EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UN PARTENARIAT ENTRE LA FRANCE ET LA MOLDAVIE EN FORTE CROISSANCE ET QUI MÉRITE D'ÊTRE COMPLÉTÉ PAR UNE CONVENTION FISCALE BILATÉRALE

A. UNE RELATION ÉCONOMIQUE ET COMMERCIALE ENTRE LES DEUX PAYS QUI RESTE LIMITÉE MAIS EN FORTE CROISSANCE

1. La Moldavie est un pays à revenus intermédiaires dont l'économie pâtit de faiblesses structurelles et conjoncturelles

Rassemblant une population de 2,6 millions d'habitants sur un territoire de 34 843 kilomètres carrés, limitrophe de l'Ukraine et de la Roumanie, la Moldavie dispose d'un produit intérieur brut (PIB) de 14,4 milliards de dollars en 2022. Elle s'inscrit dans la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire.

Carte de la République de Moldavie

Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères

À la suite de son indépendance en 1991, le pays a connu une croissance soutenue, de l'ordre de 4,5 % par an en moyenne entre 1995 et 2022. Sur la même période, la pauvreté a chuté de 65 %. En outre, le pays a su maitriser son endettement public, qui s'élevait à 159,4 % du PIB en 1998, en le réduisant à 35,1 % en 2023.

Par ailleurs, lors du Conseil européen du 23 juin 2022, la Moldavie s'est vu accorder le statut de pays candidat à l'Union européenne (UE). Les négociations d'adhésion ont été ouvertes par le Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023.

En dépit de ces évolutions, la Moldavie demeure l'un des pays les plus pauvres d'Europe. Elle se situait, en 2021, au 79e rang mondial en termes d'indice de développement humain (IDH) selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Cette situation s'explique par la persistance de faiblesses structurelles et conjoncturelles de son économie.

S'agissant, en premier lieu, des faiblesses structurelles, elles sont héritées de la période soviétique et découlent de la situation géographique du pays.

Ainsi, l'économie est, tout d'abord, encore largement étatisée. La Banque mondiale estime que 19 secteurs productifs sont dominés par une entreprise publique contre 13,17 pour la moyenne OCDE1(*). Or, les entreprises publiques moldaves sont caractérisées par une productivité inférieure de 80 % aux entreprises étrangères présentes en Moldavie. De plus, l'environnement des affaires est perçu comme peu incitatif par les organisations internationales du fait d'une forte instabilité politique et d'une corruption encore importante. Les problématiques de fraude ont culminé avec la crise bancaire de 2014-2015 lorsque des banques moldaves ont accordés un milliard d'euros de crédits frauduleux, soit l'équivalent de 15 % du PIB de l'époque, à des acteurs non identifiés localisés en Russie. En outre, la population moldave est en constante diminution depuis l'indépendance en 1991, phénomène accentué par la crise bancaire de 2014. Cette évolution s'explique par une très forte émigration du travail.

Ensuite, l'économie moldave est vulnérable sur le plan externe. Le pays connait en effet un déficit commercial structurel, en partie compensé par les entrées de devises issues des transferts de la diaspora. En 2023, le FMI estimait le solde du compte courant à - 12,1 % du PIB.

Enfin, la persistance d'un conflit gelé dans la région orientale de Transnistrie ampute la Moldavie d'une partie de son potentiel de croissance. La permanence de cette entité autoproclamée en 1992 prive la Moldavie d'une partie de ses recettes fiscales et perturbe ses relations commerciales avec ses voisins du fait d'une forte économie souterraine qui y prospère.

En second lieu, la Moldavie connaît depuis 2020 des difficultés conjoncturelles qui fragilisent son économie, parmi lesquelles :

- la crise sanitaire, qui a entraîné une contraction du PIB de l'ordre de 7,4 % en 2020, compensée par une reprise rapide au cours de l'année 2021 qui s'est caractérisée par une croissance de 13,9 % ;

- la sécheresse de 2020, qui a fait chuter la production agricole de près de 30 %, dans un pays où le secteur primaire représente environ 15 % du PIB ;

- une forte inflation, y compris avant la guerre en Ukraine, stimulée par des coûts d'approvisionnement énergétiques conséquents ;

- les conséquences du conflit en Ukraine et notamment le fort afflux de réfugiés dans le pays depuis février 2022.

