EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 14 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 64 et 65).

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Les crédits de la mission demandés pour 2024 s'élèvent à 30,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).

Ces crédits, qui augmentent de 4,6 % par rapport à la loi de finances pour 2023, continuent de suivre une trajectoire dynamique. En effet, la mission a été fortement mobilisée ces dernières années. Ainsi, 4,4 milliards d'euros de dépenses pérennes ont été alloués en 2019 à la prime d'activité, pour répondre à la crise des « gilets jaunes ». Ensuite, une enveloppe d'environ 2 milliards d'euros a été consacrée au financement d'aides exceptionnelles durant la crise sanitaire. Enfin, la mission a financé l'indemnité inflation en 2021, à hauteur de 3,2 milliards d'euros. Cette année encore, la mission a été sollicitée dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion, puisque près de 100 millions d'euros seraient dédiés au soutien des associations d'aide alimentaire et des familles monoparentales.

Ce dynamisme jette le doute sur la crédibilité de la trajectoire définie par le projet de loi de programmation des finances publiques, selon laquelle les crédits de la mission ne doivent augmenter que de 5 % en termes réels à l'horizon 2027. Compte tenu des exercices passés, le respect de cette trajectoire dépendra probablement d'aléas conjoncturels.

Je commencerai par l'aide alimentaire qui, financée à hauteur de 142 millions d'euros, ne représente qu'une faible part des crédits de la mission, alors qu'elle constitue une politique vitale pour nombre de nos concitoyens, particulièrement en période inflationniste.

Cette année, la situation des associations d'aide alimentaire est particulièrement inquiétante. En effet, plus de 200 000 nouveaux bénéficiaires ont été accueillis alors que l'inflation alimentaire continue de peser sur les capacités des associations. À titre d'exemple, le budget d'achat de denrées des Restos du Coeur a doublé depuis début 2022. Or, les moyens mis à disposition par les pouvoirs publics ne sont pas suffisants. Pour 2024, la principale augmentation des crédits d'aide alimentaire résulte d'une hausse de 10 millions d'euros des crédits du programme « Mieux manger pour tous ! ». Or, si ce programme permet de mener des actions positives en termes d'amélioration de la qualité des denrées servies, il ne constitue pas un bon instrument de soutien conjoncturel. Des moyens supplémentaires devraient être alloués aux associations.

Ce budget témoigne aussi d'un renouvellement du partenariat, dans le champ des politiques sociales, entre l'État et les collectivités, en particulier les départements. Le pacte des solidarités, qui prend le relais en 2024 de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté de 2018, comporte un volet contractualisé avec les collectivités au moyen des pactes et contrats locaux des solidarités. Pour 2024, 190 millions d'euros sont budgétés à ce titre dans la mission, dont 53 % sont destinés à la contractualisation, au premier chef avec les départements. Certaines des recommandations que nous avions formulées l'an dernier sur le sujet en matière de contrôle budgétaire ont été suivies. Une place plus grande sera donc laissée aux initiatives locales et un financement pluriannuel est prévu pour améliorer la visibilité des départements.

Je suis loin de partager l'ensemble des orientations suivies par le Gouvernement dans sa politique de cohésion sociale et de solidarité. À titre d'exemple, je déplore que le soutien de l'État aux départements pour l'accueil des mineurs non accompagnés (MNA) diminue en 2024, comme tous les ans.

Néanmoins, en responsabilité et afin d'assurer le financement de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), je propose d'adopter les crédits de la mission.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - L'évolution de la mission comporte des points positifs, comme l'entrée en vigueur de la déconjugalisation de l'AAH début octobre 2023. Je salue à ce titre la belle mobilisation des associations. Nous avions appelé de nos voeux cette mesure et, désormais, les revenus utilisés pour calculer l'AAH ne prendront plus en compte ceux du conjoint. Ainsi, plus de 40 000 bénéficiaires verront leur allocation augmenter d'un montant moyen de 320 euros et 80 000 personnes exclues du bénéfice de l'AAH pourront la percevoir, à hauteur d'un montant moyen de 370 euros. De plus, aucun allocataire ne verra son AAH diminuer, grâce à une mesure de maintien du mode de calcul le plus favorable. Au total, le coût de la mesure serait de 83 millions d'euros en 2023 et de 500 millions d'euros en année pleine.

