subventions à l'enseignement privé sous contrat ou les pensions et allocations aux anciens combattants : en 1998, le total des dépenses induites de fonction publique devrait progresser de 3,1 % et atteindre 692,3 milliards de francs, soit 43,7 % du budget général de l'Etat.

M. Philippe Marini a ensuite présenté les crédits du ministère chargé de la fonction publique, regroupés en un seul "agrégat" au sein des services généraux du Premier ministre : il s'agit des moyens consacrés à la mise en oeuvre d'une politique d'ensemble de la fonction publique, à la modernisation de l'administration et à la réforme de l'Etat et, enfin, à la tutelle des écoles d'administration.

De 1997 à 1998 ces crédits progressent de 20,3 % pour atteindre 1.414,5 millions de francs, essentiellement du fait de l'inscription d'une provision de 230 millions de francs destinée à accompagner la négociation salariale dans la fonction publique.

Par ailleurs, les subventions aux écoles représentent 329,27 millions de francs, en quasi-stagnation. Le fonds pour la réforme de l'Etat s'élève à 112,5 millions de francs, aucun crédit d'investissement ne figurant en 1998 pour ce fonds, la dotation étant alignée sur la régulation budgétaire pratiquée au mois de juillet dernier sur les crédits du fonds. Enfin, les crédits de formation interministérielle diminuent de 40 à 32 millions de francs, les crédits de modernisation de 20 à 14,3 millions de francs, là encore par alignement sur les dotations budgétaires issues de la régulation de juillet 1997.

M. Philippe Marini a enfin souligné l'inscription d'un crédit de 7,4 millions de francs, consacré à une réserve d'emplois destinée à la mobilité des administrateurs civils, entre ministères, vers les services déconcentrés et les organisations internationales.

M. Philippe Marini a ensuite fait part de ses observations sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour 1998.

En premier lieu, il apparaît que le poids des dépenses de personnel reflète celui des créations d'emplois opérées depuis le début des années 1980 : entre 1980 et 1996, les effectifs budgétaires de l'Etat ont progressé, à champ constant de + 115.700 emplois.

Il a fallu attendre 1997 pour que soit marqué un coup d'arrêt à cette évolution inquiétante, avec une diminution de 0,4 % des effectifs hors Défense -soit - 5.499 emplois. En 1998, cette orientation est abandonnée : le mouvement de créations reprend avec un solde positif de 490 emplois civils, et de 6.533 emplois en prenant en compte la Défense.

M. Philippe Marini a ensuite fait remarquer que l'Etat ne parvenait pas à maîtriser la dépense de fonction publique : en effet, l'abandon de la politique de réduction d'effectifs renforce encore la difficulté évidente pour l'Etat de maîtriser ses coûts de personnel, car au poids des effets s'ajoute celui du "glissement vieillissement technicité" positif, reflétant les mesures catégorielles des années passées.

M. Philippe Marini a souligné, par ailleurs, que cette absence de maîtrise naissait également de l'impossibilité actuelle de scinder la négociation salariale, dont l'ouverture est aujourd'hui annoncée sous sa forme traditionnelle avec l'ensemble des syndicats de fonctionnaires. Ses répercussions touchent non seulement l'ensemble des agents de l'Etat mais au total l'ensemble de la dépense induite de fonction publique, soit plus de 39 % des dépenses du budget.

M. Philippe Marini a également fait remarquer que les contours de l'emploi public étaient devenus flous. En effet, au-delà des 2,2 millions d'agents de l'Etat, il faut comptabiliser dans l'emploi public, les 200.000 emplois des établissements publics nationaux (hors entreprises nationales), les 165.000 agents de France Télécom et les 280.000 agents de La Poste, les 1,4 million d'agents de la fonction publique territoriale, les 845.000 agents de la fonction publique hospitalière. Au total, on recense donc plus de 5 millions d'agents publics pour une population active de 22,4 millions, soit plus d'un actif sur cinq.

Par ailleurs, les agents employés par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers ne le sont pas tous sous le même statut : le "noyau dur" de la fonction publique est constitué des titulaires, soit à peu près les quatre-cinquièmes des agents publics, le solde, soit environ un million de personnes, étant constitué de non titulaires : contractuels, auxiliaires, vacataires... Leur proportion est beaucoup plus grande dans les établissements publics (plus de 60 %) et dans la fonction publique territoriale (plus de 30 %) que dans la fonction publique d'Etat où ils représentent toutefois plus de 13 % des effectifs.

De même, un troisième cercle d'agents est constitué de personnes bénéficiaires de contrats emploi solidarité, qui ne sont pas des contrats de droit public, et qui ne peuvent pas être directement conclus par les services de l'Etat : toutefois de nombreux contrats emploi solidarité sont conclus par les collectivités territoriales et par les établissements publics, ce qui aboutit à les considérer comme des contrats "fonction publique", dont le nombre est supérieur à 200.000.

