II. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

A. L'INÉGALE RÉPARTITION ACTUELLE DU FINANCEMENT

1. Un financement qui pèse essentiellement sur les revenus du travail

En dépit du relâchement du lien entre les droits à la protection sociale et l'affiliation professionnelle ou l'effort contributif, le financement de la sécurité sociale est resté assis pour l'essentiel sur les revenus professionnels sous forme de cotisations. Les ressources de la Sécurité sociale se sont certes diversifiées depuis quelques années, avec la création de la CSG et l'accroissement des concours budgétaires, mais les cotisations constituent encore 86 % des recettes du régime général et 75 % des recettes de l'ensemble des régimes de sécurité sociale.

La France se singularise d'ailleurs en Europe par l'importance de la part des cotisations sociales dans le total de ses prélèvements obligatoires.

Structure des prélèvements obligatoires en Europe, en % du PIB (1992)

Source : Commission Européenne

Ce mode de financement pèse directement sur le coût du travail. Certes, les coûts salariaux unitaires globaux de la France sont restés comparables à ceux de ses principaux partenaires. Mais le poids relatif des charges sociales y est nettement plus élevé pour les bas salaires : le taux de cotisation au niveau du SMIC, tous régimes confondus (régime général, retraites complémentaires, UNEDIC) s'est élevé de 57,8 % en 1980 à 61,4 % en 1992. Or, c'est précisément sur ce segment du marché du travail que le taux de chômage est le plus important.

2. Un financement qui pèse assez peu sur les revenus du capital ou de transfert

La part des revenus du travail salarié et non salarié dans les revenus des ménages, qui s'élevait à 77,9 % en 1980 ne représentait plus en 1994 que 72,5 %. Alors que les revenus de transfert et de l'épargne occupent dans notre société une place croissante, leur régime fiscal et social demeure très diversifié.

Régime fiscal et social des revenus du capital ou de remplacement

Instituée pour diversifier le financement de la sécurité sociale, la CSG a été conçue comme une imposition sur l'ensemble des revenus à assiette large et à taux modéré. Cependant, du fait des exonérations spécifiques dont bénéficient certains titulaires de revenus de remplacement et du fait des règles fiscales applicables aux revenus du patrimoine et aux produits de placement, la CSG pèse encore principalement sur les revenus d'activité.

B. LES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT

1. Les allégements de cotisations sociales

Le Gouvernement a donné une nouvelle dimension à la politique d'exonérations de cotisations sociales destinées à alléger le coût du travail, notamment pour les bas salaires et les chômeurs de longue durée.

La loi du 4 août 1995 relative aux mesures d'urgence en faveur de l'emploi a institué une ristourne dégressive (800 francs au niveau du SMIC) pour les rémunérations inférieures à 1.2 SMIC. Compte tenu de l'exonération totale des cotisations patronales familiales au niveau du SMIC, l'allégement total des charges s'élève à 12,6 % du coût du travail (1.137 francs par mois). Dans un souci de simplification, cette ristourne sera fusionnée, à compter du 1er juillet 1996, avec l'exonération de cotisations d'allocation familiale. La ristourne unique dégressive sera de 1.137 francs par mois au niveau du SMIC et concernera les salaires inférieurs à 1,34 SMIC.

Par ailleurs, la loi précitée a institué le contrat initiative emploi, qui prévoit notamment pour les chômeurs de longue durée l'exonération totale des charges patronales de sécurité sociale sur la partie du salaire ne dépassant pas le SMIC : cette mesure, assortie d'une prime mensuelle de 2.000 francs, permet de réduire le coût du travail de plus de 40 % pour un emploi rémunéré au SMIC. Un objectif de 350.000 embauches par an est fixé, à comparer aux 160.000 contrats de retour à l'emploi prévus en 1995.

Au total, les exonérations de cotisations liées aux mesures destinées à favoriser l'emploi, qu'elles soient ou non compensées par l'État, devraient s'élever en 1995 à 45,8 milliards de francs contre près de 31,8 milliards en 1994. Le montant des compensations par le budget de l'État serait respectivement de 30,8 milliards de francs en 1995 et de 40,8 milliards de francs en 1996, contre 18,9 milliards en 1994. De 1994 à 1996, selon les prévisions, ce seront près de 134 milliards de francs d'exonérations de cotisations de sécurité sociale qui auront été consacrées à l'amélioration de l'emploi, dont 90,5 milliards de francs pris en charge par l'État.

Évolution des exonérations de cotisations sociales

2. Le renforcement de la CSG

Le récent rapport du Conseil des impôts consacré à la CSG a bien montré que celle-ci est globalement préférable, en termes de neutralité économique et d'équité, aux cotisations sociales et à l'impôt sur le revenu.

Son assiette devrait donc être élargie à la majeure partie des revenus de transferts et des revenus de capitaux qui en sont exclus aujourd'hui. L'assiette définie pour la nouvelle contribution de remboursement de la dette sociale préfigure d'ailleurs ce que pourrait être à terme celle de la CSG.

Le Gouvernement entend également, dans le cadre de la vaste réforme des prélèvements fiscaux et sociaux qui sera lancée l'an prochain, transférer une fraction conséquente des cotisations de sécurité sociale vers la CSG.

3. La mise en place d'un nouveau mécanisme d'épargne retraite

Les mesures décidées par le Gouvernement permettront de rétablir l'équilibre financier des régimes d'assurance vieillesse fonctionnant par répartition, qui doivent rester le socle du système des retraites. Mais, au-delà des régimes de base et des régimes complémentaires, il convient de favoriser les mécanismes de retraite fonctionnant par capitalisation, qui sont complémentaires des premiers.

Un nouveau mécanisme fiscal d'encouragement à l'épargne retraite, plus large que ceux existant actuellement, sera donc proposé dans le cadre de la réforme des prélèvements fiscaux et sociaux.

4. L'institution d'un prélèvement sur les primes d'assurance de groupe

Le Gouvernement entend compenser, au moins partiellement, certaines inégalités de traitement en matière de protection sociale complémentaire.

Les versements des entreprises au profit de leurs salariés, réalisés dans le cadre de contrats supplémentaires de prévoyance et maladie résultant d'accords collectifs, bénéficient d'une exonération totale de cotisations sociales, dans la limite de 85 % du plafond de sécurité sociale.

Cette exonération de prélèvements sociaux crée une inégalité de traitement entre les salariés des entreprises qui souscrivent des contrats collectifs et les salariés ou non salariés qui ne peuvent souscrire qu'à des compléments de couverture sociale facultatifs, sans part patronale, et donc assujettis à prélèvements fiscaux et sociaux.

Afin de remédier à cette situation, le Gouvernement propose d'instituer un prélèvement de 6 % à la charge des entreprises, assis sur la part patronale des contrats complémentaires de prévoyance et de maladie souscrits auprès des sociétés d'assurance, mutuelles et institutions de prévoyance complémentaire.

Les primes versées annuellement au titre de ces contrats sont estimées à environ 52 milliards de francs, dont 25 milliards de francs pour l'assurance maladie complémentaire et 27 milliards de francs pour l'assurance complémentaire prévoyance. La part des primes à la charge des entreprises est estimée à environ 80 % de ces montants.

Le produit de ce prélèvement, qui sera affecté au Fonds de solidarité vieillesse, peut donc être évalué à 2,5 milliards de francs pour 1996.

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