2. Depuis 2017, les échanges commerciaux et financiers entre la France et la Moldavie connaissent une croissance significative

Sur le plan commercial, le montant total des échanges entre les deux pays s'élevait à 176,3 millions d'euros en 2022, selon les données du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ce montant demeure limité par rapport à d'autres partenaires commerciaux. Les échanges de la Moldavie sont principalement orientés vers les pays émergents et ses voisins européens proches. La France n'était en 2022 que le 11e fournisseur de la Moldavie et son 18e client, selon le Fonds monétaire international (FMI). La même année, les quatre principaux fournisseurs de la Moldavie étaient la Roumanie, la Russie, la Chine et l'Ukraine et ses quatre principaux clients la Roumanie, l'Ukraine, l'Italie et la Turquie.

Dans le même sens, la Moldavie n'était en 2022 que le 110e fournisseur de la France et son 113e client. L'excédent commercial de la France avec ce pays ne représentait que 0,018 % du total de nos exportations.

Le faible niveau des échanges commerciaux franco-moldaves peut expliquer, en partie, le caractère tardif de la négociation d'une convention fiscale avec ce pays. Répondant à une question écrite de notre collègue sénateur Olivier Cadic, le ministère de l'économie et des finances a estimé le 3 octobre 2019 que « négocier une convention avec la Moldavie revêt un caractère moins urgent qu'avec d'autres partenaires »2(*).

Toutefois, si le montant des échanges commerciaux de la France avec la Moldavie demeure limité par rapport à d'autres partenaires européens, le commerce entre les deux pays connaît une croissance annuelle moyenne de 13 % depuis 2018. Une telle évolution s'explique essentiellement par une hausse des exportations françaises en Moldavie depuis 2017. Elle s'est récemment accentuée. Au premier semestre 2022, selon les dernières données disponibles, les exportations françaises avaient progressé de 52 % par rapport à l'année précédente.

Le renforcement de l'excédent commercial français avec la Moldavie est principalement porté par les exportations de machine industrielles et agricoles et de produits chimiques, parfums et cosmétiques.

Évolution des échanges entre la France et la Moldavie

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du ministère des affaires étrangères

Le tableau suivant détaille les principaux postes d'exportation et d'importation, hors matériel militaire, entre la France et la Moldavie.

Structure des échanges entre la Moldavie et la France en 2022
(hors matériel militaire)

(en millions d'euros et en % du total)

Premiers postes d'exportation
vers la Moldavie

Premiers postes d'importation
depuis la Moldavie

Matériels de transport

26 (24,6 %)

Habillement, cuir et chaussures

19 (27,3 %)

Machines industrielles et agricoles, machines diverses

19 (17,9 %)

Produits des industries agroalimentaires (IAA)

11,9 (16,7 %)

Produits chimiques, parfums et cosmétiques

13 (12,4 %)

Manufacturés divers

11,8 (16,6 %)

Produits des industries agroalimentaires (IAA)

13 (12,3 %)

Produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l'aquaculture

8,2 (11,6 %)

Source : commission des finances, d'après les données du ministère des affaires étrangères

Sur le plan financier, la France figure au quatrième rang des investisseurs étrangers en Moldavie. Selon l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, vingt filiales françaises sont présentes dans le pays. Le stock d'investissements français en Moldavie s'élevait à 124 millions d'euros en 2019. Selon les données de la direction générale du Trésor, environ 240 sociétés françaises étaient implantées en Moldavie en 2021, parmi lesquelles Orange, Sanofi, Lafarge ou Lactalis. Ces sociétés gèrent environ 4 000 emplois directs.

Réciproquement, il n'y a pas d'entreprise moldave implantée en France. Toutefois, des entreprises françaises ont pu être fondées par des ressortissants moldaves.

Les relations financières entre la France et la Moldavie portent également sur le plan de la politique de développement. Suite à la crise sanitaire, l'agression russe contre l'Ukraine a entraîné une crise à la fois humanitaire, avec un afflux de réfugiés ukrainiens dans le pays, et énergétique, avec une forte perturbation de ses approvisionnements. Le FMI a révisé à la hausse les besoins de financement de l'État moldave à 1,6 milliard d'euros pour 2022 et 2023.