Les crédits destinés à financer la politique d'égalité entre les femmes et les hommes augmenteront également en 2024. Cette hausse résulte principalement de la création d'une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, qui fait suite à une initiative sénatoriale de Valérie Létard et s'inspire d'expérimentations locales menées notamment dans le département du Nord. La création de cette aide est très positive et nous l'avions soutenue. En effet, elle permet d'apporter une réponse aux femmes qui ne peuvent quitter leur conjoint violent faute de moyens financiers suffisants.

L'enveloppe de 13 millions d'euros prévue pour 2024 paraît faible et risque de ne pas suffire pour financer une aide de 607 euros par femme éligible. Le Gouvernement semble tabler sur un taux de non-recours important ou sur un faible montant de l'aide.

Toutefois, l'aide pourrait être modulée selon la situation des bénéficiaires. Surtout, elle pourrait prendre la forme d'un prêt remboursable par le conjoint violent, une fois que celui-ci est définitivement condamné. Si cette modalité de financement devait prédominer, cette aide pourrait se révéler utile, même avec des moyens modérés.

Les mesures d'application de la loi n'étant pas encore entrées en vigueur, il nous faut attendre pour porter un jugement définitif.

Si mon analyse et celle d'Arnaud Bazin convergent sur l'essentiel, j'opterai néanmoins pour un rejet des crédits de la mission, qui sont encore loin d'être à la hauteur des enjeux et restent en décalage avec la situation sociale du pays, dans le contexte d'inflation alimentaire persistante.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je souhaiterais revenir sur le sujet de l'aide alimentaire. J'ai échangé avec des représentants des Restos du Coeur au début du mois d'août et je dois encore m'entretenir avec les membres d'autres associations ce soir. Avez-vous recueilli des éléments expliquant les difficultés rencontrées ? Il ne s'agit pas seulement de l'inflation. En termes d'organisation, je crains que nous ne rencontrions des problèmes similaires à ceux qu'a posés la délivrance des titres sécurisés : nous sommes confrontés à des difficultés en matière de moyens. Il faut bien identifier les causes pour imaginer des solutions qui iront au-delà d'un premier abondement. Quelles pourraient-elles être ?

M. Rémi Féraud. - En dehors de ce qui est prévu pour l'AAH ou l'aide universelle d'urgence, la situation sociale du pays ne semble pas prise en compte. La politique de l'offre ne ruisselle pas dans cette mission et vous partagez tous les deux ce constat, même si vous n'adoptez pas la même position. Envisagez-vous de proposer un amendement d'abondement budgétaire pour l'aide alimentaire, l'augmentation prévue ne permettant pas de faire face aux besoins ?

M. Marc Laménie. - D'abord, je reviendrai sur la capacité des établissements accueillant des personnes en situation de handicap, notamment les établissements et services d'aide par le travail (Ésat). Dans mon département frontalier des Ardennes, on doit travailler en lien avec la Belgique pour faire face au manque de capacités.

Par ailleurs, avez-vous une idée approximative du nombre d'associations d'aide alimentaire travaillant aux niveaux national et local ?

Enfin, dans les territoires, on trouve des délégués aux droits des femmes dans chaque département, des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et quelques salariés se consacrant à ce sujet. Cependant, la tâche est immense et tout le monde n'est pas informé de la présence de ces relais, qui assurent aussi un lien avec la justice, la sécurité intérieure, les travailleurs sociaux, les collectivités territoriales et les associations. Le budget du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » s'élève à 76 millions d'euros, ce qui semble peu au regard de la tâche. Par ailleurs, il faut évoquer le volet important qui concerne les violences intrafamiliales, envers les conjointes, mais aussi les enfants. Quelles mesures financières pourraient-être déployées à ce titre ?

Mme Nathalie Goulet. - Il faut fournir un effort sur l'information relative aux diverses prestations et aides, y compris alimentaires, le taux de non-recours étant très important et préoccupant. Quelles sont vos propositions en la matière ? Comment utiliser ce budget pour améliorer l'information et réduire ce taux ?