Enfin, les "emplois-jeunes" prévus dans le projet de loi de finances pour 1998 peuvent être considérés comme des emplois publics, puisque l'Etat prendra en charge 80 % de leur rémunération, et même 100 % pour les jeunes recrutés par l'éducation nationale : il y aura là encore quelque 100.000 emplois publics relevant du droit privé.

Au total, l'Etat emploie donc une proportion non négligeable d'agents dans des conditions non statutaires, même si quelques progrès ont pu être réalisés grâce à la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique, qui comporte un plan de résorption de l'emploi précaire s'adressant à environ 20.000 agents du niveau de la catégorie C et près de 18.000 agents assurant des fonctions d'enseignement ou d'éducation.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a ensuite fait part de ses réflexions sur les lenteurs de la réforme de l'Etat. Alors que l'utilité du fonds pour la réforme de l'Etat ne paraît pas totalement démontrée, les mesures prises jusqu'au 31 mai 1997 en matière de déconcentration ont été décisives, qu'il s'agisse du transfert des décisions administratives individuelles aux autorités déconcentrées de l'Etat à partir du 1er janvier 1998, de la définition de la notion de contrat de service, de la création des services à compétence nationale ou enfin des mesures prises pour faciliter la déconcentration de la gestion des personnels et du dialogue social qui devraient permettre, pour la première fois, de pouvoir pratiquer une gestion avisée du personnel au plan territorial.

Par ailleurs, M. Philippe Marini a rappelé que le précédent ministre de l'économie et des finances avait réussi à amorcer un objectif de gestion patrimoniale de l'Etat et qu'une mission avait été confiée à un trésorier payeur général, qui devait publier un livre blanc au cours de cet automne, contenant une expertise technique des problèmes.

M. Philippe Marini a donc considéré que les avancées opérées par le Gouvernement précédent sur la réforme de l'Etat avaient été remarquables, même si elles avaient suscité peu de publicité, mais qu'elles nécessitaient incontestablement d'être poursuivies.

M. Philippe Marini a notamment rappelé qu'en ce qui concernait la gestion de la fonction publique, trois chantiers au moins devaient aboutir : les fusions de corps administratifs, l'enrichissement de la procédure de notation et l'élargissement de la mobilité des fonctionnaires qui pourrait conduire à l'avènement de "métiers" dans la fonction publique.

S'agissant de la négociation salariale, une étape supplémentaire vers la modernisation de la fonction publique pourrait permettre de sortir d'une gestion salariale à la fois rigide et à courte vue : le Parlement pourrait fixer une enveloppe salariale maximale pour la fonction publique (sur plusieurs années), la direction du budget répartirait cette enveloppe entre les différents ministères selon les modalités actuellement retenues pour le contrat pluriannuel avec le ministère de l'équipement, et enfin des contrats de service pourraient être conclus par les ministères avec leurs services déconcentrés. Cette évolution devrait s'inscrire dans le contexte plus général de la révision, à l'évidence indispensable, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique sur les finances publiques.

M. Philippe Marini a enfin insisté sur le livre blanc annoncé sur la gestion patrimoniale de l'Etat qui devrait pouvoir permettre de soumettre au Parlement les bases d'un nouveau plan comptable.

Au regard de l'ensemble de ces objectifs, M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a estimé que les intentions du nouveau Gouvernement n'apparaissaient pas clairement, hors la volonté affichée de ne pas réduire les effectifs.

En effet, l'intervention toute récente de M. le ministre de la réforme de l'Etat et de la décentralisation devant la commission de modernisation du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, le 24 septembre dernier, ne traduisait pas de véritable volonté politique de réforme.

Au vu de ces incertitudes, M. Philippe Marini, rapporteur spécial , a proposé de rejeter les crédits de la fonction publique figurant aux Services généraux du Premier Ministre.

A l'issue de cet exposé, un débat s'est ouvert au sein de la commission.

Répondant à M. Jacques Oudin , M. Philippe Marini, rapporteur spécial, s'est déclaré disposé à effectuer des investigations, en sa qualité de rapporteur spécial, sur le problème des fonctionnaires mis à disposition d'organismes extérieurs à l'administration. Par ailleurs, il est convenu de la nécessité absolue de réformer la procédure de notation des fonctionnaires. Enfin, le rapporteur spécial a rappelé qu'il avait abordé, au cours de ses précédents entretiens avec le commissaire à la réforme de l'Etat, les questions de la gestion prévisionnelle des ressources humaines et de l'avènement d'une véritable mobilité des fonctionnaires.