Dans ce contexte, la France dirige avec l'Allemagne et la Roumanie la Plateforme de soutien à la Moldavie, qui vise à coordonner l'assistance internationale. Les conférences ministérielles de Berlin, en avril 2022, et de Bucarest, en juillet de la même année, ont permis de mobiliser 800 millions d'euros d'assistance financière. La conférence interministérielle de Paris en novembre 2022 a conduit au déblocage de 100 millions d'euros additionnels.

En outre, le mandat de l'Agence française de développement (AFD) a été étendu à la Moldavie afin d'apporter une réponse financière et humanitaire à ces difficultés.

L'intervention du groupe AFD en Moldavie

Le mandat de l'Agence française de développement (AFD) a été étendu à la République de Moldavie en juin 2021. Initialement cantonnée aux actions d'Expertise France, l'intervention du groupe AFD a été renforcée en février 2022 avec l'ouverture d'un bureau de l'AFD à Chisinau, capitale de la Moldavie.

Le mandat d'intervention de l'AFD en Moldavie cible l'adaptation du pays aux standards de l'Union européenne et aux objectifs de l'accord de Paris. Depuis février 2022, une grande partie de l'activité du groupe AFD vise également à soutenir financièrement l'État moldave dans sa réponse aux conséquences de la guerre en Ukraine.

Ainsi, depuis 2022, ce sont près de 172 millions d'euros qui ont été engagés en Moldavie par le groupe AFD qui se répartissent entre plusieurs secteurs.

Premièrement, en matière de transports, l'AFD soutient par un programme d'assistance technique la compagnie nationale de chemins de fer CFM afin de promouvoir le transport ferroviaire comme alternative à la route. Par ailleurs, l'AFD a accordé en 2022 un prêt budgétaire de politique publique à hauteur de 60 millions d'euros en cofinancement avec la Banque mondiale (150 millions de dollars) afin de soutenir la réforme du secteur ferroviaire et du secteur de l'énergie.

Deuxièmement, en matière énergétique, l'AFD fournit une assistance technique, en coopération avec le gestionnaire du réseau électrique français RTEi, afin d'assurer le rattachement de la Moldavie au réseau électrique européen. Jusqu'alors, la Moldavie demeurait largement dépendante de ses importations d'électricité depuis la Transnistrie. En outre, le prêt budgétaire de l'AFD susmentionné devrait permettre d'encourager le développement des énergies renouvelables.

Troisièmement, sur le plan humanitaire, l'État français a accordé, via l'AFD, un prêt de soutien budgétaire de 15 millions d'euros à l'État moldave pour assurer le bon fonctionnement des services essentiels, en premier lieu les dépenses sociales, à la population. De plus, l'agence assure, aux côtés de la Fondation de France, le financement à hauteur de 2 millions d'euros d'un consortium de trois ONG françaises (Solidarités International, Handicap International et Médecins du Monde) pour soutenir l'accueil des réfugiés venus d'Ukraine.

Quatrièmement, sur le plan financier, Proparco, filiale du groupe AFD dédiée au secteur privé, a accordé un prêt de 8 millions d'euros à l'institution de microfinance Microinvest. Cette dernière assure une activité de prêts à des micro-entrepreneurs et exploitants agricoles, dans un pays où le secteur primaire représente 15 % du PIB et 27 % des emplois.

Cinquièmement, concernant le développement de l'État de droit, Expertise France intervient, essentiellement sur financement européen, pour renforcer la transparence et moderniser le fonctionnement des institutions moldaves. À titre d'exemple, Expertise France met en oeuvre, en partenariat avec la Lituanie, un projet de soutien au système judiciaire (ETAAJS) et participe au projet Statistiques pour le partenariat oriental (STEP) visant à améliorer la qualité des données statistiques dans le pays.

Source : commission des finances d'après le rapport d'activité 2022 et le site internet de l'AFD


* 1 Banque Mondiale, Moldova Country Economic Memorandum, 2019.

* 2 Réponse du Ministère de l'économie et des finances à la question écrite n° 08323 - 15e législature, publiée le 3 octobre 2019.

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