M. Pascal Savoldelli. - La façon dont la question du financement du revenu de solidarité active (RSA) par les départements est traitée dans le cadre du pacte des solidarités me conduira à ne pas voter ces crédits.

En ce qui concerne les Restos du Coeur, ce que mentionne le rapport est juste : nous rencontrons un problème de subventionnement malgré l'engagement important de la France et de l'Union européenne (UE). Le problème semble irrésoluble : le coût des denrées pèse et, dans certains départements, il devient impossible d'être bénévole compte tenu du coût de l'énergie pour les déplacements des denrées. Sait-on combien de bénévoles sont encore engagés auprès des associations d'aide alimentaire ?

M. Didier Rambaud. - J'aimerais aussi comprendre le problème rencontré par les Restos du Coeur. J'ai visité la banque alimentaire de l'Isère qui fonctionne, même si la demande augmente. Pourquoi les Restos du Coeur font-ils face à ces difficultés de financement quand d'autres organismes de collecte n'y semblent pas confrontés ?

M. Grégory Blanc. - J'aurai deux questions concernant la transformation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté au travers de la mise en place du pacte des solidarités.

D'abord, la stratégie nationale comprenait la prise en charge des jeunes majeurs, avec une accentuation pour les départements qui le souhaitaient. Il s'agit d'un enjeu important, car il ne faut pas tuer les efforts fournis par les services de protection de l'enfance et éviter les mises à la rue. Comment est-ce intégré ? Un bilan a-t-il été réalisé auprès des départements ayant engagé cette démarche ?

Ensuite, la stratégie nationale comportait une carence puisqu'elle ne concernait que les personnes âgées entre 18 et 65 ans. Serait-ce possible d'envisager des actions en faveur des personnes âgées précaires ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Je commencerai par les causes des difficultés rencontrées par les associations d'aide alimentaire.

D'abord, l'inflation s'impose à tous et concerne les aliments, mais aussi l'énergie et les coûts logistiques. Ensuite, le nombre de bénéficiaires augmente fortement. Enfin, on observe une baisse des dons, puisque la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire incite les grandes surfaces à vendre à des prix plus bas les denrées proches de leur date de péremption. Les Restos du Coeur ont médiatisé leurs demandes, mais leurs difficultés sont partagées par les autres associations oeuvrant dans ce domaine. Un abondement sera probablement nécessaire et inévitable. L'Assemblée nationale a déjà voté quelques crédits supplémentaires et il n'est pas exclu que nous vous proposions un amendement avant la séance. Si l'abondement n'est pas prévu en loi de finances initiale, il adviendra en cours d'année, comme en 2023 et comme nous l'avions annoncé en 2022.

Les crédits de la mission augmentent tout de même de 4,6 %, ce qui est notamment dû aux 500 millions d'euros alloués à la déconjugalisation de l'AAH. Cette somme sera-t-elle suffisante ? Il nous faudra suivre ces dépenses pendant l'année. Il s'agit d'une mesure de justice, qui est très dépensière.

En ce qui concerne les Ésat, j'attire votre attention sur les mesures souhaitées par le Gouvernement, qui visent à rapprocher ces établissements du milieu ordinaire, dans le cadre d'une sorte de professionnalisation, ce qui présente des risques par rapport auxquels nous serons attentifs. Je ne suis pas certain que les travailleurs des Ésat pouvant rêver du milieu ordinaire soient très nombreux. S'agissant de la Belgique, un moratoire a été prononcé sur les orientations. Le Président de la République a évoqué 50 000 « solutions » nouvelles pour décongestionner les établissements français et dégager des places, mais rien ne s'est encore concrétisé. La situation est donc de plus en plus tendue. La condamnation des orientations en Belgique pour des motifs idéologiques et non pragmatiques peut s'avérer dangereuse, ce qui pourrait être en train de se vérifier. Pour les habitants du nord de la France ou de Paris, une orientation de leurs enfants en Belgique ne constituait pas forcément une mauvaise solution.

