CHAPITRE III LES MESURES FINANCIÈRES DE PORTÉE GÉNÉRALE

I. UN PRÉALABLE : LA REPRISE DE LA DETTE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

A. LA SPIRALE DE LA DETTE

1. Les avances de l'État au régime général

Jusqu'en juin 1992, le régime général a pu faire face à ses besoins de trésorerie, en recourant aux avances de la Caisse des dépôts et consignations plafonnées à 11,7 milliards de francs. Ces avances se sont révélées insuffisantes à compter du second semestre 1992. Pour assurer la continuité des paiements, l'ACOSS a dû faire appel aux avances du Trésor qui ont été permanentes jusqu'à la fin de l'année.

En 1993, la trésorerie du régime général a été obérée par deux phénomènes cumulatifs : le report des déficits des années antérieures et le déséquilibre financier de l'année 1993, que le plan de redressement du mois de juin a permis de stabiliser mais non de réduire. Le Trésor a donc dû, à nouveau, assurer le financement de la trésorerie de l'ACOSS. Au cours du mois d'octobre, les concours du Trésor ont atteint 90 milliards de francs.

Après la reprise de dette intervenue à la fin de l'année 1993, les difficultés de trésorerie sont réapparues en 1994, nécessitant la conclusion d'un nouveau protocole entre l'ACOSS et la Caisse des dépôts. Ce protocole a relevé le plafond des avances de la CDC DE 11,7 milliards de francs à 15 milliards de francs et ouvre la possibilité d'avances supplémentaires dans la limite de 5 milliards de francs. Cette nouvelle marge de manoeuvre a été aussitôt utilisée en totalité. A nouveau, le Trésor a dû participer, de façon quasi continue, à l'équilibre de la trésorerie du régime général au cours du dernier trimestre 1994. Cette situation s'est prolongée en 1995.

Trésorerie quotidienne de l'ACOSS en 1995

(en millions de francs)

2. Un financement à crédit qui pèse sur les comptes

En quatre ans le régime général aura ainsi accumulé une dette de 230 milliards de francs, soit près de 4.000 francs par Français. Cet endettement de la sécurité sociale est incompatible avec la logique d'un système de solidarité fonctionnant par répartition et aboutirait, s'il se prolongeait, à reporter sur les générations futures la charge de son financement.

Par ailleurs, le poids de la dette cumulée entraîne des charges d'intérêt importantes pour le régime général (4,5 milliards de francs en 1995, 8,2 milliards de francs en 1996) qui absorbent les marges dégagées par les mesures de redressement déjà adoptées. Si rien n'était fait, la dette du régime général s'accroîtrait encore de 60 milliards de francs en 1996.

B. LE CANTONNEMENT DE LA DETTE

1. La création d'une caisse d'amortissement de la dette sociale

Le Gouvernement a décidé la création d'une caisse d'amortissement de la dette sociale, sous la forme d'un établissement public national à caractère administratif, qui prendra à sa charge :

- le capital et les intérêts de la dette cumulée du régime général depuis 1992, soient 230 milliards de francs ;

- le déficit résiduel du régime général en 1996, après les premiers effets du plan de réforme, soit 17 milliards de francs ;

- le déficit prévisionnel de la Caisse autonomie d'assurance maladie (CANAM), soit 3 milliards de francs.

Pour rembourser ce total de 250 milliards de francs, la caisse d'amortissement de la dette sociale disposera des ressources suivantes :

- le produit des cessions du patrimoine immobilier locatif des caisses nationales de sécurité sociale, estimé à 6,5 milliards de francs par le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale ;

- le remboursement par les pays étrangers de leurs dettes d'assurance maladie envers la France, estimé à 4,5 milliards de francs pour les seuls pays membres de l'Union européenne ;

- le produit d'une contribution exceptionnelle au remboursement de la dette sociale qui lui sera affecté.

Cette contribution sera assise sur tous les revenus à l'exception des minima sociaux, des pensions militaires d'invalidité, des rentes d'accidents du travail et des revenus des livrets d'épargne exonérés (livret A et assimilés). Son taux sera fixé à 0,5 %, ce qui devrait lui donner un rendement de 25 milliards de francs par an, suffisant pour permettre un amortissement de la dette sociale sur treize ans.

2. Les conséquences pour le Fonds de solidarité vieillesse

Le Fonds de solidarité vieillesse sera donc déchargé de l'obligation de contribuer au remboursement de la dette annulée du régime général sur la période 1992-1993 qui a été reprise par l'État à la fin de 1993.

Les dépenses du fonds s'en trouveront sensiblement allégées : normalement, les versements du FSV au budget de l'État à ce titre devraient se Prolonger jusqu'en 2008, à raison de 12,5 milliards de francs par an à compter de 1996 (les deux versements de 1994 et 1995, représentatifs des seuls intérêts, ne s'élèvent chacun qu'à 6,8 milliards de francs).

Il convient de remarquer que cet échéancier des versements du FSV, figurant dans l'exposé des motifs de l'article 105 de la loi de finances pour 1994 qui a autorisé le transfert de la dette de l'ACOSS à l'État, n'a pas de valeur juridique. Dans sa décision du 29 décembre 1993, le Conseil constitutionnel a considéré que cette opération de transfert ne pouvait pas s'analyser comme un prêt consenti au FSV et qu'aucun lien juridique n'était établi entre le règlement par l'État de la dette de l'ACOSS et le prélèvement mis à la charge du fonds. En droit, la seule obligation du FSV est celle qui figure chaque année en loi de finances initiale, à l'état annexe À "Voies et moyens" (ligne 816 du budget général).

Le FSV pourra ainsi être recentré sur sa véritable mission, qui est le financement des prestations de solidarité servies aux personnes âgées. A l'issue d'un arbitrage difficile, le Gouvernement a choisi d'affecter prioritairement la marge financière de 11 milliards de francs ainsi dégagée à la prise en charge de dépenses de retraite non contributives supplémentaires, de préférence à la prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes.

En effet, dans le projet de loi que le Sénat a commencé d'examiner, le FSV devait prendre en charge le coût supplémentaire de cette prestation d'autonomie par rapport aux dépenses d'aide sociale que les départements consacrent déjà aujourd'hui aux personnes âgées dépendantes.

La mise en place de la prestation d'autonomie se trouve donc reportée au 1er janvier 1997, date à laquelle de nouvelles ressources auront été dégagées pour permettre au FSV de la financer. Votre rapporteur se réjouit de l'instauration prochaine de cette nouvelle prestation sociale dont il a rapporté pour avis, au nom de la commission des finances, les aspects financiers (1 ( * )) . Attribuée en nature, gérée par les départements et recouvrable sur succession, la prestation d'autonomie ne devrait pas se prêter aux mêmes dérives que l'allocation compensatrice pour tierce personne à laquelle elle est appelée à se substituer.

* (1) Avis n° 45 - Session ordinaire de 1995-1996

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