En réponse à M. Roland du Luart , le rapporteur spécial a rappelé que la progression des charges de pensions passait de 3 milliards de francs en 1997 à 5 milliards de francs en 1998 et que les dépenses de pensions étaient appelées à progresser de 65 milliards de francs après l'année 2015, du fait de l'évolution démographique des régimes.

Par ailleurs, M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a précisé que l'inscription d'une provision de 230 millions de francs au budget des Services généraux du Premier ministre était destinée à l'accompagnement de la négociation salariale entamée avec les syndicats de la fonction publique.

Enfin, il a rappelé que l'abaissement de la durée du travail à 35 heures dans la fonction publique devait, d'après les annonces faites par le Gouvernement, être précédé d'un bilan de la durée effective de travail par corps de fonctionnaires.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a ensuite souligné la convergence de ses analyses avec celles de M. Denis Badré , qu'il s'agisse du flou de la gestion des emplois publics, des incertitudes actuelles sur la poursuite de la réforme de l'Etat, du risque de voir surgir la nécessité de titulariser dans la fonction publique les bénéficiaires des emplois-jeunes, ou des difficultés soulevées par la formation de ces jeunes. Il a par ailleurs estimé que la constitution d'une réserve d'emplois destinée à favoriser le retour des administrateurs civils détachés auprès des services extérieurs de l'Etat ou d'organisations internationales était une mesure qui paraissait raisonnable dans son principe.

En réponse à M. Jean-Philippe Lachenaud , le rapporteur spécial est convenu de la nécessité d'adapter la réduction du temps de travail à des situations particulières telles que celles des agents hospitaliers. Il a par ailleurs reconnu les inconvénients liés à la nature des emplois-jeunes, reposant sur des contrats de droit privé alors qu'ils ne correspondent pas à une demande solvable. Il s'est enfin déclaré prêt à effectuer, conjointement avec le rapporteur des crédits de l'enseignement supérieur, un contrôle de l'exécution des dépenses de rémunérations et d'heures supplémentaires pour les professeurs des universités.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a ensuite donné acte de son désaccord avec les déclarations de M. Gérard Miquel , qui avait souligné l'intérêt du maintien d'emplois au niveau départemental, réaffirmé l'utilité de services de l'Etat suffisamment solides tels que ceux chargés de la santé publique, et mis en garde contre les surcoûts de services publics dévolus à la gestion privée tels qu'il les constatait aux Etats-Unis.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a en effet estimé qu'il fallait se donner les moyens d'une politique cohérente de maîtrise des charges de personnel. Il a en outre rappelé le risque de fonctionnarisation des emplois-jeunes, notamment de ceux qui seront utilisés pour le service national.

Répondant ensuite à M. Maurice Blin , le rapporteur spécial a estimé que la mobilité territoriale des fonctionnaires devait pouvoir s'effectuer dans de meilleures conditions. Il a par ailleurs rappelé l'intérêt de l'introduction de la notion juridique de services à compétence nationale.

Enfin, en réponse à M. Christian Poncelet, président , le rapporteur spécial a rappelé que la loi de programme sur la justice adoptée en 1995 prévoyait la création pluriannuelle de postes de magistrats, mais s'est interrogé sur la répartition inégale de magistrats tels que les juges pour enfants dans des départements pourtant comparables. Par ailleurs, M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a estimé qu'il n'était pas opportun de prévoir l'affiliation des bénéficiaires des emplois-jeunes à la caisse nationale de retraite des collectivités locales, ce qui préjugerait injustement de l'intégration des intéressés dans la fonction publique territoriale.

Enfin, M. Philippe Marini, rapporteur spécial, s'est déclaré disposé à poursuivre des investigations sur le passage des fonctionnaires au secteur privé, tout en soulignant la nécessité d'en préserver le principe au nom de la liberté de choix individuelle.

La commission a alors adopté le rapport présenté par M. Philippe Marini, rapporteur spécial, et décidé de réserver le vote sur les crédits de la fonction publique inclus dans le fascicule budgétaire des services généraux du Premier ministre jusqu'à l'examen de ce budget.

Au cours d'une séance tenue le 20 novembre 1997, la commission a adopté deux amendements, tendant à réduire les crédits des mesures nouvelles du titre III du budget des services généraux du Premier ministre de 276,6 millions de francs, et du titre IV du même budget de 9,3 millions de francs. Elle a ensuite décidé de recommander au Sénat l'adoption du budget ainsi modifié.



1 C'est-à-dire hors budgets annexes et comptes spéciaux du Trésor.

2 Les dépenses publiques françaises : une mise en perspective internationale - Rexecode Octobre 1997.

3 et aussi des autres fonctions publiques, hors budget de l'Etat

4 dont plus de 10 % d'agents contractuels inclus dans des conventions collectives spécifiques.


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