J'en viens à la question portant sur le nombre d'associations présentes sur le territoire et je serai bien en peine de répondre, tant elles sont nombreuses dans toutes les communes. Dans le premier rapport d'information que nous avions consacré à l'aide alimentaire avec Éric Bocquet en 2018, nous avions mentionné que l'apport financier représenté par tous les bénévoles oeuvrant à l'aide alimentaire s'élevait à environ 500 millions d'euros. Il s'agit d'un modèle typique de notre pays, particulièrement efficace, qui repose sur un engagement de nombreux citoyens dans un lien social précieux. Nous sommes très attentifs à la préservation de ce modèle.

Enfin, je ne peux répondre à la question de savoir si l'aide alimentaire donne lieu à un taux de non-recours particulier, puisqu'il s'agit de prestations diffuses, présentes sur tout le territoire. Cependant, la distribution de l'aide s'effectuant au plus près des communes, en lien avec les centres communaux d'action sociale (CCAS), elle est plutôt bien connue de nos compatriotes. Certains, par fierté, pudeur ou dignité, se refusent à solliciter cette aide le plus longtemps possible, mais, sous la pression de la nécessité, ils sont nombreux à franchir le pas. Ainsi, nous comptons 200 000 bénéficiaires supplémentaires et en tout 7 millions de personnes sont concernées.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - En ce qui concerne l'aide alimentaire, l'Assemblée nationale a effectivement voté un abondement de 20 millions d'euros, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion. Cependant, je rejoins Arnaud Bazin sur l'idée qu'il nous faut soutenir ici un amendement ; cela semble indispensable.

J'en viens à la notion de non-recours, qui concerne de nombreuses prestations et n'est pas spécifique à cette mission. L'aide universelle d'urgence apparaît comme une bonne idée, mais on semble compter sur les non-recours pour calibrer le montant des crédits. Il nous faudra nous montrer vigilants sur la mise en place de cette disposition. De façon plus générale, les taux de non-recours ne diminuent pas, ce que certains pourraient interpréter comme un non-besoin, alors qu'il s'agit d'un problème d'information, de complexité des dossiers et parfois de dignité. Il nous faut avancer sur ce sujet.

L'expression 50 000 « solutions » reprises par le Président de la République ne me convient pas vraiment ; ce sont des places qui manquent. Certes, on peut aussi avoir recours à l'accompagnement en milieu scolaire, mais nous connaissons les difficultés que rencontrent les communes pour recruter les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et le nombre d'heures qu'il faut pour intégrer les élèves en situation de handicap en milieu ordinaire.

Les différents dispositifs couverts par cette mission s'appuient beaucoup sur les bénévoles. Pour n'en citer que quelques-unes, les Restos du Coeur en comptent 73 000, l'Association nationale de développement des épiceries solidaires (Andes) 10 000 et la Croix-Rouge 21 000, ce qui représente plus de 100 000 bénévoles engagés au quotidien pour permettre le fonctionnement de ces associations.

Nous avons du mal à avancer sur le droit des femmes. On ressent dans les associations oeuvrant dans ce domaine un certain sentiment de faiblesse par rapport à l'administration centrale et des difficultés à se faire entendre.

Enfin, en ce qui concerne le RSA, le pacte des solidarités ne saurait remplacer une compensation juste des charges transférées par l'État aux départements depuis des années. L'Assemblée des départements de France (ADF) a demandé que les revalorisations récentes du RSA soient compensées pour le département. À ce jour, elles n'ont pas été entendues. Pour le département du Nord, très sensible à cette situation, ces dépenses représentent des centaines de millions d'euros et déstabilisent les budgets.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Je voudrais répondre à Didier Rambaud sur la question des Restos du Coeur : ils sont un peu plus touchés que les autres associations parce qu'ils achètent une grande partie de leurs denrées, alors que les autres se reposent davantage sur les aides européennes ou les dons. Cependant, toutes rencontrent des difficultés du même ordre.

En outre, l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire concerne de plus en plus les classes moyennes et, dans certaines associations, 60 % des demandeurs sont titulaires d'un contrat à durée indéterminée (CDI).

