CHAPITRE II - LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER LA RÉGLEMENTATION FRANÇAISE EN MATIÈRE DE SURLOYER

I. LE DISPOSITIF FRANÇAIS DU SURLOYER EST DEVENU INADAPTÉ

A. UN BREF HISTORIQUE

Un décret du 31 décembre 1958 a introduit pour la première fois dans la réglementation française le principe du paiement obligatoire d'une « indemnité d'occupation » par les locataires ou occupants dont les revenus dépassent d'au moins 10% les plafonds de ressources.

Il s'agit alors clairement d'amener les locataires HLM dont le niveau de ressources était devenu supérieur à celui donnant accès au parc social à quitter ce dernier et à se loger dans le secteur libre afin de libérer des logements aidés pour des familles modestes. Cet objectif a d'ailleurs été poursuivi jusqu'en 1986.

A l'origine le droit au maintien dans les lieux pour ceux qui ont bénéficié d'une ascension sociale est temporaire et limité à trois ou six ans, selon que l'augmentation des ressources résulte ou non d'une évolution de la situation familiale.

Le montant de l'indemnité d'occupation est alors fixé par arrête niveau national, en fonction de la catégorie du logement concerné et d'un taux mètre carré de surface corrigée dans la limite du double du loyer réglementaire Les sommes ainsi recueillies doivent être utilisées à concurrence de 90 % pour construire des logements locatifs, des équipements collectifs ou sociaux groupes d'habitation ou pour constituer des réserves foncières.


Un arrêté du 14 octobre 1963 fixe un nouveau mode de calcul du surloyer et instaure des taux progressifs (10 %, 30 % ou 60 %) selon la tranche de dépassement des ressources par rapport au plafond. Ces taux ne sont pas constants mais augmentent avec le temps : après trois ans. ils sont respectivement portés à 15%. 40% et 80%.


• Un décret du 17 décembre 1968 vient encore renforcer le rôle dissuasif du surloyer, en accordant aux organismes d*HLM le droit de demander l'expulsion par voie judiciaire des occupants dont les ressources sont supérieures au plafond.


• Dans le même esprit, un arrêté du 24 décembre 1969 réorganise le dispositif surloyer.

Les locataires du parc social sont soumis au paiement d'un surloyer, dès lors que leur revenu excède les plafonds de 15% ou de 20% selon la catégorie de logements qu'ils occupent.

Le surloyer est majoré tous les ans afin qu'à l'issue d'une période de cinq ans, le total « loyer + surloyer » atteigne le loyer d'un logement de catégorie supérieure.

On voit donc bien que l'objectif poursuivi est d'amener les catégories dont les revenus dépassent les plafonds de ressources à quitter le parc social.

Ce système est pour l'essentiel resté en vigueur entre 1970 et 1986. Si les plafonds de ressources pour l'accès au parc social ont été régulièrement réévalués, les barèmes de surloyer sont, quant à eux, demeurés inchangés durant cette période.

• Le dispositif du surloyer a été profondément modifié avec l'article 36 de la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière dite « loi Méhaignerie ». Il diffère sur de nombreux points de l'ancien système, en vertu de l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation :

• le surloyer n'est plus obligatoire, la décision de l'instaurer relèvent de la responsabilité des organismes d'HLM ;

• il ne dépend plus d'un barème arrêté au niveau national, mais de barèmes établis au plafonds de ressources pour l'accès niveau local, après agrément du préfet, par chaque organisme pour des immeubles ou groupes d'immeubles, en tenant compte de l'importance du dépassement du plafond de ressources, du loyer acquitté ainsi que du nombre et de l'âge des personnes vivant au foyer :

• le produit du surloyer est utilisé librement par les organismes d'HLM qui le perçoivent.

Le surloyer n'a alors plus pour objectif principal d'inciter les ménages dépassant les plafonds de ressources à quitter le parc social. Au moyen d'une responsabilisation des organismes d'HLM, il a pour but de permettre à ces derniers de mettre en place un mécanisme de solidarité s'imposant aux plus aisés de leurs locataires qui, en contrepartie, se voient reconnaître implicitement un droit au maintien dans les lieux. Ce dernier résulte, en fait, des dispositions du chapitre premier du titre premier de la loi du 1er septembre 1948, que l'article L. 442-6 du code de la construction et de l'habitation rend applicables aux logements HLM.

Ce changement de la politique du surloyer se justifie par une modification des données de la politique générale du logement. On observe, notamment, durant cette période plus récente, que la population logée en HLM a subi une paupérisation croissante rendant de plus en plus difficile son accès au secteur privé du logement, ceci d'autant plus que le développement de pratiques spéculatives a contribué, tant en accession qu'en location, au renchérissement du prix des logements. Par ailleurs, avec les premières manifestations de la crise urbaine au début des années 1980, une politique de la ville se développe, dont l'un des objectifs est de garantir la mixité sociale des quartiers en difficulté et donc de permettre le maintien sur place des ménages à revenu moyen.

Outre sa mission traditionnelle de logement des plus modestes, le parc locatif social se voit donc assigner un rôle central dans la politique urbaine. Dans ce contexte, les objectifs assignés au surloyer ne pouvaient qu'évoluer et prendre en compte la nécessité de lutter contre la ségrégation urbaine.

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