Enfin, l'augmentation du budget pour le droit des femmes est uniquement due à l'aide universelle d'urgence. Le montant de 13 millions d'euros est tout à fait insuffisant pour la France entière et la mise en place de la mesure se traduira probablement par des expérimentations menées dans quelques départements, à moins qu'un abondement ne soit prévu en cours d'année.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 64

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - L'article 64 vise à permettre aux personnes bénéficiant de l'AAH de ne pas cesser de percevoir cette allocation s'ils décident de continuer à travailler après l'âge de la retraite.

Comme les autres minima sociaux, l'AAH est attribuée sur conditions de ressources et constitue une prestation « subsidiaire ». Ainsi, l'allocation n'est pas versée si la personne concernée bénéficie d'un autre revenu plus élevé. À ce titre, les allocataires prenant leur retraite en perdent le bénéfice au moment où ils perçoivent leur pension, sauf si le montant de cette dernière est plus faible que celui de l'allocation, soit 971 euros par mois. Dans ce dernier cas, ils reçoivent une fraction de l'AAH pour compléter leur pension dans la limite de 971 euros mensuels.

En l'état du droit, le bénéfice de l'AAH est perdu au moment de l'âge d'ouverture des droits à la retraite. Si l'allocataire souhaite continuer à travailler plutôt que de liquider ses droits, il perd le bénéfice de l'AAH, même si ses revenus professionnels sont très faibles. Ainsi, la législation actuelle ne laisse pas aux personnes handicapées le même libre choix dans leur parcours de vie qu'au reste de la population.

Cette situation ne paraît pas acceptable et le présent article prévoit que le bénéfice de l'AAH puisse être maintenu pour les personnes qui continueraient à travailler. Il s'agit donc d'une mesure incontestablement positive. Toutefois, il nous paraîtrait utile de l'étudier de manière plus approfondie afin d'en améliorer la rédaction, le cas échéant. Nous proposons d'adopter cet article sans modification, sachant que nous proposerons peut-être un amendement rédactionnel.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 64.

Article 65

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - L'article 65 vise à maintenir le versement de la majoration pour la vie autonome (MVA) et du complément de ressources pour les personnes perdant le bénéfice de l'AAH à la suite de la réforme des retraites.

Depuis 2005, les bénéficiaires de l'AAH peuvent prétendre dans certaines conditions à deux allocations complémentaires, qui ne sont pas cumulables. Il s'agit de la MVA d'une part, dont le montant est de 104 euros mensuels et qui permet de favoriser l'accès à un logement autonome pour les personnes en situation de handicap et, d'autre part, du complément de ressources de 179 euros mensuels, qui vise à compenser l'absence durable de revenus d'activité si une personne est dans l'incapacité de travailler du fait de son handicap. Ce complément de ressources a été supprimé dans la loi de finances pour 2019, mais les titulaires de droit ouverts avant cette date en conservent le bénéfice pendant dix ans ; certaines personnes handicapées bénéficient donc encore du complément de ressources.

L'état du droit est le suivant : l'AAH étant une allocation subsidiaire perçue sur conditions de ressources, lorsque la pension de retraite d'une personne en situation de handicap est inférieure au montant mensuel de l'AAH, soit 971 euros, cette personne perçoit une fraction de l'AAH pour compléter sa retraite, dans la limite de 971 euros par mois. Or un allocataire qui se voit verser ne serait-ce qu'un euro d'AAH conserve le droit aux prestations complémentaires que sont la MVA et le complément de ressources. Si le montant d'AAH passe à zéro, l'allocataire perd le bénéfice de ces prestations.

Dans ses articles 18 et 19, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 portant réforme des retraites dispose que les petites retraites sont majorées de 1 200 euros par an, soit 100 euros par mois. Cette revalorisation a eu pour effet de majorer certaines petites pensions au-delà du montant de l'AAH, privant ainsi les personnes concernées de cette allocation, mais aussi de la MVA et du complément de ressources.

L'objet du présent article est de permettre aux personnes handicapées retraitées ayant ainsi perdu le bénéfice de l'AAH de continuer à bénéficier de la MVA ou du complément de ressources. Il s'agit d'une mesure bienvenue, qui évite les effets de seuil pour les personnes en situation de handicap dont la pension de retraite est faible. Nous recommandons à la commission de proposer l'adoption de cet article sans modification.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 65.

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », de même que d'adopter, sans modification, les articles 64 et 65.

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